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Randy DuBurke (Illustrateur)
EAN : 9780809095049
102 pages
Hill And Wang (01/10/2006)
5/5   1 notes
Résumé :
The age of multitasking needs better narrative history. It must be absolutely factual, immediately accessible, smart, and brilliantly fun. Enter Andrew Helfer, the award-winning graphic-novel editor behind Road to Perdition and The History of Violence, and welcome the launch of a unique line of graphic biographies.

If a picture is worth a thousand words, these graphic biographies qualify as tomes. But if you're among the millions who haven't time for ... >Voir plus
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Que lire après Malcolm X : A Graphic BiographyVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Comme le titre l'annonce, ce recueil comprend une histoire complète et indépendante de toute autre, sous la forme d'une biographie de Malcolm X. Il a été publié la première fois en 2006. Il s'agit d'un récit en noir & blanc, écrit par Adrew Helfer, dessiné et encré par Randy DuBurke. Il reprend les éléments de L'autobiographie de Malcolm X écrite par Alex Haley. Il se termine avec 8 photographies de référence, disposée sur 2 pages, et une bibliographie recensant 9 ouvrages dont l'autobiographie.

Peu avant sa mort, Malcolm X habitait dans une chambre d'hôtel, éloigné de sa famille, avec un fusil chargé à ses côtés en tout temps. Son destin trouve ses racines dans l'importation d'esclaves noirs aux États-Unis au dix-huitième et au dix-neuvième siècles, puis dans les lois ségrégationnistes, dans les lynchages pratiqués par le Ku Kux Klan, dans la discrimination ordinaire. Son père Earl Little était un pasteur pour Marcus Garvey (1887-1940), un promoteur du panafricanisme. En 1929, leur maison dans le Michigan est incendiée par des blancs. En 1931, son père meurt écrasé par un trolley, sans qu'il soit possible de déterminer s'il s'agit d'un accident ou d'un meurtre.

Après la mort de son mari, la mère de Malcolm perd la tête et ses enfants sont placés. Malcolm Little atterrit dans une famille de Boston, plutôt accueillante et bienveillante. En faisant le tour du quartier noir, il découvre des individus colorés se livrant à des activités illicites. Un boulot de serveur dans les trains lui permet de se rendre à Harlem où il se fait sa place, fréquente les boîtes de jazz où règne une certaine forme de mixité, se livre à des petits trafics. Il finit par tomber pour des cambriolages, avec comme circonstance aggravante, d'avoir des complices blanches.

Le titre est assez explicite : cette bande dessinée propose une biographie de Malcolm X. Pour un lecteur ayant déjà vu Malcolm X (1992) de Spike Lee, (Denzel Washington interprétant le rôle principal), il y retrouve 80% du film. Andrew Helfer insiste moins sur la dimension comédie dramatique, et plus sur la dimension parcours de vie de Malcolm X. Il apparaît rapidement que les 2 auteurs se sont abreuvés aux mêmes sources de référence, avec le même souci d'honnêteté vis-à-vis de leur sujet. Dans cette BD, il y a très peu de phylactères, la narration passant à plus de 90% par des cellules de texte rédigées par un narrateur omniscient. L'auteur prend soin de raconter l'histoire au temps présent, sans ajouter des effets de style sur ce qui va advenir, ou sur l'importance de tel ou tel moment.

Adrew Helfer prend le parti de s'adresser au plus grand nombre. Il retrace l'histoire d'une figure historique, à l'échelle de l'individu, tout en rappelant le contexte historique, et en informant le lecteur sur des événements devenus des faits historiques à moitié effacés par les décennies. Dans les 3 pages de la séquence d'introduction, 2 sont consacrés à Malcolm X prenant la pose à la fenêtre avec un fusil dans les mains. le narrateur utilise cet artifice pour capter l'attention du lecteur, sur la fin tragique d'un être humain, pour connecter le lecteur avec Malcolm X en tant qu'individu, plutôt qu'en tant que légende historique. Il consacre la page suivante à une synthèse très succincte sur l'existence de la traite des noirs. Pour la suite, il relate des faits établit de la vindicte des blancs s'exerçant sur la famille Little.

Dès le début, le lecteur se rend compte que Randy DuBurke travaille sur la base de photographies ou de documents historiques. Ce choix permet de raccrocher la narration à des faits documentés et vérifiables. Parfois, le lecteur peut reconnaitre une photographie d'actualités ou une séquence vidéo qu'il a déjà pu voir. L'artiste reprend l'image en l'état et lui applique comme une forme d'augmentation du contraste. Il aboutit à un noir & blanc très tranché, et à des contours un simplifiés. Ce mode opératoire lui permet également d'intégrer ces images passées dans la mémoire collective, tout en assurant une continuité graphique avec celles qu'il doit créer de toute pièce.

La deuxième caractéristique de la narration graphique découle également de la nature de l'ouvrage. le dessinateur ne raconte pas une intrigue, il ne cherche pas à rendre sensationnel des scènes, des drames ou des moments intimes. Il s'agit bien d'une narration séquentielle, mais il y a peu de scènes d'action. Il s'agit essentiellement de scènes d'exposition, montrant des individus et des lieux. Cette approche est encore accentuée par le faible nombre de dialogues. de la même manière que le scénariste est asservi aux faits de la biographie, le dessinateur est asservi à montrer ce qui a existé.

L'artiste se sort bien de sa tâche et réussit à éviter de montrer ce qui disent déjà les cellules de texte. Il accomplit sa mission de faire voir ce qui se passe, de rendre concret ce qui est évoqué. Lorsque le texte évoque l'intimidation dont est victime la mère de Malcolm encore enceinte de lui, le lecteur voit ce rapport de force malsain, entre des cavaliers sur leur monture, et une jeune femme enceinte avec un gamin dans les bars, sur le pas de sa porte. Cette image a plus de force dramatique que le simple texte. le lecteur ressent également toute l'émotion du jeune Malcolm face au proviseur du collège qui lui indique que sa scolarité se termine là, même s'il a de bons résultats car il en est ainsi dans le système éducatif, ce jeune noir a atteint le plafond de verre de sa condition sociale. Les dessins font vivre les personnages pour le lecteur, transmettant les émotions avec plus de force que les mots.

La dimension descriptive des dessins apporte également beaucoup d'informations, et permettent d'évoquer des lieux et des modes passées. le lecteur voit avec étonnement les tenues vestimentaires baroques adoptées dans les quartiers noirs urbains (sur ce plan, les couleurs du film sont encore plus parlantes). Il constate l'écart immense entre les maisons pauvres de la campagne et les immeubles des centres urbains. Au-delà de ces éléments, les images permettent de donner à voir les protagonistes, de les faire exister. L'évolution d'apparence entre le jeune Malcolm Little et l'adulte Malcolm X saute aux yeux. Elijah Muhammad (le responsable de la Nation de l'Islam) devient un individu incarné, un homme fait de chair et de sang, et plus seulement un représentant communautaire et politique. le lecteur regarde de vrais êtres humains, et pas seulement des évocations vagues. Il y a un autre type de séquences qui prennent toute leur force grâces aux dessins : la violence. le lecteur se sent impliqué par les violences policières commises à l'encontre de citoyens afro-américains. Il ne peut pas rationnaliser la présence de véhicules qui suivent la voiture de Malcolm X. Il est mis devant le fait accompli : aux États-Unis, certaines factions n'hésitent pas à recourir à l'intimidation. La disponibilité et l'accessibilité des armes à feu rendent la loi du plus fort bien présente. L'assassinat ignoble de Malcolm X devient une réalité tangible.

Mis à part la séquence d'introduction, le scénariste s'en tient à un déroulement chronologique. Il s'attache aux pas de Malcolm Little. Les séquences ne le mettant pas en scène sont peu nombreuses. Helfer n'y a recours que pour présenter un élément de contexte tels que les exactions de la police sur des afro-américains, les actions menées par Martin Luther King (1929-1968), ou la renommée naissante de Cassius Clay (1942-2016). Il prend bien soin d'expliquer les points qui relèvent d'une époque différente. Il ne consacre qu'une courte cellule de texte aux revendications de Marcus Garvey. Par contre, il consacre 3 pages à présenter la foi d'Elijah Muhammad, évoquant Wallace Dodd Fard (le créateur de cette religion) et l'histoire de Yacoub le fondateur mythologique. Cela permet au lecteur de se positionner par rapport à ce credo. Ces éléments contextuels permettent également de se faire une opinion sur les convictions de Malcolm X. le lecteur le perçoit comme un produit de son époque, façonné par son histoire personnelle, par les convictions de son père, par les violences faites à sa famille sous prétexte de sa race.

Andrew Helfer tient le pari de montrer Malcolm X sous ses 2 aspects : celui d'un être humain enraciné dans une époque et dans une culture, et celui d'un porte-parole politique, devenu la voix d'une minorité traitée comme des citoyens de seconde classe. Cette biographie atteint donc son objectif de rendre la vie de Malcolm X intelligible pour des lecteurs contemporains. Les auteurs ne font pas de lui un saint ou un sauveur altruiste, ni un dangereux agitateur politique fanatisé. Ils savent rappeler que sa notoriété ne s'est pas faite en 1 jour, qu'elle n'a pas été à l'échelle nationale du jour au lendemain, que la population en était plus ou moins consciente de son existence en fonction des endroits (notoriété plus forte dans les grandes villes, moins parlante dans les zones agricoles). Malcolm X ne devient pas un individu prédestiné à un grand avenir. Il n'apparaît pas comme omniscient, ou détenteur d'une vérité universelle.

En s'en tenant à sa vie, les auteurs laissent la possibilité d'une critique par le lecteur, ou du moins d'interrogations. Comment un individu aussi combattif (dans le bon sens du terme) a pu croire à l'altruisme de celui qu'il suivait, et s'en remettre ainsi à son autorité ? Quelles ont pu être les conséquences de sa prise de drogue quotidienne dans sa jeunesse ? Il est facile de juger un individu avec le recul des décennies passées et une position confortable dans une société démocratique. Il n'est pas possible de se projeter dans son esprit, de vivre sa vie. Cette limite n'obère en rien la qualité de cette biographie qui présente la vie et l'oeuvre de Malcolm X en restant au niveau de l'individu. Comme à l'issue du film de Spike Lee, le lecteur ne dispose pas de toutes les réponses. Il s'interroge sur les raisons qui font que Malcolm X est associé à une forme d'activisme violent (son rôle auprès du groupe Fruit de l'Islam est minimisé, ainsi que ses déclarations racistes). Il ne pourra jamais savoir quelles furent les raisons de son assassinat. Il n'y a pas d'explication claire et définitive comme dans une fiction. Par contre, il peut prolonger sa lecture en se renseignant sur l'évolution de la Nation de l'Islam (Nation of Islam) et sa position par rapport à l'Islam officiel. Ce qui est certain est que son regard aura changé sur la tension toujours présente entre les communautés blanche et noir aux États-Unis, sur les violences policières dans ce pays, les auteurs ayant réussi à faire passer de nombreuses spécificités culturelles.

Adrew Helfer et Andy DuBurke ont effectué un remarquable travail de biographie, en donnant à voir de nombreux aspects de la vie de Malcolm X. La pagination n'étant pas infinie, ils ont dû faire des choix éditoriaux. Ils n'évoquent pas la rencontre entre Malcolm X et Fidel Castro, ils n'insistent pas sur la dimension raciste de ses discours. le lecteur qui ne connaît pas la vie de Malcolm X bénéficie d'une reconstitution historique intelligente et pertinente, donnant l'envie d'en apprendre plus. le lecteur qui a déjà vu le film de Spike Lee retrouve les mêmes informations, mais avec une sensibilité différente et complémentaire.
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