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Katia Holmes (Traducteur)
EAN : 9782859408886
288 pages
Phébus (07/03/2003)
3.86/5   58 notes
Résumé :
Une gamine qui refuse de suivre ses parents à l’heure de s’exiler hors d’Irlande disparaît… puis revient dans la maison vide, désertée par ses habitants d’hier. Elle comprend bientôt qu’elle a voulu cette vie orpheline, que quelque chose en elle refuse ce que les autres appellent le bonheur – et finit par dire non à l’amour lorsqu’un jour il frappe à sa porte.
Dans la lignée mélancolique de "En lisant Tourgueniev", un grand Trevor...
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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« Lucy » est une oeuvre qui a toutes les caractéristiques du roman classique, à ceci prés que l'auteur a su ménager des surprises à son lecteur et un suspens digne d'une épopée.
Tout commence par une nuit de 1921, dans une Irlande agitée par les rebelles qui réclament l'indépendance du pays, le capitaine Everard Gault, propriétaire terrien, blesse à l'épaule d'un coup de fusil l'un des trois gamins venus incendier sa ferme et qui ont empoisonnés ses chiens. Il décide de mettre sa femme Héloïse et sa fille de huit ans Lucie à l'abri en partant s'installer à l'étranger et en laissant la propriété à la charge de son gardien Henry et de sa femme Bridget. Mais le jour du départ, Lucie s'est enfuie refusant de quitter sa maison natale. On retrouve quelques jours plus tard son chemisier sur la plage. La pensant morte noyée, le couple Gault part désespéré pour l'Europe…
C'est sur ce quiproquo que William Trevor va bâtir toute l'intrigue de son roman et raconter avec des coups du sort et des rebondissements ce qui aurait pu être une banale histoire de famille.
L'écriture est claire et la beauté de la campagne irlandaise décrite donne toute sa poésie à ce récit. On est pris par la vie de Lucie et on a hâte d'en connaître le dénouement.
C'est un roman très agréable à lire, une promenade au milieu d'une nature verdoyante en compagnie de personnages attachants.
Traduction de Katia Holmes.
Préface de Carole Martinez.
Editions Phébus, Signature Points, 339 pages.
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Les éléments qui peuvent infléchir sur le devenir d'une famille peuvent être multiples et puiser leurs sources dans l'Histoire, les êtres vivants, ou tout simplement la nature environnante. Parfois, les trois sources se concertent et tissent leur toile autour d'un petit cercle familial qui n'a pas les armes nécessaires pour résister aux pressions que les mailles exercent inexorablement sur son pourtour si fragile.

L'été 1921 voit une Irlande indépendante mais la guerre civile s'est installée et sème ses troubles visant les maisons cossues abritant une présence anglaise. C'est le cas du domaine de Lahardane, près d'Enniseala, où vivent le capitaine Gault, sa femme anglaise et sa fille Lucy. Après une première tentative d'intimidation qui s'est soldée par l'empoisonnement des chiens, des jeunes activistes récidivent pour incendier la maison mais Everard Gault blesse l'un d'entre eux à l'épaule et dès lors, la peur de sa femme n'y voit qu'une issue : l'exil.
« Je ne partirai pas de Lahardane. » Lucy, bientôt neuf ans, ne peut se résoudre à abandonner cette maison perdue dans son écrin forestier et maritime, ses allées pavées desservant le jardin et un verger, ses chambres donnant sur la mer, le bleu des hortensias explosant sur le gris de la pierre et la longue allée flanquée de marronniers qui mène à cette demeure. Elle ne remplira pas la valise bleue toute neuve mais préparera quelques vêtements et nourritures pour rejoindre un cottage abandonné dans la forêt. de sa fugue, elle espère le retour de ses parents sur leur décision d'un départ précipité. Les planches posées pour obstruer les fenêtres de sa maison lui sont insoutenables. Mais c'est là que la nature intervient en plaçant un trou sur le chemin de Lucy qui endommagera fatalement sa cheville. de ses baignades faites en catimini et d'un chien sans nom chipeur de sandales et vêtements viendra la certitude, pour ses parents, que leur enfant s'est noyé.

Dans un quotidien scrupuleusement décrit, dans les bruits ou les silences qui martèlent les évènements, William Trevor signe ici un roman aux accents terriblement tristes où le deuil, la solitude et les remords ondoient sur des personnages ne pouvant lutter contre ces forces invisibles écrasantes.
Lorsque le départ est imminent, il nous fait ressentir le silence qui s'installe, juste troublé par la fermeture des malles et valises. Dans ce silence, une promesse flotte mais ne demande qu'à sombrer, celle d'un retour possible, mais l'exil, qui semble le drame intrinsèque de cette terre irlandaise, sonne son irrévocabilité.
Le regret de ne pas avoir discuté davantage avec Lucy de leur départ accompagnera les parents dans leur deuil qu'ils vont traîner dans leur exil. Aucun endroit ne sera assez loin pour fuir la mémoire de ce tragique passé qu'ils s'interdiront d'évoquer. Ils poursuivront leurs voyages sans jamais éloigner le chagrin alors que Lucy poursuivra sa vie à Lahardane sans jamais s'autoriser d'être aimée.
L'auteur esquisse aussi le désarroi qui s'empare de l'homme blessé par Everard Gault, une culpabilité confuse dont il ne pourra se défaire.

Dans ce roman, William Trevor, avec une magnifique plume éthérée, qui évoque encore bien plus que les mots marqués sur les pages, pétrifient des existences à partir d'un contexte historique et de déductions erronées. Lucy, ses parents, l'homme blessé, ne se débâteront pas. Leurs sorts se fossiliseront sans aucun bonheur de vivre, dans l'attente d'une rédemption qui n'arrivera pas ou alors si tardivement, si imparfaitement… le temps effritera les êtres et délabrera les intérieurs.
Dans l'attente du retour des parents, Lucy, cachées sous ses robes blanches en souvenir de sa mère, laissera filer les années, recluse à Lahardane, malgré les doux efforts des rares personnes qui traverseront sa vie.

C'est une lecture plutôt écrasante sur les conséquences de ce choix cruel entre s'exiler ou rester, avec de petits faits qui bouleverseront tragiquement les destins, mais la force mélancolique soufflée par l'auteur est absolument envoûtante, magnifiquement écrite et suggérée. Avec des personnages accablés qu'il sait nous faire aimer, William Trevor sublime l'infiniment triste qui a résulté d'une page de l'histoire de cette magnifique terre irlandaise.
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William Trevor affectionne, semble-t-il ,la fiction brève.
Nouvelles, bien sûr, mais aussi courts romans, dans lesquels beaucoup de choses sont éludées, varient en fonction de la mémoire de chaque personnage et en fonction de l'époque. L'écriture est lisse, l'analyse souvent très fine-c'est court, mais il vaut mieux ne pas sauter une phrase, il n'y en aura pas d'autre pour vous expliquer plus avant- comme dans la vie des personnages qui n'ont jamais droit à une séance de rattrapage.

Une famille, un couple et leur fille. Les parents décident de s'exiler, la petite s'enfuit et on la croit morte. Les parents quittent l'Irlande, Lucy revient dans la maison familiale où sont restés les domestiques et y passera sa vie. le père, veuf et très âgé, entreprendra seul le chemin du retour.
Il règne dans les romans et les nouvelles de Trevor une atmosphère brumeuse et désespérée. Les détails n'abondent pas, il faut deviner, essayer d'entrevoir la lumière. Même au sujet du contexte historique, car, après tout, pourquoi fuient-ils, ces parents ? On ne le comprend qu'au début de la deuxième partie.
Nous sommes en Irlande au début du XXème siècle, l'Irlande de la guerre civile qui ensanglante le nouvel Etat libre. Et pourquoi Lucy s'enferme t'elle comme en attente ? Par choix, sentiment de culpabilité, inaptitude à la vie ? On n'en sait rien, elle non plus, c'est le récit de vies gâchées, de vies de malheur, de soumission à un destin, d'incapacité d'action et de révolte, un récit qui transpire la mélancolie et le désespoir, chuchoté par des petites phrases bien concises.
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Je confirme la dernière partie de la dernière phrase de la 4e de couverture : du très grand Trevor ! Par contre, je modère la thématique de refus du bonheur par Lucy . Ce n'est d'ailleurs pas le sujet essentiel du roman ou du moins pas que cela !

Lucy est une petite anglo-irlandaise, qui comme toutes les familles de la "Protestant Ascendancy" d'Irlande, vit dans une belle demeure. Seulement, dans les années 20, les choses sont compliquées en Irlande : la guerre d'indépendance fait rage, puis la guerre civile. Alors, autant dire qu'il ne fait pas bon du tout être anglo-irlandais ! Les parents de Lucy ne se sentant plus en sécurité alors que les belles demeures comme la leur sont incendiées, que le capitaine Gault, le père de Lucy a blessé à l'épaule une activiste nationaliste s'étant introduit sur son domaine, dans le but de faire la même chose que chez ses voisins, ils décident de quitter ce pays qu'il aime tant mais qui leur est si hostile. Mais Lucy, du haut de ses 8 ans en a décidé autrement : elle veut rester. Très attachée à la maison et à ce qui est aussi son pays au même titre que les Irlandais catholiques, elle se cache, ne mesurant pourtant pas toutes les conséquences de son acte. Lorsqu'elle revient dans la demeure de ses parents, ceux-ci sont partis, pensant qu'elle s'est suicidée ! Mais elle retrouve les fidèles domestique, Henry et Bridget, qui lui serviront de parents de substitution et veilleront tendrement sur elle, même adulte, jusqu'à ce que la vieillesse les emporte.

J'ai absolument adoré ce roman de la veine "Big house", que je mets sur le même pied d'estale que Coup du sort : William Trevor vous emporte dans un univers irlandais sans doute moins connu que celui de l'Irlande catholique et nationaliste. le personnage de Lucy, femme au caractère bien trempé mais d'une extrême douceur est très attachant, même si on peut lui reprocher son inertie et son refus d'épouser celui qu'elle apprécie et inversement : une sorte d'auto-flagelation, de punition en raison de sa mauvaise conscience, qui lui fera rater sa vie sentimentale. Cependant, Lucy n'est pas malheureuse car en dépit d'énormes sacrifices, elle a obtenu ce qu'elle voulait : rester en Irlande, rester sur sa terre et dans sa maison. Elle le fera jusqu'au bout, émouvante dans sa solitude et regrettant d'être, femme vieillissante désignée comme la "dame protestante", parce que dans l'Irlande d'aujourd'hui (le roman se termine à l'ère de l'Internet), "une Protestante, c'est une relique attardée, respectée pour ce quelle était, mais qui n'avait pas sa place".

Dans ce magnifique roman, William Trevor amène une réflexion sur l'extrêmisme, dépoussiérant l'Histoire de l'île d'émeraude, et amenant sur le devant de la scène une thématique que je ressens comme encore assez taboue : la chasse à l'anglo-irlandais, dans une Irlande nationaliste prise au piège de la violence. Cependant, il est également important de remettre les choses dans leur contexte : celui de la provocation de part et d'autre, ayant eu pour résultats des milliers de morts, dont bons nombre d'innocents, des deux côtés.

Grâce à William Trevor, je ne regarderai plus jamais les belles demeures irlandaises sauvées du massacre de la même manière !

Ce roman n'est, hélas ! plus édité ! On le trouve néanmoins dans toutes les bonnes bibliothèques ou en version originale.
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Se lit d'une traite, alors même que je qualifierais ce roman de profondément mélancolique et même contemplatif : tout un monde qui sombre avec la disparition de Lucy et l'exil de ses parents. C'est un récit apaisé d'une histoire violente, reflet et conséquence de l'histoire d'Irlande; et cette dualité fait tout le sel du récit. le style, le choix des mots, sont un régal; la poésie qui s'en dégage enchante. de la belle ouvrage, que je recommande chaudement.

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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Lucy, pour sa part, ne s'interrogeait guère sur la nature de l'exil. Avec le temps, elle avait accepté ce qui était advenu, comme elle acceptait sa claudication et les traits qui se reflétaient dans son miroir. Le chanoine Crosbie eût-il évoqué avec elle la question de découvrir le monde, elle aurait répondu que la nature et les principes de sa vie avaient déjà été établis à son intention. Elle attendait, aurait-elle expliqué. Et ce faisant, elle gardait confiance. Chaque pièce était tenue propre, époussetée. Chaque chaise, chaque table, chaque bibelot était tel que dans le souvenir de tous. Ses pleins vases d'été, ses abeilles, ses pas dans l'escalier et sur les paliers, traversant les pièces, dans la cour pavée et sur le gravier : voilà ce qu'elle offrait. Elle ne se sentait pas seule ; parfois, elle se rappelait à peine ce qu'était la solitude.
- Oh mais je suis heureuse, aurait-elle assuré l'homme d'église s'il lui avait posé la question. Assez heureuse, vous savez.
Pour le vingt et unième anniversaire Lucy, des cadeaux arrivèrent une fois de plus de la part du chanoine, de son épouse et de Mr Sullivan. Ensuite, elle s'étendit dans le verger aux pommiers, au chaud soleil vespéral, pour lire encore un autre roman laissé là par les générations précédentes. Aux yeux de Lucy, vingt et un ans, c'était une découverte du monde suffisante que de visiter Netherfield*.
* Résidence des Bingley dans le roman de Jane Austen, Orgueil et préjugés.
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C’est un drame, en Irlande, que pour une raison ou pour une autre, nous soyons encore et toujours obligés de fuir ce qui nous est cher. Nos patriotes vaincus sont partis, nos grands comtes, nos Émigrants de la Famine et maintenant, les pauvres en quête de travail. L’exil fait partie de nous.
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En passant devant les pêcheurs avec son père, Lucy crut réentendre les pleurs et les lamentations, la plainte déchirante qui s’insinuait dans les cottages par les demi-portes, écho tragique d’un funeste moment revisitant un autre moment funeste. La gaieté qui se manifestait de temps en temps à Lahardane n’était pas réelle et ne durait qu’aussi longtemps qu’ils pensaient à faire semblant.
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Mais les soeurs ne croient pas au hasard. Le mystère, voilà leur affaire. "Enlevez à la forêt son mystère, et vous avez du bois sur pied. Enlevez à la mer son mystère, et vous avez de l'eau salée." Elle avait trouvé cela quelque part, quand elle avait commencé à lire les livres des bibliothèques du salon. Elle l'avait répété aux soeurs longtemps après, un jour que cela lui était revenu. "ça alors, c'est joliment troussé, non ?" s'était écriée soeur Anthony, pleine d'admiration et soeur Mary Bartholomew avait demandé si l'auteur en était Charles Kickham ou le père Prout. Non, un étranger, croyait-elle.
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Sa tranquillité leur est un étonnement. Et pour cela, elles viennent, pour être de nouveau stupéfaites qu'il règne ici une telle paix. Une paix que ne mentionnent pas les on-dit passés ou présents. La calamité a façonné une vie lorsque, jadis, le sort s'est montré trop cruel. La calamité façonne l'histoire qui se colporte, elle est la raison de son existence. Ce qu'elles savent, elles, de plus, est-ce le doux fruit qu'a récolté un tel malheur ? Elles aiment à le penser - elle l'a senti.
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Video de William Trevor (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de William Trevor
Diana Reich interviewe William Trevor Podcast traduit en français ( sous-titres) Diana Reich, directrice artistique de Small Wonder, interviewe William Trevor, le récipiendaire du premier prix Charleston - Chichester pour l'excellence d'une vie dans la fiction courte.
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