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EAN : 9782234083622
224 pages
Stock (03/04/2019)
3.44/5   102 notes
Résumé :
L'humeur railleuse et le verbe corrosif, Lydie Salvayre se saisit du prétexte d'une nuit passée au musée Picasso pour questionner le milieu artistique et ses institutions. Se tournant vers son enfance de "pauvre bien élevée" et abordant sans masque son lien à un père redouté et redoutable, elle essaie de comprendre comment s'est constitué son rapport à la culture et à son pouvoir d'intimidation, tout en faisant l'éloge de Giacometti, de sa radicalité, de ses échecs ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (39) Voir plus Ajouter une critique
3,44

sur 102 notes
L'auteure a l'occasion de passer la nuit dans le musée Picasso, à l'ombre de cette sculpture qui lui plaît beaucoup. Elle commence par refuser, puis finit par accepter, mais une immense angoisse l'étreint et elle ne songe qu'à fuir, s'échapper à tout prix, comme si un danger la guettait. Cette nuit au musée va lui permettre d'exprimer son ressenti et tout ce que lui inspire l'oeuvre.

La réflexion sur L'Homme qui marche de Giacometti est très intéressante, car Lydie Salvayre creuse dans tous les sens, cherche à approfondir, ce que l'artiste a voulu exprimer.

J'ai aimé aussi la manière dont elle critique les musées qui selon elle enferment les oeuvres, les tiennent en cage, et surtout sa diatribe contre le monde de l'art : l'entre soi d'une certaine élite culturelle, sous la houlette de celui qu'elle appelle « le ministre des distractions » au lieu de ministre de la culture, ce qui en dit long, le pouvoir de l'argent dans l'art.

Elle revient aussi sur son enfance avec son père violent, le « fragnol » que l'on parlait à la maison et la manière dont les enfants issus de l'immigration se sentent à part, vis-à-vis de l'art, de la culture, car ils pensent ne pas maîtriser suffisamment la langue.

Lydie Salvayre évoque aussi les doutes de Giacometti, dont l'estime de soi est vraiment très basse et qui se considère comme un raté, ce qui nous vaut une classification des ratés corrosive, que j'ai beaucoup appréciée.

J'apprécie énormément ce ton corrosif si caractéristique de l'auteure et ses réactions épidermiques, sa colère ne sont pas pour me déplaire, même si elles se retournent souvent contre Bernard son compagnon !

On rencontre au passage des artistes qui ont fait un peu de route avec Giacometti : Beckett, Picasso (qu'il n'aimait guère, trop solaire pour lui si modeste) ainsi que le rôle important de son frère Diego dans sa vie…

Bien-sûr la rencontre qui n'a pas pu se faire au cours de la nuit au musée, va se produire plus tard, les réflexions de Lydie Salvayre s'étant un peu décantées et elle comprendra tout le sens du message de Giacometti, en éclairant sa propre histoire. Mais je vous laisse découvrir tout cela…

J'ai choisi ce livre car la sculpture de Giacometti me fascine, alors que je ne l'ai vue qu'en photographie, par le message qu'elle m'envoie et que l'auteure ne tarde pas à percevoir. Je pourrais en parler pendant des heures… J'espère vous avoir convaincus d'y jeter un oeil (et plus si affinités).

J'ai pris beaucoup de plaisir à lire cet essai et les réflexions de l'auteure me touchent car elle considère que son statut d'enfant d'émigrés pauvres, a tendance à l'exclure du monde de l'art, ce qu'elle a réussi dans la littérature n'est pas encore « mûr » dans la peinture ou la sculpture, comme si elle ne s'en donnait pas le droit, cet art étant monopolisés par les intellos friqués…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Stock qui ont permis cette lecture.

#MarcherJusquauSoir #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Une lecture aussi tonitruante qu'exaspérante à souhait... car le style de Lydie Salvayre ne fait pas dans la dentelle, railleuse, coléreuse, injuste...
mais avec aussi une foule de réflexions, remises en cause passionnantes
sur les mondes de la culture et de l'art....

Une réflexion que l'on ne peut ignorer : L'Art, ... acte gratuit ou spéculatif selon les uns et les autres... C'est quoi le bon goût en art, c'est ce que les spécialistes nous enseignent ou ce que nous aimons spontanément ?!...

Sa passion pour l'oeuvre de Giacometti, l'Homme qui marche"...
provoque chez l'auteure moult questionnements et émotions... Ce qui entraîne mille digressions sur le monde, la société, la politique, la marche du monde... ainsi que des souvenirs de jeunesse douloureux...
Mais on sent une admiration sans bornes pour l'oeuvre et la personnalité
de Giacometti !!
Des références aux auteurs qu'elle admire [Baudelaire,Rilke, etc. ]


"Je nourrissais depuis longtemps une passion pour -L'Homme qui marche- de Giacometti.L'Homme qui marche, que je n'avais jamais vu que reproduit sur du papier glacé,me semblait constituer l'oeuvre au monde qui disait le plus justement et de la façon la plus poignante ce qu'il en était de notre condition humaine : notre infinie solitude et notre infinie vulnérabilité, mais, en dépit de celles-ci, notre entêtement à persévérer contre toute raison dans le vivre."(p.17)

De très beaux passages sur cette sculpture de Giacometti, "L'Homme qui marche"..., hautement symbolique... Pourtant Lydie Salvayre va longuement hésiter avant de répondre positivement à une proposition insolite : celle de passer une nuit au Musée Picasso, lors d'une exposition mettant en parallèle les oeuvres de Picasso et celles de Giacometti...

Lydie Salvayre se décidera... et cette longue nuit solitaire au musée... provoquera les réactions, émotions, confidences les plus extrêmes ainsi que les réflexions les plus mordantes sur le milieu artistique et ses institutions; tout cela dans un langage virulent... accompagnée de forts nombreuses allitérations... comme dans une volonté de marteler ce qui fait sortir l'auteure de ses gongs, ou souligner des émotions plus violentes , qui l'a propulse dans le passé, entre un père terrifiant, et une mère qui "baraguine" un français mâtiné d'espagnol..., comme elle dit "le fragnol" maternel!!

Une défiance très intense vis à vis de l'Art et de la Culture, elle , la pauvre petite fille d'émigrée, qui ne sent pas à sa place dans certains milieux culturels, qui excluent socialement au lieu de "rassembler"... Il y a du "Annie Ernaux", en plus brusque !!

Une sorte de honte sociale qui poursuit notre écrivaine ....

Lydie Salvayre aimerait l'Art de toutes ses forces si par un poison souterrain, cela ne renvoyait à sa classe sociale modeste d'enfant pauvre bien élevée mais émigrée !!

"Une défiance que j'étendais aussi, collatéralement, aux musées (...) aux musées qui conservent - le mot voulait dire-qui conservent les oeuvres en les retirant de la vie. (p. 58)"

Lecture assez déstabilisante au début, mais qui nous entraîne dans une nuit d'introspection des plus décapantes, entre les douleurs de l'enfance , les interrogations d'une jeune fille, qui n'avait pas accès "naturellement" au monde de la culture, étant fille f'émigrés!!...
La culture, fascination, et plaisir, mais aussi outil redoutable pour une sélection sociale élitiste !!

Lydie Salvayre règle ses comptes avec sa jeunesse d'exilés; les ostracismes vécus par les étrangers, et toutes les excusions sociales... Elle nous livre ses souhaits pour que la culture, l'Art , ne soit pas un élément d'écartement social, de plus:

"Je me prends à rêver d'un peuple, continuai-je, qui logerait ses oeuvres d'art dans les hôpitaux, les gares, les terrains vagues, sur les murs des cités, aux endroits les plus humbles mais où s'élabore une vie en commun, sur les places des villes, les docks, dans les cafés véhéments, les cadres obscurs, les guinguettes, les restaurants, parmi les hommes et pour eux- je soulignai pour eux-, pour tous les hommes-je soulignai tous-, les minuscules et les puissants, les lettrés et les illettrés, tous les hommes sans distinction, au coeur même de leur vie quotidienne et le dessous le ciel qui les couvre. (p. 73)

Dernières pages tout à fait exaltantes sur l'impuissance à la fois , de l'Art et son absolue nécessité !

Un très vif moment de lecture.... où on se fait passablement bousculer....mais il y a tant de vrai dans les constations de Lydie Salvayre qu'il est malaisé de lui en vouloir...

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Je vous invite à passer une nuit au musée en compagnie de Lydie Salvayre, ou plutôt c'est elle qui nous invite à ce surprenant voyage dans son dernier livre, Marcher jusqu'au soir, que j'ai beaucoup aimé.
Ce récit peut à la fois envoûter ou bien agacer, peut-être aussi les deux à la fois. Il est possible de rester au bord du texte, à sa surface, ne jamais parvenir à franchir le premier degré d'un labyrinthe qui plonge dans les dédales intérieurs d'une vie intime.
C'est une colère saine, inspirante, peut-être exutoire pour l'auteure... Consolatrice certainement...
Les mots sont violents, acides, ils décapent. C'est une plume trempée au vitriol et je comprends qu'elle puisse surprendre, agacer même, décourager certains lecteurs.
Lydie Salvayre nous raconte dans ce livre autobiographique l'expérience qu'elle a vécue, une sorte de jeu, de défi qui lui a été proposé par une amie, passer une nuit enfermée au Musée Picasso, avec comme seul compagnon la statue L'homme qui marche d'Alberto Giacometti.
Moi-même je me suis senti désarçonné par les premières pages de ce livre. Je ne savais pas trop bien où cette écrivaine m'amenait. La patience est salutaire. J'ai senti brusquement comme une main tendue qui me prenait la mienne, comme une respiration, comme des gestes à tâtons, comme une lampe tendue dans l'obscurité, non pas pour visiter un musée de nuit, mais descendre dans les profondeurs abyssales d'une vie intérieure.
Je connais encore très peu cette auteure, je la découvre dans cette deuxième rencontre et je ne saurai dire quelle part de sa vie intérieure elle jette dans les pages de ces livres. Ici visiblement, c'est un texte très personnel. Oui, elle règle des comptes avec l'Art, avec la Culture, le snobisme, l'argent, tous ces faux semblants, et c'est jubilatoire. Oui elle est de mauvaise foi sans nulle doute et c'est tout aussi jubilatoire...
C'est brusquement une petite fille qui nous parle, celle qu'elle fut, enfant d'une famille populaire d'immigrés espagnols, dominée par la figure écrasante d'un père redoutable. Elle se souvient qu'elle fut cette petite fille qui grandit, tiraillée entre l'amour et la honte.
Devant cette statue courbée vers elle, elle voudrait être touchée par la grâce de l'art, mais aucune émotion ne parvient à l'étreindre celle nuit-là... C'est une autre grâce qui la touche, celle de l'introspection, celle de pouvoir se pencher sur sa vie, ses vies intérieures, parler de ses origines sociales, d'un père qui la terrorisait, dire la peur du noir, savoir remonter le cours des choses, décrypter ses émotions, avouer qu'elle n'a peut-être jamais vraiment su trouver sa place dans les milieux culturels qu'elle est amenée à fréquenter depuis qu'elle est écrivaine, dire cette honte, dire cela avec humilité, et puis évoquer aussi sa maladie.
Il est des vies qui peuvent être façonnées par ce qu'elles ont éprouvé durant leur enfance, marquées à jamais, façonnées comme une statue de bronze filiforme condamnée à marcher, courbée sur son chemin, son ombre, ses pas.
Plus tard, ce voyage au musée est comme une eau qui se décante. En s'y penchant elle voit un visage, une silhouette qui remonte à la surface, c'est celle d'Alberto Giacometti. Elle se reconnaît alors brusquement comme dans un miroir. Elle est allée à la rencontre de cet artiste, a voulu savoir ce qu'avait été son existence et les circonstances qui avaient donné naissance à l'une de ses oeuvres les plus célèbres.
Peut-être Lydie Salvayre est-elle à son tour cette femme qui marche, nue, penchée vers les pages, celles des histoires qu'elle écrit depuis si longtemps... ? Les autres pages à écrire ? Avancer, toujours avancer, jouir, comme si les mots, l'art, un crayon, un morceau de bronze, un fusain, une partition musicale, pouvaient à eux seuls tenir à distance la barbarie et la mort.
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L'impression que c'est le livre le plus personnel de Lydie Salvayre. Sa verve et ses colères y sont encore bien présentes. La narratrice va s'enfermer dans un musée face aux sculptures du suisse Giacometti. Mais surtout elle va se remémorer son enfance avec un père violent. Des réflexions très fortes sur l'art, la tv, les écrivains, la maladie et le monde actuel d'une grande liberté. Un bon cru 2019.
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Ça commence par "Non, je lui ai dit non merci, je n'aime pas les musées..."et par une citation de Baudelaire dans Fusées, "Qu'est-ce que l'art ? Prostitution."
Taper fort la glaise, elle ne se laisse pas faire aisément, faut l'apprivoiser, lui enlever l'eau qui la gonfle et la fait exploser, la rendre docile, malléable, la sentir dans les mains modelable, jamais soumise, un corps à corps honnête long patient et passionné, avec violence et tendresse, arrachement et caresse, la creuser, enlever des morceaux de sa chair, en rajouter d'autres, remodeler, des jours entiers, des mois, de longues années.
Passer une nuit dans un musée, marcher en long et en large comme un lion dans une cage et verser sa colère. Lydie Salvayre est en colère. Colère noire, volcan en éruption, lave incandescente. Gare à vous qui êtes dans le coin.
En colère contre les cages des musées qui gardent l'art et l'étouffent, lui enlèvent la force la fièvre et l'ardeur, colère contre le faux qui se prend pour du vrai, contre l'argent qui veut acheter la beauté, contre les cons méprisants, donneurs de leçons et auto satisfaits, contre la société du gagne et du gagnant et du spectacle aux éclats bruyants confus et mal odorants.
Le ton est vitupératif, la réflexion est corrosive, les deux dénoncent, désapprouvent, sanctionnent, blâment et critiquent, en répétitions qui fouettent, des parenthèses qui précisent au cas où on l'a pas encore compris, des retours à la ligne qui martèlent cassent et cognent, la colère porte, mord, donne de l'élan, fait du bien, un bien fou ! Colère contre ce qu'on nous dit qu'il faut admirer, contre le conditionnement dans lequel nous sommes, plaire oui, mais pas courbés, pas à genoux devant la culture dominante, pas pour (se) vendre. Elle ne prend pas de gants, Lydie Salvayre, elle secoue, jette ses mots au visage, et puis, d'une caresse, d'une phrase douce comme du miel elle nous apaise et nous réconforte, car derrière la colère il y a une invitation à faire de l'art une expérience et pas une soumission à un conformisme et à un moment, mais à être libre.
Musée Picasso lors de l'exposition Picasso - Giacometti, la nuit. Solitude absolue dans un lieu qui n'est pas fait pour ça.
Ayant au début refusé cette expérience, Lydie Salvayre l'accepte finalement, tout en gardant les raisons de son refus d'avant.
J'aime sa colère qu'elle écrit et crie pour s'en défaire, elle me la transmet ; ma colère accueille la sienne, ainsi que son regard et son émotion forte et renouvelée devant L'Homme qui marche, nous sommes à l'unisson, Lydie, Giacometti l'Homme qui marche, et moi.
La frustration de Lydie Salvayre m'accompagne tout le long du livre et je me laisse enfermer avec elle, avec joie.
Si les livres "doivent mordre", selon Kafka que vous citez, eh bien le vôtre le fait à plein dents.
Un livre sur la création, et le temps immense qu'elle demande pour pouvoir s'exprimer, et l'honnêteté qui doit l'accompagner, contre les faux semblants, un livre qui défend l'échec dans une société où on se complaît dans la réussite, la performance, la rentabilité, l'argent.
Seule dans le musée, devant les oeuvres, Lydie Salvayre se sent démunie, sans défense , voit tout son passé resurgir, affluer, l'envahir, son père et sa domination cruelle.
Giacometti avait besoin de temps pour chercher la force du vivant, le mystère d'une vie, les blessures d'un visages, l'invisible, l'insaisissable, et pour dépasser un échec, et ensuite un deuxième, et puis encore un, sa création échouait à chaque instant, se nourrissait de chaque échec et avançait à petits pas, elle avançait sans jamais trouver, toujours chercher, il aimait ça.
Lydie Salvayre a eu besoin du temps pour passer en écriture des événements de sa vie, difficiles à digérer, trop lourds pour les garder. Elle (se) questionne, tâtonne, avance, recule, cherche les mots, le style, la graphie, le sens.
Un homme qui marche, une femme qui marche, pas toujours droit, mais ils avancent, désarmés de la fausse culture, sans masques, sans pensées postiches, sans les ressentis qu'on ne ressent pas. L'Homme qui marche, l'humain fragile et vulnérable, il connaît sa finitude, il avance, continue, reste debout, s'entête à vivre.
Devant l'Homme qui marche, une expérience intérieure forte, le corps est saisi, le corps physique et le corps culturel, un livre naît, Marcher jusqu'au soir, et un sens. Ecrire, n'est pas seulement une autorisation que Lydie Salvayre se donne, mais aussi une responsabilité et elle s'y engage.
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critiques presse (2)
LaCroix
17 mai 2019
Dans un texte très personnel, Lydie Salvayre raconte sa nuit au Musée Picasso face à L’homme qui marche de Giacometti, entre indifférence, colère et révélation.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeMonde
12 avril 2019
L’écrivaine s’est laissé enfermer au Musée Picasso, face au plus fameux des Giacometti. Résultat : une décapante et superbe nuit d’introspection.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (59) Voir plus Ajouter une citation
Et si "L'Homme qui marche" venait non seulement nous dire la fragilité des hommes, mais aussi la fragilité de la terre sur laquelle il marchait? Et si Günther Anders avait dit vrai, qui l'avait pressenti il y a plus d'un demi-siècle à l'instar de ces paysans avertis qui voient venir l'orage alors que le ciel demeure encore clair? Et si notre monde était si abîmé qu'il risquait d'en crever?
Et si la fête était finie?
Et si tout ce que nous aimions nous était à jamais enlevé?
Et si le temps était venu d'envisager l'apocalypse, une apocalypse dépourvue de sens et qui ne révélerait rien, une apocalypse sans dieu et sans royaume, une apocalypse matérielle et rien que matérielle à l'image de celle annoncée par le même Anders, une apocalypse dont personne ne pourrait jamais plus raconter la suite ?
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Je me prends à rêver d'un peuple, continuai-je, qui logerait ses oeuvres d'art dans les hôpitaux, les gares, les terrains vagues, sur les murs des cités, aux endroits les plus humbles mais où s'élabore une vie en commun, sur les places des villes, les docks, dans les cafés véhéments, les cadres obscurs, les guinguettes, les restaurants, parmi les hommes et pour eux- je soulignai pour eux-, pour tous les hommes-je soulignai tous-, les minuscules et les puissants, les lettrés et les illettrés, tous les hommes sans distinction, au coeur même de leur vie quotidienne et le dessous le ciel qui les couvre. (p. 73)
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Je nourrissais depuis longtemps une passion pour -L'Homme qui marche- de Giacometti.L'Homme qui marche, que je n'avais jamais vu que reproduit sur du papier glacé, me semblait constituer l'oeuvre au monde qui disait le plus justement et de la façon la plus poignante ce qu'il en était de notre condition humaine : notre infinie solitude et notre infinie vulnérabilité, mais, en dépit de celles-ci, notre entêtement à persévérer contre toute raison dans le vivre.
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Mon père (...) De ce jour, je serais délestée de ma peur, comme si le terme médical apposé sur sa violence par le docteur Nouret l'avait désarmée (...) comme si le diagnostic de psychose paranoïaque était venu attester scientifiquement l'immense vulnérabilité sur laquelle son délire avait germé, l'écheveau compliqué des déconvenues, des chagrins, des brimades et des humiliations qu'il avait endurés en tant qu'ouvrier dans le bâtiment, de surcroît communiste, de surcroît orphelin de mère dès l'enfance, de surcroît en rupture avec sa famille bourgeoise restée en Espagne, et profondeur d'une douleur morale dont j'avais subi les effets destructeurs sans jamais comprendre (...) sans jamais comprendre qu'ils étaient les symptômes d'une âme souffrante jusqu'à la folie. (p. 38)
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La poésie, l'art sont en tout et partout, me dis-je avec cette fébrilité imbécile qui m'animait depuis un moment. Flaubert, Debord et d'autres l'ont t'écrit. Alors pourquoi les isoler, les mettre à part, les séparer comme s'il y avait d'un côté l'art et de l'autre la vie, comme si l'art n'était pas le meilleur moyen de comprendre et d'exercer la vie, comme si l'art ne consistait pas précisément à embraser, à embrasser la vie.
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Vidéo de Lydie Salvayre
Rencontre avec Lydie Salvayre à l'occasion de la parution de Depuis toujours nous aimons les dimanches aux éditions du Seuil.


Lydie Salvayre, née en 1946 d'un père Andalou et d'une mère catalane, réfugiés en France en février1939, passe son enfance à Auterive, près de Toulouse. Elle devient pédopsychiatre, et est Médecin Directeur du CMPP de Bagnolet pendant 15 ans. Elle a écrit une douzaine de romans, traduits dans de nombreuses langues, parmi lesquels La Compagnie des spectres (prix Novembre), BW (prix François-Billetdoux) et Pas pleurer (prix Goncourt 2014).
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09/03/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite (https://ausha.co/politique-de-confidentialite) pour plus d'informations.
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