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EAN : 9782368907382
300 pages
Le Passeur (09/01/2020)
4/5   7 notes
Résumé :

Comment bien conduire son existence ? Les sagesses antiques peuvent nous servir de guide pour vivre en harmonie avec le cosmos, avec les autres et avec nous-mêmes, afin d'établir l'équilibre qui nous permettra d'accéder au souverain bien : le bonheur.

Comment bien conduire son existence ? Cette question se pose d'autant plus aujourd'hui que la société européenne n'est plus organisée autour d'un ensemble de dogmes religieux. Sans doute y avons-... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Dans le Manuel de sagesse païenne, Thibault Isabel considère que le temps des monothéismes est en passe d'être révolu... a-t-il vraiment tort ? Face aux grands déséquilibres provoqués par une mondialisation sans réels contre-pouvoirs, l'Eglise semble d'autant moins diserte qu'elle ne fut pas étrangère à l'universalisation des modes de pensées pour convenir à ses dogmes. Cette uniformisation fut la première étape du mouvement de mondialisation qui s'est par la suite imposé. L'islam, tout comme les monothéismes qui l'ont précédé, serait promis au même reflux de son influence en tant que religion révélée. Les manifestations spectaculaires de ses franges intégristes seraient le signe d'un ultime soubresaut.

Il s'agit donc de découvrir, ou plutôt de redécouvrir des sagesses capables de relayer les monothéismes, notamment abrahamiques. Ceux-ci ont en commun de se focaliser sur la relation de l'homme à un Dieu créateur, ils sont de ce fait peu adaptés aux enjeux éthiques de notre époque. Ils s'intéressent peu à la nature tandis que son altération n'est, aujourd'hui, ni une vue de l'esprit ni un problème à la marge. La nature humaine est sous le feu des projets transhumanistes, le biotope s'appauvrit dangereusement, la pollution globale progresse. Thibault Isabel considère que le paganisme peut répondre à de tels enjeux, en portant l'enchantement de notre regard sur le monde qui nous entoure plutôt qu'en direction d'un arrière-monde qui, d'ailleurs, a été évacué de l'horizon imaginaire avec l'hégémonie du matérialisme.

Je souhaite ici apporter un contrepoint au manifeste de Thibault Isabel, il se loge dans une nuance. Si, en effet, il est vain de spéculer sur la réalité qui se situe au-delà des capacités d'entendement de l'esprit humain, on ne peut affirmer pour autant qu'une telle réalité n'existe pas. Thibault Isabel écarte l'option panenthéiste, qu'il assimile à la première marche conduisant aux monothéismes et à leurs dérives. le panenthéisme est une façon de concilier l'immanence du monde et son aspect non pas surnaturel, mais peut-être « super-naturel ». On est en droit de se demander si les dieux ne sont pas une réalité plutôt qu'une mythologie produite par la seule psyché humaine. On est en droit, à l'instar de Carl Gustav Jung, d'au moins suspendre son jugement sur la question. Et de nous demander de quel esprit on parle lorsqu'on parle de l'esprit dans le monde et dans tout ce qui le peuple ? Qui sait si, un jour, l'homme ne trouvera pas les réponses à ces questions à la faveur d'un saut évolutionnaire, celui-là même qui a fait se distinguer l'humanité des autres espèces du règne vivant ? Dès lors, l'humanité pourrait accéder à cette réalité super-naturelle qu'aujourd'hui, elle ne fait que deviner au travers de l'expérience religieuse, mystique ou du sacré.

Thibault Isabel considère donc que la dérive dogmatique était en germe dans les panenthéismes tels que l'orphisme, les cultes à mystères égyptiens, l'hindouisme qui a introduit les divinités pour faire du védisme un système religieux, notamment. Non sans ajouter avec lucidité que des dérives comparables ont émergé dans des contextes résolument païens : on pense notamment au stoïcisme ascétique de Marc-Aurèle, virant au puritanisme et à la crispation durant la phase de déclin de l'Empire romain. Et de mentionner également la dérive idéaliste du platonisme ayant succédé aux philosophies présocratiques d'Héraclite ou d'Anaximandre. Cet idéalisme nous a éloignés d'une vision de l'existence tragique plus difficile à porter, mais peut-être plus juste. Faut-il donc considérer, à l'instar de Nietzsche, que le passage des philosophies naturelles aux sagesses idéalistes ou aux croyances révélées fut le signe d'une dévitalisation de l'existence et d'un déclin de la pensée ? Peut-être s'agit-il plus simplement d'une évolution des systèmes de croyances répondant aux contextes de leurs époques et à la grande loi des cycles de naissance, d'apogée et de déclin des civilisations.

L'ouvrage de Thibault Isabel est empreint d'une sagesse pratique, il peut être mis au service d'un projet de société, d'un projet politique pourrions-nous dire si seulement le terme n'avait pas été tant déprécié et galvaudé. Si thèse il y a de la part de l'auteur, c'est autant pour exposer avec minutie et force d'arguments la sagesse de la vision païenne que pour affirmer la pertinence de cette vision au regard des enjeux actuels. le propos est accessible et d'une grande clarté, l'exercice m'a convaincu.
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Eloge du paganisme, ce manuel aiguise ses arguments en s'établissant contre le catholicisme.


Puisqu'il est ici question de manichéisme, revenons-en à ses déclinaisons. Alors que le catharisme s'est distingué du catholicisme en exacerbant la dualité de l'esprit et du corps, proposer d'utiliser les qualités du premier pour mettre fin aux qualités du second afin que, de vie matérielle sur terre – allégorie de l'enfer – il n'y ait plus, le paganisme que nous dépeint Thibault Isabel est une forme de contestation inverse basée sur le regret que le catholicisme ne manifeste pas davantage les joies de la matérialité. Thibault Isabel, refusant au christianisme le dogme du péché originel, estime en effet que l'homme est bon par nature et qu'à condition de vivre dans un équilibre du corps et de l'esprit, il trouvera par lui-même la voie du Bien.


La nécessaire définition de l'idée qu'entend Thibault Isabel dans son emploi du terme de « paganisme » est donnée en début d'ouvrage. « le mot paganus a donné en français les termes « païen » et « paysan » » et les deux déclinaisons du terme seront prises en compte. En défendant le paganisme, Thibault Isabel poursuit une forme de défense de la marginalité poursuivant le Bien selon la règle de l'intelligence, et non de la soumission aux dogmes établis – mais quelle idée sous-tend la présupposition selon laquelle intelligence et acceptation du credo seraient incompatibles ? le paganisme désigne ainsi, dans cet ouvrage, toute religion non révélée dépourvue de croyance métaphysique mais également l'état d'esprit de l'homme enraciné en son terroir, considéré ainsi comme source d'un savoir de l'éternel, qui s'oppose à l'obéissance inconditionnelle au dogme, considéré comme temporel.


« le paganisme ne repose pas sur une foi, sur un Créateur qu'on ne voit pas et auquel on devrait cependant croire, mais sur un certain rapport à l'existence », écrit encore Thibault Isabel. Il devient rapidement clair que la comparaison entre le paganisme et le christianisme n'a alors pas de raison d'être puisqu'il s'agit d'une part d'une « esthétique de vie » rattachée au monde matériel et de l'autre d'une religion et d'une métaphysique, n'excluant pas le monde matériel mais ne s'y limitant pas. La description faite du paganisme est extrêmement élogieuse, mais elle ne fait l'objet d'aucune forme d'argumentation : « le courage, le sens de l'honneur, la loyauté, le respect de la parole donnée, la générosité et l'exigence illustrent quelques-unes des vertus païennes les plus importantes ». Pour un peu, l'esprit taquin, nous pourrions supposer que l'approbation que nous faisons porter à des qualités telles que le courage, le sens de l'honneur, etc. est un pur produit du christianisme – en tout cas, celui-ci ne s'y oppose pas. La modernité sont des idées chrétiennes devenues folles, disait encore plaisamment Chesterton.


La lecture progressant, il devient de plus en plus évident qu'à travers le paganisme, Thibault Isabel ne semble parler que du christianisme, bien qu'il l'ignore, puisqu'il réduit celui-ci à la religion d'État. Ainsi ne pourfend-il pas la religion en elle-même mais les aspects sous lesquels elle transparaît lorsque, récupérée par certains hommes, elle se fait enjeu de pouvoir et de domination. le paganisme dont parle Thibault Isabel n'est en effet qu'une façon de se trouver lié à l'existence d'une façon esthétique et de se tenir à l'écart des formes du pouvoir. Il est dommage toutefois que le pouvoir soit ici assimilé à ce qui en fut le prétexte – le catholicisme – alors qu'il m'aurait semblé plus fécond de porter un regard humain sur les machinations humaines pour ne pas perdre de vue la beauté de la religion elle-même – vaste projet esthétique – eut-elle été récupérée en vue de la réalisation d'un quelconque objectif temporel, plutôt que d'ajouter à la confusion de notre époque en dressant un hypothétique paganisme, décrit tout de roses vêtu, contre un christianisme rapidement éludé et réduit à l'ambition politique.
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Le but de Thibault Isabel n'est pas de proposer une histoire savante de la philosophie antique et moderne, mais bien un « manuel de sagesse », c'est-à-dire un ensemble de préceptes, une conception cohérente de la vie bonne qu'il s'agit d'expérimenter, en usant pour cette tâche d'une panoplie très large. Et si cette sagesse est païenne, c'est parce qu'elle se tient soigneusement à l'écart de la tradition du christianisme, comme du judaïsme et de l'islam.
Lien : https://www.causeur.fr/manue..
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Bof...
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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Là où les modernes se bornent à être ce qu’ils sont, les anciens nous conviaient à devenir ce que nous sommes. L’égo se conçoit d’une manière dynamique : il est en perpétuel mouvement. Sans idéal à atteindre, sans route à parcourir, l’accomplissement de soi ne serait qu’un songe inconsistant. La vérité d’une âme n’est autre que le chemin qu’elle emprunte ; son potentiel n’est autre que le sentier qu’elle est faite pour gravir.
L’écart qui sépare l’homme de ses rêves est infini, comme est infini l’écart qui nous sépare du monde divin. La lumière des étoiles brille pourtant à travers le firmament et déverse sur la terre une sagesse théophanique, qui, si elle est interprétée avec justesse, nous aide à trouver la Voie. En toute chose, soyons guidés par le juste souci d’être heureux. Faisons preuve de discernement. Appliquons-nous à grandir, à mûrir, à être davantage et surtout mieux que ce que nous étions. Le perfectionnement est constitutif du bonheur. Nous ne nous affirmons que dans l’effort. Pour Héraclite, « les hommes seraient moins heureux s’il arrivait toujours ce qu’ils souhaitent ». Une satisfaction parfaite nous laisserait désœuvrés.
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L’adjectif « païen » traduit deux termes en usage à la fin de l’Antiquité et au début du Moyen Âge. L’un est d’origine grecque, hellène, et l’autre d’origine latine, paganus : si l’on en croit Philastrius, ils étaient interchangeables dans leur acception courante. « Être hellène en matière de religion » se disait au IVe siècle de ceux qui adoraient les dieux. L’expression était employée par les principaux concernés eux-mêmes, mais semble avoir eu une dimension péjorative et était surtout mise en avant par les adversaires du polythéisme. Depuis une décision prise sous Caracalla, en l’an 212, tous les hommes libres de l’Empire étaient considérés comme « citoyens romains », même s’ils habitaient Byzance ou l’Anatolie : qualifier les partisans de la vieille religion d’ « Hellènes », et non de « Romains », était une manière de les exclure, pour en faire des citoyens de second rang.
Le mot paganus a donné en français les termes « païen » et « paysan ». C’est ce dernier sens qui était initialement accolé à paganus signifiant l’ « homme de la campagne, du terroir » (le territoire local se disait pagus). Plus tard, l’expression servit de qualificatif injurieux pour les idolâtres qui refusaient de se convertir au christianisme. A force d’être traités de cette façon, les « païens » ont accepté cette étiquette et, d’une insulte qu’elle était, y ont vu un titre de gloire et un cri de ralliement, bien que l’utilisation laudative du terme ne se soit répandue qu’à l’époque moderne, avec l’éveil du néopaganisme.
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Après la République romaine, au cours de la période impériale, on a assisté à une brutale évolution des mentalités « païennes ». Un certain puritanisme moral se faisait jour ; le salut de l’âme et la métaphysique étaient à la mode ; on commençait à ostraciser les croyances déviantes. Sous le règne de Marc Aurèle, le stoïcisme a teinté le discours public d’ascétisme, en invitant à une lutte acharnée contre la dépravation des passions. L’accouplement se trouvait réduit à un « frottement du ventre et à l’éjaculation d’un liquide gluant accompagné d’un spasme » [Marc Aurèle, Pensées pour moi-même, VI, §13]. Enfin, le siècle de Cicéron et celui des Antonins ont bouleversé la conception des rapports conjugaux ; au sortir de cette métamorphose, la morale sexuelle païenne ressemblait beaucoup à la future morale chrétienne du mariage et l’adultère y était sévèrement condamné. Le paganisme s’était donc déjà « christianisé » avant même que le christianisme ne devînt une religion bien implantée.
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Pyrrhon était l’apôtre d’un scepticisme intégral. Selon lui, quel que soit le point de vue que nous envisageons, nous devons prendre soin de comprendre le point de vue opposé, afin de cerner la pertinence de chacune des perspectives en conflit – ou du moins leur pertinence apparente – et de nous tenir en retrait de toute croyance ou conviction. Le sceptique radical évite d’accorder un trop grand crédit aux idées, même en relation à un contexte donné, et préfère se ranger à la « tranquillité heureuse ». Chacun se rappelle la formule latine : « In dubio abstine » (« Dans le doute, abstiens-toi »). Au lieu de nous rendre malheureux à force de chercher la vérité, résignons-nous à ne rien connaître ; et, au lieu de lutter contre les conventions établies, choisissons de nous y soumettre avec calme. […] Même le fait de s’obstiner à dire que rien n’est vrai et que nul ne peut rien connaître du monde constitue pour Pyrrhon un attachement excessif à la recherche de la vérité et trouble notre quiétude, que les Grecs qualifiaient d’ « ataraxie ».
Cette démarche philosophique est exclusivement morale : elle porte sur l’attitude subjective à adopter face au monde et ne dit rien sur la nature objective du réel. Elle refuse par principe de porter un quelconque jugement de connaissance, y compris pour affirmer que l’Être paraît inconnaissable. Le seul jugement qu’elle porte est éthique : l’homme tranquille se garde de chercher la vérité.
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Si la modération se situait toujours au milieu exact entre deux extrêmes, être moral ne nous demanderait aucun effort. Cela reviendrait à suivre un dogme, puisque le juste milieu serait statique. Mais le monde est dynamique : ce qui est modéré dans une situation ne l'est pas dans une autre. Il n'y a pas de juste milieu entre le courage et la prudence : l'héroïsme se manifeste à propos, au moment où la lâcheté risquerait d'inhiber notre action, tandis que la témérité s'applique hors-de-propos à des situations qui auraient nécessité davantage de retenue. Il est raisonnable de s'exposer au risque lorsque le jeu en vaut la chandelle. Etre modéré réclame de prendre des mesures extrêmes si elles sont justifiées ; et c'est un signe de sagesse que de ne pas rester timoré face aux embûches.
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