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EAN : 9782021097795
230 pages
Seuil (24/01/2013)
4.06/5   26 notes
Résumé :

Que ne lit-on et n'entend-on pas en France sur le modèle allemand ?

On fait en particulier très régulièrement l'éloge de la rigueur budgétaire allemande, et de la capacité de nos voisins à accepter de lourds sacrifices pour restaurer la compétitivité de leur industrie.

Or, explique Guillaume Duval, ce ne sont pas là les véritables raisons des succès actuels de l'économie allemande.

Cette réussite est due surtout... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Un bon livre, clair, didactique sans être pesant, sur l'Allemagne, les différences (souvent anciennes, façonnées par la géographie et l'histoire) entre Allemagne et France, l'Europe, l'histoire récente de l'Allemagne, avec Helmut Kohl, Gerhard Schröder et Angela Merkel ...

J'ai été plus convaincue par la première partie (qui explique en quoi le modèle allemand ne date pas d'hier), plus développée que les autres, et puis une fois qu'on a lu et compris cette partie, la suite en découle naturellement

J'ai été surprise que l'auteur ne mentionne pas certains éléments qui me semblent très différents entre l'Allemagne et la France, l'Allemagne et le reste de l'Europe : il ne me semble pas du tout neutre qu'en Allemagne, les impôts soient prélevés à la source, par exemple !
Pas neutre non plus, surtout dans un pays aussi vieillissant et à la natalité aussi faible, que les investissements négligés et non faits en Allemagne, ne concernent pas que l'éducation des jeunes, mais aussi la santé ...

Côté pouvoir d'achat et salaires, est-il neutre que la majorité des supermarchés soient "discount" en Allemagne (je parle bien de l'Allemagne actuelle, et avant la réunification, de l'Allemagne de l'Ouest, et non de l'Est) ... ce qui n'est pas du tout le cas en France et dans le reste de l'Europe ...
en France, l'enseigne qui a ouvert la voie aux supermarchés discount provient d'Allemagne : Lidl, et ça ne me semble pas du tout un hasard

Cela illustre aussi le fort pragmatisme qu'on observe souvent en Allemagne, tout comme le fait qu'en Allemagne il y ait très peu la (stupide) distinction entretenue en France, même dans les grandes villes, entre boutiques de vêtements "petites tailles" et "grandes tailles" ... il est vrai que l'alimentation et le peu de tradition gastronomique en Allemagne, cela ne les aide pas à garder un poids stable longtemps, ni une bonne santé (cardio-vasculaire), en cela, et en l'absence de la tradition très européenne et très saine de la "pause déjeuner", les Allemands mangent souvent des repas trop riches, grignotent, mangent gâteaux et glaces très souvent ... ceux qui partent aux Etats-Unis ne doivent pas trop être dépaysés pour cela

L'auteur a en revanche bien mentionné (chiffres à l'appui, assez désespérants d'ailleurs, mais la situation s'améliorera peut-être un jour) les scandaleuses inégalités homme-femme en Allemagne, souvent bien pires qu'en France (où la situation est déjà loin d'être idéale). de plus, la situation semble actuellement s'aggraver encore pour les femmes allemandes ! qu'on tolère à peine sur le marché du travail, et toujours en sursis, elles sont sommées de retourner à la maison une fois qu'elles ont eu un enfant (car la majorité n'en ont qu'un au plus, maintenant ! forcer les femmes à un choix radical entre enfants et travail est souvent un mauvais calcul, je crains que l'Allemagne, le Japon et d'autres pays le paient très cher)
Les mères qui travaillent longtemps étant mal vues, et puis le peu de crèches et structures pour la petite enfance obligent les mères à s'occuper de leur enfant pendant des années ... ensuite l'école continue ce processus, puisque les cours n'ont lieu que le matin, la plupart des mères sont obligées de rester à la maison l'après-midi ... un travail à temps complet, ou aux 4/5e comme ce que font nombre de mères françaises de 2 enfants, semble donc impossible

Un focus intéressant dans le livre, sur la réalité du monde du travail pour les femmes allemandes, toujours massivement présentes dans les jobs à temps très partiels (dont aucun homme ne veut, mais qu'une maman accepte, cf. les raisons exposées plus haut), jobs peu valorisés socialement, peu régulés par des accords de branches, donc peu payés dans un pays n'ayant toujours pas de salaire minimum (un peu scandaleux dans l'Union européenne, il me semble ... je ne comprends pas qu'on n'ait pas institué ce critère d'un salaire minimum mensuel DES L'ENTREE dans l'Union, et de façon non négociable ensuite, pour éviter l'énorme dumping social dans lequel on a plongé)

J'approuve l'opinion de l'auteur sur l'écologie très présente depuis longtemps dans la vie des Allemands, ils ont une énorme avance sur la France en matière de recyclage des déchets (Strasbourg a très tôt essayé de copier le modèle allemand pour ce point de l'écologie, le reste de la France a mis beaucoup plus de temps à suivre), pendant que certains roulent en grosse voiture, beaucoup d'Allemands ont fait depuis longtemps le choix du vélo (bien avant les Français qui s'y mettent plus avec les vélos en libre-service dans les villes, et avec l'augmentation du prix des carburants pour voiture, le manque de places de stationnement et les bouchons ...)

L'auteur explique clairement pourquoi la France a de nouveau validé son choix énergétique du nucléaire (choix pourtant très contestable, ne serait-ce qu'à cause des problèmes soulevés par les déchets radioactifs accumulés, et par l'absence de cohérence avec une Europe qui devra forcément se tourner vers les énergies renouvelables rapidement), tandis que l'Allemagne s'est bien décidée à en sortir rapidement, et mise pour cela sur les énergies renouvelables ... mais miser sur le charbon et les importations seulement aurait été une folie, l'urgence de la transition énergétique est plus une réalité dans une Allemagne qui ne pouvait faire le choix du nucléaire. Cependant, l'Allemagne gaspille beaucoup moins l'électricité que la France : logements mieux isolés, nécessité de contrôler la consommation dans un pays (pour l'instant) plus peuplé, climat plus continental et froid l'hiver, électricité environ 2 fois plus chère qu'en France ...

L'auteur aborde aussi les réalités de la réunification, et ses conséquences pour les Allemands et le reste de l'Europe, un rappel intéressant dans un contexte où les Allemands sont très réticents à se montrer solidaires avec le sud de l'Europe, et semblent oublieux de cette période où toute l'Europe a indirectement contribué à supporter le coût de la réunification ...

L'auteur mentionne aussi, entre autres, plusieurs auteurs (économistes, écologistes, penseurs et philosophes, etc. ) qui ont marqué les Allemands et n'ont à ce jour, toujours pas été traduits en français ... dans ce cadre, comment s'étonner de la méconnaissance mutuelle entre Allemands et Français ?
ce livre n'y remédie donc qu'un peu, mais j'ai trouvé sa lecture fluide et intéressante. Un bon essai que je vous recommande
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Durant la campagne présidentielle de 2012, Nicolas Sarkozy s'est fait le chantre du modèle allemand. À l'en croire, l'Allemagne aurait réussi à défendre sa compétitivité grâce aux réformes courageuses mises en oeuvre par le chancelier Schröder : baisse des cotisations sociales patronales, recours facilité à l'intérim, recul de l'âge de la retraite…

Guillaume Duval, rédacteur en chef du mensuel Alternatives économiques, bat en brèche cette thèse. Faisant un bilan « globalement négatif » des années Schröder, il soutient qu'elles ont fragilisé l'économie et la société allemandes. Il identifie les raisons des bonnes performances de l'Allemagne durant la tourmente financière à des causes plus profondes. Des causes structurelles bien connues dont la description occupe une bonne moitié de son livre : des relations du travail mieux organisées avec des corps intermédiaires puissants, une formation moins élitiste et plus tournée vers le monde du travail, une organisation territoriale authentiquement décentralisée… Et des causes conjoncturelles tout aussi déterminantes quoique plus rarement évoquées : le recul démographique qui, s'il est lourd de menaces à long terme, constitue à court terme un atout paradoxal (réduction des charges d'éducation, absence de bulle immobilière), le décollage des pays émergents dont la demande est en phase avec la spécialisation de l'Allemagne dans les biens d'équipement et les voitures de luxe.

Ce débat est révélateur de l'exemplarité dont reste paré en France, de Jean-Pierre Chevènement à Alain Minc, le « modèle allemand ». Qu'il s'agisse, comme l'avait fait en son temps Michel Albert, d'opposer le capitalisme anglo-saxon au capitalisme rhénan ou, comme Nicolas Sarkozy, de dénoncer les blocages de la société française, c'est toujours l'Allemagne qu'on convoque quand on veut réformer la France. Aucun pays au monde, sauf peut-être les États-Unis, n'exerce sur nous une telle fascination. L'abondante littérature suscitée par le cinquantenaire du traité franco-allemande de l'Élysée l'a amplement démontré.
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A -Les fondamentaux datant de Bismarck ou les facteurs de succès de l'Allemagne contemporaine:
-Sens de la négociation entre les partenaires sociaux, professionnels et patronaux et codétermination obligatoire en matière de:
1.gestion managériale et sociale
2.normes et savoir-faire techniques

-Phase de concertation lourde mais décisive pour passer des accords engageants et fiables.

-Rôle réel, participatif et consensuel de corps intermédiaires nombreux, variés, actifs et structurés : corporations d'experts et de métiers, branches professionnelles, comités d'entreprises, associations représentants les universités et chercheurs, etc.

Résultats :
1.Personnel informé, motivé, engagé dans les méthodes et orientations prises collectivement
2.Rigueur des processus de production
3.Qualité stable des produits.
4.Ni économie planifiée par l'état, ni marché roi (cf. l'ordolibéralisme de Fribourg) : adaptation concertée par les acteurs du coeur de l'entreprise aux circonstances et/ou anticipation long-terme.
5.Protection de celui qui travaille : couverture sociale et formation. On rémunère le personnel même en stand-by en cas d'activité basse pour récupérer immédiatement son opérationnalité quand l'activité reprend.
6.Apprentissage valorisé et certifié offrant, à l'entrepreneur, un vivier mâture, prêt à l'emploi, et, pour le jeune, une sérieuse opportunité d'insertion, quand le tout-diplôme n'est pas un système garanti ou accessible.
7.L'actionnariat, le management : des acteurs parmi d'autres, qui ne captent pas toute l'autorité mais ne portent pas non plus tout le poids des décisions, notamment en matière d'évaluation et de rémunération individualisées et de mise en oeuvre de programmes de redressement ou de tournant tactique. Délesté de l'embrouillamini syndicaliste et politique, de la déconnection des réalités comme de l'isolement des hauteurs, le décideur décide sans arrogance et les décisions collégiales sont appliquées.

Ma question : Qu'en est-il de la recevabilité en terre gauloise de ces recettes résultant de l'histoire prussienne?

B- Spécificités objectives et gagnantes de l'Allemagne :
1-Tradition forte et ancienne d'émigration d'allemands dans le monde. D'où des communautés de descendants de ces ancêtres allemands bien implantées dans le monde entier et capables d'introduire et de piloter dans le tissu social local les sociétés allemandes débarquant dans les pays émergeants comme l'Amérique du Sud ou l'Asie.
2-La réunification a permis à des entreprises de l'Ouest d'installer à un prix dérisoire des usines high-tech toutes neuves dans l'ex-RDA.
3-Le déplacement de la capitale allemande à Berlin a favorisé la reprise des affaires avec la Mitteleuropa, son aire naturelle d'influence offrant une main-d'oeuvre bon marché.
4-Le découpage historique des « Länder » permet une répartition plutôt homogène de la population, du tissu des entreprises, de la vie culturelle et coopérative, des hôpitaux et des services sociaux, des centres de recherche scientifiques et ancrages universitaires. de cette décentralisation structurelle résultent une production de richesse indépendante de sa localisation géographique et une action efficace traitant des questions écologiques considérées comme importantes Outre-Rhin.
5-La spécialisation de métier dans la fabrication de biens d'équipement, de machines outils et d'automobiles haut de gamme a coïncidé à ce moment-là au besoin des pays émergeants.

C- Quand le bon élève allemand doit corriger sa copie
-L'égalité hommes-femmes au travail est un échec. Pas de crèche, pas d'école maternelle, une journée scolaire qui finit tôt : les femmes doivent choisir entre maternité et carrière. (les femmes de l'ex-RDA étairnt mieux loties de ce point de vue car elles avaient des crèches, écoles maternelles….)
-Pas de salaire minimum. Les femmes et les étrangers remplissent les emplois à temps partiels dans les sociétés de services.
-Politique désastreuse du socialiste Gerhard Schröder qui a voulu appliquer à la lettre le modèle libéral anglo-saxon que même Toni Blair a soigneusement évité de mettre en pratique au vu des besoins réels du paysage post-Thatchérien (Blair a créé le salaire minimum quand Schröder prônait la responsabilité en multipliant l'offre des petits boulots). Blair a fait des investissements productifs quand Schröder a serré la ceinture du budget, oubliant que le coût ne fait pas la circonstance.
-Pour des raisons historiques, les allemands se méfient d'un état interventionniste et tout puissant mais la rigueur budgétaire socialiste de Gerhard Schröder avec ses baisses salariales, réductions des retraites, cadeaux fiscaux non réinvestis, ont accru les inégalités sociales, grossi une épargne qui, elle, a effectivement bien rempli les banques des pays emprunteurs du Sud de l'Europe.
-Le budget serré et maîtrisé de l'Allemagne s'explique donc pour de mauvaises raisons : pas de dépenses d'entretien d'établissements pour l'enfance et l'éducation, ni pour l'entretien des infrastructures. Les principes organiques de l'organisation économique et entrepreneurial ont un temps été remplacés par un sauve-qui-peut individualiste et doloriste. Merkel a corrigé quelques-unes des conséquences de l'austérité
.
Résultats :
1.Les femmes ne font plus d'enfants. La démographie plonge. L'Allemagne manque de bras et d'ingénieurs.
2.L'immigration turque nombreuse remplit les petits boulots, rivalisant ainsi les mères allemandes n'ayant pas d'autres choix.
3.Si les pays émergeants n'ont plus besoin d'avoir recours aux fabrications allemandes, l'Allemagne devra sortir de son quant-à-soi et retrouver une politique pro-européenne.
4- Les bons points de l'élève français
1.Le Français n'émigre pas facilement, n'a pas de territoires à reconquérir. Mais elle est une terre d'immigration abondante, et sa démographie est florissante.
2.Cette jeunesse pour laquelle l'état dépense beaucoup en école, crèche, lycée, etc. est un atout. Les femmes peuvent mener des carrières ou au moins avoir des emplois déclarés socialement.
3.Les retraités d'après-demain auront des jeunes immigrés devenus français qui travailleront pour payer leur retraite.
4.La centralisation jacobine en France est un gouffre budgétaire compensant les régions mal loties mais les structures locales sont entretenues, restaurées, en bon état. le tourisme afflue…

Ma question : La France n'a pas transformé la Francophonie en un substitut d'Hinterland. Mais n'est-ce pas une carte à jouer pour insérer ses immigrés que de savoir la customiser en World culture ?

D- Réflexions à mener sur des problèmes communs à l'Allemagne et à la France pour des réponses européennes :
1.Conversion écologique de l'énergie européenne : mettre en place un service public, sorte de Green Deal
2.Solidarité de la politique européenne monétaire ; intégration bancaire et modalités de crédibilité politique.
3.Intégration des jeunes immigrés dans le système éducatif
4.Orienter la jeunesse vers les sciences et les techniques (le Brain Drain des étudiants du Sud de l'Europe ne suffisant pas à répondre à la demande d'ingénierie pointue)

Ma Question : ne pas oublier que l'Allemagne conservatrice pratique le Christianisme social. Pas de séparation entre l'état et l'Eglise. La France révolutionnaire, hiérarchique et séculière, ne devrait-elle pas réfléchir à son mode de communication avec un pays désormais géographiquement et philosophiquement moins Catholique, plus Protestante, avec toute la perspective sous-jacente de la Mémoire informant des sensibilités venus de l'Est et du système de valeurs induit au sein de l'entreprise.

A lire donc pour découvrir bien d'autres analyses, notamment hystorique ce livre : « Made in Germany. le modèle allemand au-delà des mythes »
de Guillaume DUVAL – Editions du Seuil – 229 pages


Patricia JARNIER 26 mars 2013 Tous droits réservés.
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Cet ouvrage m'a appris énormément de choses sur l'économie allemande à laquelle, je dois l'avouer, je ne m'étais pas beaucoup intéressé auparavant... Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais je ressors très satisfait de cette lecture. J'y ajouterai 2 bémols cependant : Guillaume Duval fait régulièrement référence à des noms de régions allemandes, que je ne connais absolument pas, ainsi ai-je pu avoir du mal à capter certaines informations (je vous laisse imaginer la lecture d'un livre sur la France, sans savoir faire la différence entre le Pas-de-Calais et la Gironde ou le Finistère...). Enfin, j'ai vraiment ressenti un fort acharnement sur Gerhard Schröder tout au long de l'ouvrage ; j'ai bien compris que l'auteur était très hostile aux politiques menées par l'ancien chancelier, mais on a parfois l'impression que tout est fait pour en remettre une couche, ça en devient un peu "lourd" (pour caricaturer, certains passages ressemblent à « le redressement industriel de l'Allemagne n'est certainement pas dû à cet incapable de Schröder ».)
Bref, j'ai tout de même appris énormément de choses sur l'Allemagne, c'est pour cela que je recommanderais ce livre.
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Guillaume Duval démonte nombre de prénotions, pourtant largement relayées dans le débat publique, sur le modèle allemand qui n'est pas le fruit des réformes de Schröder mais de facteurs structurelles (répartition des capitaux sur le territoire, relation entre banques et industries, place des syndicats...).
Les années schröderiennes ont au contraire contribué à fragiliser l'économie allemande et l'Europe avec elle par le biais d'une austérité aveugle qui a entraîné entre autre une hausse des inégalités et de l'endettement public.
Il apparaît donc que copier le modèle allemand, réduit à une politique de modération salariale et de désinflation, n'est qu'une lubie vouée à l'échec brandie par les libéraux et le patronat (après le modèle japonais, américain....).
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critiques presse (2)
NonFiction
01 mars 2013
Un ouvrage incisif et convaincant qui démontre la réalité des forces de l'Allemagne, tout en déconstruisant les mythes économiques et médiatiques à propos des splendeurs supposées du "modèle allemand".
Lire la critique sur le site : NonFiction
LesEchos
23 janvier 2013
Sa thèse, originale et à contre-courant des idées défendues par les « germanodôlatres » français, est que le réformisme des années Schröder, loin de résumer à lui seul l'insolente résistance du pays à la crise, l'a au contraire fragilisé, comme en atteste la très forte progression de la pauvreté.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Cette vision très déséquilibrée de la place des femmes explique aussi la tolérance de la société allemande vis-à-vis de la dualisation croissante du marché du travail et du creusement des inégalités de revenus. (...)

Cette glaciation touchait en particulier le rôle des femmes. Le Kaiser Guillaume II avait popularisé, au début du XXe siècle, une allitération pour définir sa vision de la place des femmes dans la société allemande : Kinder, Küche, Kirche, les enfants, la cuisine et l'église, les 3 K.
(...) après la saignée de la Seconde Guerre mondiale, la question démographique était prioritaire dans la reconstruction de l'Allemagne. On était alors revenu aux "fondamentaux" : les "3 K".
Et cela, bien que politiquement les femmes allemandes aient acquis le droit de vote dès 1919 à l'occasion des débuts sociaux-démocrates de la République de Weimar, alors que les Françaises avaient dû attendre 1944.

Depuis les années 1960, les choses ont beaucoup changé bien sûr, et le mouvement féministe allemand a été à bien des égards plus actif et plus constant que son homologue français.

Il n'empêche : la société allemande porte encore aujourd'hui de nombreux stigmates de ce passé. Elle est nettement moins égalitaire encore que la société française sur le plan des rapports hommes-femmes.

(...) les femmes allemandes occupent toujours une proportion un peu plus faible de l'ensemble des emplois qu'en France. Mais surtout, derrière ces taux globaux qui semblent plutôt rassurants se cachent des réalités nettement moins réjouissantes pour nos voisines du fait de la nature de ces emplois et de leur niveau de rémunération.
Tout d'abord 30% des femmes françaises occupent un emploi à temps partiel (contre 6,5% des hommes), une proportion stable depuis une quinzaine d'années. Tandis qu'en Allemagne cette proportion est de 45% (contre 9% chez les hommes), un pourcentage en forte progression : il n'était "que" d'un tiers en 1995.

(...) C'est l'effet en particulier du développement exponentiel des "petits boulots" payés moins de 400 euros par mois qui bénéficient d'un statut particulier permettant de ne payer que très peu de cotisations sociales. (...) En résumé donc, depuis vingt ans, la réduction du temps de travail a été au global équivalente en Allemagne et en France, mais elle s'est traduite outre-Rhin par une nette aggravation des différences entre hommes et femmes. Alors qu'en France cet écart est resté stable du fait d'une résistance plus forte au développement du temps partiel féminin.
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Le texte Blair-Schröder de 1999

En attendant, l'admiration que vouait un Gerhard Schröder arrivant tout juste aux affaires à un Tony Blair bien installé au 10 Downing Street, et dont la réputation dépassait déjà largement les frontières du Royaume-Uni, se traduisit par la publication dès juin 1999 d'un manifeste commun, "La voie en avant pour les sociaux-démocrates européens, propositions de Gerhard Schröder et de Tony Blair", auquel Lionel Jospin se gardera bien de se joindre.
Relu aujourd'hui, ce texte possède le charme d'une époque définitivement révolue (du moins il faut l'espérer) après les crises financières de 2001-2002 et 2008-2009. (...)

Il y avait cependant dans ce rapprochement une asymétrie fondamentale entre Tony Blair et Gerhard Schröder. Le premier, en communicant accompli, savait la différence qui existe toujours entre les discours qui n'engagent que ceux qui les écoutent et les actes d'un dirigeant politique désireux de se faire réélire.
Malgré tous ses vibrants plaidoyers sociaux-libéraux, notamment à usage externe, il a finalement mené en Grande-Bretagne même une politique très classiquement social-démocrate. Il a porté le niveau des dépenses publiques de 39% du PIB en 1998 à 48% en 2008, avec notamment des hausses très importantes en matière d'éducation, de transports ou de santé. Il n'a pas non plus exercé réellement de pression à la baisse sur le coût du travail. (...)
Tony Blair instituera également un salaire minimum au Royaume-Uni et cela à un niveau assez élevé, ce que Gerhard Schröder se gardera bien de faire en Allemagne. (...) Ce n'est pas ainsi cependant que le comprit son disciple allemand. Celui-ci fit au contraire siennes les thèses du social-libéralisme avec la foi ardente du nouveau converti et mit par la suite un point d'honneur à suivre scrupuleusement les recommandations de leur texte commun avec une rigueur toute germanique ...

Tony Blair et Gerhard Schröder faisaient cependant face à des situations très différentes. Le premier héritait d'un pays où les services publics étaient exsangues après deux décennies de purge conservatrice, tandis que le second devait gérer les conséquences tardives de la réunification qui avaient gonflé un peu les dépenses publiques et plus nettement encore les dettes (...)

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De fortes inégalités salariales

Mais ces différences de salaires ne sont pas seulement dues aux écarts de temps de travail : rapporté à l'heure de travail, l'écart moyen de salaire entre hommes et femmes était de 23% en Allemagne en 2010, l'un des plus élevés d'Europe, contre 16% "seulement" en France, juste en dessous de la moyenne européenne.

Le niveau particulièrement important des écarts de rémunération entre hommes et femmes en Allemagne tient en particulier à la forte concentration des hommes dans les secteurs les mieux couverts par la négociation salariale collective de branche, et notamment l'industrie manufacturière dont la main-d'œuvre était encore en 2011 masculine à 73% outre-Rhin (70% en France). Tandis que les femmes dominent dans les branches les moins protégées par la régulation collective des salaires comme les hôtels, cafés, restaurants, où elles occupent 58% des emplois (contre 49% en France).

D'où des salaires de misère dans un pays qui ne dispose pas d'un Smic : en 2011, près de 3 millions de salariés allemands (pour l'essentiel des femmes en réalité) travaillaient pour moins de 6 euros de l'heure. De façon significative, les activités de services les mieux régulées sur le plan des rémunérations, comme les banques et la finance, ou encore l'administration publique, sont par contre plutôt moins féminisées en Allemagne qu'en France : les femmes allemandes occupent en effet 51% des emplois du secteur de la finance contre 57% en France, et 48% des emplois de l'administration publique contre 51% en France.

Le développement rapide des emplois à bas salaires essentiellement féminins a ainsi tiré vers le bas les prix des services en Allemagne dans les années 2000. Les chiffres d'Eurostat sont très parlants : alors que les niveaux de prix sont restés quasiment identiques en France et en Allemagne entre 1999 et 2011 pour les biens, l'écart sur les prix des services marchands, qui étaient déjà inférieurs de 4% outre-Rhin en 1999, est montré à 13% en 2011 ...

Cette forte pression que les prix des services a joué un rôle indirect mais néanmoins déterminant dans l'amélioration de la compétitivité-coût de l'industrie allemande : elle a rendu tolérable en effet la stagnation prolongée des rémunérations des hommes employés dans le secteur industriel car leur pouvoir d'achat réel n'a été que peu entamé, vu la très faible évolution du prix des services. D'autant que la rapide extension de l'emploi féminin, même mal payé et à temps très partiel, contribuait dans le même temps à accroître malgré tout les ressources globales des ménages.
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Peu de femmes dirigeantes

Cette subordination des femmes allemandes sur le marché du travail se retrouve au sommet des entreprises : selon les chiffres de la Commission européenne, elles ne représentaient en 2012 que 16% des membres des conseils de surveillance des sociétés allemandes cotées (contre 22% en France). C'est un peu mieux cependant que la moyenne européenne qui n'est que de 14%, les pays scandinaves affichant sans surprise les meilleurs scores sur ce plan.

Selon une étude du cabinet de conseil Grant Thornton, les femmes allemandes ne fourniraient par contre que 13% des cadres dirigeants des principales entreprises, cotées ou non, contre 21% en moyenne dans les 40 pays du Nord et du Sud qui constituent ce panel et 24% en France.
Il n'y a, selon ce cabinet, qu'au Japon où cette proportion soit encore inférieure.

En Europe, de façon inattendue, c'est en Italie que cette proportion serait la plus importante avec 36% de femmes dans le top management.
Tous les pays émergents affichent des pourcentages de femmes nettement plus élevés que l'Allemagne (et la France) dans leur management : 46% en Russie, 31% en Turquie, 27% au Brésil, 25% en Chine.
Il n'y a guère que l'Inde à être encore presque aussi misogyne que l'Allemagne en la matière avec seulement 14% de femmes parmi ses cadres supérieurs.

Ce n'est pas cependant une spécificité du secteur privé : c'est aussi le cas dans la haute fonction publique. La situation des femmes allemandes y est encore moins favorable que celle de leurs homologues françaises, pourtant fort peu satisfaisante : selon les données rassemblées par la Commission européenne, les Allemandes n'occupaient que 11% des postes de haut fonctionnaire de rang 1 en 2001 et 17% seulement des postes de rang 2 contre respectivement 17 et 33% pour leurs collègues françaises (pour une moyenne européenne de 30 et 39%, les pays les mieux placés étant notamment ... la Grèce et l'Espagne où les femmes occupent quasiment la moitié des postes administratifs les plus élevés ...).

Comme partout, cette position secondaire des femmes sur le marché du travail est très liée en particulier à la question des enfants et de leur éducation.
Mais celle-ci tient en Allemagne une place nettement plus centrale encore qu'ailleurs à cause de la faiblesse des infrastructures de garde : en 2009, seuls 18% des enfants allemands de moins de 3 ans étaient gardés dans une structure formelle (crèche, halte-garderie ou équivalent, dont 12% seulement pendant plus de trente heures par semaine), contre 41% en France (dont 25% plus de trente heures).

Plus de deux tiers des jeunes enfants allemands sont gardés exclusivement par leurs parents, contre moins de la moitié pour leurs homologues français.
Même en Italie, le pourcentage d'enfants gardés dans des institutions formelles collectives est sensiblement supérieur et, en Europe, il est en moyenne de 27%.

Rompant avec plus d'un siècle de tradition conservatrice, le gouvernement dirigé par Angela Merkel a cependant adopté en 2007 une loi censée garantir à tous les enfants allemands le droit à une place en crèche à partir de leur seconde année à compter de 2013. Même si l'ampleur des problèmes démographiques explique pour une bonne part un tel revirement, il n'est pas indifférent que ce soit une femme originaire de l'ex-RDA qui ait pris une telle initiative, malgré de très fortes réticences au sein de son propre parti : l'Allemagne de l'Est était en effet sur le plan à la fois du travail des femmes et de l'éducation des jeunes enfants beaucoup plus proche de la France que de l'Allemagne de l'Ouest, comme toutes les anciennes républiques socialistes ...
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Dans ce contexte, l'ancienne capitale, Berlin, elle-même divisée entre Berlin-Ouest et Berlin-Est, se trouve enclavée en pleine zone d'occupation russe.
En 1949, la zone d'occupation des pays occidentaux devient la République fédérale d'Allemagne. Même s'ils veulent absolument réunifier à terme le pays, les Allemands de l'Ouest eux-mêmes n'ont aucune envie de se doter d'un Etat central fort, après deux guerres mondiales qui ne leur ont apporté que ruines et morts. Et les puissances d'occupation ne veulent de toute façon pas entendre parler de la reconstruction d'un Etat allemand puissant, susceptible de déclencher un jour de nouveaux troubles en Europe.

La nouvelle entité fait donc une large place aux dix Länder qui constituent alors cette République fédérale (...) Significativement, la capitale du nouvel Etat est installée dans une ville secondaire, Bonn (320 000 habitants) (...) qui n'avait jusque-là joué aucun rôle dans l'histoire allemande.

En 1989 la chute du mur de Berlin et la décomposition du bloc soviétique rendent possibles la réunification allemande. Celle-ci se réalise, en pratique, en intégrant purement et simplement les territoires de l'Est au sein de l'organisation préexistante de la République fédérale qui compte désormais seize Länder. Principale différence : Berlin redevient la capitale de l'Allemagne.

Sur le plan des relations franco-allemandes, ce n'est pas cependant une différence mineure : au lieu d'être située à 200 km de la frontière française, la capitale allemande se trouve désormais à 800 kilomètres (et à 100 kilomètres en revanche de la frontière polonaise). Le centre de gravité politique du pays a basculé par la même occasion de l'ouest du continent vers l'Europe centrale et de la Rhénanie catholique vers la Prusse protestante.

(...) Bref, les rois de France avaient déjà consacré quelque six cents ans à rogner les ailes de leurs nobles et à centraliser pouvoirs et richesses à Paris avant de passer le relais à Napoléon Bonaparte et aux républicains qui ont continué cette œuvre avec beaucoup d'énergie pendant quasiment deux cents ans de plus. Tandis que les Kaisers allemands n'ont guère pu consacrer à ce travail que quarante-trois années entre 1871 et 1914 ... Guère plus que les quelque quarante années que nous venons de passer à essayer - timidement - d'inverser la vapeur en décentralisant l'organisation des pouvoirs en France.

Paradoxalement, ce qui fut longtemps perçu comme un handicap - y compris aux yeux des Allemands eux-mêmes - se révèle au bout du compte un avantage décisif dans le contexte d'une mondialisation et d'une construction européenne où les petits Etats et les pays très décentralisés tirent nettement mieux leur épingle du jeu que les grands Etats centralisés comme la France ou le Royaume-Uni.
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