Comme beaucoup de monde et surtout de filles, je fus à l'époque épouvantée par le film, par la misérable vie que pouvait mener des filles de mon âge.. Ma naïveté ce jour là en pris un sérieux coup. Je ne demandais qu'à lire le livre, mais j'étais émotionnellement dans l'impossibilité de franchir le pas, car trop hantée par l'horreur absolue. Je finis par le lire des années plus tard, le choc fut encore plus grand, car l'imprégnation fut d'autant plus importante. le livre se terminait avec une petite pointe d'optimisme. Que de fois je me suis demandé ce que Christiane était devenue, que de fois j'ai espèré pour elle une vie heureuse, une vie sans drogue. Les années ont passé, ma façon d'appréhender les choses a elle évolué et ce livre est sorti, apportant des réponses. Christiane est en vie et j'éprouve un profond respect pour elle et pour toutes les autres Christiane. Un livre que tout parent devrait lire, car les "blessures" que nous infligeons intentionnellement ou pas à nos chéres têtes blondes sont celles qui ne guérissent jamais et là je parle en connaissance de cause...
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J'aimerais ne jamais avoir essayé de drogue, ne jamais avoir connu cette sensation géniale d'être shooté, parce que ces souffrances sont le prix à payer.
C'est quand on s'y reconnait et qu'on peut en tirer quelque chose pour soi que la lecture fait le plus plaisir.
Les livres, c'est mon automédication. Dans mon imagination, je suis libre, il n'y a pas de limites et pas de devoirs, je peux faire et laisser faire ce que je veux, je ne déçois personne. Ça me fait du bien. Je crois au fait que le corps va bien quand l'âme est saine, et inversement. La lecture m'aide. Mais ce sentiment agréable disparaît aussi vite que l'histoire est finie, alors toute ma petite misère revient sur le devant de la scène.
Mais sans l'alcool, et même sans mon herbe, la vie sur terre ne serait plus supportable. Plus du tout, depuis que mon gamin n'est plus là.
Jeune femme, je ne savais absolument pas ce qu'était la contraception. J'avais raté les cours d'initiation à l'école, parce que je faisais le trottoir - il faut l'imaginer !
Mais les cercles dans lesquels j'évoluais alors n'étaient vraiment pas les miens. C'était clair pour nous tous. Artistes, écrivains, banquiers, et horlogers, nous nous respections, bien sûr, mais contrairement à beaucoup d'autres, rencontrer des gens riches ou renommés m'a toujours laissée froide. Je n'aime pas ce côté soigné distant avec lequel ils abordent les autres. Comment se rapprocher si tu tu passes ton temps à te vouvoyer, à te serrer la main et que tu ne te prends jamais dans les bras ?
En prison, je me suis souvent sentie plus libre que lorsque j'étais en liberté.
La taule est peut-être un cauchemars pour les autres, pour moi c'était le rêve !
En prison, je travaillais même volontiers, plus volontiers que dehors. Parce que je ne sentais pas la pression de devoir prouver quoi que ce soit à qui que ce soit, de devoir remplir des exigences, de suivre des normes et de me soumettre à des évaluations. Ce genre de choses me bloque, parce que je n'ai pas assez confiance en moi.
En taule, tout le monde s'accroche à quelque chose. Pour la plupart, nous n'aurions aucun lien entre nous si nous n'étions pas enfermées ensemble. Et, inconsciemment, tu crées une sorte de lien, tu te donnes l'illusion que tu ressens vraiment quelque chose pour tous ces gens, qu'ils sont ta famille et tes amis. Tout au moins, c'était comme ça pour moi, et je crois que c'était comme ça pour la plupart.
Quand j'aime quelqu'un, il m'est incroyablement difficile de lui parler directement, parce que j'ai peur d'être rejetée.
Voir ce qui est bien dans ce qui va mal, ça rend les choses un peu plus supportables.
Plus tard, je me suis souvent retrouvée dans ce mythe - aveuglée par l'amour, confiante dans les promesses d'un homme, et puis plantée là, toute seule.
Et moi, j'étais toujours en train de courir après quelque chose sans même savoir ce que c'était. Je n'ai aucune idée de pourquoi j'étais incapable de rester en place, de pourquoi je pensais qu'il fallait que je bouge tout le temps.
Si j'avais su tout ce qu'un enfant apporte, j'aurais décidé d'en avoir un plus tôt.
Tous ces gens sont morts depuis. Morts à force de se shooter ou à cause de je ne sais quoi d'autre. Ils sont morts, c'est tout. La plupart du temps, on ne se pose pas de questions, on se fiche de savoir comment et quand. Au bout du compte, on sait tous pourquoi.
Bien sûr, on se déteste de faire un truc pareil. Je ne connais aucun junkie qui soit heureux de replonger. Tu mens en permanence et à tout le monde, tu es bon pour ça. Mais c'est surtout à toi-même que tu passes ton temps à raconter des histoires. C'est la dernière fois. Juste une fois. Alors qu'au fond, tu sais bien qu'il y a quelque chose qui ne va pas chez toi et dans ta vie. Mais l'idée d'y changer quelque chose te fait trop flipper, et du coup tu t'abrutis encore une fois pour oublier toute cette merde. Les uns apprennent à vivre avec, les autres en crèvent.
Dès les premières secondes, Philip était tout mignon. Au moment où je l'ai vu et où il a crié en apercevant la lumière, j'ai été la personne la plus heureuse du monde. Il n'y a pas de mots pour décrire ça. Voilà que ce minuscule être qui avait besoin de moi était là. Et lui était maintenant tout ce dont j'avais besoin. Tout le reste m'était égal.
On se sent bon à quelque chose quand on a un rythme. Le gamin me faisait du bien, il faisait de moi quelqu'un de bien. Il m'a redonné l'envie de vivre le jour, il m'a réappris à honorer mes rendez-vous, à être fiable, tous ces trucs que je connaissais et savais faire avant, parce que je les avais appris à l'école et pendant ma formation, mais tout autrement. Désormais, tout ça avait beaucoup plus de sens, et ça me faisait énormément de bien. Phillip est le plus beau cadeau que la vie m'ait faite, on faisait une sacrée équipe.
Enlever son enfant à quelqu'un, c'est comme lui arracher le cœur et le priver de son âme sans l'achever. Tu n'es plus qu'une coquille vide, et les seuls sentiments que tu peux encore ressentir, ce sont le manque et la tristesse.
Souvent, ça m'est arrivé de ne pas manger pendant des jours, je ne faisais que boire. Je pouvais tout supporter sauf d'être grosse, depuis toute petite on me disait qu'être gros, c'était de la merde.
Comme plein de femmes, j'ai toujours recherché des hommes qui ressemblaient à mon père. Qui étaient dominateurs et avaient tellement de problèmes avec eux-mêmes qu'ils avaient besoin de se sentir mieux. Tous les hommes que j'ai connus avaient moins d'argent que moi, comme c'était le cas chez mes parents. Et tous étaient plus ou moins comme mon père, avec ce mélange de peur et d'attirance, d'impitoyable arrogance et d'idéalisme désespéré.
Alors quand ce sera fini, ce sera fini, c'est tout. Un jour, mon foie va arrêter de fonctionner, mon sang ne sera plus nettoyé, je finirai par être complètement intoxiqué. Et par en mourir.
Je ne connais aucun junkie qui soit heureux de replonger. Tu mens en permanence et à tout le monde, tu es bon pour ça. Mais c'est surtout à toi-même que tu passes ton temps à raconter des histoires. C'est la dernière fois. Juste une fois. Alors qu'au fond, tu sais bien qu'il y a quelque chose qui ne va pas chez toi et dans ta vie. Mais l'idée d'y changer quelque chose te fait trop flipper, et du coup tu t'abrutis encore une fois pour oublier toute cette merde. Les uns apprennent à vivre avec, les autres en crèvent. Il n'y a qu'une toute petite différence de degré entre les deux.
Pour moi, la qualité de vie, c'est la somme de la façon dont je me sens, de l'influence de mon entourage sur moi et de la situation de ma famille. Tout ce qui constitue quelqu'un. Mais je n'ai plus rien de tout ça. Tout a foutu le camp. Je n'ai plus d'amis, et « Christiane F. » me colle aux baskets.
Quand tu commences à devoir te piquer, tu ne prends plus ton pied. Quand tu es obligée de nourrir le singe, alors arrive l'addiction, parce que tu ne ressens plus de flash, tu dois juste te piquer encore et encore, juste pour te sentir normale, et lutter contre le manque. Et là c'est la merde.
En prison, tu te réveilles le matin et tu ne sais jamais exactement de quoi sera faite la journée. Contre la monotonie, il y a toujours quelqu'un qui se débrouille pour que quelque chose d'excitant se passe.
Une bagarre, une livraison de drogue ou un suicide. En tout cas, on ne s'ennuie jamais.
Trois décennies après son best-seller "Moi, Christiane F, 13 ans, droguée, prostituée'", Christiane Felscherinow a présenté à la Foire du livre de Francfort (2013) sa deuxième autobiographie, qui retrace les années qui ont suivi son errance dans le Berlin des années 1970.