♪ Si tu vas à Laredo, n'oublie pas de monter là-haut ! ♫ ♫
Naguère, souvenez-vous, une lectrice amie dont je tiens ici à respecter l'anonymat, - une certaine Onee C., m'avait plongé dans la chronique du même roman dans une situation fort inconfortable. Je vous invite à aller lire (ou relire) sa chronique sous ce même fuseau horaire. Pour les besoins de l'histoire, nous l'appellerons Calamity Onee ; elle fit cependant montre d'une camaraderie tranquille et sans faille comme vous allez pouvoir le constater dans la suite de l'histoire...
Tout ceci se passait vingt ans après que le fameux capitaine Woodrow Call devint célèbre. Souvenez-vous de l'épopée mythique des premiers récits de Lonesome Dove,
Lonesome Dove, tome 1 et
Lonesome Dove, tome 2, où le fameux
Larry McMurtry nous avait déjà mis en scène, pour ne pas dire en selle.
Ancien Texas Ranger, on le croyait rangé des fusils et des cavalcades. Il aurait bien mérité une retraite paisible. Mais retraite, pour quoi faire ? Passer de la selle à la selle ? Diable ! Et c'était sans compter sans sa réputation, les longues chevauchées et l'appel du désert !
La frontière mexicaine était désormais jalonnée de lignes de chemin de fer, tout comme l'était déjà le reste du pays.
Le paysage avait changé sérieusement de physionomie depuis nos premières cavalcades. Moi aussi j'en avais marre de fredonner ♪ I'm a poor lonesome cowboy ♫ and a long way from Lonesome Dove ♫, en mâchant des brins d'herbe en continu pendant que je cultivais mon jardin...
Joey Graza, un jeune Mexicain, dangereux criminel, était devenu avec ses acolytes une véritable menace pour les trains qui transportaient des marchandises.
Entraînés par le capitaine Call reconverti pour l'occasion en chasseur de primes au profit de l'une des compagnies de chemin de fer, nous étions alors partis furieusement à la poursuite de ce gamin effronté, certes intelligent et surdoué de la gâchette, mais surtout sans foi ni loi. Nous le savions bien, que ce n'était pas le casting idéal, nous étions déjà un peu tous âgés, bien que ce côté vieux fourneaux nous allât à merveille et l'expérience parlait, mais surtout la compagnie nous avait affublés de chevaux squelettiques et de leur comptable urbain, un certain Brooklyn qui avait peur de son ombre et criait « Au secours ! » chaque fois que son chapeau s'envolait dans le vent.
Le capitaine Call n'avait peut-être pas bien négocié le budget avec cette compagnie des chemins de fer.
Mais voilà que je contractai une méchante blessure de cactus qui s'infecta et l'équipée sauvage, - ingrate pour le coup je trouve, crut bon de m'abandonner dans les rues de Laredo, au motif qu'il ne serait pas efficace de s'encombrer d'un équipier devenu inutile. Je fus reconnaissant cependant à ladite camarade Onee de me laisser quelques flasques de tequila et la compagnie d'une jeune et jolie Mexicaine pour me soigner... Je ne sais pas, vous, mais les blessures de cactus ce n'est pas ce qu'il y a de plus agréable à soigner. Aussi cela mérite beaucoup d'attention et une convalescence des plus longues et des plus rigoureuses.
J'eus un pincement au coeur de voir mes compagnons me quitter pour l'aventure sans moi... Surtout Calamity Onee... La poussière laissée sur l'horizon par leurs montures avait à peine disparu que je me laissai déjà happer par une convalescence qui s'apprêtait à être débridée... Cependant je me garderai bien de m'étendre sur le sujet...
Puis vint la guérison. J'étais enfin sur pieds, fini le régime sans selle.
Le temps de jeter ma dernière flasque de tequila derrière les fagots, d'embrasser la belle éplorée, je me jetai illico presto sur ma monture et traversai le paysage sans me retourner, - euh ! juste un petit peu, mais comme ça alors, vite fait !
J'ai lancé ma monture au grand galop pour arriver plus vite. Il fallait que je retrouve les copains qui avaient, sans nulle doute, grand besoin d'un compagnon requinqué par les vertus de sa convalescence.
Alors, je retrouvais enfin les pages éternelles qui m'avaient enivré durant les premières épopées de Lonesome Dove. Autour de moi il y avait le Texas sauvage, les déserts, les plaines, les canyons, les rivières que je retrouvais comme un décor familier... Au-dessus de moi c'était enfin le ciel, les étoiles et les oiseaux...
Je savais qu'il y avait un côté crépusculaire dans cette chevauchée fantastique. Je savais que nous étions devenus fragiles à force de contempler le ciel criblé d'aigles, de corbeaux et de vautours.
Je savais qu'il y aurait des ravins, des trébuchements, des morts peut-être. Je savais que le danger était de toute part, autant chez ce jeune diable de Joey Garza, que chez ce Mox Mox, celui qu'on surnommait à juste titre le brûleur d'hommes....
Je savais ce monde d'une cruauté sans nom.
Mais j'espérais retrouver la belle Lorena Parker et d'autres personnages tout aussi beaux dans leur âme et capable de s'élever contre la brutalité qui constituait le monde autour de nous.
Comment ne pas être attentif à la voix douloureuse de Maria, la mère de Joey Garza, cette mère au destin secoué de convulsions, tenaillée entre l'amour protecteur pour son enfant et la douloureuse certitude que ce fils maléfique avait perverti sa vie et celle de sa famille ?
Si je suis là pour vous écrire ces mots, c'est que j'en suis revenu finalement, mais de quelle manière ?!
J'ai continué ainsi de cavaler à bride abattue jusqu'aux dernières pages, où m'attendait peut-être quelques âmes errantes, dont la fidèle Calamity Onee...
Dernier cru de cette saga mythique et picaresque,
Lonesome Dove : Les rues de Laredo ne déroge pas à la règle. Il m'a enchanté.
Ici encore j'ai été séduit par le talent de l'auteur dont l'écriture se déploie dans une saisissante maturité. Moins tourné vers l'action, ce dernier opus prend le temps de poser et peindre des personnages qui deviennent sensibles et attachants, parfois assaillis d'ambiguïté.
À force de cavalcade en sa compagnie,
Larry McMurtry est devenu un ami. Chapeau l'artiste !