AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Laurent Gapaillard (Autre)
EAN : 9782221254264
448 pages
Robert Laffont (20/04/2023)
4/5   5 notes
Résumé :
Comment la rose est arrivée en France : le grand roman de sa conquête

« Je m’appelle Morjiane El Saadawi, je suis née au nord de Damas. Je sais soigner et je cultive les roses. Je veux consigner ce que je fais, tout inscrire ici, mes progrès comme mes peines, car mes conseils et mes efforts peuvent servir à d’autres pour qui les roses représentent plus que l’or jaune… »

1240. Gatien de Mortery revient de Terre sainte où il a combattu s... >Voir plus
Que lire après Liber Rosae : Le livre des rosesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
On à tous dans un recoin de notre mémoire ces vers de Pierre de Ronsard

"Mignonne, allons voir si la rose
qui ce matin avoit desclose
sa robe de pourpre au soleil,
a point perdu ceste vesprée
les plis de sa robe pourprée,
et son teint au vostre pareil.

Las ! voyez comme en peu d'espace,
mignonne, elle a dessus la place
las ! las ses beautez laissé cheoir !
ô vrayment marastre nature,
puis qu'une telle fleur ne dure
que du matin jusques au soir !

Donc, si vous me croyez, mignonne,
tandis que vostre âge fleuronne
en sa plus verte nouveauté,
cueillez, cueillez vostre jeunesse :
comme à ceste fleur la vieillesse
fera ternir vostre beauté."

Ces vers écrits au XVIe siècle, sont présents dans notre inconscient collectif. Mais d'où vient cette rose, fleur de tous les superlatifs, fleur de bien des inspirations et pas seulement celle que l'on prend pour en respirer son parfum.
Philippe Séguy nous livre ici un magnifique ouvrage qui en retrace les origines, sous forme d'un roman historique des plus réussi.

Les pages s'effeuillent (ses feuilles) tels des pétales au toucher délicats et d'éclats, les mots s'enroulent en corolle pour former un bouquet cohérent et des plus resplendissant
Car toute la difficulté du roman historique réside dans ce subtil mélange pour créer une essence à nulle autre pareille, qui vous emporte en des temps immémoriaux. Avec des personnages attachants, des rebondissements cohérents le tout en nous faisant plonger en apnée dans la période.

Celui-ci nous raconte ces temps qui ont vu la rose arriver de l'Orient dans nos contrées.
Ce livre se lit comme on effeuillerait une rose pour en extraire sa divine essence...

Premier pétale, premières effluves : odeur d'iode en pleine Mer méditerranée en 1240,  un navire revient des croisades, à son bord Gatien de Mortery qui a quitté Saint-Jean-d'Acre. le bruit des vagues couvert par celui des armes qui résonnent dans son esprit. le toucher rugueux du parapet....

Deuxième pétale, deuxièmes effluves : des souvenirs de Syrie, le jour de cette audience accordée par Malik al-Salih au comte de Champagne, quand les portes du jardin s'étaient ouvertes "Le comte de Champagne avait accompagné le sultan et, derrière eux, se mêlaient musulmans et chrétiens. Protégée par des espaliers, annoncée par son parfum, entourée de fontaines, apparut une roseraie. En son centre un kiosque, léger, percé de cinq fenêtres, se posait comme un pétale. le coeur battant des jardins célébrait à chaque heure la fleur suprême. Domptée, la nature s'organisait sur trois étages et celui consacré aux fleurs occupait le centre d'une centaine de pieds. Encerclés d'orangers et de citronniers, de figuiers, eux-mêmes surplombés par des palmiers, apparaissaient hibiscus, jasmins, daturas, oeillets, souvent venus de Perse ou de Chine. Au centre, des dizaines et des dizaines de rosiers, exclusivement blancs et rouges, s'organisaient selon une figure semblant dessinée à l'aquarelle. Les teintes de crème de lait, de blanc rosé et d'ivoire se mêlaient à l'écarlate puissant, au pourpre intense, et chaque couleur ricochait sur l'autre. Les boutons ronds, légèrement crispés, patientaient avant l'éclosion. Les pétales des roses, gaufrés, bouillonnés parfois, crépus, semblaient s'effondrer au moindre souffle." parfum des roses, senteurs d'épices, toucher délicat sur ces fleurs délicates, le bruit de l'eau qui ruisselle dans le jardin, le soleil qui amplifié les fragrances...

Troisième pétale, troisièmes effluves : les mots délicats de Morjiane El Saadawi née à Homs au nord de Damas qui viennent ponctuer l'ouvrage de manière régulière apportant douceur de ses réflexions, suavité de ses pensées, délicatesse de ses gestes, simplicité de ses observations : "Je vis maintenant dans ce pays que l'on appelle la France et qui est froid, à Mortery, sur les terres du seigneur Gatien et du seigneur Thibaut. Je sais l'art des jardins. Je sais soigner et je cultive des roses. Je sais les dessiner aussi. Pétale après pétale, avec leurs feuilles et leurs tiges droites.
Je veux consigner ce que je fais, tout inscrire ici, mes progrès comme mes peines et à ceux qui se demanderaient pourquoi je le fais, je répondrais que mes conseils et mes efforts peuvent servir à d'autres pour qui les roses représentent plus que l'or jaune. J'ai demandé de l'encre et du papier à celui qui m'a ramenée ici. Il a paru étonné, il n'a rien dit et il a ouvert un coffre, puis un rouleau de cuir, déroulé plusieurs feuilles et il a ajouté : Quand il n'y en aura plus, tu me le diras."

Quatrième pétale, quatrièmes effluves : l'odeur de la suspicion dans la région de Provins, la jalousie malodorante, provoquant les silences de Morjiane contrebalancée par un Gatien pour qui "L'infiniment petit devenait précieux à ce gaillard qui portait du fer et du cuir. Un monde entier s'ouvrait à lui, avec ses rites patients, son goût de l'imprévu, sa persévérance et l'attente indispensable. Rien jamais ne devait être brusqué ou trop espéré, ou trop redouté. Sur cet apprentissage nécessaire allait s'exercer sa vie."

Cinquième pétale, cinquièmes effluves : toujours cette douceur de Morjiane, " Gatien m'a demandé pourquoi j'avais créé quatre carrés. Sa question d'homme m'a fait sourire et je lui ai répondu qu'au paradis il y avait quatre fleuves. le premier était d'eau, l'autre était de lait, le troisième de vin et le dernier de miel. J'en ai dessiné le plan devant lui, lui permettant de mieux voir. Il a souri comme il le fait quand il sourit, c'est-à-dire que ses yeux restent tristes et il a murmuré : Tu connais le paradis ? Je n'ai pas répondu et j'ai compris qu'il avait eu peur de m'avoir blessée."

Sixième pétale, sixièmes effluves : odeur de la pierre que l'on taille, des outils utilisés, du plomb pour sertir les vitraux : "La fleur de Syrie était destinée à la chapelle du Christ. Thibaut lui assura avoir vu les plans de la rosace ; sa représentation exacte, fruit de l'esprit du maître verrier, ses couleurs et sa forme, sa taille immense, le nombre grandissant de ses pétales.C'est par elle que pénétrerait la caelesti lumine qui venait du Christ. La rose de Damas, née dans les jardins du sultan, ennemi de la chrétienté, choisie par une reine chrétienne afin d'être le symbole incarné de la foi. Cette passerelle entre le monde et ce que Dieu autorise, qui permettait cela ? Devait-on y voir le signe intimidant de la Providence, un hasard de plus dans la vie des hommes ? Dieu aimait peut-être ce genre de raccourci."

Septième pétale, septièmes effluves : l'odeur de la justice des rumeurs" N'importe qui pouvait assurer avoir entendu n'importe qui prétendre, assurer, confier, et à mesure qu'on s'éloignait du suspect, ces phrases creuses, ces mots mal choisis prendraient au contraire une force supplémentaire : leur éloignement ne les affaiblissait pas. le nombre seul suffirait.", l'odeur brûlante de l'inquisition, l'odeur de la jalousie l'odeur de la vengeance....

Vous l'aurez compris ce roman est un magnifique livre qui met nos sens à contribution. C'est d'une écriture fluide et enivrante. Un bouquet littéraire...

L'auteur a eu une idée merveilleuse ponctuer son oeuvre de magnifiques dessins fruit d'une rencontre avec Laurent Gapaillard dont voici les remerciements appuyés et mérités :
"Au commencement fut une rencontre lors d'une exposition en Normandie où il présentait des oeuvres récentes. Je pénétrais un monde ensorcelant, construit par une main sûre et le talent nécessaire. S'immerger dans l'univers de Laurent Gapaillard, c'est explorer des pays de plantes et d'arbres, de colonnes en écorce nourries de sève qui s'élèvent à crever le ciel, de palais-tournesol, de toitures en nervures où des déesses aux seins fermes sont les gardiennes d'une architecture végétale. Docile, elle se ploie en voutes, paliers et étages afin d'abriter dans son ventre tiède une pensée, un alphabet, un langage qui parle de paix et d'amour.Un soir d'hiver, au bord du feu de la cheminée, je lui demandais s'il voudrait bien éclairer de son art ce roman que j'achevais d'écrire. Il accepta. Il le lut à trois reprises, le respira à poumons pleins comme on le fait d'une rose, assura le trouver bon et s'enferma dans son atelier. Plusieurs semaines plus tard, de nos conversations, de nos échanges nombreux et de son inspiration que rien n'altère, naissaient ces dessins et ces lettrines. Quelle émotion, je l'avoue sans peine, de redécouvrir personnages et situations, de la Syrie à la France, de Damas à Provins. Orient et Occident ! le siècle de Saint Louis ressuscitait. Morjiane et Gatien, Blanche ou Thibaut, l'Église et le monde vivaient, souffraient, espéraient, aimaient ! Laurent sut rendre à la rose, à qui ce livre est dédié, ses sortilèges et ses vertus d'envoûtement.Précieux comme une enluminure, riche comme une épopée, une geste médiévale, chacun de ses dessins, demeurent pourtant contemporains, vivants, actuels, défiant l'avenir. Laurent Gapaillard inscrit dans le coeur de chaque lecteur ce supplément d'âme, éblouissant et fugace, à l'encre de Chine et en noir et rouge. "

Il ne manque qu'une chose à ce livre nous transmettre les odeurs, mais pour cela sortons respirer le parfums des roses ce livre sous le bras, et quoi de mieux qu'un roseraie pour le lire....
Commenter  J’apprécie          135

Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Mer Méditerranée
Fin septembre 1240

Il respirait par la bouche. À pleins poumons, et lui rentrait dans la gorge le goût du sel. Il avait posé ses mains à plat sur le bois du bastingage. La nef filait vers les côtes de France. Face à lui, à perte de vue, la mer, bleue et blanche. Il était seul. Les autres hommes, par habitude, par respect peut-être, les marins aussi, le laissaient à ses songes. Il ne bougeait pas. Il regardait. Le bateau tanguait par instants. Ce mouvement en balance lui glissait dans le dos.
Cela faisait onze jours que Gatien de Mortery avait quitté Saint-Jean-d’Acre.
À l’épaule, il portait la croix rouge. Il était un soldat du Christ. La voix tonnante de Grégoire IX l’avait proclamé dans la chrétienté. La belle noblesse de France, des chevaliers nantis jusqu’aux plus pauvres, avait répondu : Je viens. Pour la croisade, pour fouler de leurs pieds la Terre très sainte, ils avaient quitté leurs manoirs, leurs femmes et enfants, leurs champs cultivés, forêts et fiefs. Ils avaient suivi leurs chefs, porté les bannières d’Hugues, duc de Bourgogne, de Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, d’Henri, comte de Bar, celle aussi de Raoul, comte de Soissons et puis de Guillaume de Senlis, de Philippe de Nanteuil et de Richard de Beaumont. Tout pour le Très-Haut, bafoué par les infidèles.
Béni celui qui se croisait, béni celui qui sauvait son âme. Gatien fut autorisé à tuer, à piller en Son nom très saint. Tant de sang et de morts. Il avait encore dans l’oreille leurs hurlements quand son épée les coupait en deux. Il se souvenait des corps qui tombaient en paquets sur le sable mou.
Il cala ses paumes contre le bois râpeux, humide, du parapet. Il n’oubliait rien, il ne le pouvait pas.
Soudain, il tourna le visage. Il l’aperçut, toujours là, arrimée. Protégée du soleil par un lé de coton, visible à moitié, elle dodelinait au vent. Comme une danse. La très précieuse.

(INCIPIT)
Commenter  J’apprécie          102
Des étudiants venus de Troyes comme de Paris assistaient à ce procès afin d’y disserter sur l’âme, sur ce à quoi elle pouvait prétendre, tentant d’inventer une méthode qui n’emprunterait pas à la philosophie des Grecs. Il y avait matière ici à ciseler des arguments point trop sots, à édifier une théorie sur le malheur et la façon de le supporter. À trouver un système capable de tracer les contours d’un caractère comme avec un calame. Cette poignée de garçons habillés de noir allait bientôt pouvoir disséquer la substance humaine. Déverrouiller les consciences qui seraient exposées durant les prochains interrogatoires, voilà qui changeait des livres et du discours des maîtres.
Commenter  J’apprécie          90
J'ai vu le roi de France. Je l’ai vu en son palais de Paris, qui se nomme palais de la Cité, qui est beau, vaste, froid et construit de pierres blanches de haute taille. Ses jardins ne sont pas les nôtres. Ils sont plantés d’herbes bonnes pour soigner le corps. Non pour guérir l’âme, l’esprit ou favoriser le pur plaisir des yeux. J’ai apporté mes roses ; le roi Louis veut la plus belle pour orner sa chapelle. Je ne sais trop ce qu’en penserait le dieu de mes pères et de mon peuple, que la rose née en pays de Cham orne une chapelle dédiée à ce Chrestos adoré des chrétiens.
Commenter  J’apprécie          100
Martin qui s’était blessé au doigt ne parvenait pas à retirer l’épine. Je l’ai soigné et, pour faire passer le mal, je lui ai raconté l’histoire inventée par les anciens Grecs. Le dieu de l’Amour respirait une rose et une abeille le piqua à l’épaule. Furieux, il se mit à tirer ses flèches dans un tel désordre qu’en retombant sur le rosier, elles créèrent ses épines.
Commenter  J’apprécie          140
N’importe qui pouvait assurer avoir entendu n’importe qui prétendre, assurer, confier, et à mesure qu’on s’éloignait du suspect, ces phrases creuses, ces mots mal choisis prendraient au contraire une force supplémentaire : leur éloignement ne les affaiblissait pas. Le nombre seul suffirait.
Commenter  J’apprécie          110

Videos de Philippe Séguy (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Philippe Séguy
L'émission "Le coup de coeur des libraires est diffusée sur les Ondes de Sud Radio, chaque vendredi matin à 10h45. Valérie Expert vous donne rendez-vous avec votre libraire Gérard Collard pour vous faire découvrir leurs passions du moment ! • Retrouvez leurs dernières sélections de livres ici ! • • Pour Napoléon de Thierry Lentz aux éditions Perrin https://www.lagriffenoire.com/1075287-romans-pour-napoleon.html • Napoléon de Thierry Lentz aux éditions Perrin https://www.lagriffenoire.com/1076267-encyclopedie-napoleon-l-album.html • Napoléon de Richard Holmes aux éditions Gründ https://www.lagriffenoire.com/1080173-romans-napoleon.html • Bonaparte de André Castelot aux éditions Perrin https://www.lagriffenoire.com/?fond=produit&id_produit=1006340&id_rubrique=52 • https://www.lagriffenoire.com/?fond=produit&id_produit=1006341&id_rubrique=52 • fouché. Les silences de la pieuvre d'Emmanuel de Waresquiel aux éditions Tallandier https://www.lagriffenoire.com/1081915-article_recherche-fouche---les-silences-de-la-pieuvre.html • Talleyrand : le prince immobile de Emmanuel de Waresquiel aux éditions Tallandier https://www.lagriffenoire.com/1049089-romans-talleyrand---le-prince-immobile.html • fouché de Stefan Zweig aux éditions Livre de Poche https://www.lagriffenoire.com/?fond=produit&id_produit=16029&id_rubrique=21 • La saga des Bonaparte de Pierre Branda aux éditions Tempus https://www.lagriffenoire.com/?fond=produit&id_produit=1067986&id_rubrique=52 • Napoléon de Albin Quéru, Bruno Wennagel aux éditions Quelle Histoire https://www.lagriffenoire.com/37206-divers-jeunesse-napoleon-fr-histjeunesse.html • Napoléon expliqué à mes enfants de Jacques-Olivier Boudon aux éditions Seuil https://www.lagriffenoire.com/1081917-article_recherche-napoleon-explique-a-mes-enfants.html • L'Aiglon : le rêve brisé de Napoléon de Laetitia de Witt aux éditions Tallandier https://www.lagriffenoire.com/?fond=produit&id_produit=1050871&id_rubrique=52 • Journal de Joséphine B., impératrice de Philippe Séguy aux éditions Flammarion https://www.lagriffenoire.com/1081922-article_recherche-journal-de-josephine-b--imperatrice.html • Journal intégral - 1815-1818 de Gaspard Gourgaud et Jacques Macé aux éditions Perrin https://www.lagriffenoire.com/?fond=produit&id_produit=1031168&id_rubrique=52 • Je suis le gardien du tombeau vide : le consul de Sainte-Hélène raconte de Michel Dancoisne-Martineau aux éditions Flammarion https://www.lagriffenoire.com/79994-romans-je-suis-le-gardien-du-tombeau-vide.html • • Chinez & découvrez nos livres coups d'coeur dans notre librairie en ligne lagriffenoire.com • Notre chaîne Youtube : Griffenoiretv • Notre Newsletter https:/
+ Lire la suite
autres livres classés : roman historiqueVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (19) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3169 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}