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EAN : 9782707345080
254 pages
Editions de Minuit (03/01/2019)
3.33/5   62 notes
Résumé :
Les tortues de Floride élevées en aquarium ne sont pas tout à fait des cailloux. Elles ont donc besoin d’eau et de nourriture pour vivre.
C’est ce que découvre le narrateur de cette histoire, de retour chez lui après un mois d’absence. Il croyait la sienne plus endurante, mais la carapace décalcifiée de la petite Phoebe se fend sous son pouce. Par ailleurs, alors qu’il s’employait à réhabiliter en la signant de son nom l’œuvre de Louis-Constantin Novat, écri... >Voir plus
Que lire après L'explosion de la tortueVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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Mon premier Chevillard : L'Explosion de la tortue. Je vous le dis tout de suite, je ne suis spécialiste ni de l'auteur, ni de l'animal (j'ai bien eu chiens, chats, hamsters, lapins et poissons rouges mais aucun n'a explosé, Dieu soit loué!)
Donc, j'avance en terre inconnue. Les cinquante premières pages me régalent : humour absurde, langue inventive, poétique, jeux de mots audacieux, phrases ciselées. Avec, en plus, un petit air de ne pas y toucher…
De petits paragraphes relatent une histoire qui aurait pu (dû, même) ne pas être un sujet de roman. Une micro-histoire. Une absence d'histoire. le personnage principal n'est rien, c'est-à-dire une tortue de Floride achetée quai de la Mégisserie par un narrateur dorénavant désemparé qui ne sait à qui confier sa bestiole avant de partir en vacances. « C'est à cela qu'on reconnaît que l'on n'a pas de vrais amis. » Remarque très juste s'il en est. « Nous partions sur les routes, nous voulions voyager léger. Phoebe nous aurait ralentis. Nous ne sommes déjà pas des lièvres. Phoebe et ses courtes pattes torves. Phoebe et son rocher. Phoebe et ses deux litres d'eau. » Qu'aurait écrit La Fontaine là-dessus ? On s'interroge.
Pourquoi ce pauvre garçon, sensible à la cause animale, s'est-il lancé dans cet achat incongru ? « Ce serait un petit spectacle permanent, reposant, totalement dépourvu d'enjeux contemporains… Un élément de décoration, une présence infime, silencieuse, un détail du vaste monde qui, par métonymie, l'évoquerait tout entier sans nous encombrer de ses collines. »
Mais l'on se lasse du néant.
Il pouvait encore la ramener dans son milieu d'origine : les marais de Floride. C'est ce que des gens bien auraient fait. Mais pas lui. (Sans mettre en doute l'intégrité du narrateur.)
Une autre idée lui vient : « La rendre sans exiger de remboursement. Nous n'en voulons plus. Reprenez-la. Elle n'est pas propre. Elle ne parle pas. Elle a mordu le facteur. »
C'est malhonnête. Elle n'avait rien fait la pauvre bête, et bientôt, c'est précisément ce qu'on allait lui reprocher ! Quelle mauvaise foi !
Il faut trouver une solution pour cet être accroché à son rocher :« on aurait dit une moule », « elle nageait sans grâce, comme un sabot… On aurait dit le dernier des cornichons. »
Se casser la tête pour un animal qui n'y met pas un peu du sien, c'est pénible : « Phoebe ne semblait exister que pour passer le temps. Il ne lui arrivait rien. Elle ne prenait aucune initiative. On ne lui supposait aucune pensée, aucune imagination. Elle se contentait d'être, pétrifiée dans l'infinitif, ignorant toute conjugaison. » Les gens qui ne font pas d'effort, zut alors ! Pourquoi on en ferait pour eux, hein ?
Et pourtant, notre généreux et dévoué narrateur a l'idée assez géniale de placer l'aquarium dans une baignoire pleine d'eau : moins de risque d'évaporation (il fait très chaud maintenant l'été…) Il ajoute (quel altruisme!) un canard en plastique rose, de la poudre de crevette et ne ferme pas totalement les volets, pour le jour... et au risque de se faire cambrioler (mais quand on aime…)
ET CRAC : au retour, tandis qu'il s'empare de l'animal du bout des doigts (presque une caresse), la carapace craque sous son doigt (l'allitération laisse supposer qu'une carapace est faite pour craquer...) « Il y avait eu un petit bruit de promenade en forêt. Un bruit léger de fuite. Un bruit bref. Une courte promenade. » La carapace déshydratée, décalcifiée A CÉDÉ (misère!) La tortue n'est pas encore morte mais le sera bientôt.
Voilà l'histoire : 53 pages sur la tortue.
J'ai souri (sans mauvais jeu de mots, ah, ah) souvent. J'ai beaucoup admiré cette prose poétique, un brin précieuse et comme détachée, de celui qui dit des choses essentielles, existentielles même en passant. Bon, c'est bien, tu t'es bien amusée mais il te faut redescendre sur terre ma cocotte, et te creuser un peu les méninges !
Et j'ai effectivement commencé à m'interroger.
Sympathique et bien vue cette petite histoire de reptile, pas plus courant que ça dans la littérature... Mais de quoi me cause-t-il au fond Chevillard ? On sait bien que qui dit "tortue" dit "fable", et qui dit "fable" dit "sens" : que pouvait-il bien se cacher derrière ce petit divertissement aux allures absurdes ? Et se cachait-il même quelque chose ? Fallait-il y voir seulement une leçon de morale écologique, une dénonciation de la désinvolture avec laquelle les hommes traitent la nature ?
Terminé l'amusement, il allait falloir que je pense un peu. Et là, franchement, je n'en menais pas large.
Et, pour tout vous dire, ça n'allait pas vraiment s'arranger. Mais le moral était bon, je vous rassure.
Je poursuis donc ma lecture...
Page 54 donc, commence une nouvelle petite histoire au sujet d'un pauvre gamin de collège harcelé par d'autres - dont le narrateur - et surnommé « petit Bab », comprenez petit babouin.
Nous passons ensuite et sans crier gare à l'évocation d'Anton, vendeur à l'Arche de Noé, (lieu où a été achetée Phoebe) où les trafics d'animaux, paraît-il, sont courants...
Encore apparemment plus incongru, page 75, le narrateur se plaint de s'être fait voler la vedette au sujet d'un écrivain du XIXe siècle, oublié de tous : un certain Louis-Constantin Novat. En effet, un érudit du nom d'Yves Malatesta lui a piqué un travail dont il était chargé sur l'édition des oeuvres posthumes de ce L-C Novat. Zut ! Et, CLAC. le beau projet s'écroule. Ça fait mal. La tortue aussi a dû avoir mal, très mal même. Notre narrateur ne va cependant pas renoncer complètement à un projet qui lui tient à coeur : « moderniser » quelques oeuvres qu'il détient dudit Novat et signer cette « nouvelle » production de son propre nom. Et nous voilà plongés dans le détail des écrits de L-C Novat, dont voici quelques titres : « Trois oeufs », « L'Anguille sous roche », « Queue coupée »… Je suis sur mes gardes… C'est quoi cet enfumage ? Je n'y vois plus rien...
Je fais la fière, je poursuis ma lecture mais je suis larguée. Tête haute, hors de l'eau. Mais sur la pointe des pieds. C'est QUOI le rapport ??? B…..L !
Des leurres, ces digressions à la c .. ? Des fausses pistes ? Il se fout de ma g….. ce Chevillard. Il faut que je reste vigilante, il me trimbale, c'est sûr. Je relis, fais demi-tour, compare, confronte, entoure, barre, surligne en jaune, en rose, en vert, jette le livre - qui ressemble à un perroquet des îles - rageusement, le reprends hâtivement...
Deux nuits d'insomnie et trois jours foutus plus tard…

J'Y SUIS !!! Enfin, je crois y être...

(Ma grand-mère disait, de moi et d'autres aussi j'espère: elle comprend vite mais faut lui expliquer longtemps !)
De quoi me parle Chevillard depuis le début sinon... de LITTÉRATURE ? Bah oui ! Évidemment bien sûr, grosse neuneu que je suis ! Je n'y ai vu que DU FEU. La métaphore de la tortue était là, sous mon nez ! Il fallait la réhydrater cette tortue, lui injecter un petit quelque chose pour qu'elle renaisse, modifier l'allure régulière de sa carapace pour qu'elle ne soit plus tout à fait la même…
N'est-ce pas ce que font les auteurs, TOUS ? Ils « réhydratent » les textes anciens, dont ils sont nourris, au point de ne même plus être conscients qu'ils ne sont pas tout à fait à l'origine de « Ce fut comme une apparition... » ou de « Longtemps... » Oui, écrire, c'est insuffler du nouveau, de la modernité, ramener à la vie, varier le motif, changer l'aspect… Un sang neuf, une énergie nouvelle, une explosion qui décoiffe (pour parler d'une tortue, il y a mieux!)
Il faut savoir tuer le père, (C'est toujours la même chose!), sortir de l'état de pierre, de l'immobilité, de la paralysie, de l'inertie, du convenu, de la platitude, du lieu commun. Agir. Réagir. Combattre même. Être violent. Donner un coup de pied dans la fourmilière. CRAC. Pour repartir vers du vivant, du mouvement, de l'air vif.
Il fallait tordre le cou de la tortue (d'aucuns l'avaient fait avec l'alexandrin, non?), la faire péter. L'exploser. PAN !
Et m'apparaissait clairement toute une série de réécritures du même motif, toute une série de mises en abyme de ma tortue de Floride qu'il fallait réanimer (ou faire crever) au plus vite pour passer à autre chose... Et je vis tous les jeux d'échos et de correspondances dont le texte fourmille (une illumination, ça arrive !)
TOUS ? J'avais tout compris ? Non, loin de là, évidemment. Mais c'était déjà ça. (Il fallait que je dorme un peu maintenant!)
J'étais bluffée.
Le propos de Chevillard était PERFORMATIF : quand dire, c'est faire ! Ah, il m'avait bernée l'animal ! Il l'avait fait devant moi et je n'avais RIEN VU ! Bien joué !
Il n'a pas tort Chevillard, rien ne se perd, tout se transforme…
Finalement, cette tortue, elle est immortelle !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Noyé au fond de l'aquarium. J'accuse le journaliste (que je ne nommerai pas) qui nous a recommandé ce livre de ne pas avoir franchi la page 30 car s'il avait été au-delà, il n'en aurait pas fait des caisses et réussi à convaincre des naïves comme moi de débourser 18,50 euros pour ce qui reste un exercice de style virtuose mais vain. Peut-être ce journaliste est-il à l'origine du pari qui a conduit Chevillard à nous parler d'une carapace de tortue sur 250 pages ? « Allez Éric, t'es pas cap ? » Malheureusement si, il est cap, très cap même ! L'auteur est un érudit qui manie l'absurde et le sarcasme avec brio. Son écriture est soignée, ses aphorismes souvent géniaux mais le début de ce récit ressemble à une bande-annonce de film mensongère, parce qu'elle y dévoile les seuls gags d'un film sans intérêt. On s'ennuie à mourir avec cette tortue, dieu qu'on s'ennuie ! Et que la tortue soit prétexte à nous parler d'un écrivain raté ou de souvenirs d'enfances n'arrange rien. Ce qui sauve cette tortue du naufrage, c'est l'humour pince-sans-rire de Chevillard, maître à penser d'une génération d'auteurs et d'humoristes qu'il a dû inspirer pour le meilleur (ex : Chris Esquerre, Tanguy Pastureau) ou pour le pire (ex : Arnaud le Guilcher, Fabrice Caro quand il fait du roman). Quitte à se délecter du seul plaisir de l'esprit, au détriment de la narration, alors autant lire le jamais égalé Dictionnaire du pire de Stéphane Legrand. Le livre de Chevillard m'agace parce qu'il est représentatif d'une arnaque littéraire contemporaine : les ricanements et les excès d'enthousiasme pour quelques mots bien tournés. Ça ne suffit pas pour faire un livre, et encore moins pour provoquer une telle publicité, au détriment d'auteurs moins connus qui mériteraient plus d'attention. le seul avantage de ce bouquin, c'est qu'on peut le commencer à n'importe quelle page, on ne perd rien de l'intrigue.
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Éric chevillard nous revient au meilleur de sa forme. Avec «L'explosion de la tortue», il nous livre une fable caustique sur la nature et sur la mort, qui est avant tout une réhabilitation de la littérature.

Dans ma grande sagesse, j'ai pu résister à toute les demandes – souvent insistantes – de me fils à acquérir des animaux domestiques. J'ai eu moi-même un chien qui a fini sous un 4x4 et m'a laissé traumatisé pour longtemps. Comme le narrateur de ce roman caustique, j'ai toutefois cédé pour quelques poissons exotiques qui ont finalement pris la même direction que Némo, via les toilettes après une mort aussi soudaine que silencieuse, et pour une tortue qui partage notre quotidien depuis près d'une dizaine d'années et qui, de son pas de sénateur, semble devoir affronter la vie avec confiance. Il faut dire qu'avant chaque départ en vacances, c'est le branle-bas de combat pour la confier à un proche. Nous nous autorisons de temps en temps à la laisser seule durant un week-end prolongé. Les miettes de culpabilité étant vite ramassées lorsque nous constatons, à notre retour, qu'elle a parfaitement supporté sa solitude.
Mais j'imagine bien qu'après un mois d'absence, comme c'est le cas dans ce roman, la tortue n'ait pas pu résister, surtout quand il s'agit du modèle «tortue de Floride» qui a besoin d'eau. La voici donc décalcifiée, crevant dans les mains de son maître. L'explosion de la tortue va permettre à Éric Chevillard, après Juste ciel (2015) et Ronce-Rose (2017), de nous offrir quelques réflexions sur cet incident chargé de bien plus de symbolique qu'une analyse sommaire ne peut le laisser croire.
Car, pour le narrateur, ce décès prématuré est à mettre en parallèle avec son travail de biographe et de critique. Mais quel rapport avec Phoebe – tel était le nom de la tortue – me direz-vous? Prenez Henry David Thoreau. Que fit-il le 17 novembre 1850? L'homme des bois nous le raconte: «Cet après-midi, j'ai trouvé dans un champ de seigle hivernal un oeuf de tortue, blanc et elliptique comme un caillou, ce pour quoi je l'avais pris, puis je l'ai brisé. La petite tortue était parfaitement formée, jusqu'à la colonne vertébrale que l'on voyait distinctement. (…) Si la littérature ne s'empare pas de ces histoires de tortues précocement anéanties, tuées par un brave homme qui n'avait pourtant pas l'intention de leur donner la mort, alors on voit mal de quoi elle pourrait se soucier et quelle est sa légitimité.»
Prenez aussi Louis-Constantin Novat, l'écrivain contemporain de Thoreau, dont notre narrateur a découvert l'oeuvre et entend la faire mieux connaître. Au fil de son exploration, il va trouver de nombreux faits troublants. Mais «mieux vaut fermer les yeux sur ces coïncidences si l'on refuse d'admettre qu'un Dieu moqueur est à la manoeuvre et que nous sommes des marionnettes accrochées au ciel par des fils tendus qui frisottent juste un peu au niveau du pubis.»
On l'aura compris, Éric Chevillard s'amuse une fois de plus – et nous avec lui – à dérouler le fil de ses obsessions. L'explosion de la tortue, c'est aussi l'explosion de la littérature dans ce qu'elle a de plus inventif. Derrière Phoebe se cache la création, le pouvoir des mots laissés sur la papier, l'idée de postérité, de «poids» des oeuvres. Jusqu'à cette superbe invention, «l'Agence», dont je vous laisse découvrir la mission ô combien importante pour les écrivains en quête de reconnaissance.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Non je ne suis pas objectif quand je critique une oeuvre de Chevillard. Vraiment pas ! L'est-on d'ailleurs jamais. il n'y a pas de quoi ! D'autant plus que l'objectif de ce récit s'est perdu dans l'océan de l'écriture. Sombré ! Englouti. Pourtant les tortues savent nager...
De quoi s'agit-il ? D'une fulgurante digression ? D'une parodie ? D'une parodie de parodie ? de la parodie des parodies ?
Autant dire que si la tortue explose dès la première page, elle ne cesse d'exploser, de page en page; elle n'a de cesse de rappeler son Crac, ce bruit qu'elle a produit dans les mains du narrateur entamant le récit.
Les tortues savent peut-être nager mais dessèchent si on les abandonne sans eau...
Un narrateur qui de fil narratif en aiguille, raconte comment il a échoué à s'approprier l'oeuvre d'un auteur inconnu, comment il n'a pu ramener à la vie sa craquante tortue ni garder sa conjointe ni persuader le lecteur du bien fondé de ses justifications.
Le livre s'achève sur une belle parodie de mise en abyme digne des plus grands romans des Éditions de Minuit
Et la tortue n'aura pas survécu...
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N°1778– Septembre 2023

L'explosion de la tortueEric Chevillard – Les éditions de Minuit.

Le narrateur et sa compagne Éloïse, qui habitent un deux pièces parisien partent en vacance en y laissant, Phoebe, une petite tortue de Floride mais non sans lui avoir laisser largement de quoi manger pendant cette période solitaire. A leur retour elle meurt d'avoir été ainsi abandonnée. Un tel événement est toujours un petit drame pour les amateurs d'animaux de compagnie. On aurait pu s'arrêter là mais c'est compter sans la faconde de Chevillard qui, donnant la parole à son unique personnage lui permet de raconter sa vie et d'évoquer l'inconséquence de la voisine du dessus avec ses talons et son chien, le libidineux concierge. On en apprend de belles sur lui, sur sa jeunesse et ses expériences incestueuses avec sa propre mère, les épisodes de harcèlements scolaires auxquels il a lui-même participé et dont il se vante. Ainsi, à partir d'un banal épisode de vie du commun des mortels qui serait passé inaperçu notre auteur décline-t-il toute une histoire à la fois délirante et échevelée, mêlant truismes, aphorismes, jeux de mots et sur les mots, termes surannés et néanmoins poétiques …Mais je commence à en avoir l'habitude !
Tout cela débouche, allez savoir pourquoi, sur l'évocation des oeuvres posthumes de Louis-Constantin Novat, auteur inconnu sauf de notre narrateur qui avait fait des recherches sur cette oeuvre et s'était vu dépossédé de son travail par un indélicat. Il entend maintenant se l' approprier. Au moins a-t-il l'honnêteté de l'avouer mais ce plagiat pourtant déjà usité est pour lui une occasion de régler des comptes autant avec un lectorat tiède qu'avec des éditeurs boudeurs. Pourtant cela ne fonctionne pas.
Chevillard en profite pour nous parler des animaux ; Il semble avoir une obsession des hippopotames, déjà présent dans « Oreille rouge », un autre de ses romans. Il passe tellement du coq à l'âne qu'on ne serait pas étonné qu'il évoquât l'une et l'autre de ces bêtes au détour d'un paragraphe, surtout si elles n'avaient rien à y faire. Quant à son histoire initiale de tortue, le lien qu'il fait entre ces deux thèmes est des plus subtils, pour ne pas dire fragiles. Peut-être ces tentatives avortées de redonner vie à cette pauvre Phoebe sont-elles à rapprocher à celles de faire revivre l'oeuvre de Novat ? Pourquoi pas, mais je ne suis sûr de rien !
Je dois reconnaître que son style est toujours aussi jubilatoire. le livre refermé, j'admets que, même si j'ai eu un peu de mal à suivre (je ne dois pas être le seul) et si j'ai une idée un peu différente de la littérature (idée rétrograde à n'en pas douter et qu'il convient de combattre en ne refusant ni l'originalité, ni l'étonnement bien légitime éprouvé après une telle lecture) j'ai néanmoins poursuivi ma lecture jusqu'au bout, partagé entre l'envie de connaître l'épilogue (ce terme ici n'est sûrement pas autres chose qu'un concept) et de continuer à entendre cette petite musique, tout en étant persuadé que je n'y comprend rien.
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critiques presse (4)
LeSoir
06 février 2019
Chaque matin, depuis plus de dix ans, il ajoute trois paragraphes à son blog, L’Autofictif. Ces derniers jours, il s’en est pris à ses confrères [...] Au rendez-vous de janvier, ces pensées décalées migrent dans les pages d’un livre.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LaLibreBelgique
05 février 2019
Toute l’imagination et l’humour d’Éric Chevillard, dans un roman qui lie le sort funeste d’un reptile à celui d’un écrivain oublié. Relevé.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Bibliobs
17 janvier 2019
L'excellent Chevillard a beau suggérer en épilogue que tous les écrivains empruntent à leurs prédécesseurs – quand ils ne les pillent pas –, il ne pourra pas renier ce roman très ressemblant, écrit dans le style cinglant de son journal l'Autofictif, où il concentre tous ses talents: l'affabulation, l'érudition, la digression, la dérision, la subversion.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LaCroix
13 janvier 2019
L’Explosion de la tortue est un roman à tiroir, écrit par couches successives. Les dernières assez finement pour laisser voir, en transparence, les précédentes. L’exercice de style est tout sauf vain.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
Grande agitation pourtant dans le gourbi. Des bruits
de lutte. Des cris.
Puis nous vîmes sortir Forcinal, hâve, défait, amaigri, titubant, le visage tuméfié, la peau des poignets à vif, une couverture sur les épaules, soutenu par deux policiers
précautionneux.
Derrière lui, entravée par des menottes, hurlant comme une démente, écumant de rage, les cheveux dans la figure, la jeune Lise, convaincue des crimes de séquestration, voies de faits, violences, sévices sexuels et mutilations à l’encontre du malheureux concierge, arraché de justesse à l’enfer grâce à notre intervention, à notre courage, à notre esprit d’initiative, il fallait que ce soit dit et que nos voisins le sachent.
Je n’ose imaginer ce qui serait advenu de lui si nous n’étions rentrés si précipitamment de vacances, avertis sans doute par quelque pressentiment.
Il nous devait la vie.
Les futurs lecteurs de Novat s’aviseront peut-être que toute cette histoire rappelle étonnamment l’intrigue de son unique pièce de théâtre, La Portière et le saute-ruisseau.
Mieux vaut fermer les yeux sur ces coïncidences si l’on refuse d’admettre qu’un Dieu moqueur est à la manœuvre et que nous sommes des marionnettes accrochées au ciel par des fils tendus qui frisottent juste un peu au niveau du pubis.
La pièce sera dans le volume de Postérité, lequel demeurera malgré tout incomplet. Si j’ai remis à l’éditeur les manuscrits originaux de Novat en ma possession, j’ai en effet conservé ses lettres.
Celles-ci, Malatesta ne les aura pas. » p. 216-217

« – Reprends-toi, mon ami, il existe pourtant un moyen sûr d’accéder à l’immortalité.
– Ah?
(une mésange pond trois petits œufs dans le nid de ses
cheveux)
– Connais-tu l’Agence?
Comment Prunier connaîtrait-il l’Agence, conçue à l’instant – nous avons surpris son spasme – par Alcide, vouée d’ailleurs à demeurer dans les limbes, à l’état d’idée quoique bien réelle entourloupe.
– Un mien ami la dirige aujourd’hui, mais l’Agence existe depuis longtemps déjà. Elle se propose d’assurer aux artistes injustement méconnus la gloire posthume qu’ils méritent.
– Mais comment cela?
On se le demande, en effet.
N’importe qui à la place de ce vieux Prunier aurait posé la question.
– C’est très simple. Le poète qui a recours à ses services achète de son vivant, sur le principe des concessions, un forfait valable, en fonction de la somme versée – qui pourra être augmentée par un legs en bonne et due forme –, dix, vingt, trente années ou plus, durant lesquelles, sitôt constaté le décès de son client, l’Agence veille à sa reconnaissance et à la diffusion de son œuvre, en l’imprimant d’abord, en organisant des événements littéraires et des lectures publiques en hommage au disparu, en passant commande à de jeunes plumitifs sans le sou d’ouvrages savants et d’études consacrés à sa poésie et de bustes de sa personne à des sculpteurs sans travail, bustes qui seront ensuite, avec l’aval d’édiles stipendiés – sinon clandestinement –, implantés sur des places ou dans des squares.
– Mais pourquoi ne pas proposer ces prestations tant que le poète vit encore? S’impatiente Prunier.
– Tel est le prestige de l’Agence. Elle ne s’occupe que de la postérité de ses clients. Note, mon cher Prunier qu’elle ne vend pas ses services qu’aux poètes comme toi honteusement méconnus. Pourquoi crois-tu que nous lisons encore Lamartine ou Chateaubriand?
– Ils ont payé?
– Ils ont payé.
– Heu... cher?  p. 250-251
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Peut-être après tout ne s’agissait-il que d’un problème de plomberie défaillante, nous n’accusions personne, nous aimerions que nos noms ne soient pas mêlés à cette histoire, tout au plus avancions-nous une hypothèse qui ne demandait qu’à être infirmée, mais qu’allez-vous penser, c’est pour fermer une piste que nous nous sommes décidés à venir, le concierge est un brave homme qui a toute notre confiance, il serait injuste de tirer des conclusions de son physique ingrat, de ses façons grossières et de son regard bas qui souvent s’attarde sur le cul d’Alo, nous n’affirmions rien, que cela soit bien entendu et compris, le sang qui tache régulièrement le lin blanc de son innocente goinfrerie doit provenir de pièces de boucherie dévorées à belles dents, et ce n’est certes pas un petit rat qui assouvirait
une telle faim...
Mais déjà la police attachait ses cheveux, attelait ses chevaux, déjà la cavalerie encerclait l’immeuble.
Nous avions suivi le mouvement.
Nous assistâmes depuis notre fenêtre aux sommations d’usage à la porte de la loge.
Puis celle-ci fut défoncée d’un coup de bélier. C’est le plombier en effet que l’on aimerait voir intervenir avec une telle détermination quand les tuyauteries engorgées glapissent dans le silence lugubre des copropriétés.
(Et son furet délogera le renard.)
Nous descendîmes dans la cour pour nous mêler aux voisins que le fracas de l’intrusion policière avait arrachés à leur indifférence. Il faut cela, ou de l’acide versé sur leurs orteils.
– Que se passe-t-il? demanda Aloïse de cette voix ingénue que je n’avais plus entendue depuis le jour de nos premiers ébats, quand elle avait fait mine de découvrir le fonctionnement de l’appareil génital masculin (puis en cherchant de la glace pour ma hanche luxée, j’avais trouvé sept fœtus dans son congélateur).
Une voisine nous explique que les flics ont fait irruption dans la loge du concierge, que cela doit être en rapport avec le rapt de la gosse, qu’elle a toujours soupçonné Forcinal d’être un prédateur pervers, qu’il ne reste plus qu’à espérer que la petite soit toujours en vie et que la police ne nous demande pas de quitter les lieux au
moment de leur évacuation.
Nous refusâmes d’ajouter foi à de telles allégations, d’imaginer de telles horreurs. p. 214-215
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La tortue comme le chat fait le gros dos. Ce n’est pourtant pas un poil soyeux qui soudain se hérisse, chargé d’électricité, mais une écaille dure et revêche qui se bombe et forme même un dôme définitif.
Elle ne va pas ramollir et se dégonfler sous la caresse, la tortue.
Ronronner dans notre giron, non.
Vous allez plutôt vous casser les ongles en gratouillant sa dossière.
Cette carapace est un bouclier solidement sanglé sur son corps ingénu, vulnérable, qui demeurera voluptueusement ignorant de tout.
Celle de Phoebe cependant céda sous mon pouce.
Tout à coup, elle rompit sa garde.
Était-ce une preuve de confiance, d’abandon? Était-ce une preuve d’amour ?
Voici ma tortue molle enfin comme un chaton peloté.
Pelotonné.
Cette tendresse inattendue qu’elle me manifestait !
J’en aurais pleuré.
Je me retins.
Car Phoebe, je le savais, ne s’était pas attendrie ainsi à cause de la douce caresse de mon pouce ni de mon odeur familière, rassurante, ni de mes soins aimants.
La cause en était le défaut de calcium. Nul affect. Pas de sentiment. Juste cette carence en calcium qui blanchit pourtant les ongles de l’homme sans lui ôter ses rêves d’amour.
Et ce serait moi la brute?
Alors que la longévité de la tortue de Floride peut atteindre cinquante années, Phoebe explosa entre mes doigts après quelques mois d’existence au simple motif qu’elle manquait de calcium !
À se demander quelle est la part du caprice là-dedans.
Toujours est-il que je retournai aux Mélèzes rendre visite à mon grand-père, je ne suis pas un ingrat, afin d’approcher Marguerite Montségur – j’avais lu son nom sur la liste des pensionnaires – et d’essayer d’en savoir plus sur ce Louis-Constantin Novat dont elle possédait un livre si remarquable.
p. 104-105.
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Alors certes, qui se donnera la peine de tenir un journal s’il ne lui arrive jamais rien qui vaille d’être relaté?
« Divers recoupements me permettent de situer approximativement le cours fluet de cette existence entre les années 1839 (sa source tapie sous une pierre plate et moussue pour ne pas dire tombale) et 1882 (son embouchure sur la mer de l’oubli) –avec une marge d’erreur de cinq années de part et d’autre.
Que fit-il par exemple le 17 novembre 1850 ?
Je l’ignore.
Tandis que Henry David Thoreau ne nous cache rien de l’emploi de son temps ce jour-là: Cet après-midi, j’ai trouvé dans un champ de seigle hivernal un œuf de tortue, blanc et elliptique comme un caillou, ce pour quoi je l’avais pris, puis je l’ai brisé. La petite tortue était parfaitement formée, jusqu’à la colonne vertébrale que l’on voyait distinctement.
L’existence de Louis-Constantin Novat fut certainement dépourvue d’événements aussi importants que celui que rapporte là H. D. Thoreau. Les écrits de ce grand ami de la nature ne sont pas avares d’aventures, mais aucune n’est aussi croustillante – même s’il n’y mit pas la dent – que cette anecdote.
Si certaines choses méritent d’être écrites, alors cet épisode incontestablement est du nombre. J’avoue n’avoir rien lu d’aussi passionnant depuis longtemps, en
ce qui me concerne.
Si la littérature ne s’empare pas de ces histoires de tortues précocement anéanties, tuées par un brave homme qui n’avait pourtant pas l’intention de leur donner la mort, alors on voit mal de quoi elle pourrait se soucier et quelle est sa légitimité.
Thoreau empoigne le sujet avec une certaine rudesse.
On reconnaît là l’homme des bois. Une approche plus précautionneuse et tout en circonvolutions aurait sans doute été préférable. Mais enfin, il ne l’élude pas lâchement comme tant d’autres. Il s’en saisit avec la détermination qui convient.
Crac p. 91-92
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On se demande parfois que deviendrait l'homme abandonné à lui-même si le premier onaniste avait gardé, comme tout le lui suggérait et comme je l'aurais fait sans doute, sa découverte pour lui.
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«Bêtes de littératures» avec Éric Chevillard Hérissons, orangs-outans, tortues, flamants roses, insectes… Les bêtes peuplent les livres d’Éric Chevillard. S’interrogent à cette occasion les enjeux de la présence d’animaux, et par là d’altérités non humaines, dans la littérature. Comment rendre compte, avec l’écriture, d’intensités animales au-delà de l’allégorie ou de la fable ? Donner vraiment la parole aux animaux, est-ce pour autant se couper du symbolique ? Et l’humour dans tout cela ? L’entretien sera ponctué d’une lecture d’extraits de «Zoologiques» (Fata Morgana, 2020). - Modération : Sandra de Vivies La Fondation Jan Michalski, le 11 septembre 2021
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