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EAN : 9782070445585
832 pages
Gallimard (02/02/2012)
4.19/5   356 notes
Résumé :
Le 23 février 2002, Ingrid Betancourt est enlevée par les FARC. Un calvaire commence, qui prendra fin six ans et demi plus tard, le 2 juillet 2008.
Ingrid Betancourt décrit avec précision sa captivité aux mains des FARC. Le récit débute par une impressionnante scène, décrivant l’une de ses cinq tentatives d’évasion. Le lecteur est ainsi fixé à la fois sur la détermination de la prisonnière, et sur la dureté de ses conditions de détention. On revient ensuite... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (58) Voir plus Ajouter une critique
4,19

sur 356 notes
« Je comprenais maintenant que la vie nous remplissait de provisions pour nos traversées du désert. »

J'ai abordé ce livre avec devant les yeux deux images, l'une d'Ingrid Betancourt que le piéton nancéen ne pouvait ne pas voir tant son visage était omniprésent à l'hôtel de ville, l'autre d'une femme recouvrant la liberté et se signant à même le sol. Les deux images ne m'ont pas quittée tout au long des 700 pages. Je sais encore précisément où et avec qui j'étais, et qui me l'annoncé lorsqu'elle fut, enfin libérée. En rentrant chez moi, vite, pour voir, je me suis dit tout au long du trajet, et moi, qu'aurais-je fait, aurais-je supporté 6 ans et demi de captivité, moi pour qui le mot liberté est le plus beau mot qui puisse exister ?
J'ai hésité à lire ce livre ; il est épais, écrit en petits caractères. Une lecture commune ayant pour cadre la Colombie m'a fait franchir le pas. Et je ne le regrette absolument pas. D'autant plus qu'Ingrid Betancourt est venue chez moi, parler de son expérience. Ce fut un crève coeur de ne pouvoir y assister, mais elle a eu la gentillesse d'un petit mot sur mon livre grâce aux bons soins de Madame Rossinot.

Ce récit est d'une rare dignité dans le style, que dans les réflexions qu'elle nous livre. Il est écrit dans un français admirable ; langue qui lui est venue spontanément lors de la rédaction de ces pages.
Ingrid Betancourt choisis de plonger directement son lecteur dans l'enfer de la jungle colombienne en racontant sa quatrième tentative d'évasion, il y en aura 5 au total, et les conséquences que cela aura sur la suite de sa détention. Je lirai ce livre comme un récit d'aventures sans pouvoir le laisser ; et bien que le dénouement fût connu, je me dirigeais vers cette fin haletante digne d'un polar au suspense intenable. Ce premier chapitre montre d'emblée la détermination de l'auteur à sortir coute que coûte de cet enfer.
Ce récit se compose de 82 chapitres, qui hormis les deux premiers sont à la fois chronologiques et thématiques. Les chapitres sont courts ; l'écriture y est élaborée, ciselée, et, d'une infinie pudeur. Malgré le désarroi, la captivité, le découragement, le texte maintient une grande retenue tout au long du livre. Est- ce que cela tient à la nature même du personnage, ou à la distance dans le temps par rapports aux faits ? Un peu des deux sans aucun doute.

De sa relation avec Clara, son assistante, avec laquelle elle fut enlevée, Ingrid Betancourt ne fait pas un grand étalage. Décrite comme quelqu'un d'assez peureux et soumis, elle assez peu présente dans ce récit. Les relations entre les deux femmes se sont détériorées, l'auteur ne s'en cache pas, mais reste courtoise et bienveillante.
La famille occupera une place proéminente. Son père, d'abord qu'elle aura la douleur de perdre en captivité, et dont elle apprendra le décès dans une feuille de journal laissée là par hasard pour mieux l'atteindre. C'est l'amour pour ses enfants et sa mère qui la teindront debout tout au long de ses 6 années de captivité grâce à la radio que les otages peuvent écouter, et qui pour eux sera la seule fenêtre ouverte sur le monde. Dans ses moments de désespoir : « je revenais donc à l'essentiel : j'étais mère avant tout. »

L'autre béquille sur laquelle Ingrid Betancourt se reposera est sans conteste sa foi inébranlable. Rares sont les livres qui lui seront permis, à part une Bible et un dictionnaire.

« Dans l'ennui qui était le mien, le lisais et je tissais. On m'avait donné une grosse Bible avec des cartes et des illustrations à la fin. Aurais-je pu découvrir les richesses de ce texte autrement que poussée par le désoeuvrement et la lassitude ? Je crains que non. »
C'est sans aucun doute cela , aussi qui lui permis plus vite de pardonner, et d'écarter toute idée de vengeance.

Des FARC, nous apprenons la violence, le cynisme, la cruauté.
« Nous, dans les FARC, on est écolo ! On ne tue pas, on exécute ! » »Pauvre femme, elle sortira quand elle aura les cheveux jusqu'aux talons. »
« Ces monstres ont accepté que je m'occupe de vous parce qu'ils ont besoin d'une preuve de survie » lui dit un infirmier militaire, captif comme elle.
Les insultes, les brimades, les humiliations, les privations sont monnaie courante. Elle passera de longs moments la chaine au cou attachée à un arbre.
« Ils se ruèrent vers moi, me tordant les bras pendant que des mains aveugles me tiraient par les cheveux en arrière et m'enroulaient la chaine métallique autour du cou »
« La chaine se fut lourde et brûlante à porter. Je me rappelais trop combien j'étais vulnérable. »

La vie quotidienne en captivité est un élément central dans ce récit. Une vie, qui en permanence au vu et su de tout le monde, en milieu hostile, au milieu d'une faune repoussante. Chacun est sous le regard de l'autre, l'intimité n'existe plus, l'humain est bafoué. L'adaptation est nécessaire. La vie ensemble engendre des difficultés relationnelles, des discordes. Les dissensions arrangent bien les geôliers. « Diviser pour mieux régner. »
La promiscuité rend les rapports humains belliqueux.

« Les femmes étaient des cibles faciles » Avec infiniment de tact et de pudeur, en quatre lignes dignes et magnifiques Ingrid Betancourt parlera d'un viol ; pas besoin d'en dire plus, tout est dit, le lecteur a compris, serre les dents, voudrait les jeter tous à la rivière. Elle est seule face à tout ça……
Les barbares vont jusqu'à attribuer des numéros à leurs otage, pour mieux les rabaisser ; Ingrid résiste, s'accroche.

« Si le mot dignité avait un sens, alors il est impossible que l'on accepte de se numéroter. »

Je pourrais continuer ainsi à détailler, avec exemple à l'appui l'enfer de la captivité. Mais ce serait injuste à l'égard de l'auteur, que ne pas parler de ses moments de bonheur .Chaque occasion a été pour elle une façon de déceler une parcelle de lumière, et de se créer, autant qu'il lui était possible de le faire des moments de joie : la voix de ses enfants, et de sa mère qui lui parvenaient, les gâteaux qu'on lui permettait de confectionner à l'occasion de l'anniversaire de ses enfants, les rares livres qui parvenaient dans les nombreux camps où elle et ses compagnons d'infortune ont séjourné, ces quelques jours de liberté retrouvée au moment de sa cinquième tentative d'évasion, ses amitiés fortes avec quelques uns de ses compagnons comme Lucho, Marc.

J'ai découvert tout au long de cette lecture une personnalité complexe, aussi éloignée de la Sainte qu'on a voulu en faire lors de sa détention que de la garce et égoïste que certains ont décrite. J'ai découverte une personne humaine, tout simplement ; consciente de ses forces et de ses faiblesses.
Parce qu'après tout, à sa place qu'aurais-je fait ? Comment me serais-je comportée ?

Ce livre est un coup de coeur pour la force, la dignité et l'humanité qu'il dégage.
Ce livre est un coup de coeur pour le témoignage qu'il représente.
Ce livre m'a remuée, interpellée.
Ce livre est à lire, tout simplement.
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Je pense que l'on a tous en tête les images de la libération d'Ingrid Betancourt par contre on en sait beaucoup moins sur ses 6 ans et demi de captivité aux mains des FARC. Ce témoignage nous fait froid dans le dos et nous informe sur les conditions de rétentions, les humiliations, la vie dans la jungle......
Beaucoup de polémique on était lancé autour d'elle et je pense que ce livre nous montre le vrai visage d'Ingrid Betancourt. Face à un enlèvement, je pense que chacun lutte a sa façon pour survivre et l'auteur nous montre ici sa détermination, sa foi et son courage.
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(novembre 2010)

J'ai aimé ce livre
Le mercredi 2 juillet 2008, comme beaucoup, je découvre avec émotion et soulagement (cf infra) la nouvelle de la libération d'Ingrid Bétancourt. Et depuis, j'attends de lire son histoire. A peine édité, je l'ai acheté. Et je l'ai lu avec autant d'avidité.

Même le Silence a une Fin est un titre qui, le découvrons-nous au fur et à mesure de la lecture, ne fait pas seulement référence à sa réserve depuis la fin de sa captivité. Dans ce livre autobiographique, la Franco-colombienne révèle l'horreur des rapports avec ses ravisseurs et l'ambiguïté de leur relation aussi. "Le pire était la relation avec les êtres humains", "les gardes, surtout", "un grand apprentissage", "l'histoire de la fraternité". Avis aux amateurs, il n'y a pas de règlement de comptes dans le livre d'Ingrid Bétancourt. "Peur d'être seule. Peur d'avoir peur. Peur de mourir" : l'ex-otage des FARC raconte l'indicible. Pendant six ans et demi dans la jungle colombienne, elle a été violentée et menacée de mort. Elle a connu l'épuisement, l'animalité dans la promiscuité, la perte de l'intime, la vacuité des jours et l'atteinte à son intégrité de femme… mais elle trouvé la force de les surmonter.

L'Histoire commence par une scène terrible lors de l'une de ses cinq tentatives d'évasion. Punie, elle est enchaînée par le cou, battue et abusée, elle confie : "Je me sentais prise d'assaut, partant en convulsions (...) Mon corps et mon coeur restèrent gelés pendant le court espace d'une éternité". "Mais je survivais", dit-elle, de retour dans la cage où elle est enfermée avec Clara Rojas".

L'auteur revient ensuite à ce 23 février 2002. L'escorte militaire prévue lui a été confisquée par ordre "de la présidence", assure-t-elle. Des hommes armés arrêtent sa voiture.

Cauchemar, ennui, détresse. Les conditions de vie sont épouvantables, les moments de découragement fréquents. "Nous étions condamnés à la peine la plus lourde qu'on puisse infliger, celle de ne pas savoir quand elle prendrait fin", écrit-elle.

Ses geôliers ont pour la plupart l'âge de ses enfants. Un jour, elle apprend la mort de son père adoré dans un journal vieux d'un mois, laissé sciemment entre ses mains... Certains guérilleros sont cruels. D'autres moins. Elle fait un gâteau pour les 17 ans de sa fille Mélanie, apprend à confectionner des ceintures. Un dictionnaire, des livres et surtout une Bible la sauvent de la folie.

Pour ne pas s'écrouler, elle songe à sa prochaine échappée. Après chaque échec, les brimades empirent. Ingrid Betancourt évoque avec retenue les tensions avec Clara Rojas : "Il fallait être très fort pour ne pas se soulager des constantes humiliations des gardes en humiliant à son tour celle qui partageait votre sort", avoue Ingrid Betancourt. Elle analyse aussi, de l'intérieur, comment fonctionnent ces FARC.

Et cette "mission humanitaire" du 2 juillet 2008 ? "C'était la victoire sur le désespoir (...), une victoire uniquement sur nous-mêmes". Et le début d'une lente reconstruction.

Aujourd'hui Ingrid Betancourt doit faire face à de nouvelles attaques
Son entourage lui dépeint un nouveau visage et flingue la légende. La pasionaria peine à conserver son aura… En juillet, Ingrid Betancourt renonçait à sa demande d'indemnisation de 15 milliards de pesos (près de 6 millions d'euros), après avoir suscité un tollé en Amérique latine en estimant que la Colombie avait insuffisamment assuré sa sécurité le jour de son enlèvement sur la route San Vicente del Cagua.
En parallèle de ses démarches auprès des autorités de Bogota, Ingrid Betancourt bataillait secrètement pour obtenir également compensation de Paris. Elle aurait ainsi fait débloquer la somme de 450 000 euros, mais ne l'aurait pas empochée.
Le monde a d'abord idolâtré cette Pietà républicaine, héroïne, digne et humble. Puis les langues se sont déliées et ont sifflé comme des vipères sur la tête de notre rescapée. Pavé dans le marécage grouillant d'animosités, "Captive" de Clara Rojas, dresse un portrait peu reluisant de Ingrid Bétancourt, définie comme une "femme mesquine et amère". Ce récit accablant fait suite à un autre : "Hors de Captivité", dans lequel trois Américains égratignent "sainte Ingrid", en révélant ses tendances à chiper des rations de riz et à jouer les cheftaines. "Hautaine, arrogante et égoïste", "elle ne demandait rien, elle donnait des ordres", et "ne se gênait pas pour faire de la délation… "
Un dessin au vitriol que corrobore le "libérateur" de la politicienne Verte. L'ancien émissaire chargé du dossier, Noël Saez, a déploré l'attitude méprisante de sa protégée. Elle a été "ingrate", a-t-il conclu.
Couverte d'opprobre, notre idole aurait-elle trouvé du réconfort auprès de son cher et tendre? Pas vraiment. Econduit, son (ex)mari, a lui aussi écorché la star. Après des retrouvailles inespérées, Ingrid Betancourt, n'a pas souhaité reprendre sa vie de couple et a préféré demander le divorce. Juan Carlos Lecompte s'est "senti trahi" par un "être très calculateur".
Décriée de toutes parts, l'ex-figure adulée est tombée en disgrâce. Icône brisée par les témoignages de ses proches, la belle écolo a pris la plume. En livrant cette version, Ingrid Betancourt fait taire les critiques et perdurer le mythe. Elle ne sombre pas dans la facilité du fiel.

Je me rappelle mon émotion à son enlèvement, mon émotion à sa libération. J'ai lu son livre et je la crois. Je me fiche des autres témoignages. Car ce n'est pas le sujet de chercher des excuses aux bourreaux, de taillader les héros. Dans un autre registre, mais c'est le même, je me fous de savoir si l'adolescente violée portait une jupe trop courte et des yeux trop fardés. le violeur n'a pas à violer. Il est des crimes où la victime ne peut pas être une circonstance atténuante. La question n'est pas de savoir si Ingrid Bétancourt a pris des risques inconsidérés ou non le 23 février 2002, si Ingrid Bétancourt a plus eu à subir que les autres ou plus fait subir aux autres pendant 6 ans et demi de captivité. La question, c'est la privation de la liberté, le monnayage humain, la déchéance, le courage, la survie, la résilience. Ingrid Bétancourt a fait un travail sur elle-même que personne ne peut raisonnablement amoindrir.


* émotion lors de la libération d'Ingrid Bétencourt *
Après 2 321 jours de captivité, la vitalité rayonnante d'Ingrid Bétancourt

Je ne regarde jamais la télé. Ou si rarement que je dis jamais. Et hier soir, ce mercredi 2 juillet 2008, je trébuche sur Ushuaïa Nature. Nicolas Hulot nage dans l'Amazone au milieu des Caïmans. Nicolas Hulot nous emmène découvrir les derniers premiers peuples.

Tout au long de ce reportage, je n'ai de cesse de me dire, en dépit des prises de vue magistrales de cette immensité, "Mon Dieu que ce pays ne m'attire pas, Mon Dieu que cette jungle me fait horreur, Mon Dieu que je suis bien dans mon canapé" …. Et c'est dans mon confort urbain qu'un entrefilet de la régie de TF1 transperce l'écran de part en part, il se déroule comme des cheveux attachés qu'on lâche, il illumine le soir comme le soleil se levant à l'horizon …

L'armée colombienne annonce la libération d'Ingrid Bétancourt …… L'armée colombienne annonce la libération d'Ingrid Bétancourt …… Il est 21h28.

Fichue télé, arrêtez tout, dites-en plus, montrez-nous. Je saute de mon assise, et file sur internet. Et je réalise qu'on est en plein direct, que l'information est fraîche, que l'information est si récente qu'elle se conjugue encore au conditionnel. Qu'Ingrid Bétancourt, trois otages américains, et onze soldats colombiens sont encore dans les airs entre les terres pénitentiaires et le tarmac de la liberté.

J'ai 41 ans. Et pendant ces quarante et une années, la libération d'Ingrid Bétancourt est le cinquième événement qui me scotche devant ma télé : le drame du Heysel le 29 mai 1985, la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989, le déclenchement de la guerre du Golfe le 17 janvier 1991, l'explosion des tours jumelles de New York le 11 septembre 2001 et la libération d'Ingrid Bétancourt le 2 juillet 2008. Si ces cinq événements ont le point commun de se dérouler en direct, contrairement à l'utilisation qui a pu être faite en son temps des images de la guerre du Vietnam, la libération d'Ingrid Bétancourt est une victoire de la liberté sur la détention, une victoire de la paix sur la guerre, une victoire de la politique locale sur les pressions internationales, une victoire de l'intelligence sur la force, une victoire de la civilisation sur la barbarie, une victoire de la mémoire sur l'oubli, une victoire du soutien de l'opinion contre la banalisation … une Victoire complète, tous azimuts, sans point d'ombre.

Et je suppose que c'est pour cela que nous sommes nombreux à être submergés d'émotions … Je m'explique.

Submergés d'émotions

Pour une fois, oui, pour une fois, nous sommes nombreux à ne pas ressentir d'émotions qui nous prouvent, une fois de plus, que nos besoins ne sont pas satisfaits : pas fatigué, à plat, anéanti, impuissant, indifférent, inerte, rompu, sans élan, ni triste, abattu, accablé, affligé, blessé, découragé, déçu, démoralisé, déprimé, effondré, impuissant, malheureux, seul, sombre, ni confus, bouleversé, choqué, déchiré, déstabilisé, incertain, inconfortable, méfiant, troublé, pas apeuré non plus , alarmé, angoissé, anxieux, effrayé, épouvanté, horrifié, inquiet, paniqué, ou fâché, en colère, ni agacé, agité, contrarié, hostile, nerveux, réticent, ou plein de ressentiment, aigri, amer, blasé, dégoûté, écoeuré, envieux, haineux, pessimiste, soupçonneux …

Oui, pour une fois, nous ressentons les émotions qui nous prouvent que nos besoins de sécurité, de paix, de liberté sont importants pour nous et qu'ils peuvent être satisfaits : content, tendre, joyeux, de bonne humeur, euphorique, fier, soulagé, optimiste, reconnaissant, rasséréné, rassuré, plein d'amour aussi, touché, affectueux, aimant, attendri, concerné, ému, sensible, apaisé, léger, libre, plein d'espoir, plein de gratitude, et curieux, captivé, ébahi, ébloui, étonné, fasciné, impressionné, intéressé, intrigué, et rassasié, régénéré.

... A quoi ressemble un héros ? En vrai ? ...

Je suis restée devant mon écran, scotchée, à attendre qu'ils atterrissent, qu'ils descendent de l'avion, qu'ils nous regardent, qu'ils nous parlent. J'ai imaginé sa soeur, ses enfants, assis dans le siège de l'avion qui les emmène à Bogota, voulant pédaler pour que le voyage se fasse plus vite. L'attente, l'attente … 6 ans, 4 mois et 9 jours interminables, et là quelques heures tellement longues ….
Je ne connais pas les autres libérés. Je ne m'attends à rien. Pour Ingrid Bétancourt, l'image lumineuse que nous avons eue d'elle pendant plus de 6 ans a été effacée par celle de novembre dernier. Alors je m'attends à voir descendre de cet avion une femme défaite, cuite, anéantie. Je le crains vraiment. Mais c'était sans compter les instants de grâce. C'était oublier les éléments constitutifs de la résilience : se savoir dans le coeur des êtres qui comptent, se savoir dans leurs actions quotidiennes, se nourrir et nourrir sa force intérieure. Cette femme est habitée par sa mission de vie, et c'est si ostensible que c'est la seule explication que je trouve à une telle unanimité, qui force l'admiration et le respect ou l'impatience …
Héroïne de sa vie, héroïne de la vie d'autres, résistante en chair et en os, digne et courageuse, presque simple, si accessible, elle a encouru de vrais risques et payé, comme les autres otages, de longues heures qui se comptent en années. On les récupère hagards, incrédules, irradiés. Et ils se mettent à parler …

Au tour d'Ingrid Betancourt, elle prend son souffle : "J'ai tant attendu ce moment, j'espère que je vais pouvoir parler", dit-elle. Elle remercie d'abord Dieu et la vierge – qu'elle a "si souvent priés" au cours de son calvaire. Puis elle a un mot pour tous ceux qui l'ont accompagnée dans ses prières pendant toutes ces années. Elle le redit, émue, en français. Puis elle remercie avec effusion "l'armée de [sa] patrie" et le président Alvaro Uribe.

Elle dit merci aux actions de Nicolas Sarkozy. Et elle rappelle qu'il a continué une lutte menée d'abord par le président Chirac et par son ami Dominique de Villepin, au temps où c'était politiquement incorrect de le faire. Sacrée Ingrid ! La jungle ne fait pas oublier douze années de politique.

Elle rend hommage aux Journalistes "Vous, les médias, nous avez tant aidés ", encore à l'heure où sa médiatisation en agace certains. Les captifs de la jungle, hommes, femmes, savent ce qu'il se passe dans le monde, ce que l'on fait – ou ce que l'on ne fait pas - pour eux. du dilemme d'en parler ou de ne pas le faire, d'augmenter la valeur marchande d'un citoyen ou de le protéger en ne lui en donnant aucune, Alvaro Uribe, par l'utilisation de l'intelligence militaire offre une troisième voie. La force du Bien pour négocier la Paix vient de l'emporter sur la force du Mal pour maintenir le chantage et l'exploitation. L'intérêt particulier vient de rencontrer l'intérêt général. Aurevoir le sacrifice de Davy Crockett à Alamo, Bienvenue Ingrid pour "servir" tous les autres, libérer des jougs révolutionnaires, des jungles de notre sol, sud américain ou non.


... L'humanité est une force spirituelle ...

Quand Ingrid exprime sa reconnaissance, c'est comme une naissance et une filiation : "Je vous aime, vous êtes mon sang. Je suis à vous, vous êtes à moi." Cet aveu d'appartenance est une réalisation de l'humanité. Comme sa famille l'a fait depuis plus de 6 ans, Ingrid Bétancourt tient le devant de la scène avec "la même audace tranquille et raconte les pires douleurs d'une voix posée, où chantent les intonations apprises dans les meilleurs collèges", comme l'écrit avec tant de justesse Florence Aubenas.

Oui, l'érudition, l'éducation, la culture forgent les clés de l'humanité. Cette humanité est fragile. Et Ingrid nous indique le chemin qu'elle s'est imposée, tenir et maintenir son humanité dans sa tête. Elle y a tellement pensé plus que nous à ces moments de retrouvailles. Elle les a visualisés et revisualisés, elle a découpé chaque scène dans son dernier coin de liberté qu'est sa tête enfouie dans la jungle. Et ce sont ces détails aussi infimes pour nous que grandioses pour elle qu'elle va chercher en fermant les yeux quand elle nous parle. Elle sait tout, elle s'est entraînée, moment par moment, mot par mot. Elle active toutes les ressources qui l'ont ancrée à la certitude d'appartenir à l'humanité. Oui, la certitude.

"Et toi, bourreau, toi qui dois me maintenir en forme suffisante pour rester monnayable, pour rester capable de parcourir 300 km par an dans la jungle, toi, bourreau, qui nies mon humanité, qui la violes, l'enchaînes, la plies à quatre pattes, la brûle, la transperce.. tu as tant d'imagination … mais pas autant que moi ! Toi, bourreau, regarde-moi faire grandir ma certitude d'humanité en force spirituelle …Plus tu me rabaisses, plus je dois m'élever pour contenir la distance entre toi et moi, entre l'animal et l'homme, entre la meute et l'humanité. Et toujours je serai différent de toi. Ce n'est ni ta souffrance ni ta mort qui m'intéresse. C'est l'Humanité à laquelle j'appartiens et qui seule sauve."


... Paix aux sceptiques …

J'invite celles et ceux qui ne s'expliquent pas pourquoi "ça ne se voit pas" que cette femme sort de plus de 6 ans de captivité dans la jungle, à se souvenir que le but du Farc n'est pas l'extermination mais l'échange. Les autres otages n'ont pas l'air malade et décharné non plus.

Et je les invite aussi, sans autre commentaire, à tout simplement lire "Le rapport de Brodeck" de Philippe Claudel, et/ou à voir ou revoir la trilogie de la Guerre des Etoiles. "Ingrid, Chevalier Jedi, n'est-elle pas ?"







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« Même le silence a une fin », et pourtant, me voilà murée dans le silence des mots. Difficile est le premier mot qui me vient à l'esprit pour ce livre. Autant pour le livre lui-même que pour en écrire ma critique aujourd'hui.

J'avoue être passée plusieurs fois devant ce livre dans ma librairie, je l'ai pris, je l'ai regardé, mais je l'ai toujours reposé. Pourquoi ? Je ne sais pas. Peut-être que je ne me sentais pas prête, peut-être que j'avais des à-priori sur Ingrid Betancourt, peut-être aussi l'écriture de ce bouquin qui me décourageait (c'est écrit en caractère tout petit), je ne sais vraiment pas. Puis, vint le jour où, une fois de plus je suis passée devant, une fois de plus je l'ai pris, regardé, scruté sous tous les angles, mais cette fois je l'ai bel et bien gardé. Et une chose est sûre, c'est que je ne regrette pas ! J'ai jugé par moi-même, chose que beaucoup de personnes devraient faire.

Une fois lancée dans le récit d'Ingrid Betancourt, j'ai eu beaucoup de mal à m'arrêter. Il fallait que je tourne les pages, toujours plus vite. Et même si je connaissais le dénouement de cette histoire, je voulais toujours en savoir plus. Avec ses mots, Ingrid Betancourt m'a totalement charmée, fascinée même.

Pendant 824 pages, je me suis sentie avec Ingrid Betancourt au milieu de la jungle… J'ai lu ce témoignage comme si c'était un récit d'aventures, sans pour autant oublier que malheureusement, c'était bien réel…
Ici, elle se livre sur sa captivité, qui va durer six ans et demi. Elle nous parle ici des FARCS, des conditions de vie, des insectes et autres bêtes sauvages, du manque quotidien, de l'angoisse, de la terreur, de ses tentatives d'évasion…

Tout au long du livre, je me suis posée la question « Et si c'était moi, comment aurai-je fait ? », parce qu'il faut en avoir du courage pour traverser tout cela. Personnellement, je ne sais pas comment j'aurai réagi…

Avec cette écriture si poignante, elle a presque réussi à me convaincre. Après, comme tout témoignage, elle ne nous raconte seulement ce qu'elle a envie de nous raconter. Elle se montre sous l'oeil dont elle a envie qu'on la voit. Et personne ne pourra contredire cela. Mais une chose est sûre, c'est qu'elle m'a donné envie d'en savoir plus, de mieux comprendre qui sont ses « bourreaux » FARC qui sévissent encore et toujours… C'est pourquoi, ma critique sur Captive de Clara Rojas, qui a été enlevée en même temps qu'Ingrid Betancourt devrait bientôt faire son apparition, et bien d'autres encore je l'espère.

En tout cas, comme je l'ai dit plus tôt, je ne regrette pas d'avoir lu son témoignage et j'espère ne pas être déçue en lisant des divergences au niveau des autres livres…
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Ingrid Betancourt nous relate ses années d'otage dans la jungle Colombienne. Capturée en 2002 par les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), sur le trajet l'amenant vers une réunion de négociation avec cette "Armée du Peuple". Elle restera captive durant six ans et demi. Même le silence a une fin est le récit détaillé de cette longue et éprouvante période de sa vie.

L'essentiel de l'ouvrage décrit ses modalités de détention, ses rencontres successive (avec ses co-détenu.e.s et geôlier.e.s), ses tentatives d'évasion, les mauvais traitements de plus en plus barbares qu'elle subit. A partir du moment où elle accède à une Bible (véritable trésor vu ses conditions de vie déplorables), les réflexions spirituelles se multiplient. La spiritualité revient ensuite régulièrement, en fonction de son accès à la lecture ou à la radio.
C'est un récit cathartique, très autocentré (ce qui est compréhensible vu son terrible vécu). Ingrid Betancourt explore peu les tenants aboutissants politiques avant sa capture : ce n'est pas le propos. Je m'attendais à plus d'informations et de recul sur la situation des FARC et de la Colombie des années 2000. Cela m'a fait défaut car je connais très mal ce pays et sa situation géopolitique.

C'est un livre intelligent, bien écrit, entre style littéraire et journalistique de qualité. Pas toujours chronologique, le rythme est plus ou moins entraînant selon les épreuves traversées. On passe régulièrement du rythme lancinant de la captivité à celui plus tendu des tentatives d'évasion, des espoirs trop souvent déçus et des longues marches et changements de campement récurrents.
J'y ai trouvé quelques longueurs et redondances, compréhensibles au vu du vécu de l'autrice et à son besoin de décrire très précisément sa vie d'otage.
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critiques presse (1)
LeFigaro
23 février 2012
Malgré la gravité de la situation, il y a aussi des moments de sourire dans cet ouvrage qui relève à la fois du récit intimiste et du roman d'aventures.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
Je me suis souvenue alors de ce passage de la Bible qui m'avait frappée lorsque j'étais en captivité. C'était un cantique de louanges à Dieu dans le livre des Psaumes, qui décrit toute la dureté de la traversée du désert. La conclusion m'avait paru surprenante. La récompense de l'effort, du courage, de la ténacité, de l'endurance, n'était pas le bonheur ni la gloire. Ce que Dieu offrait en récompense, c'était le repos.
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Les sons étaient tamisés. Le grondement de la rivière avait fait place au calfeutrement des eaux quiètes.

Un oiseau vola au ras de la surface et nous évita de peu. Mes gestes avaient perdu instinctivement de leur amplitude, j'anticipais une mauvaise rencontre.

Pourtant, rien de ce que je voyais n'était différent de ce que j'avais vu mille fois. Nous nagions entre les branches des arbres tomme le bongo qui pénétrait et s'ouvrait un chemin jusqu’à la rive. Un clapotis proche nous annonça la berge.

- Là-bas ! chuchota Lucho à mon oreille.

Je suivis du regard. À ma gauche, un lit de feuilles et loin ies racines d'une ceiba majestueuse. Mes pieds venaient d'entrer en contact avec le sol. Je sortis de l'eau, lourde d’émotion, grelottante, ravie d'être debout sur la terre ferme. exténuée, j'avais besoin de trouver un endroit où m'écrouler.
Lucho sortit en remontant la pente douce en même temps que moi et me tira entre les racines de l'arbre.

- Il faut se cacher, ils peuvent surgir à n'importe quel moment.

Il ouvrit le plastique noir qu'il gardait dans ses affaires et m'enleva mon sac à dos.

- Passe-moi tes vêtements un par un, il faut les essorer.

Je m'exécutai. Je fis instantanément l'objet d'une attaque de jejenes, minuscules moucherons, particulièrement voraces, qui se déplaçaient en nuages compacts et qui m'obligèrent à effectuer une danse primitive pour les tenir à l'écart.

(p.521-522
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avril 2004. L'arrangement que nous avions conclu m'enchanta. Je programmai mes journées de façon à consacrer tous mes après-midi à la lecture et prenais un soin particulier à déposer le livre à 18 heures précises sur son étagère. J'avais appris que c'était sur ces tout petits détails que nous nous jugions entre nous et, plus encore, que se bâtissaient les amitiés ou que s'allumaient les conflits. La promiscuité à laquelle nous étions condamnés nous exposait au regard incessant d'autrui. Nous étions sous la vigilance des gardes, certes, mais surtout sous la surveillance impitoyable de nos compagnons de captivité.
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On se réveilla le lendemain sous une pluie torrentielle. Il fallut remballer nos affaires sous l'orage et commencer à marcher trempés. Nous devions escalader une pente raide.

J'étais trop lente et surtout très faible. Passé la première demi-heure, mes gardes jugèrent préférable de me porter plutôt que d'attendre. Je me retrouvai emprisonnée pendant des heures dans un hamac qui se gonflait d’une eau de pluie que les guérilleros évacuaient en me secouant par terre lorsque le terrain s'y prêtait. La plupart du temps ils me hissaient en me traînant, l'un tirant à l'avant, l'autre poussant à l'arrière.

A plusieurs reprises ils me lâchèrent et je glissai, prenant dangereusement de la vitesse, pour aller m'écraser contre un arbre qui arrêtait ma chute. Je rabattis la toile du hamac sur mes yeux pour ne rien voir.

J’étais trempée, rouée de coups. Je répétais des prières dont j'oubliais le sens mais qui m'évitaient d'avoir à penser à quoi que ce soit et de céder à la panique.

Celui qui pouvait écouter mon coeur savait que j'appelais au secours.

(p.450)
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- Non, je ne veux pas être transportée en hamac. A partir de maintenant, je marche.
Les yeux de Sombra faillirent lui sortir de la tête. Il avait tout prévu, sauf ça. Il me regarda courroucé, d'autant plus que je lui faisais perdre la face. Il décida finalement de se taire. [...] J'étais fière de les quitter en marchant, de les laisser derrière moi, avec eux, la prison, les humiliations, la haine et tout ce qui avait empoisonné notre existence durant cette année. Je prenais une revanche: c'étaient eux qui restaient. Je n'avais pas la force de porter mon sac à dos, même le fait de mettre un pied devant l'autre me donnait encore le tournis, mais je me sentais avoir des ailes car c'était moi qui partais.
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