De belles réflexions inspirantes, mais il m'aurait fallu une meilleure connaissance de la musique classique pour les apprécier à leur juste valeur.
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LE CREDO DE L OPTIMISME MODERNE inspiré par Beethoven
Je suis optimiste parce que je trouve le monde féroce, injuste, indifférent.
Je suis optimiste parce que j'estime la vie trop courte, limitée, douloureuse.
Je suis optimiste parce que j'ai accompli le deuil de la connaissance et que je sais désormais que je ne saurai jamais.
Je suis optimiste par ce que je remarque que tout équilibre est fragile, provisoire.
Je suis optimiste par ce que je ne crois pas au progrès, plus exactement, je ne crois pas qu'il y ait un progrès automatique, nécessaire, inéluctable, un progrès sans moi, sans nous, sans notre volonté et notre sueur.
Je suis optimiste parce que je crains que le pire n'arrive et que je ferai tout pour l'éviter.
Je suis optimiste parce que c'est la seule proposition intelligente que l'absurde m'inspire.
Je suis optimiste parce que c'est l'unique action cohérente que le désespoir me souffle.
Oui je suis optimiste parce que c'est un pari avantageux : si le destin me prouve que j'ai eu raison d'avoir confiance, j'aurai gagné ; et si le destin révèle mon erreur, je n'aurai rien perdu mais j'aurai eu une meilleure vie, plus utile, plus généreuse."
Victor Hugo disait que "la musique, c'est du bruit qui pense". J'aurais envie d'ajouter qu'elle est aussi "du bruit qui fait penser" tant elle nous console, apaise, enthousiasme ou régénère. Les compositeurs nous communiquent leur folie, leurs désirs, leurs conceptions du monde, et, quand ils détiennent une philosophie cohérente, ils nous délivrent leur sagesse. Si nous leur prêtons l'oreille, ils deviennent nos guides spirituels.
Je découvrais que Beethoven m'avait manqué.
Une conception de l'univers me revenait.
Laquelle ?
La croyance en l'individu. Beethoven, au rebours de son époque futile, résistant aux obstacles - pauvreté, surdité, échecs amoureux, maladies - qui s'amoncelaient, négligeant les critiques, indifférent aux modes, Beethoven croyait à l'affirmation individuelle. Et cela ne se confond pas avec l'individualisme - cet égoïsme qui prospère dans l'incurie -, cela avance l'idée qu'un individu dispose d'un don, le pouvoir d'être lui-même, de changer ses contemporains - voire la postérité -, d'influer sur la société.
La puissance de l'individu, notre époque l'a tuée. Personne n'estime raisonnablement aujourd'hui qu'un individu compte. L'humain seul, nu, on ne le voit plus que broyé, servi en steak haché, dépassé par les progrès technologiques, exposé à la rapacité des banques, états, groupes capitalistiques. Les structures économiques, financières, politiques, médiatiques triomphent, plus contraignantes que n'importe qui. On n'espère plus en la révolution, on rit de l'initiative.
Auschwitz témoigne de ça. Auschwitz, ce n'est pas qu'Auschwitz ni la Shoah, c'est le symbole des forces qui broient l'homme, des totalitarismes, du monde qui se vide de sa substance humaine. Auschwitz, c'est la preuve que le progrès, s'il existe en sciences et en techniques, n'existe pas en humanité. Raté : avec le temps, les hommes ne deviennent pas meilleurs, ni plus intelligents ni plus moraux. L'humanité ne s'élève ni systématiquement ni inexorablement. Sans flamme individuelle, les barbares stagnent dans leur barbarie, même s'ils accumulent les informations et maîtrisent des techniques sophistiquées. Auschwitz, c'est le cimetière des Juifs, des tziganes, des homo-sexuels, mais c'est aussi le cimetière d'une espérance.
L'enfance est un pays que l'on traverse sans s'en rendre compte. Arrivé aux frontière, si l'on se retourne, on remarque le paysage, mais c'est déjà trop tard.
L'enfance ne s'aperçoit qu'une fois quittée.
Quoique douce, délicate, la clarinette refusait de fléchir, de céder à la déprime, elle remontait, elle chantait, elle s'épanouissait. Le chagrin se transfigurait. De ton sentiment, tu faisais une oeuvre. La tristesse s'était muée en beauté.
Alain Damasio et Eric-Emmanuel Schmitt - Rencontre inédite