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EAN : SIE128808_120
Diffusion Interforum (30/11/-1)
3.06/5   9 notes
Résumé :
La passion à fleur de nerfs
A la fois parodie du roman noir anglo-saxon et pur récit macabre, L'Âne mort reste, avec ses outrances et son lyrisme, une des grandes œuvres de la littérature romantique française. Ici, tout concourt à susciter la frénésie : la morgue, les personnages patibulaires, les fous, la place de la Grève, les prisons mal famées, les bourreaux, le cimetière de Clamart où sont enterrés les suppliciés...
C'est dire combien cet extraord... >Voir plus
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Que lire après L'Âne mort ou la Femme guillotinéeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
"Chef d'oeuvre étrange qui est à la fois l'âme et la raillerie de la littérature romantique" (A. Houssaye, les confessions)
Jules Janin semble s'amuser en faisant cette drôle satire d'horreurs condensées en un roman.

Voyez donc cette belle et jeune fille des champs, folâtre et souriante sur son âne, qui se dirige gaiement vers Paris : c'est Henriette.
Être belle est bien mais inutile tant qu'on demeure en province.
Autant exploiter cet avantage dans la ville première des ambitions.

Allez savoir pourquoi, le personnage principal du roman, qui l'aperçoit et l'admire, se met à la suivre en lui vouant un amour silencieux sans contrepartie.
Il aura beau tomber de déception en déception, son attachement restera intact.
Paris tout entier, ville de corruption des âmes, ne cesse d'écoeurer le personnage, mais par une fascination morbide, il se concentre sur cette Henriette, parfait modèle de jeune âme corrompue attirant tous les vices possibles.
Le personnage principal (sans nom, personnification de l'auteur) découvre, au gré de ses promenades parisiennes, toutes les visions morbides résultant de toutes les débauches et les vices.

Il retrouve sa chère Henriette à la morgue, où elle pointe du doigt le cadavre d'un beau jeune homme qui s'est suicidé pour elle et pour lequel elle se contente de dire froidement « c'est bien lui ! » sans autres réactions. Juste avant, elle virevoltait devant les boutiques parisiennes d'un air empressé, d'un air de vouloir tout acheter. Elle a déjà perdu toutes émotions, tout coeur, toute sensibilité.
Cela jette un effroi chez notre homme-spectateur qui tente vainement de se réconforter en repensant à de vieilles mélancolies de jeunesse mais son état s'empire.
Il doit quitter Paris, ce qu'il fait, mais voilà qu'il retombe à nouveau sur Henriette en pleine promenade romantique avec son galant qu'elle méprise.
Elle est devenue une capricieuse reine dans l'âme, ayant déjà oublié son âne, ses origines humbles et modestes.
Comble de l'ironie, ses parents, vieux et pauvres agriculteurs, la reconnaissent, l'interpellent sur le chemin, mais celle-ci, pleine de honte, les ignore et s'échappe discrètement dans l'impassibilité la plus totale.
L'impatience et l'ambition arrogante d'Henriette est pleinement récompensée : grâce au dernier nigaud d'amant issu de la haute aristocratie qui la traite en véritable comtesse, elle se pavane fièrement à l'opéra où elle suscite l'admiration de tous. Elle vit son propre conte de fées de vanité. 


Aléa tout à fait banal, Henriette tombe malade et est clouée au lit un certain temps. Bon... Passe encore pour quelques jours mais sûrement pas des semaines entières… Pourquoi entretenir si cher une fausse comtesse si l'objet dysfonctionne ? Alors peu importe après tout... Ce n'est qu'une chose interchangeable, le noble qui l'entretient en a bien conscience, raison pour laquelle il l'a chasse littéralement de sa demeure au moment où elle est encore très fragile et sous le coup d'une maladie inconnue qui la ravage.

On revoit cette chère Henriette dans une sorte d'hôpital lugubre réservé aux plus démunis et dans lequel elle subit une opération au scalpel à vif.
Elle ressort immédiatement après cette opération éprouvante, totalement livrée à elle-même dans cet océan d'inconnu qu'est Paris, encore toute frêle et maigre, en plein hiver.

L'homme spectateur sort alors de sa passivité pour prendre la jeune fille dans son calèche et lui demande où elle veut aller. Elle n'en sait rien, tout juste a-t-elle mémorisée le nom de « Saint-Phar » qu'on lui a prononcé à l'hôpital, dans le cas où elle serait dans le besoin.
Effectivement, Madame Saint-Phar s'intéresse aux filles en pleine détresse matérielle car il s'agit d'une gérante de maison close.
Henriette est acceptée sans difficulté dans l'établissement.
Bon, le métier sera difficile mais au moins elle aura un toit et sera entretenue à peu près convenablement ?
Non car son cas est spécial, la clientèle de la maison close est composée des mêmes aristocrates qu'elle voyait à l'opéra.
Or les clients reconnaissent tous Henriette, se moquent d'elle, sont même repoussés par elle et sont indignés de la voir tomber si bas, alors ils n'en veulent pas.
Un seul client la prend toutefois comme un jouet, c'est justement son ancien compagnon noble qui l'avait expulsé de sa maison car elle était malade.
En pleine crise bien légitime de folie, elle se venge et assassine ce pervers bien vicieux.
Elle n'a pris aucune précaution, aussi elle avoue immédiatement les faits à la police.
Condamnée à mort, elle est conduite au cachot le temps de subir son exécution. Toujours aussi jolie, elle est remarquée par un geôlier hideux qui lui explique qu'elle pouvait être sauvée...
Le geôlier rend enceinte Henriette et un médecin suspend sa condamnation à mort (c'était la règle à l'époque pour les femmes enceintes). On est loin du plan miracle, elle est toujours prisonnière mais son exécution est repoussée.

Le spectateur-inconnu revoit quelques mois plus tard Henriette, jeune mère désormais d'un pauvre enfant frêle qu'elle tient dans ses bras la veille de sa condamnation.
Elle venait d'accoucher donc pas un instant à perdre, le bourreau et le geôlier lui confisque son enfant devant ses yeux et au même moment le spectateur-inconnu intervient afin de la faire culpabiliser en lui disant qu'elle aurait dû lui faire confiance : « Henriette, lui dis-je, il faut mourir si jeune et si belle ; toi qui aurais pu être ma femme ».
Au sommet de l'horreur, la pauvre Henriette, bien qu'elle soit d'ordinaire insensible, verse quelques larmes.
Au lieu d'une douloureuse empathie, cela comble grandement la satisfaction du spectateur-inconnu « c'était les premières larmes que je lui avais vu répandre », comme si en quelque sorte il redonnait une âme à cette pauvre fille en lui forçant une émotion sincère, sorte d'expiation très malsaine.

Elle est fatalement guillotinée.

Quelques remords viennent au spectateur inconnu qui aurait voulu placer un beau linceul sur ce corps enterré dans un cimetière populaire.

Il s'arrange avec le fossoyeur en vue de déterrer le cadavre, ouvre le cercueil et enveloppe la tête décapitée du beau linceul tandis que des promeneurs curieux se moquent de lui « ah ces peines de coeur, que les hommes sont insensés ! » et que des femmes s'étonnent qu'un si beau linceul soit utilisé.

Le soir même, le fossoyeur revend le cercueil, des étudiants de l'école de médecine déterrent le cadavre, et les femmes s'arrachent le morceau de linceul.

Mais comment peut-on lire ça ?! Cette agonie qui s'empire de page en page. Ah mais c'est bien volontaire, une bonne torture perverse sortie de l'imagination de Jules Janin.
Je tente de contextualiser, mais sans réelle certitude.
Jules Janin publie cet infâme roman quelques mois après le célèbre roman-thèse de Victor Hugo « le dernier jour d'un condamné ». Jules Janin avait à cette occasion commenté ce roman dans un article de presse.
Dans le roman de Victor Hugo, le condamné exprime directement ses pensées, ses impressions mais Jules Janin n'apprécie pas l'impersonnalité de ce héros :
« Il a crée son héros le plus abstrait qu'il lui a été possible ; à peine savons-nous qu'il a été bien élevé, et qu'il est coupable d'un meurtre.
Rien ou presque rien ne perce de son caractère, de ses passions, de ses croyances ; c'est presque une pure intelligence observant paisiblement »

Cette absence de personnalité était voulue par Victor Hugo, car l'idée était de créer un plaidoyer reproductible pour tous les cas de figure, quelque soit le condamné. Mais peut-être que son condamné apparait trop haut, trop élevé pour que l'on s'identifie à lui ou du moins à l'idée générale qu'on puisse se faire d'un prisonnier.
Aussi dans le roman de Jules Janin, c'est une fille banale de la campagne, froide, sans intelligence qui est condamnée et dont on suit la lente pente descendante depuis sa campagne natale aux bas-fonds parisiens puis à l'échafaud. Henriette est individualisée assez simplement, l'auteur lui condense tous les vices possibles et pourtant, c'est là le petit tour de force de l'auteur, il veut que l'on soit écoeurer non seulement de la peine de mort mais aussi des moeurs barbares qui vont avec et qui forment un tout. Je ne sais pas vraiment s'il réussit à nous persuader, mais il écoeure très efficacement.
Bref, Victor Hugo a réussi à enfanter chez Jules Janin, cette monstruosité assez géniale d'horreurs et d'atrocités, les deux romans se complètent dans leurs buts. le style est radicalement différent : celui de Jules Janin marque bien plus l'esprit par les images que celui de Victor Hugo, mais celui de Victor Hugo développe des arguments bien plus variés pour être contre la peine de mort.
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Parfois j'aime lire des romans que plus personne ne lit, dont la plupart ignorent l'existence et qui n'est plus nulle part disponible sauf en occasion.

Pourtant, dans l'édition de la collection Marabout de 1974, joliment illustrée par les gravures de l'édition de 1842, le roman de Jules Janin est désigné comme étant 'Une des grandes oeuvres de la littérature romantique française'. En plus, en guise de critique littéraire, Balzac en a écrit le trentième chapitre, publié dans le journal le Voleur en février 1830.

Que s'est-il donc passé pour que ce roman de Jules Janin qui a vu le jour en 1829 soit si entièrement tombé dans l'oubli, que ni Folio Classique ni Livre de Poche daignent le rééditer ?

Est-ce parce que Jules Janin s'oppose aux vues du sacro-saint Hugo sur la peine de mort ? Ou parce que dans ce roman nous ne savons pas trop si l'on a affaire à une véritable histoire romanesque, ou plutôt à un inventaire de tout ce que le Paris romantique de 1830 offre de lugubre, de misérable et d'affreux ?

N'importe... le narrateur, lui, poursuit tranquillement son chemin. Chemin qui mène la plupart du temps sur la route de Vanves, au cabaret du Bon Lapin. Car c'est là où le narrateur a aperçu la belle Henriette et son âne Charlot. L'idylle qu'il s'est imaginé se transforme vite en cauchemar depuis que Henriette s'embourbe dans la fange parisienne.

C'est justement au goût du morbide, du noir, de l'exaltation de toute cette littérature romantique qui prolifère au début du 19ème siècle que le narrateur oppose les vrais lieux d'épouvante, choquant peut-être le lecteur, qui se réalise tout à coup que l'horreur se trouve à côté de son domicile, et non seulement dans les romans qu'il peut acheter dans les galeries du Palais-Royal. Ainsi passent en revue la Barrière du combat, l'hôpital des Capucins (pour les maladies vénériennes), la Salpêtrière et le cimetière de Clamart.
Roman à découvrir par tous les balzaciens et amoureux du roman noir.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
J'ai pris à deux mains cette tête tranchée, je la parai de ses beaux cheveux noirs, j'enfonçai tête et cheveux dans ma taie d'oreiller, et je plaçai l'oreiller à l'extrémité du cercueil.
Restait le corps. Mais comment donc l'ensevelir à moi tout seul ? Sylvio était déjà là près de moi. Bon Sylvio ! Il leva de ses deux mains courageuses ce pauvre corps décapité ; moi, je portais ces deux pieds blancs et froids comme la neige. Hélas ! le sang et le lait coulaient à la fois de ce beau corps. Nous posâmes le cadavre dans la chemise blanche, transparent linceul, qui couvrait à peine ses deux mains doucement effilées ; mais cependant les épaules étaient entièrement couvertes, et même il restait assez de cou pour qu'on pût attacher le nœud qui devait fixer ce vêtement funèbre.
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Video de Jules Janin (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jules Janin
Enseignement 2016-2017 : de la littérature comme sport de combat Titre : Tropes de la guerre littéraire : Athlète
Chaire du professeur Antoine Compagnon : Littérature française moderne et contemporaine : histoire, critique, théorie (2005-2020)
Cours du 10 janvier 2017.
Retrouvez les vidéos de ses enseignements : https://www.college-de-france.fr/site/antoine-compagnon
L'émergence de la figure de l'athlète pour désigner l'écrivain est certainement liée au nouveau régime de liberté d'expression expérimenté à partir de 1820, qui favorise l'activité de la presse, et suscite une concurrence accrue entre ses représentants. Si l'écrivain est comparé à un athlète, c'est parce qu'il prend part à une lutte qui, loin d'être seulement métaphorique, engage également son corps. Victor Hugo, dans les Odes et Ballades (1827), fait se succéder « le chant de l'arène », « le chant du cirque » et « le chant du tournoi » ; dans Les Contemplations (1856), il fait rimer poète non seulement avec prophète, mais encore avec athlète. La rime se retrouve chez Alfred de Vigny, chez Théodore de Banville, chez Alphonse de Lamartine qui célèbre en Lamennais le poète martyr, athlète du christianisme, retrouvant ainsi le sens religieux du terme.
Pour être écrivain et se faire une place dans un champ littéraire compétitif, il faut être endurant, robuste de corps, et que cette robustesse se transmette encore au style. Trois écrivains, en particulier, paraissent unir ces deux qualités, physique et stylistique : Alexandre Dumas, « athlète du feuilleton » que les Goncourt décrivent comme « une espèce de géant » s'astreignant à la plus rigoureuse hygiène de vie ; Gautier ; et surtout Balzac, à qui Sainte-Beuve – avec Rodin – reconnaît le corps d'un athlète, et qui sait mieux que les autres avec quelle générosité et quelle régularité il faut produire pour survivre. Son personnage Lucien de Rubempré, aspirant à la carrière littéraire, est moins chanceux, doté seulement d'un corps chétif qui paraît le signe d'un écrivain « sans coeur ou sans talent ». le vocable est beaucoup moins appliqué à Hugo, que seul Jules Janin distingue en ce sens, comme le seul survivant de la dure bataille romantique. Baudelaire, lui, sait bien dire la distance de son corps à celui de Pierre Dupont, poète du prolétariat, décrit comme un véritable Hercule. Cependant, il sacrifie au lieu commun au moment de faire l'éloge d'Edgar Allan Poe, mélange de féminité et de robustesse, d'orgie et de rigueur.
Martinville, rare soutien de Lucien dans Illusions perdues (1837), incarne l'écrivain-athlète, mais assure aussi le passage du registre du sport à celui du sport de combat. Il est par excellence l'écrivain polémiqueur, l'athlète insulteur, seul capable de rendre les coups de tous côtés à la fois et d'accompagner Lucien dans son revirement politique. L'artiste-athlète est majoritairement pensé sur le modèle de l'escrimeur, du maître d'armes. Tous les écrivains du milieu du XIXe siècle sont familiers d'Augustin Grisier, maître d'armes des fils de Louis-Philippe et de l'École polytechnique, puis, sous le Second Empire, du Conservatoire national d'art dramatique. Gautier, Sue, Dumas qui préface son célèbre livre Les Armes et le Duel (1847), fréquentent sa salle d'armes. Grisier entretient dans son livre et dans sa salle d'armes le souvenir de Joseph Bologne, chevalier de Saint-George, connu comme le « chevalier noir ». Né à la Guadeloupe d'un propriétaire terrien et d'une esclave, le chevalier de Saint-George reçoit sur le continent une éducation noble, où la littérature et les sports, les arts et les armes ont une proportion égale ; il manie le fleuret et l'archet avec autant d'agilité. Grisier et Bologne ont en commun de refuser le duel, au nom d'une conception rigoureusement esthète du combat d'armes. La figure de ces maîtres d'armes est essentielle, en ce qu'elle assure la réversibilité du combattant et de l'écrivain : si ce dernier manie la plume comme une épée, le maître d'armes doit en son ordre manier l'épée comme une plume. Il est un parfait esthète, et toujours un écrivain en puissance.
Il existe une version dégradée, mercenaire du maître d'armes, exécuteur des basses
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