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EAN : 9782283030950
224 pages
Buchet-Chastel (23/08/2018)
3.86/5   66 notes
Résumé :
Printemps 1993. Joaquim, vingt ans, débarque au milieu de Sarajevo assiégée. Armé de son seul appareil photo, il cherche à échapper à son enfance et à se confronter à la mort. Cette mort que vient de choisir sa jeune sœur Viviane, fatiguée d’expier dans l’anorexie un tabou familial jamais levé.

Été 2017. Joaquim apprend le décès de son père. Le temps d’un Paris-Rouen, lui reviennent en rafales les souvenirs de sa famille bourgeoise, apparemment sans ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (43) Voir plus Ajouter une critique
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Je remercie les éditions Buchet Chastel et Babelio qui m'ont offert ce livre lors d'une masse critique privilégiée.

Le sujet est grave. Un suicide, une guerre, un enterrement s'articulent, s'entrechoquent, se succèdent, se précèdent ou se bousculent dans la tête du personnage principal Joachim.

Pour être plus claire, Joachim est photographe de guerre. Il a vingt ans et part à Sarajevo pendant deux mois. Il garde très présent le suicide de sa soeur Viviane. Un drame pareil ne peut pas s'oublier. Quelques années plus tard il se rend à l'enterrement de son père. Il a quarante-cinq ans. le film de sa vie s'impose à lui. Des retours sur image, son enfance, ses manques, ses interprétations.

En lisant ce livre j'ai tracé une courbe assez cohérente entre les points marqués par l'auteur. le coup de tonnerre lorsque Viviane s'est suicidée, les bombes entendues à Sarajevo et toujours cette caméra qui se ballade obstinément entre les souvenirs et la réalité, entre une enfance feutrée et pourtant construite sur « du mou » et la guerre si dure qui ne cache rien de son acharnement cruel et violent. J'ai vu peut-être un pont entre la disparition de Viviane, disparition volontaire, irrémédiable, laissant sa traîne de doutes et de culpabilité, et le métier de Joachim qui décide à vingt ans de photographier la guerre, de la fixer droit dans les yeux, d'immortaliser des images alors qu'il n'a rien vu du désarroi de sa soeur, rien vu de l'urgence de la situation. A t-il voulu réparer ?

L'écriture est poétique et sensible. Il est bien difficile d'explorer tant de sentiments forts, de passer son stylo sur tant de cicatrices à peine fermées sans avoir le talent d'émouvoir. Et j'ai souvent été émue !

J'ai trouvé, entre autre, le passage sur l'angoisse particulièrement savoureux parce que tellement bien dit, tellement juste et décrit avec de si belles images. Je le noterai avec grand plaisir dans les citations si ce n'est déjà fait.

Cependant, pour être honnête, j'ai buté sur des passages un peu trop ampoulés à mon goût. L'auteur nous parle « d'ourlet du sommeil simulé » « de la tôle ondulée de sa cage thoracique », « d'homogénéité amoureuse » de « La mère qui dérivait dans une temporalité de plus en plus lacunaire » « d'un laps de temps, pièce maîtresse dans l'architecture du hasard ».
Des phrases directes, épurées se seraient intégrées à merveille dans ce contexte me semble t-il..

Et puis quelques passages un peu lents. J'attendais une autre musique.
Les éclats d'obus, les coups de mitraillette, les flashes de l'enfance, une photographie, un saut dans le vide tout cela est bref, atroce mais bref, spontané, fulgurant. Un clic, un bruit assourdissant, un semblant d'image qui passe à la vitesse de l'éclair. Une situation d'urgence marque son emprise. Et Clac.

Cette remarque très très personnelle ne m'empêche pas de classer ce livre dans la rangée d'ouvrages qui m'ont marquée, que je relirai peut-être un jour et que je ferai circuler sans aucun doute. Il faut bien de temps en temps ergoter sur ce que l'on pense être des moins-values si l'on veut mettre en évidence les points forts plaisants d'une histoire!
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Une belle découverte, vraiment! Je ne connaissais pas l'auteure, qui a déjà eu plusieurs prix. Et dès les premières pages, j'ai été séduite par l'écriture, tout en poésie et émotion, en pudeur aussi.

Le titre fait immanquablement penser à la chanson de U2 et plus spécialement aux paroles" is there time to be a beauty queen". Cependant, contrairement à mon attente, s'il est question de la guerre en Bosnie et de Sarajevo, du concours de beauté organisé pour conjurer l'horreur, ce n'est surtout que dans la dernière partie du livre.

Le thème essentiel est celui d'un douloureux événement familial, qui a fait perdre ses repères à une famille. C'est la souffrance de Joaquim, de ses parents, après la disparition de sa soeur Viviane à seize ans.

Comment se construire quand on a dix neuf ans au moment des faits? Comment continuer pour un père, une mère?

Le livre est donc une introspection, Joaquim, la quarantaine, égrène ses souvenirs, alors qu'il revient après la mort du dernier membre de la famille, son père , à Rouen, sur les lieux douloureux de l'enfance et de l'adolescence.

Pour survivre, Joaquim avait décidé de partir à l'étranger, comme photographe, dans les zones de conflit. Mais cette fuite en avant, qui le fait se rendre d'abord à Sarajevo en 1993, il la sait inutile:" on n'oublie jamais rien; on escamote ou on enfouit."

Les flash-blacks ramènent le lecteur à l'époque où Viviane était encore vivante, ils nous plongent aussi dans l'enfer de Sarajevo ( les traumatismes des habitants sont extrêmement bien rendus), et évoquent la dégradation familiale.

Les remarques sur la mémoire, l'acte de photographier, les séquelles irréversibles d'un drame familial, le quotidien affreux de civils subissant la guerre sont très justes et nous imprègnent en profondeur.

Un grand merci à Babelio et aux éditions Buchet-Chastel pour m'avoir permis d'entrer dans l'univers d'Ingrid Thobois. Je compte lire d'autres livres de cette auteure très attachante.Si vous avez des titres à me suggérer, je suis prenante!
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« De Sarajevo, Joaquim n'a longtemps su que l'assassinat d'un archiduc. »

Même chose pour tous ceux nés avant 1970-1980, je suppose.
Jusqu'à cette guerre des Balkans, au début des années 90, « à seulement deux heures d'avion de Paris », comme on disait alors.
Au coeur du conflit : Sarajevo à feu et à sang.
Il nous semblait inconcevable, à travers nos écrans TV ou 'le poids des mots, le choc des photos' de la presse, que les Casques bleus (ONU) ne puissent rien faire pour arrêter ça.
Cette guerre a duré quatre ans.
Bilan humain : « Onze mille cinq cent quarante et un [ 11 541 ] morts, enterrés si l'on a pu, comme on a pu, quand on a pu, à l'aube ou au crépuscule, rarement dans un cimetière, dans les bas-côtés, devant les entrées d'immeubles, sous les balançoires des jardins publics. »
La population a résisté. Certaines personnes activement, en prenant les armes. D'autres 'passivement', en continuant à vivre dans cette ville, sous les bombes, sous les tirs. Des 'gestes minuscules' comme dit la 4e de couv, mais essentiels ; ceux du quotidien, et parfois même un peu plus, du luxe troqué contre les produits de première nécessité.

Ingrid Thobois nous raconte tout cela, et beaucoup d'autres choses, à travers le regard de Joaquim, jeune photographe de vingt ans, mi-rouennais, mi-parisien, perturbé par un drame familial et en froid avec ses parents.

J'ai lu ce texte doucement, soigneusement, relevant de nombreux passages, séduite par la plume précise, riche en images et symboles.
L'auteur décrit parfaitement le figé (photo) aussi bien que le mouvement (train) ; la photo qui montre l'horreur ou qui leurre sur un bonheur feint ; les souvenirs d'un quadragénaire et la fuite de la mémoire d'une vieille femme brisée ; la création artistique et l'auto-destruction ; les apparences et les sentiments ; la cellule familiale qui protège et détruit ; les drames familiaux et les conflits à l'échelle d'un pays ; les brouilles individuelles figées par orgueil et l'inertie de la communauté internationale face à une guerre pourtant très médiatisée...

Autant de sujets qui me captivent, a fortiori lorsqu'ils sont traités avec une telle sensibilité.
Je suis bien sûr impatiente de découvrir d'autres textes de cette auteur brillante.
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Miss Sarajevo , livre reçu lors d'une opération spéciale Masse Critique.
Livre de l'auteur Ingrid Thobois dont j'ai lu un autre roman il y a quelques années , le roi d'Afganistan ne nous a pas mariés , livre que j'avais beaucoup aimé .
Cette lecture Miss Sarajevo m'a encore plus plu , j'ai eu l'impression que l'ecriture de l'auteur était encore plus belle .
Miss Sarajevo le titre est une référence à un concours de beauté organisé lors de la terrible guerre fratricide en Bosnie , guerre ' à nos portes' , ce qui nous semblait inimaginable après la chute du mur de Berlin qui nous berçait de la douce illusion de vivre une période de paix éternelle .
Le roman se compose de deux histoires , cette guerre si troublante parce que si proche , et l'histoire personnelle de Joachim , toute en retenue .
Je pense que c'est cette partie que j'ai le plus aimé , l'histoire de cette famille qui n'a jamais pu mettre des mots sur sa souffrance en pensant bien faire et qui s'est enfoncée dans un mal - être sans retour .
Histoire toute en finesse comme je les aime , il me semble que ma critique ne rend pas hommage à ce livre , alors un seul conseil , lisez le et pendant quelques heures suivez les pas de Joachim de Sarajevo à Rouen , revenez sur les lieux de son enfance et vous lirez un roman qui évoque merveilleusement le temps qui passe , les traces de souvenirs sur nous devenus adultes .
Merci à l'auteur pour ce beau roman , merci à babelio pour cette belle lecture , je vais m'empresser de la conseiller autour de moi .
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Voici un joli roman doux amer dont les images fortes me trotteront longtemps dans la tête.

Avec une remarquable sensibilité et une documentation précise concernant les années noires de Sarajevo, Ingrid Thobois nous glisse dans les bagages de Joaquim, photographe de guerre, traînant une histoire familiale dramatique qu'il tente de conjurer en se frottant aux risques du son métier.

L'acte fondateur du globe-trotteur étudiant sera cette plongée dans la ville assiégée, au plus près des populations, dans l'intimité d'une famille qui verra couronner sa reine de beauté 1993, comme un défi à la mort et à l'horreur.

Le livre structuré en deux narrations parallèles sur plusieurs années évoque autant les brisures extérieures, par la zone de conflit, qu'intérieures par la douloureuse résilience d'un vécu familial détruit par un secret.
C'est la reconstruction en sérénité d'un homme qui se joue ici, avec une écriture tout en délicatesse, sur un contexte qui porte haut les idées de fraternité et d'amour familial.

Une très belle réussite.
Je vais m'empresser de découvrir les autres titres de la romancière.

Remerciement à #Netgalley
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Citations et extraits (60) Voir plus Ajouter une citation
Le propre de l'angoisse est de venir interrompre l'acte le plus anodin, le plus quotidien et de l'enrayer. Elle se glisse dans les plis des draps, de lit défait en lit défait, dessinant une chaîne ininterrompue d'insomnies. Elle traverse le corps de part en part, de cellule en cellule, s'infiltre dans chaque membre, tendon, muscle, nerf. Rien ne sert de lutter. Il faut attendre que les proportions du monde se rétablissent, que l'angoisse redevienne peur, inquiétude et son objet un bibelot dont on pourra bientôt se moquer. (p40)
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Vesna continue d'expliquer. Elle parle sans interruption. La résistance, ce n'est pas seulement celle à laquelle participe [son fils] Zladko. Il y a quantité de manières de se battre pour regagner le droit de vivre ensemble. La ville entière résiste en s'acharnant à vivre. En continuant à sortir pour sa ravitailler en nourriture, en eau, les bidons à bout de bras, priant pour que Dieu existe et qu'il regarde du bon côté. En continuant à fréquenter les théâtres et les galeries d'art en sous-sol, les concerts dont résonnent les caves. En continuant à se marier. A faire l'amour. A jouir. A enfanter. En organisant un concours de beauté. A ces mots, Vesna se contorsionne vers le siège arrière de la voiture et se saisit d'un paquet qu'elle jette sur les genoux de Joaquim : 'Schwarzkopf blond cendré n° 08'. Vesna a échangé cette teinture au marché noir contre la fortune d'un kilo de sucre.
(p. 125)
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Il n'y a rien à comprendre de la psychologie d'un tueur. Il n'y a pas de 'psychologie du tueur'. Il y a un conflit dont les nations européennes s'excusent au motif qu'il serait ethnique. Durant la guerre de Bosnie, nombre de tueries se sont pourtant passées d'ennemis définis. Comme ce jour de juillet 1992, lorsqu'une tour d'habitation du centre-ville a été prise pour cible. Vingt minutes de pilonnage méthodique au canon antiaérien de quarante millimètres. Aucun appartement n'est épargné, du rez-de-chaussée au dix-huitième étage, vitre après vitre, sans souci de confession, sans préoccupation d'ethnie. Pour unique objectif : la gratuité du meurtre de masse. S'ensuit ce silence propre à la guerre, pareil à l'épanchement d'un gaz invisible, le tympan palpitant contre l'air chauffé à blanc. Le tueur pose son arme, fouille ses poches, en extrait un paquet souple. L'extrémité de sa cigarette s'enflamme, rougeoie. La fumée remplit sa bouche, tapisse sa gorge, descend le long de sa trachée, se disperse dans les ramifications de ses bronches et y stagne. Plusieurs secondes s'écoulent avant l'expiration simultanée par la bouche et le nez. Un vent tiède emporte la fumée. L'odeur insiste quelques secondes et disparaît à son tour. Réduit à une vibration, le corps du sniper se déplie - la station debout comme dernier souvenir de son humanité.
(p. 186-187)
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Les Casques bleus, supposés veiller à l'application du droit de la guerre, n'ont l'autorisation d'intervenir nulle part et ont à peine conscience de l'endroit où ils se trouvent. Leur solde a été multipliée par vingt. Ils savent de la région ce qu'on leur en a dit au cours d'une présentation de quinze minutes juste avant leur départ. Ils en ont retenu que 70 ans de communisme ont fait du Slave un menteur auquel il ne faut surtout pas se fier.
Les Casques bleus sont pour beaucoup des gosses d'à peine vingt ans, des enfants de la paix qui auront voulu savoir à quoi ressemblait la guerre, et ils auront été déçus. Une minorité plus mature s'est engagée par conviction dans cette intervention qu'elle jugeait juste et nécessaire. En guise d' « intervention » : des mois et des semaines à compter les points entre David et Goliath. Des mois et des semaines à accompagner de rares convois humanitaires. Et puis il y avait le ramassage des corps le temps de brefs 'cessez-le-feu' - les rares à être respectés. Ces 'missions cadavres', les Casques bleus les espéraient autant qu'ils les redoutaient. Ils auraient au moins cela à raconter. Elles venaient rompre l'ennui des rapports sur les échanges de tirs : qui sur qui ? Qui depuis quel endroit ? Qui le premier ? [...]
(p. 191)
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On peut être né et avoir vécu vingt ans à Rouen sans en avoir l'accent. Il suffit d'avoir été élevé dans un milieu cossu, par un père médecin et une mère au foyer d'ascendance aristocratique et militaire. Il suffit d'avoir subi toute une scolarité derrière l'enceinte de briques rouges d'une institution privée. Il suffit d'avoir toujours méprisé ce lieu où le père avait atterri à la suite d'un classement moyen à l'internat, et de s'être appliqué à dénigrer jour après jour cette ville-musée, ridicule à force d'histoire, d'impressionnistes et de colombages, à mi-chemin de la mer et de Paris, indécision géographique terminant de la vider de sa substance. [...] Leur installation à Rouen au début des années 70 aurait pu, aurait dû n'être qu'une migration temporaire imputable à la relativité d'un concours, un raté que le temps, forcément, allait rectifier. Mais non. Joaquim y voyait le signe d'une passivité [de ses parents] que tout leur passé venait corroborer.
(p. 52-53)
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Vidéo de Ingrid Thobois
Lilia et Mehdi, un frère et une soeur d'origine berbère, ont fui leur village et gagnent Tanger, le port de tous les espoirs. Au-delà, c'est l'Europe. L'espoir d'une vie meilleure ? Le nouveau roman d'Ingrid Thobois aborde avec justesse et sensibilité la réalité des migrants.
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