De la littérature jeunesse comme je l’aime ! On ne s’ennuie pas un instant dans cette course folle contre le temps que mène le jeune Bully, garçon de 12 ans qui a choisi de vivre dans les rues de Londres suite au décès de sa mère et au refus de son beau-père de lui permettre de garder Jack, sa petite chienne avec sa gueule « pleine de dents ».
Bully vit son quotidien, du mieux qu’il peut, dans la débrouille, grâce à l’entraide entre SDF et à la générosité de quelques « zombies » (vous, moi, la société de ceux qui sillonnent les rues en sachant où aller et pourquoi), qu’ils croisent sur sa route.
Sa vie n’est pas simple, mais elle va se compliquer encore plus quand il va découvrir que sa mère avant de mourir lui a laissé un ticket de loterie gagnant du super jackpot ! N’ayant pas l’âge de réclamer son argent, il ne lui reste plus que 5 jours pour trouver une bonne âme pour encaisser la somme à sa place et la lui remettre. Mais, malheureusement, les gens honnêtes, cela ne court pas les rues...
Le rythme du récit est soutenu et on se trouve bien vite embarqué avec Bully et Jack, dans les rues plus ou moins fréquentables de Londres. On pense aux grands classiques de la littérature anglaise mettant en scène de jeunes orphelins errant dans les bas fonds londoniens, dont la hardiesse et la débrouillardise leur permettent d’éviter tous les coups du sort plus ou moins rocambolesques, qui s’acharnent contre eux.
Mais Michael Byrne sait s’en détacher et offre une vision moderne et tout compte fait assez réaliste de ce que serait le quotidien d’un tel enfant laissé à l’abandon.
Pour avoir vu hier soir aux actualités, un jeune garçon de 13 ans venu chercher dans les poubelles des restos de la défense de quoi se nourrir car sa mère n’a plus un « rond » pour pouvoir lui fournir un repas. « même pas un euro, même pas cinquante centimes ! », je me dis que Bully, sa Jack, sa vie, son histoire, c’est pas que de la littérature ! Et qu’il est bien utile de déposer un roman pareil entre les mains de nos jeunes ados saturés d’avoir !
La seule chose, c’est que les tickets de loto gagnants, cela ne tombent pas du ciel.
Les bretzels jetés tout emballés dans les poubelles, non plus...
Un grand merci aux éditions Fleurus et à Babelio pour m’avoir permis de découvrir ce livre dans le cadre de l’opération masse critique jeunesse.
Il s’en va rapidement rejoindre d’autres mains, plus jeunes que les miennes, mais toutes aussi avides de découvertes littéraires...
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L’homme continuait à parler, mais Bully n’écoutait plus. Il regardait son ticket. Quel jour on était aujourd’hui ? Ses yeux se posèrent sur l’écran de la caisse. D’un côté, c’était écrit 18. 45 ; de l’autre, 9 août 13. Mais de quel jour on parlait, là ? Tout d’un coup, il n’arrivait plus à comprendre ce que signifiaient les chiffres. Il était idiot. Il se retourna et regarda un journal pour obtenir un vrai jour portant un nom. Aujourd’hui, on était vendredi. Le 9 août. Il compta les mois sur ses doigts, de février à août. Presque six mois. Ca faisait combien de jours, ça ? Certains mois avaient plus de jours que d’autres et il essaya de se repasser en mémoire une comptine rouillée. En février, il y avait vingt-huit jours, sauf les années bissextiles, il savait ça. Il regarda de nouveau la date d’aujourd’hui. C’était trop compliqué à calculer alors il arrondit à trente pour avoir une estimation. Mais il n’y arriva pas non plus. Alors il essaya de faire trois fois six, ce qui donnait dix-huit, et il ajouta un zéro. Ça faisait cent quatre-vingts, déjà ! À l’idée d’avoir dépassé le délai, il eut soudain très peur. Mais l’homme lui souriait. – Tu as cinq jours, enfin, six si tu comptes ce qui reste d’aujourd’hui, c’est ça qui te reste sur le ticket, dit-il. Il se pencha par-dessus la caisse et son expression changea : comme s’il voulait dire quelque chose qui ne faisait pas partie de son boulot. – Et je resterais discret, à ta place… jusqu’à ce que quelqu’un se manifeste pour toi chez Camelot… (…) Les derniers zombies rentrèrent dans le théâtre et, pendant quelques instants, personne ne dit rien. Bully sentait la nouvelle monter vers ses lèvres. – Je l’ai gagné, dit-il. – Gagné quoi ? » demanda madame Sammy d’un ton rêveur. T’as gagné quoi, trésor ? – Le loto. Je l’ai gagné ! – Quoi ? demanda Sammy d’une voix plus dure. Combien ? – Tout, répondit-il dans un murmure presque inaudible. Si bien qu’il fut surpris d’entendre Sammy se moquer de lui : – Tu l’as pas gagné ! T’as rien gagné du tout ! Sinon tu s’rais à la télé ! – S’il est pas mignon, dit madame Sammy. – C’est que j’leur ai pas encore dit ! Et d’façon, j’veux pas de publicité. C’est une décision qu’il venait de prendre. Il n’aimait pas l’idée qu’on le prenne en photo depuis que sa mère ne tenait plus l’appareil. – Bien sûr, mon trésor, dit madame Sammy en l’embrassant à nouveau. Il essaya de se dégager sans la vexer parce que ça faisait mal à l’endroit où Janks l’avait étranglé. – Tu vas où ? dit-elle avec un petit rire, comme si c’était un jeu. Et il sortit la tête de dessous les bras de madame Sammy. – J’ai tous les chiffres ! La voix de Sammy grinçait, éraillée, comme s’il essayait de la faire monter dans les aigus, pour se moquer de la voix de Bully qui changeait sans arrêt. Bully se leva. – Oui, tous les six ! Ils les ont scannés et tout. Et je vais chez Camelot pour le récupérer ! À Watford ! ajouta-t-il pour montrer que c’était la vérité vraie, parce que Watford existait bel et bien. Sammy s’arrêta de rire et son visage se ferma, et il scruta Bully quelques secondes avant de reprendre la parole. – Voyons un peu ce p’tit ticket que t’as, dit-il calmement. Et Bully se rendit compte qu’il en avait dit beaucoup trop. – J’l’ai pas sur moi, hein, j’l’ai planqué… Il tapota sa poche de manteau avec son petit doigt pour signaler à Jack qu’il était prêt à partir. Mais Jack était toujours allongée sur le dos, Sammy lui massant le ventre. – Tu l’as mis où alors ? – J’l’ai laissé à la consigne… Bully transforma l’air qu’il expirait en un léger sifflement et Jack se remit sur ses pattes. Le devoir l’appelait. – Quelle consigne ? Y en a pas à Waterloo. – Quoi ? Ouais, ouais, nan, pas là-bas. – Où alors ? Elle est où, la clé ? Bully fit mine de tapoter partout sur son manteau comme s’il la cherchait. – J’sais pas… Bon, faut qu’on y aille. On a des trucs à faire. Ouais, à plus. Et il s’éloigna au petit trot sur le Strand avant même que les Sammy se soient relevés. – Bully, trésor, t’en va pas ! s’époumona madame Sammy, mais il ne se retourna pas. Il traversa sous le nez d’un bus, Jack à quelques pas devant lui, qui connaissait le chemin. Et ils marchèrent à ce rythme, jusqu’à la passerelle, qu’ils empruntèrent, dépassant les types qui jouaient toujours de la trompette et du tam-tam pour gagner des sous, et atteignirent Waterloo à l’heure où le soleil envisageait d’aller au lit pour la nuit.
Quelqu'un venait les attaquer, s'emparer de ses millions. Ce quelqu'un était accompagné d'un chien, et aux larmes qui perlaient dans les yeux de Jack, Bully devina qu'elle savait quel chien. Il regarda l'oreille déchirée de Jack : Janks.
Janks était ici, pour taxer Bully, pour le dépouiller.
C’est lui ! Là-bas, là-bas ! Dans le bus. Vite, vite, il va à Picadilly ! Le perds pas ! Fais demi-tour !
– C’est bon, la Casquette. Pas la peine de répéter quinze fois.
Terry jeta son mégot sur la route et fit son demi-tour.
– Accélère ! Accélère ! dit la Casquette.
Terry écrasa la pédale… la voiture fit un bond en avant, puis cala. Un policier s’approcha pour lui parler juste au moment où il redémarrait la voiture ; Terry fit rugir le moteur et s’éloigna en trombe.
– Il a pas relevé la plaque, si ? gémit la Casquette.
il lut la liste des ingrédients au dos de la boîte, parce qu'il aimait bien les choses qui disaient ce qu'elles étaient sans essayer de te dire autre chose.
Ce n’était pas ses reçus. Il les collectionnait, les ramassait par terre, les récupérait parfois dans les poubelles. Il les lisait parce qu’il était curieux de savoir ce que les gens achetaient dans les magasins, mais s’il les gardait, c’était au cas où il se fasse prendre à l’extérieur d’un magasin avec un truc qu’il n’aurait pas payé.