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EAN : 9782070144624
352 pages
Gallimard (26/05/2016)
4/5   2 notes
Résumé :
Darwin est le nom d'une révolution. Mais pour le philosophe américain John Dewey, né l'année de la publication de L'Origine des espèces, en 1859, et mort près d'un siècle plus tard en 1952, il ne s'agit pas seulement d'une révolution scientifique concernant notre compréhension des espèces végétales et animales. Il s'agit d'une révolution intellectuelle dont on n'a pas encore suffisamment pris la mesure philosophique ni tiré toutes les conséquences théoriques et prat... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'influence de Darwin sur la philosophie est un sujet plus chaud qui n'y parait, exposé ici dans une excellente langue française, qui est le résultat de la traduction de l'excellente plume du philosophe John Dewey (1859-1952).
Depuis longtemps (bien avant la théorie de l'évolution), les hommes ont trouvé le plus formidable moyen de tirer un profit privé de l'effort collectif : faire passer leurs lois pour naturelles, donc universelles ! (ceux qui s'y soumettent trouvant également un intérêt dans certaines conditions, comme le souligne Pierre Bourdieu dans son concept d'illusio).
Il est toujours possible de faire passer ces lois pour naturelles en s'appuyant sur la pensée dominante lorsque celle-ci envisage une forme de réalité absolue. A l'origine, des expériences décevantes nourrissent un monde d'apparences, puis des postures apparaissent : c'est le Destin chez les stoïciens, la théologie, et son héritage, l'idéalisme kantien qui situe la réalité des choses-en-soi dans le monde des noumènes. On dirait qu'on parle d'astrologie, mais non cette pensée prend le « ton d'édification » de la métaphysique.
Par un cheminement incertain comprenant quelques révolutions (peut-être celle de Copernic) on arrive à la volte-face qu'on appelle aujourd'hui la théorie de l'évolution. Il est très instructif à ce sujet, de suivre également l'enquête de Michel Foucault dans Les Mots et Les Choses. Foucault trouve notamment dans les travaux de l'anatomiste Georges Cuvier, avant Charles Darwin, les premiers signes de cette volte-face. La théorie de l'évolution ne se borne pas à représenter un tableau de l'évolution, mais à l'expliquer dans les profondeurs du vivant, par la seule réalité des expériences de la vie sans aucune autre réalité extérieure, fixe, absolue.
La portée de cette proposition est immense, mais pour rester encore un instant sur l'évolutionnisme, John Dewey répond à propos du « darwinisme social » de Herbert Spencer : n'en déplaise à Spencer, « des êtres conscients et empiriques déterminent vraiment les existences ici et maintenant !... le darwinisme est une volte-face à ne pas confondre avec un certain type d'évolutionnisme qui ne change rien. »
Pourquoi revenir sur Spencer et le « darwinisme social » ? Car il est un échantillon particulièrement virulent d'un certain « libéralisme » dont le programme « naturel » consiste à supprimer les protections sociales afin d'éliminer les plus faibles et assurer une descendance d'hommes forts au nom de la sauvegarde de l'espèce humaine ! Mais il ne faut pas se voiler la face, ce programme était déjà inclus en puissance dans la « loi de nature » du « libéralisme » classique : « laissez-faire » les uns, peu nombreux, au détriment de tous. Entre-temps d'autres « libéraux » plus malins que Spencer ont réalisé que la masse des « plus faibles » au lieu de l'éliminer, servirait idéalement dans leurs usines et achèterait leurs produits. Demain ils se lanceront sans vergogne à la conquête du marché de l'eugénisme privé (le clonage, etc..).
Ce livre appréhende la persistance de la croyance dans cette « loi de nature » absolue (devenue loi du marché) et montre comment elle contredit fondamentalement la théorie de Darwin. Par un changement de méthode, Il s'agit de montrer comment le pragmatisme fonctionne pour anticiper et résoudre les conflits de manière spécifique. C'est l'engagement de John Dewey et son oeuvre entière qui s'annoncent dans ce livre. (voir notamment, dans les Écrits Politiques, la transition entre un « individualisme ancien » ancré dans le « libéralisme » classique et un « individualisme nouveau » en accord avec le monde contemporain)
Donc revenons à la volte-face intellectuelle manifestée dans la théorie de l'évolution. Foucault nous invite à étendre la réflexion en voyant le nouveau mode de pensée à l'oeuvre dans d'autres domaines de la connaissance. John Dewey, lui, creuse l'enquête à la racine de la théorie métaphysique de la connaissance de Kant, où se trouve révélé le monde des noumènes ou de la réalité absolue qui a toutes les peines évidemment à se connecter au monde des phénomènes, c'est-à-dire de l'expérience éternellement imparfaite et décevante…
Voici le renversement : la croyance n'est pas un « état auquel la connaissance serait condamnée dans un monde purement fini et phénoménal ». La croyance est réalité, et c'est précisément elle qui permet de se développer d'autres expériences, donc d'autres réalités spécifiques (augmentées). Dans la théorie expérimentale qui renverse la théorie métaphysique, la connaissance se trouve maintenant « interprétée comme excroissance humaine et pratique de la croyance ». D'où le message de Dewey : « Il ne faut pas enfermer la croyance dans une citadelle, l'isoler, la professionnaliser… Laissons les raisons susciter et engendrer de nouvelles croyances ».
Ce n'est que la réponse à la théorie de la connaissance de Kant - réponse qui substitue au transcendantal, mis à toutes les sauces kantiennes et néo-kantiennes, les schémas empiriques de l'habitude,. (voir aussi le concept d'habitus de Pierre Bourdieu). Mais au fond on voit que la reconstruction philosophique de Dewey consiste plus généralement dans un changement de méthode. Les expériences décevantes ne doivent pas se conclure par la recherche d'un salut hors de cette vie ou dans l'obéissance au canon des lois morales, mais au contraire par des expériences répétées, intelligemment orientées. Ce qui est recherché c'est la liberté : un choix éclairé et une puissance d'agir en accord avec le tout. Il est très instructif à ce sujet, de lire la vision démocratique de Dewey dans ses Écrits Politiques.
« La philosophie doit être une méthode et non une compagnie d'assurances ou un chevalier errant »….
….« Une méthode de localisation et d'interprétation des conflits les plus sérieux qui se produisent dans la vie, ainsi qu'une méthode permettant de projeter des manières d'y faire face ».
L'imagination et le sens commun des hommes feront le reste, à condition de laisser vivre les croyances…les laisser mourir…laisser la raison en générer d'autres. (Idée qu'on retrouve quelque part chez l'anthropologue Marc Augé dans son « Génie du paganisme »).
Mais en tous les cas, on ne pourra jamais juger dans l'absolu si les inventions humaines, technologiques (depuis les premiers outils) aussi bien qu'éthique ou morale sont naturelles ou contre nature. Cette question de la conduite humaine ne peut être traitée que spécifiquement avec pragmatisme qui est la méthode exposée par John Dewey dans ce livre.
« Qu'une expérience changera en contenu et en valeur, est la seule chose certaine. Comment elle changera est la seule chose qui soit naturellement incertaine. »
L'optimisme, presque à toute épreuve, qui ressort de cette lecture semble être directement lié à la logique pragmatique qui y est exposée - comme une souplesse retrouvée, une décalcification de la cervelle.
Redisons le encore une fois, le pragmatisme n'empêche pas « l'audace spéculative ». Alors, à votre bon coeur mesdames, messieurs ! La philosophie n'est pas qu'une affaire de professionnels.
Dans mon humble opinion, je crois que la science, une fois débarrassée de toute trace de commandement divin, extérieur, absolu, parviendra à des découvertes étonnantes sur l'intelligence animale, qui déboucheront à leur tour sur une nouvelle éthique animale et des nouveaux rapports entre les hommes.
Le philosophe Alfred North Whitehead dans « Aventure d'idées » prophétisait la fin de la science par manque d'espoir, lorsque les dernières traces de commandement divin disparaîtraient des cervelles.
Dewey répondait que le simple fait de soigner des malades était un motif assez fort pour Pasteur pour faire progresser sa science.
Henri Bergson observait le développement frénétique des technologies qui venaient agrandir, en quelque sorte, le corps humain. Il imaginait donc la venue d'un "supplément d'âme".
Dewey, imaginait la venue d'un "individualisme nouveau" qui au lieu d'une dissolution dans ce monde "incorporé", pourrait agir en accord avec le tout.
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https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=60511&motExact=0&motcle=&mode=AND
IDENTITÉS RELIGIEUSES ET MONDE COMMUN
Penser les idéaux, les attachements et la participation sociale avec John Dewey
Anne-Sophie Lamine
Logiques sociales
Le religieux est-il un risque pour l'intégration sociale ? Croire est-il un engagement qui ne laisse pas de place au doute ? le religieux est-il un phénomène social comme un autre ? Pour cerner les relations entre identités religieuses et monde commun, cet ouvrage s'appuie sur des enquêtes portant sur des croyants de diverses religions. Il en propose sur une analyse pragmatiste, inspirée du philosophe social et politique John Dewey. Cette approche prend en compte le rôle des émotions et des attachements dans la croyance et dans ses perceptions. L'ouvrage ouvre aussi des perspectives sur le passage à la radicalisation du croire.
Anne-Sophie Lamine est professeure de sociologie à l'Université de Strasbourg et intervenante dans des formations professionnelles sur le fait religieux et la radicalisation. Ses recherches portent sur la pluralité religieuse et en particulier sur l'islam en France. Elle s'intéresse à la fois à la religion ordinaire et aux formes de rigorisme et de radicalité. Elle est notamment l'auteure de la cohabitation des dieux. Pluralité religieuse et laïcité (PUF, 2004) et l'éditrice de Quand le religieux fait confl it : Désaccords, négociations ou arrangements (PUR, 2013)
Broché - format : 15,5 x 24 cm ISBN : 978-2-343-15263-9 ? 29 juin 2018 ? 242 pages
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