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EAN : 9782070186716
208 pages
Gallimard (11/05/2016)
3.59/5   119 notes
Résumé :
"Fraîchement restauré, le foyer de demandeurs d’asile à Rennes me fait penser à mon lycée. Une grande porte vitrée, d’interminables couloirs, sauf qu’ici au lieu des salles de classe on a des chambres pour les réfugiés. Dans le hall central il y a une carte du monde avec les petits drapeaux du pays des résidents. La misère du monde s’est donné rendez-vous à Rennes en cette fin d’été 1992.
Je suis accueilli par une dame aux énormes lunettes. Elle parle doucem... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (47) Voir plus Ajouter une critique
3,59

sur 119 notes
Comment recommencer une nouvelle vie, à vingt-huit ans, étant considéré analphabète dans un centre de réfugiés d'un nouveau pays, quand on a déjà lu Edgar Allan Poe, ou Kafka, on connait la différence entre le réalisme et le surréalisme, déjà eu un prix littéraire très important en Yougoslavie et on écoute du jazz, Miles, Mingus et Coltrane.....?
Comment vivre sans argent, sans parents, sans amis,sans parler français,au milieu de familles africaines, ex-soldats russes et paumés de toute espèce ?
Comment noyer un passé douloureux, une enfance sous Tito,la barbarie de la guerre civile,la perte de ses proches?
L'auteur du truculent "Jésus et Tito" nous relate ici ses premières années d'exils de 1992 à 2000, depuis son arrivée à Rennes après sa désertion de l'armée bosniaque.
Sa bouée de sauvetage sera l'écriture et sa folle ambition littéraire, sa carotte devant l'âne.
Avec beaucoup d'humour et de dérision, il nous relate ces années difficiles , sa percé dans le monde littéraire français, et son errance à travers l'Europe, la solitude ne le quittant jamais d'une semelle, quelque soit les circonstances.
L'humour est fin, l'autodérision assassine, bref malgré le tragique, il nous fait bien rire.
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Quand j'entends « migrant », je pense automatiquement Afrique, faim, guerre, désespoir, misère, survie et tant de termes que ma condition d'européen privilégié m'empêche (quelle chance) de connaitre, de ressentir dans l'absolu…
Quand j'entends « génocide », je pense tout de suite à juif, Arménien, Rwanda, Tutsi, Amerindien, Ukraine (depuis le poignant billet d'Iboo : https://www.babelio.com/livres/Naumiak-Ukraine-1933-Holodomor--Itineraire-dune-famille-/1007576/critiques/1494841).
Dans les deux cas, combien sommes-nous à penser Yougoslavie? Moi, jamais je l'avoue et pourtant… Ca se passait à notre porte il n'y a pas 25 ans…

Manuel d'exil n'est pas un livre sur la guerre en ex Yougoslavie mais sur un destin qui fera partie des dommages collatéraux, comme on dit.
Velibor Colic, raconte quelques fragments de son parcours.
Quelques débris d'avant AK47 au fond des poches pour toute richesse, il arrive à Rennes comme aujourd'hui tant de gens arrivent quelque part sur une cote Méditerranéenne. Un migrant, perdu. Un sinistré hagard qui erre dans les ruines d'un passé pourtant plein de promesses. La vie continue, accompagnée de quelques fantômes. La vie continue malgré cette sensation ne plus y participer, malgré cette impression d'être devenu spectateur voir de subir le temps qui passe. Entre apnée et amnésie, c'est toute une rééducation qui reste à faire.
Difficile de se souvenir qu'on est un homme quand le regard de l'autre vous renvoie au rang de parasite, de gêneur, de sous homme. Difficile de garder un zest d'estime de soi quand les rares paroles qui vous sont adressées vous donnent l'impression d'être, dans le meilleur des cas, une brave bête à qui il ne manque plus que la parole.
Velibor Colic va passer de chambres en foyers, de bancs en bancs, de bars en bars, de villes en villes. Il va faire le chemin, presque caricatural et malheureusement si réel, tracé par notre « civilisation » qui accordera ou non le droit de vivre (le droit d'asile comme on dit…) aux hommes de rien.
Fin de la première partie parce qu'après…
Après, le début de la deuxième moitié du manuel d'exil ressemble plus à une immersion chez les bobos qu'à une véritable galère. Attention, quand je dis « immersion chez », je ne dis pas que Colic embrasse la « cause », il y est plus en observateur et par intérêt. Un intérêt commun avec des gens plus ou moins condescendants qui se servent de lui à des fins financières ou « philosophico-humanitaires ». Un échange de « bons » procédés en somme.
Les dernières « leçons » (chapitres), nous font voyager de Budapest à Milan en passant par Paris, Prague ou Venise mais plus en tant que migrant. En tant qu'écrivain bohème, une voie qu'il draguait avant l'an kalachnikov.
J'avoue que ce que j'appelle « deuxième partie » m'a beaucoup moins intéressé même si malgré la vie qui se simplifie, qui reprend un cours moins incertain, Velibor Colic reste un déraciné, un meurtri.
Son écriture est parsemée de lambeaux d'espoirs qui ouvrent la porte à quelques moments de poésie dans une période de sa vie pas vraiment propice au « beau ». L'exil est une encre indélébile, un tatouage à l'âme. C'est un mal insidieux qui guette et surgit à n'importe quel instant pour un mot, un visage, une odeur qui rappelle… La « guérison » n'est qu'apparente car si tout quitter est difficile, les causes du départ, elles, sont gravées dans l'inconscient.
Je ne sais pas trop comment définir le ton du bouquin. La quatrième de couverture nous promet une langue pleine de fantaisie et d'humour avec une ironie féroce et tendre. J'ai trouvé que ça oscillait aussi beaucoup entre désabusement et fatalisme. Un mélange de tout ça qui en fait une lecture qui n'appelle pas l'oeil à s'humecter mais qui laisse parfois la gorge un peu sèche…
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En 2018, pour fêter ses 20 ans, le Courier des Balkans a organisé une table ronde avec des écrivains des Balkans dont le thème était : Écrire dans la langue de son exil.
C'est là, que j'ai eu la formidable chance de rencontrer la bulgare Elitza Gueorguieva, découverte avec son roman : Les cosmonautes ne font que passer.
Et, puis, à la faveur d'un débat, j'ai découvert un homme aux yeux bleus perçants, avec une tristesse et une mélancolie empreintes sur son visage.
Cet homme, c'était Velibor Colic, je l'ai écouté raconter son périple et son arrivée en FRANCE, à Rennes, et de suite, j'ai eu envie de lire son roman.
Manuel d'exil est un livre qui vous prend aux tripes, qui vous malaxe , qui vous pétrit, qui vous meurtrit .
Avec un humour et une poésie sans nom, Velibor Colic nous convie dans cet exil, après avoir déserté l'armée bosniaque, fuit cette guerre qui lui fait dire avec beaucoup de justesse :
"Peut-on écrire après Sarajevo?"
Velibor Colic avec une grande tendresse d'ours mal leché nous emmène dans son exil intérieur
" Depuis que je suis exilé il y a beaucoup trop de miroirs et de fenêtres autour de moi. Impossible d'y échapper".
J'ai beaucoup aimé aussi ce parfum suranné qu'il porte et transporte d'un autre monde: l'empire Austro-hongrois.
Tellement émouvant, quand place Wenceslas, il croise le fantôme de Stefan Zweig.
"Je sais que l'homme dépourvu de sa terre ne peut prétendre au ciel."
Oui, c'est un récit qui porte sur l'exil, le temps et l'érosion du temps, un monde qui se clôt.
Je pourrais encore tant parler de ce livre, il m'a beaucoup touché et je repense au regard rêveur et nostalgique de l'auteur, lors de cette rencontre, une journée très pluvieuse de décembre à Paris.
Je lui laisse la conclusion.
"Plus que jamais je suis perdu dans une Europe aveugle, indifférente au sort des nouveaux apatrides. Mes rêves de capitalisme et de monde libre, de voyages et de villes des arts et des lettres sont devenus des mouchoirs en papier usagés,utiles pendant un bref instant mais gênants après l'utilisation. Rien que des cendres.
J'ai échangé la fin du communisme pour le crépuscule du capitalisme "

Chapeau bas Monsieur Velibor Colic !
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«  Je suis une tache gênante et sale, une gifle sur le visage de l'humanité, je suis un migrant . »
«  Des cendres. Rien que des cendres. J'ai échangé la fin du communisme pour le crépuscule du capitalisme » .

« Mon corps inutile commence à rouiller . Je suis robotisé par la misère. Je suis un long spectre faible et transparent posé sur le trottoir , un insecte nocturne qui brûle à petit feu , trahi par le halo des lampadaires . »

Quelques extraits de ce livre lu d'une traite , que l'on pourrait qualifier de « Chronique des OUBLIÉS » où l'auteur , après avoir déserté l'armée bosniaque, se retrouve à Rennes , dans un foyer de demandeurs d'asile à la fin de l'été 1992, je me suis demandée :
ET SI le lecteur se posait la question.


Comment survivre et s'adapter dans un pays inconnu , dont on ignore la langue, sans argent , sans amis , dans un dénuement physique et intellectuel ?
AVEC pour tout bagage et pas des moindres : Jean - Paul Sartre, , Émilie Dickinson, Raymond Carver, Ernest Hemingway, , Modigliani , Dostojevski, après avoir traversé l'Europe endormie: Croatie, Slovénie , Autriche et Allemagne réunifiée? .
L'auteur nous conte avec superbe, ironie, poésie, immense dérision , tendresse , à la mesure de ce qu'il vit , ses rêves , la ville de ses songes, insolite maelström de son bourg natal, curieux mélange de Sarajevo et Dubrovnik jusqu'à son réveil douloureux : surtout vivre une vie sans EXIL ...
Il nous décrit sans apitoiement la condition des réfugiés ....sujet d'actualité.

Sa France est faite d'un espace très réduit :
Cultivé et démuni, ironique et désabusé, une ombre parmi les ombres, il attendra un signe au fond d'une Église, habité par un froid métaphysique , entre désespoir et ironie féroces, il errera entre Prague, Venise, Strasbourg et Paris....
La langue est imagée, colorée, riante, triste ou désespérée , pétrie de portraits chaleureux , fins , fouillés , réalistes , de femmes, d'hommes, cette gente humaine cruelle ou lumineuse....

Parfois il se sent immensément grand , en d'autres temps , minable et le corps douloureux . ..

.. Un très bel opus prêté par ma médiathèque.
Elle m'a demandé de le lire avant la rencontre avec Velibor Čolic en novembre .
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Un manuel d'exil grinçant et ironique , derrière lequel on perçoit toute la détresse de Velibor Čolić devant ce que l'exil de sa Bosnie natale, en proie au nettoyage ethnique , a fait de lui : un vagabond qui s'abrutit d'alcool, se couvre de crasse et se fait horreur.

Jamais chez lui nulle part, privé de son statut d'écrivain, errant de ville en ville, de refuge en refuge, il perd peu à peu, à ses propres yeux, ce qui faisait son humanité.

Le part pris du fragment et de l'ironie fait, littéralement , voler en éclats cette douleur, mettant, pudiquement, la souffrance à  distance. On a presque un peu de mal, parfois, à rentrer en empathie avec quelqu'un qui semble se détester si fort.

La deuxième partie où l'auteur semble avoir recouvré son statut d'intellectuel reconnu, lu,  traduit et honoré,  est plus facile à lire, mais aussi moins écorchée vive, moins pathétique, moins prenante.

Parler de soi comme migrant et comme déclassé est un exercice difficile et douloureux . D'où, je pense, le côté un peu forcé, presque laborieux de ce manuel qui semble avant tout destiné à l'auteur lui-même.

Un humour caustique, une grande pudeur et une plume intéressante , piquante, vers laquelle je reviendrai sûrement.
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critiques presse (2)
Actualitte
04 décembre 2017
Très certainement autobiographique, l’histoire que raconte, en français, l’écrivain bosniaque Velibor Čolić dans ce nouveau roman, s’apprécie dès les premiers mots et ne se laisse ensuite interrompre une seule fois.
Lire la critique sur le site : Actualitte
LeFigaro
26 mai 2016
Un récit picaresque d'un réfugié bosniaque dans la France des années 1990.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (85) Voir plus Ajouter une citation
Cependant je regarde furtivement les autres invités. Madame Morrison est trop loin mais Salman Rushdie, avec deux gardiens collés sur son dos, est à quelques chaises de moi. Son visage étonnamment pâle trahit les journées entières passées à l'ombre, dans une pièce aux rideaux épais, à écrire ses livres. Au coin de ses yeux, je vois aussi un magnifique sourire, l'écrivain a la figure et la posture d'un homme doux. Un Bouddha le Sage de son pays lointain.
Avec son accent so british, il nous raconte ses mésaventures avec la fatwa et les fous de Dieu. Postés par leur chef de service, deux flics derrière lui ressemblent à deux jouets mécaniques - leurs têtes balaient l'espace devant eux et leurs regards cachés derrière les verres opaques des lunettes noires examinent sans cesse nos visages et plus particulièrement le mien. Leurs costumes, à l'ancienne, sont faits d'une étrange étoffe noire et brillante, leurs crânes rasés font penser à deux pistes d'atterrissage pour les mouches.
Salman est un homme agréable, un conteur-né. Il nous raconte des histoires sur le vin et sur les Rolling Stones et même quelques anecdotes sur son chanteur préféré, Tom Waits. Je l'imaginais un peu plus basané, je suis surpris par la pâleur bibliothécaire de sa peau. Rien d'étonnant finalement, me dis-je, la frontière de sa prison c'est le monde entier.
Il possède une douceur presque féminine, la souplesse orientale et en même temps une force hardie et conquérante, l'éloquence et l'esprit vif.
Il est tout sauf triste ou en colère.
Plusieurs cercles visibles et matériels, faits de respect et de gêne, de peur et de fascination, entourent cet homme qui dîne avec nous.
Je n'arrive pas à oublier que cet écrivain est menacé de mort, que ses ennemis sont urbi et orbi, dans le monde et dans la ville, au ciel comme sur la terre. Qu'ils sont prêts à verser un million de dollars pour tuer un écrivain, rien d'autre et rien de plus qu'un écrivain.
C'est déplorable et révoltant, je réalise que la littérature est une courageuse sentinelle, une sorte de papier de tournesol pour examiner le taux d'acidité et de folie dans ce bas monde.

Pages 126/126 - En hommage à tous ces écrivains qui se battent pour préserver un bien précieux - La Liberté d'Expression!
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CROIRE EN LA LITTÉRATURE :

Dieu crée ex-nihilo et nous à partir de ruines , a dit en substance Jorge Luis Borges . Toujours selon Borges , l'écrivain est une sorte de témoin . De conscience de l'humanité .

On a écrit des livres après le goulag , après Hiroshima , après Auschwitz , Monthausen .....

Peut-on écrire après Sarajevo ?

Pour décrire cette destruction qui relève de l'irréel , pour évoquer le caractère lumineux et sacré du sacrifice des victimes ?

Comme on le sait , comme on l'a répété depuis longtemps , le poète est inéluctablement parmi les hommes , afin de parler de l'amour et de la politique , de la solitude et du sang qui coule , de l'angoisse et de la mort , de la mer et des vents .

Pour écrire après une guerre , il faut croire en la littérature .

Croire que l'écriture peut remettre en branle des mécanismes qu'on a mis au rebut lors su recours des armes .

Qu'elle peut ramener l'horreur , incompréhensible zt inexplicable , à la mesure humaine .
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Plus que jamais je suis perdu dans une Europe aveugle, indifférente au sort des nouveaux apatrides. Mes rêves de capitalisme et de monde libre, de voyage et de villes des arts et des lettres sont devenus des mouchoirs en papier usagés, utiles pendant un bref instant mais gênants après l’utilisation. Rien que des cendres. J’ai échangé la fin du communisme pour le crépuscule du capitalisme.
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Je suis assis sur ce banc public à Rennes. Il pleut de l'eau tiède et bénite sur la ville. Je réalise peu à peu que je suis le réfugié. L'homme sans papiers et sans visage, sans présent et sans avenir. L'homme au pas lourd et au corps brisé. La fleur du mal, aussi éthéré et dispersé que du pollen. Je n'ai plus de nom, je ne suis plus ni grand ni petit, je ne suis plus fils ou frère. Je suis un chien mouillé d'oubli, dans une longue nuit sans aube, une petite cicatrice sur le visage du monde.
Je suis le réfugié.
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«  Je suis assis sur ce banc public à Rennes. Il pleut de l’eau tiède et bénite sur la ville.
Je réalise peu à peu que je suis le réfugié. L’homme sans papiers et sans visage, sans présent et sans avenir. L’homme au pas lourd et au corps brisé , la fleur du mal, aussi éthéré et dispersé que du pollen. Je n’ai plus de nom,......je ne suis plus fils ou frère ...
Je suis un chien mouillé d’oubli, dans une longue nuit sans aube, une petite cicatrice sur le visage du monde.
Je suis le réfugié.

Maintenant et demain.
Ici ou ailleurs.
Sous la pluie ou au soleil, été comme hiver....
Je suis le réfugié .

Sur la terre comme au ciel .... »
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