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EAN : 9782917084762
240 pages
Attila (25/07/2013)
4.22/5   112 notes
Résumé :
L’Université de Rebibbia est le récit du séjour que fit Goliarda Sapienza dans une prison en 1980. Moment critique dans la vie de l’auteur: après s’être consacrée de 1967 à 1976 à l’écriture du monumental roman L’Art de la joie et avoir fait face à un refus général des éditeurs italiens, c’est une femme moralement épuisée qui intègre l’univers carcéral de Rebibbia, la plus grande prison de femmes du pays. Pour un vol de bijoux qu’il est difficile d’interpréter : ave... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Goliarda Sapienza (1924-1996) raconte dans ce livre vivant et marquant son expérience carcérale à Rebbibia, la prison romaine pour femmes, en 1980, durant les « années de plomb ». Elle y est incarcérée plusieurs mois pour un vol de bijoux dont le mobile demeure encore aujourd'hui une énigme. C'est le seul de ses ouvrages qui fut salué à sa parution en 1983. C'est à la fois un témoignage sur cette prison prétendument modèle et une réflexion sur la société italienne.
D'abord Goliarda descend littéralement dans un sombre sous-terrain, elle se retrouve dans une cellule à l'isolement, seule face à elle-même. Il faut tenir. Bouger et ne pas s'apitoyer sur soi. le silence est traversé de « cris inhumains faisant vibrer l'obscurité ». Elle nous raconte la routine mais aussi ses angoisses, ses nausées, sa lutte intérieure. La jeune Giovanella qui est enceinte la guide durant la promenade où les autres l'épient. Il faut savoir comment se comporter, un geste, un regard peut vous perdre. Goliarda a un prénom inhabituel, une tenue plutôt chic, de bonnes manières et parle un italien soutenu. Elle fait très attention à en dire le minimum. Elle apprend la patience. L'immobilité. Après l'aveu devant le juge d'instruction que l'écrivaine expédie en deux lignes, Goliarda quitte l'isolement et monte jusqu'à un espace bruyant et spectaculaire : les camerotti. Ce sont des cellules ouvertes sur un espace collectif à deux niveaux où les détenues vont et viennent comme dans une ruche. Goliarda se retrouve dans une cellule coincée entre l'énorme Annunciazione au rire trasvérien (elle m'a fait penser à une grosse mama fellinienne) et la frêle Marrô toxicomane récidiviste qui semble lire dans ses pensées. Goliarda apprend et s'adapte vite. Elle se promène dans les coursives et rencontre des femmes singulières aux parcours divers : prostituées, marginales, trafiquantes liées au grand banditisme, détenues "politiques". Cette fois-ci, c'est Marcella, une prisonnière politique qui la guide. Golardia se rapproche plus particulièrement d'un groupe de femmes cultivées…
J'ai beaucoup aimé ce livre, à hauteur de femme, sans complaisance toc. Goliarda ne fait pas croire aux autres détenues qu'elle est l'une des leurs et elle n'en rajoute pas. Elles savent qu'elle est une privilégiée, bourgeoise et érudite, qu'elle a un avocat et qu'elle sait écrire. Mais elles savent aussi qu'elle ne triche pas, qu'elle souffre dans sa chair et qu'elle a peur d'elle même et de l'extérieur, comme les autres.
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Je suis toujours un peu hésitante, lorsque déjà, des chroniques épatantes d'un texte ont été faites... ce qui est le cas pour ce livre autobiographique... mais cette fois, j'ai des éléments que j'ai envie de rajouter....sur l'éditeur, sur la présentation du texte , en lui-même…sur le parcours de l'auteure.
Un long moment que je souhaite lire « l'Art de la joie »… et finalement mon premier texte de cette écrivaine aura été ce récit autobiographique, qui a été un vrai coup de coeur. le mérite de ce texte est de transformer la « détention » de G. Sapienza, en une pause positive, qui lui ouvre les yeux sur certaines réalités sociales et humaines. Une expérience si enrichissante qu'elle nomme « la prison », « Université »…Un mélange de réflexions, de dialogues avec les autres détenues….

La maquette de ce récit personnel est très réussi, expressif et sobre à la fois. En couverture, un portrait « gris et blanc » de l'auteur…et à la fin de ce récit, l'éditeur a eu l'excellente idée de proposer un livret « biographique », avec des photos de la vie de l'auteure… la présentation très personnalisée de son parcours, nous apprend des choses incroyables… des parents socialistes , très engagés, dans la misère…des épreuves… dont l'arrêt très prématuré des études pour Goliarda Sapienza, le théâtre, ses interprétations des pièces de Pirandello, son travail d'assistante auprès de L. Visconti, plusieurs crises profondes et tentatives de suicide, une hospitalisation et une série d'électrochocs.

Goliarda Sapienza meurt dans l'anonymat, en 1996.Elle ne trouve la reconnaissance qu'après sa mort, avec le succès en 2005 de la traduction de « L'Art de la joie » aux éditions Viviane Hamy. L'importance de son oeuvre est subitement reconnue et donne lieu à un extraordinaire succès tant critique que public.. .

Les éditions « le Tripode » exprime le projet d'entreprendre désormais la publication de ses oeuvres complètes…

Ce récit autobiographique rend compte d'un épisode fâcheux survenu à l'auteure : après un vol, elle fut détenue dans une prison de Rome, qualifiée par Goliarda Sapienza d' »Université de Rebibbia » tant cette expérience lui a fait rencontrer des femmes de tous les horizons, de toutes les classes sociales…une certaine solidarité, complicité…la confortent

« Je voulais seulement, en entrant ici, prendre le pouls de notre pays, savoir à quel point en sont les choses. La prison a toujours été et sera toujours la fièvre qui révèle la maladie du corps social (…)

Et aucune télévision ou radio installée dans chaque cellule ne peut effacer l'horreur d'être expulsé de la société humaine et laissé à moisir dans ces lieux que dehors on croit conçus seulement pour quelques repris de justice, et que, quand on est dedans, on découvre être de vrais grandes villes, ou camps de concentration, si le mot n'impressionne pas trop. "(p.178)

Il est aussi question de la vie communautaire, de ses inconvénients, comme de ses côtés constructifs… où des femmes trop isolées, à l'extérieur, retrouvent des liens, des camaraderies qui les aident à se reconstruire, à tel point, que dans certains cas, la « sortie »… n'est pas aussi attendue que cela…

« Moi aussi, maintenant, j'ai tellement hâte de sortir parce que ça fait un an que je suis dedans, mais au bout de deux ou trois mois de liberté dans l'anonymat- liberté qui a pour seul avantage qu'on vous laisse mourir seul-je sais que me reprendra le désir d'ici. Il n'y a pas de vie sans communauté, on le sait bien: ici on en a la contre-épreuve, il n'y a pas de vie sans le miroir des autres.. ».(p.220)

Dans la lancée de cet enthousiasme, je viens de débuter un recueil de deux autres textes personnels, "Le Fil d'une vie" (Viviane Hamy, 2008), comprenant "Lettre ouverte" et "Le fil de midi"....





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J'avais adoré L'art de la joie, que j'ai relu récemment avec le même plaisir. Cette fois-ci j'ai lu, en langue originale, ce récit autobiographique. Sans atteindre la qualité et la profondeur de de son roman, ce livre m'a néanmoins enthousiasmé.
Goliarda vit cette expérience à fond, elle fait preuve d'une faculté d'adaptation assez extraordinaire, aidée par un sens aigu de l'observation.
On retrouve plusieurs de ses thèmes de prédilection : la condition des femmes qui, ici, dans ces circonstances, les aide à supporter l'enfermement, les réflexions sociales et politiques,...
Elle nous décrit une série de personnages parfois pittoresques, souvent attachants, la vie dans cet univers avec ses difficultés mais aussi ses joies.
Et l'on comprend qu'il s'est agit pour elle d'une école de vie.
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Les livres de Goliarda Sapienza ont été pour moi une très heureuse découverte.
Il m'est difficile de trouver les mots pour présenter celui-ci.
Tant de femmes différentes dans ce milieu fermé qu'est une prison, fût-elle modèle;
Modèle après la réforme carcérale: les portes des cellules restent ouvertes dans la journée , les prisonnières peuvent se rencontrer, s'inviter .
Pour Goliarda, la prison a été une école de vie d'où son titre "l'università"
"On y trouve des types et des comportements qui depuis des siècles, depuis des millénaires, n'ont pas changé d'un pouce."
Ici,pas de faux-fuyants, de tentative de paraître. C'est la vraie nature qui se dévoile.
la prison enseigne, sans les illusions et les hypocrisies de la vie courante, la dure et authentique dimension de la société humaine.
Les femmes supportent mieux l'incarcération que les hommes car elles ont été façonnées par la famille, le collège, la maison...Elles savent s'occuper.
Le regard de Goliarda est lucide et pénétrant.
Elle est plus curieuse que souffrante, elle observe tout et toutes.
Elle a une capacité d'adaptation, une façon d'apprendre, de trouver des valeurs, de se faire des amies, d'être appréciée, admirée, peut-être aimée.
Ce témoignage nous offre une analyse sociale et politique de la situation.
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Je suis en train de lire à rebours les ouvrages autobiographiques de Goliarda Sapienza. Si _Les certitudes du doute_ donne de l'expérience carcérale de l'autrice la vision idyllique d'un lieu béni d'épanouissement de soi, de protection contre la violence (capitaliste) du « dehors », d'émancipation intellectuelle – cf. la métaphore de l'université du titre – notamment grâce à la présence des détenues « politiques », et enfin d'éclosion de sublimes sentiments amoureux (lesbiens), ce texte chronologiquement précédent dément presque complètement cette vision. Par une description formidablement précise, documentaire, cinématographique du milieu carcéral à l'époque de la célèbre réforme ainsi que du vécu de la protagoniste, depuis le trajet vers le centre pénitentiaire accompagnée par deux carabiniers dont « la senteur métallique des boucles de ceinturon » lui renvoie le souvenir d'une peur semblable vécue « du temps des Allemands », jusqu'à un excipit où on l'aperçoit sur le point de saisir du papier et un stylo dans la même cellule que Roberta qui n'éveille encore chez elle aucun amour conscient, le lecteur est témoin de toute l'évolution de la prisonnière, au fil du temps. Elle est d'abord submergée par l'horreur de se trouver dans un milieu physiquement hostile, psychologiquement éprouvant à l'extrême, hébétée par toute sorte d'incompréhensions, à peine consciente de devoir se faire une place au milieu de femmes dont elle parvient avec la plus grande difficulté à déchiffrer les comportements, voire même seulement à comprendre le langage, se sentant constamment épiée sans aucune bienveillance, mise à l'épreuve jusque dans la violence corporelle... La saleté et le vacarme règnent, le dégoût et l'incompréhension sont ses sentiments constants, au milieu desquels les réflexions de l'héroïne commencent par être extraordinairement abstraites et assez décalées. La galerie des personnages est d'abord grotesque et terrifiante, presque caricaturale. Puis, progressivement, ils s'humanisent, et vers la moitié du texte, les sentiments des autres commencent à lui apparaître ou plutôt à lui devenir intelligibles, lorsque Goliarda est appelée par son prénom pour la première fois, à être défendue par ses compagnes de cellule, que celles-ci commencent à être « vues » par elle comme des personnes dotées de traits attirants (Marrò) ou laids (Annunciazione), mais assurément féminins. Puis, vers les trois quarts du récit seulement, Goliarda est conviée dans le cercle des femmes qui « lui ressemblent », des « politiques » principalement ainsi que la sublime Suzie Wong, esthète trafiquante internationale de drogue, avec lesquelles elle peut dialoguer car elle a été à même de reconnaître l'existence d'un langage commun. Enfin, ce n'est qu'à quelques dizaines de pages de la fin du livre que Goliarda, avec quelques hésitations et regrets, prend la décision d'accepter de changer de cellule, de partager celle de Roberta et de Barbara, dont la première sera la protagoniste de l'histoire d'amour relatée dans l'ouvrage suivant.
Nous savons que ce livre reçut un accueil très favorable à sa parution. Si quelques passages de critique sociale sévère y sont présents, y compris à l'égard de la réforme carcérale, le caractère scandaleux est presque totalement absent (à peine peut-être quelques paragraphes sur l'érotisme et la non-condamnation des drogues). Je présume que la raison d'un tel succès réside dans son formidable réalisme, servi par un style percutant, sensible et moderne. La traduction est particulièrement talentueuse, surtout dans les dialogues qui rendent bien le niveau de non-correction linguistique de certains personnages et « d'inintelligibilité décroissante » pour la narratrice au fil des pages...
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critiques presse (2)
Telerama
23 octobre 2013
On ne referme pas ce livre. On le laisse ouvert, les deux pans de la couverture apparents, pour que se déploie entièrement le portrait de Goliarda Sapienza, vigie au regard abyssal, où l'ironie le dispute à l'intelligence.
Lire la critique sur le site : Telerama
Lexpress
27 septembre 2013
De son expérience carcérale dans l'italie des années de plomb, Goliarda Sapienza a tiré un fascinant "cours accéléré de vie"
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
Ici les échelles de valeur de chacun se manifestent avec une clarté absolue, et il n’y a pas moyen de cacher aux autres, et encore moins à nous-mêmes, notre nature. Cela m’éclaire enfin sur la vraie raison de la terreur que nous avons tous de la prison : nous savons ataviquement que là-dedans il ne nous sera plus possible de faire tenir debout la “construction idéale” que nous-mêmes, aidés par la culture, l’argent, les bonnes manières, nous nous sommes soigneusement édifiées dehors. Ici revient en vigueur, souveraine, la sélection naturelle.
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Dès que j'ai été dehors[Temps de la promenade], au lieu de voir qui il y avait et qui il n'y avait pas, je me suis jetée dans une exaltation poétique comme une forcenée, et j'ai marché, le menton levé, à la façon d'une personne qui se délecte toute seule d'une promenade au milieu des champs. Ce n'est pas l'endroit...Ici le réel est tellement puissant, les douleurs de chacun tellement à la limite du supportable, qu'il suffit d'une attitude de sérénité excessive pour vous rendre incongru et suspect. (p.31)
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Voilà ce qui est terrorisant dans cet ensemble de cellules: l'anormalité de leur silence.
Nous désirons souvent le silence, mais celui de la vie est toujours sonore, même à la campagne, à la mer, même lorsque nous sommes enfermés dans notre chambre. Là où je me trouve, le non-bruit a été conçu pour terroriser l'esprit, qui se sent recouvert de sable comme dans un sépulcre. (p.16)
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Moi aussi, maintenant, j'ai tellement hâte de sortir parce que ça fait un an que je suis dedans, mais au bout de deux ou trois mois de liberté dans l'anonymat- liberté qui a pour seul avantage qu'on vous laisse mourir seul-je sais que me reprendra le désir d'ici. Il n'y a pas de vie sans communauté, on le sait bien: ici on en a la contre-épreuve, il n'y a pas de vie sans le miroir des autres...(p.220)
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Ici les échelles de valeur de chacun se manifestent avec une clarté absolue, et il n'y a pas moyen de cacher aux autres, et encore moins à nous-mêmes, notre nature. Cela m'éclaire enfin sur la vraie raison de la terreur que nous avons tous de la prison: nous savons ataviquement que là-dedans il ne nous sera plus possible de faire tenir debout la "construction idéale" que nous-mêmes, aidés par la culture, l'argent, les bonnes manières, nous nous sommes soigneusement édifiée dehors. Ici revient en vigueur, souveraine, la sélection naturelle. (p.132-133)
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Videos de Goliarda Sapienza (18) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Goliarda Sapienza
Par Marie Vialle Dans le cadre du festival Italissimo 2024
Liberté, désir et rébellion. Dans Moi, Jean Gabin, Goliarda Sapienza retrace l'histoire d'une enfance insoumise dans la Sicile des années Trente. À une époque où le fascisme étouffe la société italienne, une enfant de Catane, captivée par les images du film Pépé le Moko, ne rêve plus que de devenir Jean Gabin, symbole d'une vie libre et passionnante. Par l'auteure de L'Art de la joie, Moi, Jean Gabin est l'un des plus beaux textes de Goliarda Sapienza, à la fois roman autobiographique et testament philosophique qui célèbre la liberté et les rêves. À l'occasion du centenaire de la naissance de l'écrivaine, Marie Vialle met son talent et sa virtuosité au service d'une histoire magnifique.
À lire – Goliarda Sapienza, Moi, Jean Gabin, trad. de l'italien par Nathalie Castagné, le Tripode, 2012
Lumière par Hannah Droulin Son par Alain Garceau Direction technique par Guillaume Parra Captation par Marilyn Mugot
+ Lire la suite
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