Serial killer pour cause d'
insomnie (et non l'inverse), voilà l'étrange situation dans laquelle se trouve plongé le narrateur du dernier roman de
Tahar Ben Jelloun : un scénariste marocain qui découvre un beau jour, en abrégeant la vie de sa mère, que le meurtre est pour lui un somnifère suffisamment puissant pour lui permettre de dormir enfin comme un bébé, lui l'insomniaque chronique.
Hélas, comme pour tous les somnifères, les effets s'estompent, il lui faut tuer à nouveau, tuer toujours plus, de plus en plus souvent, et toujours des personnes en fin de vie – c'est plus facile et beaucoup moins suspect. du coup, les meurtres s'accumulent, petits coups de pouce donnés à la mort qui parfois tarde à venir, morts « naturelles » dont personne ne soupçonne la nature et qui à chaque fois créditent de
nouvelles heures de sommeil au compteur de notre scénariste pour qui – dit-il - « ne pas dormir c'est être privé de rêve. Or j'ai besoin de rêve pour alimenter mon imaginaire. »
Chez un auteur de polar, de science-fiction, ou chez
Stephen King, la mise en situation de ces crimes en série comme remède à
l'insomnie aurait pu donner lieu à un récit terrifiant, étrange et plein de suspense. Rien de tel avec
Tahar Ben Jelloun qui s'est visiblement beaucoup amusé en écrivant ce roman et nous offre ici une aimable fantaisie, burlesque et un peu déjantée. Bien écrit et vite lu, «
L'insomnie » est un agréable moment de divertissement qui pose par endroits un regard ironique sur la société marocaine, un petit roman distrayant, léger et sans beaucoup d'ambition qui ne m'a pas déplu mais que j'oublierai probablement très vite.
[Challenge MULTI-DÉFIS 2019]