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EAN : 9782940431991
184 pages
La Baconniere (22/11/2019)
4/5   2 notes
Résumé :
En avril 1923, Karel Čapek démissionne du poste de dramaturge qu’il occupait depuis octobre 1921 au Théâtre municipal de Vinohrady et part aussitôt en vacances en Italie pour se refaire une santé. Son séjour dure près de huit semaines. On est au tout début de l’ère fasciste et c’est son premier voyage en Italie. Durant son périple, Čapek adresse à son journal quinze lettres, qui sont publiées en feuilleton, au fur et à mesure. Sur la base de celles-ci, il ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ici comme dans ma critique précédente il y a un souci d'ISBN et la couverture n'est pas celle que je commente. Dommage. La trouver ici : https://www.lalibrairieniort.com/livre/14845423-lettres-d-italie-karel-capek-la-baconniere
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Il n'est sans conteste pas facile pour moi de commenter « Lettres d'Italie ». Je me trouve en effet dans la position somme toute peu enviable qui sait que son opinion ne sera partagée par quasiment personne. Je vais donc tenter de présenter d'une part mon point de vue très personnel et d'autre part un avis plus neutre.
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Je voudrais d'abord, plus vivement encore que d'habitude, remercier les éditions La Baconnière pour m'avoir offert cette masse critique. Cet ouvrage, pour paraître, a bénéficié d'une subvention du fonds de soutien à la publication de la littérature tchèque en traduction accordée par le ministère de la culture de la République tchèque. Cet éditeur bénéficie par ailleurs du soutien de la République et canton de Genève ainsi que d'une prime d'encouragement de l'Office fédéral de la culture 2020). Je précise ce qui précède pour indiquer que cet ouvrage n'a clairement pas pour objectif d'être vendu à 1 million d'exemplaires. le fait qu'il parvienne jusqu'à moi me semble même fort heureux. Je remercie au passage aussi Laurent Vallance, le traducteur en français de ce livre.
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L'objet livre m'a beaucoup plu. En effet sa couverture cartonnée, souple et non plastifiée, m'a rappelé de nombreux ouvrages hérités de ma grand-mère. Cela en fait sans conteste un objet plus facile à tacher que la moyenne, mais il a le grand mérite de ressembler à un ouvrage de l'époque de l'auteur. de la même façon l'image de couverture est un détail du tableau « martyr de Saint-Sébastien » datée de 1498 (Luca Signorelli). C'est bien entendu parfaitement adapté au sujet ; un voyage culturel en Italie. Mais ce détail, en même temps très graphique, fait immédiatement penser à l'art nouveau comme à son glissement progressif à l'époque vers l'art déco et contextualise ce propos dans son époque comme dans la Bohême. Ce choix, en plus d'être très esthétique, est donc particulièrement habile. Pour indiquer à quel point le travail réalisé a été sérieux je pense qu'il suffit de dire que le texte d'une centaine de pages est accompagné de 60 pages de notes diverses destinées à en permettre la parfaite compréhension. Enfin plusieurs pages blanches, à la fin de cet ouvrage, nous permettent aisément de pouvoir prendre des notes. L'ensemble est d'une très grande qualité, parfaitement pensé et montre une grande érudition. Tout est fait pour que le lecteur puisse profiter au maximum de la découverte de cet ouvrage.
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J'ai une très grande admiration pour Karel Čapek. Cet homme est, avec son frère, l'inventeur du mot robot. En 1922 il a écrit le roman « La fabrique d'absolu », très novateur, où il s'attaque entre autres à l'intégrisme religieux. Son oeuvre est déjà très satirique. En 1936 il publie son ouvrage le plus connu, « La guerre des salamandres ». Ce roman est l'une des dystopique les plus célèbres du XXe siècle. Elle est aussi une critique féroce des travers de son époque, une oeuvre touffue, complexe, d'une grande richesse et profondément imaginative. Elle comprend une critique virulente et drolatique du nazisme. Son ironie, à la fois souriante et féroce par rapport à divers travers de notre espèce, en font un ouvrage à la fois daté et humaniste du plus grand intérêt et un témoignage historique majeur. Cet homme mourra en 1938 d'un oedème pulmonaire quelques mois avant l'invasion de son pays. Il était alors le troisième sur la liste de la Gestapo des personnes à arrêter en priorité. Son frère n'aura pas cette chance relative et mourra au camp de Bergen-Belsen en avril 1945. Pour en revenir aux oeuvres de Karel Čapek, après avoir été brûlées par les nazis elles furent interdites par les communistes car anti totalitaires.
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J'étais donc très curieux de découvrir ces lettres d'Italie, publié en 1923. Elles furent à l'époque un relatif succès d'édition, déjà sans doute parce que l'auteur était connu. Depuis elles ont lentement sombré dans l'oubli. Je suis par ailleurs amoureux de l'Italie en général et de ses arts en particulier. J'espérais de cet ouvrage deux choses principales. Je voulais d'une part un peu mieux comprendre qui était l'auteur, et d'autre part profiter de son regard particulier sur les beautés artistiques de l'Italie. Dans les deux cas j'ai été pleinement satisfait. J'ai, en outre, été ravi de découvrir plusieurs phrases que j'ai trouvé saisissantes. Je voulais vous offrir ici quelques extraits choisis :
-« Je sais maintenant pourquoi je suis si remonté contre la beauté vénitienne. Il n'y a à Venise que des palais et des églises ; la maison de l'homme ordinaire n'est tout simplement rien. Nue, exiguë et sombre, sans corniche, sans petit portail ou colonnette pour la rythmer, puante comme une dent gâtée, n'ayant de pittoresque que son exiguïté de terrier, elle ne témoigne pas du moindre besoin de beauté. Rien ne vous réjouit quand vous vous promenez, ni le joli profil une frise, ni l'encadrement d'une porte, qui voudrait vous accueillir : c'est pauvre mais sans aucune vertu. de fait ses 100 ou 200 palais, ce n'est pas de la culture, mais juste de la richesse, ce n'est pas la vie dans la beauté, c'est de l'ostentation. Et ne me dites pas que c'est à cause du formidable manque de place ; c'est à cause d'une formidable nonchalance. »
- « Et j'affirme maintenant qu'ici le christianisme est mort au sud avec le style roman, au nord avec le gothique. Avec la pleine Renaissance et surtout avec le baroque, commence quelque chose de nouveaux et somme toute d'antipathique : le catholicisme. le christianisme ne peut nous parler que dans la langue primitive, sévère et sainte des premiers styles : il est grave, pur et plutôt simple. En comparaison la renaissance est païenne et le baroque, bigot, fétichistes, en un mot catholique. Culturellement c'est frappant : il y a là quelque chose de plus bas, par rapport à la pureté religieuse originale. Toute cette pompe folle, les marqueteries de marbre, les brocards, les stucs, les ors, les hôtels à pinacle, toute cette froide magnificence, religieusement parlant, est loin de vous dire le millième de ce qu'exprime, avec une gravité et une pureté sans égal, la chapelle de Giotto. »
- « le style, c'est tout, c'est plus que l'homme, car c'est par le style que l'homme atteint directement l'absolu. »
- À propos de Palerme : « C'est pourquoi la langue humaine est incapable d'exprimer les parfums et les puanteurs. Mêlez le jasmin, le poisson pourri, le fromage de chèvre, l'huile rance, les effluves des hommes, le souffle de la mer, l'essence d'orange et l'odeur de chat, et vous obtenez, dilué 10 fois, ce que l'on respire dans l'une des rues du port. Sans oublier les langes d'enfants, les légumes pourrissants, le crottin de chèvre, le tabac, la poussière, le charbon de bois et la pommade. Ajoutez encore le bois pourri, les eaux sales, le linge mouillé et la vieille huile de friture. Et le compte n'y est toujours pas. C'est inexprimable. Les beautés et les étrangetés du monde sont inexprimables.
- « Tu étais au bord des larmes sur la plage de Rimini, envahi d'une terrible nostalgie pour tout ce qui existe sur terre, tandis que les vagues, venaient l'une après l'autre s'échouer à tes pieds et y déposer leur écume irisée, n'y laissant que de la bave et de la vase, et que tu ramassais des coquillages en te remémorant tout ce qui était et ce qui avait été. »
- « Et croyez-moi nous ne comprendrons jamais la disparition de l'Antiquité superbe, tant que nous ne trouverons pas assez de vertu dans la simplicité de l'époque qui l'a dépassée. »
J'ai eu le plaisir de découvrir chez cet homme le démocrate nationaliste, l'homme de préjugés, l'individu parfois étroit et partial mais qui l'assumait. J'ai réellement l'impression d'avoir mieux compris qui était cet écrivain fascinant. Revisiter, grâce à lui, l'Italie que j'aime ainsi que de nombreux chefs-d'oeuvre picturaux et architecturaux, avec 1 siècle d'écart, m'a passionné. Enfin nous partageons le même amour pour la campagne italienne, que ce soit l'incontournable Toscane où l'Ombrie. Comme j'aurais aimé lire ses pages sur les Dolomites ou sur les Grands Lacs italiens !
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Vous l'aurez compris, j'ai profondément aimé cet ouvrage et je ne l'échangerais pas contre l'ensemble des oeuvres de Musso et d'Amélie Nothomb réunies. Inutile de me proposer d'ajouter Fregni et Werber, la réponse est toujours négative, n'insistez pas ! Pour autant je sais parfaitement que la plupart des personnes mettront au maximum une étoile à ce livre si toutefois elles ont la curiosité, après avoir eu la chance de le croiser, de le feuilleter. Et je peux parfaitement les comprendre. Je ne conseillerais déjà pas ce livre à quelqu'un qui ne connaît pas très bien l'Italie, dans la diversité de ses villes, de ses églises, de ses époques artistiques, de ses collines... Dès lors que le sujet abordé est inconnu l'intérêt d'un regard original et ancien risque d'être pour le moins faible. Une partie du plaisir de la lecture est d'accompagner l'auteur dans des lieux qui nous évoquent intimement quelque chose.
Il est stimulant aussi de mettre en abîme deux aspects. le premier est de comparer l'Italie au début du XXe siècle et au début du XXIe siècle. C'est amusant de noter à la fois à quel point les différences sont considérables et à quel point d'une certaine façon l'âme de ce pays n'a pas du tout changé. le second aspect consiste, de la même façon, à mettre en perspective ce que le touriste du XXIe siècle que chacun de nous peut être a ressenti dans tel ou tel lieu par rapport à ce que pouvait écrire un européen tchèque cultivé de l'entre-deux-guerres devant le même tableau, la même église, le même paysage ou le même spectacle de rue. Les lieux et les époques pèsent sur nos façons de voir et c'est ici très sensible, donc intéressant intellectuellement et affectivement.
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Je voudrais terminer cette critique en me réjouissant sans mélange du fait que certains livres, comme ici, peuvent encore échapper totalement à la logique commerciale. Ils ne prétendent à aucun élitisme par ailleurs, ils s'adressent juste un public très particulier et restreint qui va avoir alors le bonheur de pouvoir les rencontrer et en profiter pleinement. Combien d'autres supports culturels peuvent nous offrir cette même incroyable diversité ? Merci donc à tous ceux et à toutes celles qui, par le livre ou par d'autres supports, défendent la vision d'une culture à la fois protéiforme et ouverte à tous, non en recherchant le plus petit dénominateur commun mais en proposant au contraire des produits de qualité assez divers pour que chacun d'entre nous puisse trouver son bonheur et une façon de s'enrichir.
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Je passe après lanard et LaSalamandreNumérique, qui ont à peu près tout dit sur ces Lettres d'Italie, et me voilà bien embêtée, d'autant que :
1) Je n'avais encore jamais lu Čapek de ma vie, malgré les tas de promesses que je me suis faites durant ces dernières années
2) Je ne suis jamais allée en Italie. Enfin, c'est pas tout à fait exact. Je suis allée vers l'âge de 12 ans dans une petite ville-frontière des Alpes italiennes le temps d'un après-midi, que j'ai passé à manger des glaces italiennes (une découverte marquante ; quand je pense qu'on nous fait passer pour des glaces italiennes ces cochonneries tortillonnées... Mais passons.) le seul autre souvenir que j'en ai, c'est qu'il y avait à côté du marchand de glaces un imposant bâtiment qui m'avait paru très laid et qui abritait une banque, et aussi que la ville était moche.


Tout ça pour dire que je ne partais pas avec tous les atouts en poche pour apprécier à sa juste valeur ces lettres que Čapek a adressées en 1923 au journal Lidove noviny pendant la durée de son voyage en Italie ; l'idée de départ, pour moi, c'était d'apprendre un peu à connaître Čapek.


Alors, est-il nécessaire de connaître Čapek et l'Italie pour lire ce feuilleton journalistique publié plus tard en recueil ? Pour ce qui est de l'auteur, je ne suis pas certaine que ça change grand-chose. Pour ce qui est du pays, c'est certainement beaucoup plus plaisant si l'on retrouve, à travers ce voyage, des villes, des oeuvres d'art, des paysages que l'on a soi-même vus sur place. Je suis forcément passée à côté de tout ce qui relève des réminiscences et de la nostalgie. Ce qui m'a permis en revanche de compenser mes lacunes, c'est mon intérêt pour l'histoire de l'art. C'est tout de même plus sympa de savoir qui sont les peintres auxquels se réfèrent Čapek ; le livre est bien annoté, mais j'imagine que c'est un calvaire que d'aller regarder les notes à chaque fois qu'un artiste est mentionné.


Toujours est-il que l'intérêt principal que j'ai trouvé à ces Lettres d'Italie, c'est l'humour de l'auteur et le décalage qu'il y instille sciemment avec les sempiternels discours des touristes et de leurs guides (le fameux Baedeker est d'ailleurs pris à parti) de 1923 - et d'aujourd'hui. Naples, c'est de l'arnaque. Venise, ouais, bof. Les ruines antiques, ouais, bof. Et le baroque, quelle horreur !!! Čapek utilise le terme à foison : baroque par-ci, baroque par-là, ceci est baroque, cela aussi. Il n'a aucune considération pour le baroque tel que défini par l'histoire de l'art. Est baroque ce qui est déplaisant, lourd, chargé, énervant. Tout ce qui est baroque n'est pas à jeter, mais il y a baroque et baroque, et souvent le baroque déplaisant se fait plus insistant que l'autre. de même, il existe pour Čapek un gothique beau et sobre, et un "gothique courroucé" (dans la traduction française), et ainsi de suite. La Renaissance en prend aussi pour son grade. Et puis il y a Giotto, qui est le plus grand de tous, mais finalement Čapek lui préfère Cimabue, mais non c'est Giotto qui dépasse tout le monde, sauf que Mantegna est le préféré de Čapek, et en fait non, on en revient à Giotto.


Et puis encore, il y a ces petits moments qui feront de toute façon écho chez tout un chacun : ce peut être les descriptions de petites scènes ordinaires, les images des rues encombrées, du linge étendu. Pour moi, ça été surtout deux choses. La consternation de Čapek voyant les palais transformés en banques, banques qui pullulent un peu partout selon lui - Ah ! Ah ! Ah !!! Mais c'est la description de ma ville, ça, et de toutes les villes françaises d'aujourd'hui ! Et l'évocation du mélange d'odeurs de fleurs, de poisson pourri, de fromage, de linge mouillé, de langes d'enfants, de crottin, de légumes pourris et d'huile rance - entre autres parfums - à Monreale. Et Čapek de conclure le chapitre sur Monreale ainsi : "Les beautés et les étrangetés du monde sont inexplicables".



Masse critique Littératures
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Après les Lettres d'Angleterre, Les éditions La Baconnière publient Lettres d'Italie, le tout premier récit de voyage que Karel Capek ait publié. C'est lors d'un congé sabbatique (en 1923 il venait de démissionner d'un poste de dramaturge dans un théâtre) qu'il entreprend ce voyage dont la première relation a paru en feuilleton. Si avant ces Lettres d'Italie vous aviez lu les Lettres d'Angleterre dans lesquelles Capek vous régale d'un humour en parfaite harmonie avec son sujet d'observation, vous vous attendrez avec ce voyage au pays de Michelangelo et de Pirandello à la réjouissante alacrité d'un Lawrence Sterne dans le Voyage sentimental.
Or l'Italie où Capek a voyagé est un pays qui vient d'entrer sur la voie du fascisme. Il évoque très peu celui-ci mais on se demande si à travers le dénigrement de l'esprit baroque qu'il reprend tout le long du récit, ce ne sont pas les rodomontades fascistes qui sont visées.

Ces lettres composent une vision binoculaire de l'Italie dont la profondeur est donnée par le décalage entre la très grande érudition de l'auteur et la culture convenue du Beadecker qu'il semble n'avoir jamais lâché durant son séjour.

On ne sait pas trop la confiance qu'il faut donner au paragraphe liminaire de l'introduction ; "Avant mon départ, de bons amis m'avaient envoyé de gros livres sur l'histoire italienne, la Rome antique, l'art en général et d'autres sujets, en me conseillant vivement de tout lire. Je n'en ai rien fait, malheureusement, et ce petit livre est le résultat de ma négligence." S'il n'en a rien lu c'est probablement qu'il était déjà bien trop versé dans tous ces sujets là. Car ses pérégrinations italiennes sont truffées d'histoire de l'art jusqu'à saturation. Et il en semble lui-même le premier agacé.

Par ailleurs, il ne fait pas de doute qu'un esprit aussi prévenu contre les idéologies, qu'un homme qui avait anticipé très tôt les dérives tant nazies que communistes, avait bien identifié la nature du nouveau régime italien. En moquer les outrances lui eût été facile. Il trouva plus fin d'en esquisser une généalogie à travers une réinterprétation non conventionnelle de l'histoire de l'art.

En effet, Karel Capek développe une conception personnelle du baroque en assumant l'anachronisme qui le lui fait remonter à la Rome des Césars : pour lui, le gigantisme du Colisée relève du baroque au même titre que la pompe catholique de la Contre-Réforme. Admirateur enthousiaste de Giotto, Karel Capek s'agace du génie d'un Michelangelo dont il admire la maîtrise artistique aboutie tout en étant navré de ses démonstrations de force.

À ce baroque, perversion d'un art asservi au pouvoir des Princes, Karel Capek oppose un art contemplatif et humble; un art populaire dont il fait remonter la généalogie aux étrusques qu'il oppose aux Romains.
Il y a dans ce livre comme un échos inversé aux Regrets de du Bellay ; car quand celui-ci regrette la grandeur déchue d'une romanité fantasmée, l'autre s'éfare des fantasmes d'un pouvoir dont l'âpreté prend le masque populiste de la vertu. Au fantasme de la grandeur Antique, Karel Capek oppose la simplicité rustique et à ceux qui ne retiennent des siècles qui la suivirent que l'obscurantisme borné qu'on leur prête il affirme (p.94): "Et croyez-moi, nous ne comprendrons jamais la disparition de l'Antiquité superbe, tant que nous ne trouverons pas assez de vertus dans la simplicité de l'époque qui l'a dépassée."
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Disons la vérité : la beauté de Naples, c'est un peu une arnaque. Naples n'est pas belle, sauf si vous la regardez de loin. De loin, elle s'étend dorée au soleil. La mer est bleue, autant que vous pouvez l'imaginer : ici devant, un joli pin ; ce bleu là-bas, c'est Capri ; le Vésuve exhale un morceau de ouate blanche : Sorrente au loin brille comme un sou neuf : Dieu que c'est joli. Puis arrive le couchant, tout bleuit et surgissent de petites lumières. Voilà maintenant tout un demi-cercle de petites étincelles, et un bateau s'avance sur la mer, brillant de lumières vertes, bleu et or : Dieu, que c'est joli ! Mais entre dans la ville, mon gars ; marche dans les rues, jette sur tout un regard tchèque et réjouis-toi comme tu peux de cette vie colorée : bientôt, tu en seras un peu écœuré.

Le peuple de Naples
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Sienne est une petite ville extraordinairement mignonne, sise sur trois petites collines, et souriante, qu'une pluie tiède lui coule le long du dos ou que le soleil brille. Elle possède quelques monuments célèbres, mais elle est tout entière un agréable monument ancien. Rien que du bon gothique en brique, sage, avec juste quelques pépites du début de la Renaissance. Mais ce n'est ni du gothique courroucé et guerrier, ni de la Renaissance de fortification, dure et imprenable, genre Palais Strozzi : tout est en quelque sorte intime, plus gai, plus gracieux qu'ailleurs.

Sienne, Orvieto
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Il y a des gens qui ont un rapport inné à l'Antiquité (certains même ont un rapport avec elle), et d'autres qui l'acquièrent après coup. Dans ce cas, cela se passe à peu près comme suit. Quand ils entrent pour la première fois dans un grand dépôt d'art antique, par exemple au musée du Vatican, au musée des Thermes ou au musée de Naples, ils s'attardent d'abord pieusement devant chaque statue en murmurant avec enthousiasme quelque citation classique, par exemple « Cæsar pontem fieri jussit ». Au bout d'une demi-heure, ils pressent le pas, imperceptiblement. Au bout d'une heure, ils traversent les salles suivantes à une allure soutenue. Et quinze minutes plus tard, ils voudraient bien avoir une bicyclette.

L'Antiquité
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Ah ! Le plus beau et le plus illimité en ce monde, ce ne sont pas les choses, mais les moments, les instants, les secondes insaisissables.
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En bas, un troupeau de chèvres rumine (elles ont le visage de ladies anglaises), tandis qu'un petit gars les trait en les encourageant de ses cris.
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