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EAN : 978B0000DL22Z
éditions des Cahiers libres (30/11/-1)
3.75/5   8 notes
Résumé :
Madame Dargent est la première œuvre de Georges Bernanos publiée dans La Revue littéraire de septembre 1922.

La femme d’un célèbre romancier est sur le point de mourir.
Elle apprend à son mari qu’elle était au courant des scandales qu’il lui avait toujours cachés.

« Oh ! Charles ! je n’en finirai jamais de mourir.
Il a écouté ces étranges paroles avec une surprise croissante, mais la dernière plainte, si naïve, réveille en... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Madame Dargent, épouse d'un écrivain célèbre est mourante. Elle va avouer à son mari qu'elle a toujours été au courant de ses trahisons et va ajouter cette phrase énigmatique : « Ce que tu as rêvé, je l'ai vécu. », cette phrase prélude à de terribles révélations et va entraîner le drame..

Georges Bernanos, dans cette courte nouvelle, nous confronte ici aux trahisons, à l'agonie, à la mort, mais aussi à la responsabilité de l'écrivain.
le récit est court, l'auteur fait remarquablement croître la tension, Madame Dargent présentée initialement comme insignifiante prend de plus en plus d'épaisseur.
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Dans cette brève nouvelle de Georges Bernanos, le drame se déroule autour de Madame Dargent, l'épouse d'un écrivain célèbre, sur son lit de mort. Lorsqu'elle révèle à son mari qu'elle a toujours su qu'il le trompait, elle laisse planer un mystère: « Ce que tu as rêvé, je l'ai vécu. » Cette déclaration énigmatique annonce des révélations déchirantes et entraîne le récit dans sa cynique fin.

Bernanos nous montre ce qu'est la corruption humaine, de l'agonie tout en dénonçant cet écrivain. Malgré la brièveté du récit, l'auteur parvient à intensifier la tension de manière remarquable. le personnage de Madame Dargent se donne de la profondeur, gagne en épaisseur, captivant l'attention du lecteur. Quelque part, une fois que l'on aperçoit le for intérieur de Madame Dargent, l'inéluctable développement s'exécute devant le lecteur impuissant.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
― Elle ne se rend pas compte, dit-il, elle ne se verra pas mourir..
Ainsi parla l’illustre écrivain, mon maître, sur le seuil de la porte. Pour qui le connaît, cette courte phrase, d’une vulgarité si décisive, exprime à merveille la déception d’un cœur sensible devant un dénouement sans grandeur. Après avoir remué, retourné, flairé tant de belles mortes pour livrer les plus touchantes à notre curiosité passionnée, le célèbre romancier ne pouvait se faire aucune illusion : sa propre femme ne se voyait pas mourir, probablement parce qu’elle ne s’était jamais sentie vivre, ayant toujours donné au monde l’exemple de la plus silencieuse vertu. Des trahisons notoires, consommées avec un élégant génie, des scandales sans nombre, enfin mille blessures, n’avaient pas plus entamé un système nerveux si compact que les investigations, plus savantes et plus profondes encore, de l’agonie. En un mot, elle mourait sottement. Aussi curieux qu’on le suppose, l’observateur se lasse de retourner du pied un demi-cadavre, et qui se détruit sans souffrir.

L’éminent maître referma la porte derrière moi, me donnant sans doute à tous les diables. Comme il tirait sa montre, il entendit sonner minuit à Saint-Thomas-d’Aquin. Alors il fit un pas vers sa chambre à coucher, et deux pas vers la chambre de l’agonisante... Ces deux pas le portèrent, d’un coup, bien plus loin qu’il n’avait jamais rêvé d’aller. Un seul petit détour décide ainsi d’un long avenir.

Mon Dieu ! chacun pourrait, dès à présent, rêver cette histoire et l’embellir à son gré, à proportion de l’activité de son démon intérieur, car elle n’est pas de celles qu’on raconte avec une affligeante précision ! Voyez : le lit de Mme Dargent a été dressé dans le bureau du maître, plus vaste, et dont les fenêtres s’ouvrent sur un calme jardin. Contre la bibliothèque, dans son fauteuil de cuir, la sœur garde-malade s’endort, au ronron du foyer. Tout repose alentour, sauf un petit cœur tendu qui veille, et ne veut pas mourir.

L’illustre visiteur a préparé son compliment du soir, mais il s’arrête net, cloué sur place par deux yeux immobiles, et qui fixent sur lui, du fond de l’immense oreiller, un regard trop vivant. Alors, il sent son bras droit happé par une petite main farouche, tandis que l’autre, saisissant au vol le collet du veston, l’attire tout près, plus près, jusqu’à la bouche entrouverte. La buée de la fièvre, où subsiste encore étrangement le parfum jadis familier, le frappe au visage, pendant qu’il écoute cette phrase surprenante, plutôt épelée que parlée :
― Charles ! Je ne peux pas mourir !
― On lui a fait sa piqûre, souffle la sœur, debout derrière lui, et elle va se fatiguer à parler. Dieu sait !... Ne l’écoutez pas trop longtemps.
Ayant dit, elle disparut, d’un pas feutré, en soupirant, les mains croisées, irréprochable et compatissante. La porte se referma sur ce dernier témoin, et le plus beau ténor de la littérature contemporaine se sentit vraiment seul pour la première fois de sa vie.
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— C’est la fièvre, ma pauvre amie, dit-il, c’est la fièvre de minuit. Demain matin…
— Ah! non ! s’écrie-y-elle. Demain matin ! Je ne reverrai pas, je ne veux pas voir un autre matin. La grande affaire se fera cette nuit… Tu peux bien tout de même me donner une heure de ton temps, poursuit-elle avec une rage croissante, tu ne vas pas me laisser là, à la minute décisive… Oh ! je sais, va ! Tu ne m’as jamais aimée. M’as-tu seulement regardée ?
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Il regarde à ses pieds ; il regarde de toute son âme. Le collier mystérieux, les trente-deux perles du duc de Roscovitch, les perles célèbres, vues jadis tant de fois sur les épaules de son amie, sont là, dans une buée de sang. Mais cette buée est dans ses yeux, à lui. Il voit, à travers cette buée, la folle, impassible, assise sur son lit, les deux jambes nues pendantes… C’est elle, c’est elle, le mauvais ange, la diabolique Providence, son destin, son destin tragique ! Une seconde, il n’en doute plus : elle a tué la mère et le fils, silencieuse, implacable, secrète et sûre… La colère, une colère d’enfant ou de demi-dieu, une explosion de l’instinct… La chambre du crime et de l’agonie lui paraît tout à coup immense, infinie, déserte, pareille à une steppe de cauchemar. Une âcre fumée l’étrangle, il jette ses mains en avant.

La folle cherche à fuir, se cramponne aux rideaux du lit, de ses deux griffes. À quoi bon ? Il pèse sur elle de tout son corps, de tout le poids du corps et de l’élan. Il ne voit plus, mais ses doigts voient pour lui. À peine garde-t-il le souvenir d’une tête renversée en arrière, d’un cou qui se brise et d’un plaintif gémissement… Le geste fatal, plus rapide qu’une pensée, a tué d’un seul coup, et si vite, que dans le visage déjà rigide, la bouche amère tremble encore…

… On a su depuis que Mme Dargent était morte dans une crise de délire furieux, entre les bras de son mari. Depuis, l’éminent maître a repris sa course aux honneurs et à la gloire, avec un vigoureux optimisme. Que craindrait-il, en effet ? Un auteur ne se trouve pas deux fois dans sa vie face à face avec une créature de chair et de sang qui ressemble comme une sœur à ces rêves dont s’amuse, avec le lecteur complice, une élégante perversité… Qui sait, pourtant ?
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Regarde-moi bien. Ils diront que je suis folle, mais tu ne le croiras pas… Tu ne l’oseras point ! Réponds-moi donc ! Sais-tu qui je suis ? Toutes celles, toutes celles que tu as rêvées, plus chères que des vivantes, Mme Guebla, Monique, Mlle de Sergy, la petite-fille du vieux Gambier, les héroïnes de ton théâtre et de tes romans, voilà mon partage, voilà ce que je fus ! J’avais lu tes livres, moi ! Je les ai poursuivies dans tes livres, avec quelle curiosité dévorante ! Tu ne leur avais donné, avec tout ton génie, qu’une existence douteuse, une forme impalpable et légère, ― je leur ai donné mieux : un corps, de vrais muscles, une volonté, un bras ! Pouvais-je t’aimer mieux ? pouvais-je me glisser en toi plus profondément, par un détour plus fin ? Je me suis donnée à elles comme Mme de Brinvilliers s’est jadis donnée au diable… C’est Sergine de Préville qui me prêtait ses aiguilles et sa morphine, c’est Mlle de Noles… Tiens ! de ta danseuse hindoue, un soir, j’ai pris le cœur calme et féroce, et c’est Louise de Trailles, ou moi, ― je ne sais plus ― qui versais le poison, lorsque… Mais !… Mais j’ai été bonne et patiente avec Louise Geslin, chaste avec Henriette de Lastigues, même dévote avec la Nueva. Oh ! j’étais entre leurs mains comme dans les doigts du modeleur ! Quel vertige ! Quelle amère ivresse ! On ne me regardait même pas. On disait avec pitié : cette bonne Mme Dargent ! Je me taisais, je passais… Ah ! si on avait su ! Ils n’avaient de ton œuvre que le reflet, mais ils l’auraient vu en moi resplendir et se consumer !
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Reste encore, dit-elle… Reste toujours… Me croyais-tu déjà morte ? Je réfléchissais seulement… Est-ce que ça peut s’appeler réfléchir ? Il y a dans ma tête un vide effrayant : toute ma vie se reforme là, murmure-t-elle en se frappant le front, ligne par ligne. À chaque seconde, un nouveau souvenir, le plus secret, le plus ancien, le mieux dissous dans le passé, remonte comme une bulle d’air et vient crever à la surface… Peut-être suis-je morte ? Seulement à mesure que je me détruis, un autre être se reforme plus haut, et j’ai vu tout à l’heure son vrai visage, et c’est comme si je devais le voir toujours !
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« Rien ne me réconcilie, je suis vivant dans votre nuit abominable, je lève mes mains dans le désespoir, je lève les mains dans la transe et le transport de l'espérance sauvage et sourde ! » (Paul Claudel, Cinq Grandes Odes)
« Singulière figure que celle de Georges Bernanos (1888-1948) […]. Sorte de Protée des haines et de l'amour, il semble ne jamais offrir deux fois le même visage. Il y aurait plusieurs Bernanos : un Bernanos de droite, à cause des Camelots du Roi, un Bernanos de gauche à cause des Grands Cimetières sous la lune ; un Bernanos romancier des abîmes de la condition humaine, ou un Bernanos pamphlétaire névropathe ; un Bernanos anticlérical, un Bernanos pieux catholique ; un Bernanos antisémite, un Bernanos réactionnaire, un Bernanos prophète, un Bernanos énergumène, un Bernanos enthousiaste... L'inventaire est sans fin […]. Romancier, essayiste, journaliste, Bernanos est l'homme d'une oeuvre vaste mais unifiée, tout entière contenue dans cette tâche qu'il découvrit être la sienne : rendre témoignage à la vérité, en manifestant de toutes les manières possibles ce qui est pour lui la finalité de toute condition humaine. […] Bernanos ne se faisait aucune illusion quant à l'efficace immédiate de ses écrits sur la marche du monde. C'est, toujours et seulement, de la révolte de l'esprit, la seule qui vaille, qu'il est question chez lui. […] » (Romain Debluë)
« […] C'est sans doute ma vocation d'écrire, ce n'est ni mon goût ni mon plaisir, je ne puis m'empêcher d'en courir le risque, voilà tout. Et ce risque me paraît chaque fois plus grand, parce que l'expérience de la vie nous décourage de plaire, et qu'il est moins facile encore de convaincre. J'ai commencé d'écrire trop tard, beaucoup trop tard, à un âge où on ne peut plus être fier des quelques vérités qu'on possède, parce qu'on ne s'imagine plus les avoir conquises, on sait parfaitement qu'elles sont venues à vous, au moment favorable, alors que nous ne les attendions pas, que parfois même nous leur tournions le dos. Comment espérer imposer aux autres ce qui vous a été donné par hasard, ou par grâce ? […] Il faut vraiment n'avoir pas dépassé la quarantaine, pour croire que dix pages, cent pages, mille pages d'affirmations massives sont capables de forcer une conscience : c'est vouloir ouvrir la délicate serrure d'un coffre-fort avec une clef de porte cochère. L'âge aidant, il me paraît maintenant presque aussi ridicule et aussi vain de dire au public : « Crois-moi ! » qu'à une femme : « Aime-moi ! » et le résultat est le même, soit qu'on ordonne ou qu'on supplie. Rien n'est plus facile que de prêcher la vérité. le miracle, c'est de la faire aimer. […] » (Georges Bernanos, Comprendre, c'est aimer, paru dans La Prensa, à Buenos Aires, le 19 janvier 1941.)
0:04 - Réponse à une enquête 11:30 - Générique
Référence bibliographique : Georges Bernanos, Scandale de la vérité, essais, pamphlets, articles et témoignages, Éditions Robert Laffont, 2019
Image d'illustration : https://www.france-libre.net/bernanos-appel/
Bande sonore originale : Carlos Viola - The Four Witnesses (Piano Version)
Site : https://thegamekitchen.bandcamp.com/track/the-four-witnesses
#GeorgesBernanos #scandaledelavérité #LittératureFrançaise
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