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EAN : 9782220095516
196 pages
Desclée de Brouwer (03/10/2018)
4.22/5   16 notes
Résumé :
Si c'est au nom d'un futur toujours meilleur que le monde a été transformé en un chantier permanent, nous sommes arrivés à un stade où le rapport entre les bénéfices du « développement » et ses nuisances s'avère de plus en plus défavorable. La perte de confiance dans le progrès doit alors être compensée par une inflation de ce qu'il est censé apporter : plus le monde va mal et menace de s'écrouler, plus il faut abreuver les populations de promesses exorbitantes.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Les passions peuvent naître sans crier gare. A quiconque me dit : « je n'ai aucune passion » je réponds « laisse la passion t'avoir ». Ainsi Olivier Rey découvrit un jour sur wikipédia qu'il était spécialiste des questions du transhumanisme. Ce n'était pas le cas mais bientôt, il fut invité à plusieurs reprises à s'exprimer à ce sujet. Ainsi la passion vint à lui.


Olivier Rey ne s'intéresse pas au contenu manifeste du transhumanisme. Les petites puces dans les bras ou les machins qui clignotent, qui vibrent, qui clapotent, qui enregistrent, qui décryptent, qui déclament, qui explosent, qui contrôlent, qui analysent, qui robotisent – suffit d'un bon verre d'eau sur les puces pour les griller. le pseudo-matérialisme des scientifiques cache un profond idéalisme qui semble tout ignorer des réalités pragmatiques de la vie sur terre. Les scénarios pour le futur de ces no-life témoignent de leur trop grande imbibation à la sf et aux comics et e leur négligence des besoins énergétiques réels qu'impliquerait leur rêve d'une cyborgénisation du monde. Citons rapidement Jean Vioulac à ce sujet :


« C'est là toute la niaiserie des cyberprophètes, qui n'interrogent jamais l'infrastructure économique de leur mégamachine, dont l'abstraction dissimule l'énorme quantité d'énergie et de matière dont elle a besoin pour se produire et se reproduire. de ce point de vue, Matrix, le film des Wachowski, est plus lucide que tout ce qu'a pu écrire Teilhard de Chardin, puisqu'il reconnait que la Singularité technologique a besoin d'énergie, et que sous l'empire de l'esprit global, les hommes ne deviennent pas des anges, ils deviennent des piles. »


Olivier Rey recueille donc ma plus entière sympathie lorsque je le vois n'accorder aux scénarios transhumanistes les plus piqués des hannetons qu'une forme vague d'indulgence, de celle qu'un adulte accorde aux divagations d'un enfant sur le métier qu'il exercera plus tard. « Les promesses transhumanistes ne sont pas destinées à se réaliser. Mieux vaut donc ne pas perdre son temps à s'émerveiller ou à s'épouvanter du futur qu'elles dessinent. » Toutefois « leur véritable nocivité est ailleurs : elle réside dans leur faculté à captiver l'esprit, à le divertir de ce dont il devrait se soucier. Pour faire face à qui nous attend, l'urgence serait de diminuer notre dépendance à la technologie. »


Quelles sont les raisons qui conduisent l'homme d'aujourd'hui à (s'imaginer) désirer les promesses du transhumanisme ? La structure économique bien sûr qui l'agrippe si bien dans son travail de consommateur qu'il croit n'avoir pas d'autre moyen de justifier son travail de pseudo-producteur que d'acheter les nouveaux trucs. Mais si « assurément, les intérêts économiques qui soutiennent la diffusion de l'idéologie transhumaniste sont massifs et d'une importance décisive », « pour autant, ne voir dans le transhumanisme qu'une superstructure au service d'une infrastructure économique serait une erreur. Est-ce le marché qui en appelle à l'imaginaire et au pulsionnel pour mieux assurer son emprise, ou bien sont-ce l'imaginaire et le pulsionnel qui en appellent au règne du marché, dans l'espoir de se satisfaire ? »


C'est à ce point de son discours qu'Olivier Rey commence vraiment à bien me plaire puisque, sans s'en recommander, il adopte une démarche psychanalytique en inversant les termes du rapport du sujet au monde : fini de se plaindre du monde qui persécute le sujet – voyons plutôt en quoi le sujet crée un monde uniquement pour avoir la jouissance de pouvoir s'en plaindre. L'inconscient qui opère en ce domaine mérite une approche philosophique : il désignera la partie de notre univers symbolique qui est considérée comme évidente dans le sens où elle forge l'ensemble des habitudes morales et intellectuelles de l'humanité. Olivier Rey choisit d'étudier principalement la coupure qui s'est lentement produite à la fin du Moyen Âge, dans le passage du paradigme religieux au paradigme scientifique. Il ne nous invite pas à revenir au « monde d'avant » dans une énième utopie idéaliste mais à rétablir un rapport de plus grande sympathie avec la simplicité naturelle afin de permettre « une connaissance qui ne serait pas au service d'un « faire » » mais une connaissance qui « aiderait les hommes à comprendre leur situation dans le Tout du monde ». Nous parlons ici d'humilité.


Si Olivier Rey considère ainsi que les fantasmes transhumanistes ont peu de chance de donner consistance à une nouvelle forme de société et d'humanité, la volonté cependant de cheminer en cette direction n'est pas seulement fantasmatique, et donc dénuée d'effet. Elle s'accompagne au contraire d'une transformation profonde des discours dans leur visée à permettre l'avènement de nouvelles croyances sur lesquelles s'établissent de nouvelles contraintes. C'est en prenant conscience de l'artificialité de ces discours – en les comparant à ceux, plus dignes, quoique sans être jamais parfaits, qui ont soutenu l'humanité des temps antérieurs – que nous pourrons en reconnaître l'accidentalité, les destituant ainsi du pouvoir imaginaire qu'ils tentent d'imposer. Sans quoi les effets du transhumanisme, quand bien même celui-ci n'aboutirait jamais dans sa forme la plus achevée, risqueraient bien d'être réels. Nous commençons d'ailleurs à le percevoir depuis une paire d'années.


C'est en refusant d'abord d'accorder le moindre crédit au projet transhumaniste dans sa forme achevée (cf. Lacan « l'homme est un bon à rien, même pas capable de se détruire ») qu'une place sera à nouveau libérée pour permettre à un sain réalisme de reprendre vie.
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Acheté parce que le livre était en promotion et que le sujet m'intéressait, je dois dire que je n'ai pas été déçu.

L'auteur présente le transhumanisme, ses limites, ses ambiguïtés et ses contradictions avec brio. le propos est la plupart du temps simple mais efficace avec un support assez conséquent.

Je rejoins l'auteur sur pas mal de point concernant l'escroquerie intellectuelle que représente le transhumanisme et je pense que cela va même bien plus loin. Un exemple : la loi de Moore est cité comme étant impossible à maintenir et représentant des coûts monstrueux. En fait ça fait bien 10 ans que la loi de Moore ( qui n'est qu'une interprétation d'une tendance ) est fausse. Il suffit de lire la fiche wikipédia qui parle de fausse interprétation concernant la puissance pour se rendre compte de l'absurdité du concept. Il n'y a pas d'interprétation erronée du concept. L'explication est que la loi de Moore est inapplicable continuellement. La finesse de gravure actuelle induit de grosses problématiques ( ponts thermiques et magnétiques entre autres ). On en est arrivé à une sorte de dogme où l'on veut à tout prix se conforter à une loi qui n'en est pas une.

Bref, ma principale critique de ce livre serait qu'elle manque peut être un peu de profondeur sur certains sujets. A l'inverse la partie psychologique a été plus compliquée à suivre pour moi ( mais je ne suis vraiment pas calé sur le sujet ). Pour tout le reste c'est excellent et je recommande vivement cette lecture.
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Le début est intéressant, l'auteur y décortique les divagations, errances et délires des tenants de cette idéologie de plus en plus “tendance”. Notamment avec les milliardaires des GAFA : Bezos, Zuckerberg et compagnie. Mais vite, cela dérive vers des considérations “technophobes” (je m'autorise cette phobie !) souvent peu justifiées. Il utilise une rhétorique que l'on aurait trouvée pertinente il y a quelques décennies mais devenue obsolète. Il ne cite aucuns des travaux des épistémologues majeurs qui se sont penchés sur l'activité scientifique, avec leurs avis variés. Il ne connait pas (improbable) ou fait semblant d'ignorer ces aspects. Quant on cite plutôt Freud (l'escroc psychopathe) on peut avoir des craintes sur la démarche de l'auteur. Et bien évidemment, on n'échappe pas au prêchi-prêcha écolo ni aux méchants industriels, quand on est fonctionnaire payé par le contribuable, on peut se la jouer morale. Donc très décevant finalement, cela fait texte de circonstance. Mais le sujet, un vrai sujet dans les décennies qui viennent mérite mieux que ça. Au lecteur de se faire une opinion en creusant le sujet, qui le mérite.
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J'avais lu "La mort de la mort" et cela avait provoqué une sensation de malaise, le transhumanisme m'était alors apparu comme une dystopie effrayante, Olivier Rey rectifie ma perception et remet les pendules à l'heure dans cet essai très dense, à lire!
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Livre "de commande" dans le sens où, de l'aveu même de l'auteur, c'est la découverte de l'association de ses travaux au transhumanisme dans sa page Wikipedia qui a poussé Olivier Rey à s'intéresser à ce sujet.
Cela expliquerait la forme de cet essai, bien plus court et transversal que ses précédents, qui circonscrivaient une thématique (la science, les mathématiques, la taille des organismes...) et la travaillaient dans le maximum de sa profondeur.
D'où une vertu de cet ouvrage : c'est une sorte de condensé de la pensée d'Olivier Rey, porte d'entrée parfaite pour ceux qui souhaitent découvrir ses passionnantes analyses.
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Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
De toutes les extravagances dont notre monde est envahi, les contes sur le triomphe de l’intelligence artificielle et le transhumanisme comptent parmi les plus maléfiques. Ils incitent, en annonçant la mort de la mort, à persévérer sur une voie qui conduit à la mort de masse ; ils alimentent des fantasmes de surpuissance à un moment où il faudrait, plus que jamais, accepter de mettre des limites à la puissance ; ils flattent l’individualisme alors qu’il serait urgent d’assumer une communauté de destin, ils engagent à ignorer et mépriser toutes les sagesses élaborées par les hommes au fil des millénaires, en une conjoncture où celles-ci seraient nos plus précieuses ressources, ils bercent de chimères quand il faudrait se confronter à la réalité. (page 178)
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Dans les années 1960, les étudiants usaient de certaines substances pour planer, aujourd’hui ils ont recours à l’Adderall (un psychostimulant) et à la Ritaline pour améliorer leurs capacités d’apprentissage et de mémorisation, obtenir de meilleures notes et prendre l’avantage sur leurs condisciples. Contrairement à leurs prédécesseurs en quête de nouvelles expériences, les étudiants d’aujourd’hui ne cherchent qu’à mieux figurer dans la compétition générale. Ce faisant, ils trahissent moins leurs aînés libertaires, qu’ils ne subissent ce que ceux-ci ont préparé pour eux : quand la contestation des années 1960-1970 a fait voler en éclats ce qui subsistait des anciens cadres, ce qui en a résulté n’est pas un monde débarrassé de la compétition, mais une compétition débarrassée de ce qui pouvait encore la limiter – une extension et une intensification de la lutte. La décence voudrait qu’à tout le moins, on cesse de nous présenter le dopage cognitif comme un moyen d’épanouissement et d’émancipation de la personne, quand il ne s’agit que de mieux répondre aux exigences qu’un système emballé fait peser sur les individus.
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Abraham ou n’importe quel paysan de l’ancien temps sont morts « âgés et rassasiés de jours », parce qu’ils étaient installés dans le cycle organique de la vie, parce que celle-ci leur avait apporté au soir de leurs jours tout le sens qu’elle pouvait leur offrir, parce qu’il ne subsistait aucune énigme qu’ils auraient encore voulu résoudre ; ils pouvaient donc considérer que la vie leur avait donné « assez ». L’homme civilisé au contraire, placé dans le mouvement d’une civilisation qui s’enrichit continuellement de pensées, de savoirs et de problèmes, peut se sentir « las » de la vie, il ne peut pas se sentir « comblé » par elle. Car il ne peut jamais saisir qu’une infime partie de tout ce que la vie de l’esprit produit sans cesse de nouveau, et toujours du provisoire, jamais rien de définitif.
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L’explosion démographique en Afrique alimente une immigration massive vers l’Europe, à la plus grande joie des économistes et des capitalistes, qui voient là un moyen de « dynamiser la croissance » et d’entretenir la « modération salariale » sur un continent riche et vieillissant. Cependant, les autochtones se montrent de plus en plus dubitatifs quant aux bienfaits que ces mouvements de population sont censés leur procurer. Comment vaincre leurs réticences ? Des chercheurs s’attellent à la tâche : « Face aux tensions croissantes liées aux différences ethniques, religieuses et culturelles, il est urgent de concevoir des stratégies propres à favoriser l’intégration sociale des réfugiés au sein des sociétés caucasiennes » [Nina Marsh et al., « Oxytocin-enforced norm compliance reduces xenophobic outgroup rejection » (2017)]. En l’occurrence, la stratégie proposée consiste à faire inhaler de l’oxytocine, une hormone qui, d’après l’étude, augmenterait la capacité des gens à s’adapter à des « écosystèmes sociaux en évolution rapide ». On croit d’abord à un canular et puis non – l’article est publié dans une revue scientifique communément qualifiée de « prestigieuse ».
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Lorsque l’automobile paraît, le message est : « Maintenant, grâce à la voiture, tu peux aller beaucoup plus loin qu’à pied » ; un siècle plus tard, il faut dire : « Maintenant, tu dois aller beaucoup plus loin qu’à pied, et tu as donc besoin d’une voiture. » C’est un mouvement général, qui détruit les moyens qu’ont les êtres humains de subvenir par eux-mêmes à leurs besoins, et les oblige à en passer par des objets ou des services qui s’achètent.
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