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EAN : 9782818016497
240 pages
P.O.L. (15/05/2012)
4.52/5   30 notes
Résumé :
Ce livre, s'il contient quelques poèmes inédits, est une anthologie, composée par Charles Juliet lui-même, de ses poèmes au long de plus de cinquante années de recherche, de tâtonnements, de découvertes. On y retrouve donc cette écriture si simple, si évidente mais aussi âpre, dure comme le silex et dense comme une terre nourricière, qui redonne leur sens immédiat aux mots, et leur valeur, et leur sonorité. Les titres des parties qui composent ce recueil révèlent bi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique

Pour aborder ce recueil rassemblant de nombreux poèmes de différentes périodes, il ne faut pas avoir le vague à l'âme car l'ensemble, même si le mot " lumière" apparaît très souvent, est plutôt sombre, voire même déprimant.

La vie de Charles Juliet n'a pas été, il est vrai, très facile. Sa mère étant morte à sa naissance, il a été placé à trois mois dans une famille paysanne qu'il ne quittera plus,et il a connu une école militaire dès l'âge de douze ans.

Dans la préface très intéressante de Jean-Pierre Siméon ( poète que j'aime beaucoup), il nous explique que Charles Juliet n'a qu'une obsession, " l'élucidation de soi". Et qu'il se méfie des mots, d'où la recherche d'une sobriété, un désir de pureté, d'un vocabulaire restreint.

C'est ce qui frappe, en lisant ses poèmes, en effet, peu d'images, un langage brut, qui va à l'essentiel:

" Réduis
comprime
fais s'épanouir
La quintessence"

le poète voudrait retrouver la racine, l'origine, sa mère est omniprésente, cette mère vis-a-vis de laquelle il ne peut s'empêcher de se sentir coupable, sa naissance l'ayant fait disparaître.

" Les brûlures le chagrin fou
d'une enfance disloquée"...

J'ai été sensible à cette quête, à cette "nudité" des vers, cette angoisse souterraine qui le ronge, mais justement, elle nous ronge aussi, son angoisse et devient pesante, voire oppressante.

" Comment aller
du labour aux moissons"... comment avancer vers soi? C'est par la poésie que Charles Juliet tente de répondre à cette question.


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« Moisson » regroupe les poèmes d'une vie, des poèmes, certains inédits, rassemblés et mis en gerbe.
Ce qui caractérise la poésie de Charles Juliet, c'est la sobriété jusqu'à l'âpreté, voire une certaine rudesse. Il faut voir là le reflet de la vie de l'auteur qui a perdu sa mère très jeune, qui a connu la dureté de l'école militaire pour être ensuite placé chez une famille de paysans.
La quête de la mère est omniprésente tout au long de l'oeuvre.

« Tu es cette mère que j'ai perdue
Mais comment croire
Que la mort
Avait pu t'emporter »

La poésie de Charles Juliet est dépouillée, elle va à l'essentiel et la frugalité de ses mots donne sa force au poème.

« Des mots
me viennent
ils sont
les mots arides
de la soif »

Le propos est âpre, l'angoisse est là, à chaque page et l'on sort bouleversé par cette lecture.
Ce recueil a reçu le prix Goncourt de la poésie en 2013
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Écrire pour sarcler

C'est un poète qui chante les moissons, mais un poète contemporain cette fois. Né en 1934 dans l'Ain, Charles Juliet s'est vu récompenser des prix les plus prestigieux comme le Prix Goncourt de la poésie en 2013 et le Grand prix de littérature de l'Académie française cette année, tous deux récompensant non pas un recueil mais l'oeuvre toute entière. L'enfance de Charles Juliet a été marquée par l'éloignement d'avec sa famille, puisque sa mère étant internée dans un hôpital psychiatrique il est placé dans une famille de paysans suisses à l'âge de trois mois. Elle meurt sept années plus tard. À douze ans, il entre comme enfant de troupe à l'école militaire d'Aix-en-Provence. Il en sort huit ans plus tard, admis à l'École de santé militaire de Lyon. Il abandonne ses études de médecine à vingt-trois ans pour se consacrer exclusivement à l'écriture. Durant quinze ans, il travaillera reculs dans une solitude extrême, avant de voir paraître son premier livre, Fragments, préfacé par Georges Haldas. de ces « années lentes » remontent également des rencontres importantes avec d'autres artistes parmi lesquels Michel Leiris, Bram van Velde, Raoul Ubac, Pierre Soulages ou Samuel Beckett.
L'oeuvre de Charles Juliet est principalement autobiographique, elle est son propre stéthoscope. Jean-Pierre Siméon dit même que son oeuvre « n'a qu'un objet : l'élucidation de soi, la mise à nu et à jour d'une vérité intérieure. » L'écriture est pour Juliet l'unique moyen d'éliminer le moi, « ses leurres dérisoires » et sa profonde vanité. Cela passe les mots affutés comme des scalpels, souvent dénués d'effets de style.
Paru en 2012 chez P.O.L, le livre Moisson n'est pas un recueil au sens stricte du terme, mais il regroupe un choix définis de poèmes, pour mieux appréhender l'univers de Juliet ; ses craintes, ses doutes, ses interrogations, ses joies aussi, graves. Elle est surtout dotée d'une magnifique préface de Jean-Pierre Siméon qui sert d'appareil critique. Dans la première partie du recueil se développent des courtes scènes qui donnent à voir un petit garçon dans sa vie à la ferme. Il y a là une thématique éminemment importante : le rapport à la nature et plus particulièrement à la terre. Sa lecture fondatrice du monde se fait au contact de la campagne, non pas des livres (il se met à lire relativement tard, vers ses vingt ans). La solitude des champs, le brouillard, le froid, les bois profonds constituent son imaginaire, c'est là qu'il puisera le matériau de son écriture. Fixé dans cette vie de lenteur et d'ennui, il sait l'odeur de la brume après l'orage, l'épaisseur des nuits sur les collines, l'ingratitude de la pierre et de la ronce et la rudesse des chemins caillouteux. Mais Juliet ne chante pas la terre, il l'utilise comme moyen mimétique pour sa poésie : ainsi, le poète défriche, taillade, sarcle, laboure les mots. Comment aller du labour aux moissons ? Cette question guide l'entièreté du recueil, sinon de son oeuvre, et se décline au travers d'une infinie variation de proses, poèmes et entretiens, comme l'on dirait pour un thème musical. le poème liminaire, éponyme du recueil (reproduit en intégralité ici), fixe le sens de questionnement-voyage qui agite le poète :

Atteint le dernier degré de l'épuisement Quand tu avais perdu tes semblables Quand il n'y avait plus de but de repère de chemin Quand il n'y avait plus d'issue Quand la seule énergie qui te venait naissait de l'horreur de te savoir à l'agonie

Sur ordre de la voix tu t'es dressé as risqué tes premiers pas

Inconnus la contrée les accidents du terrain Mais familière la nuit Et tout autant la peur de cet inconnu dont tu dois te nourrir et que tu redoutes de rencontrer

Que cherches-tu Tu avances erres te traînes renoncere pars rebrousses chemin tournes en rond Ton oeil empli par la nuit tu cherches le lieu le lieu où tu serais rassasié Où se déploierait la réponse Où bouillonnerait la source

Tu ne sais que marcher La nuit et la peur te harcèlent Et aussi la soif Mais à chaque pas la hantise de faire fausse route D'accroître encore la distance Tu cherches le lieu le lieu et le nom le nom qui saurait tout dire de ce en quoi consiste l'aventure.

Tu ne sais où tu vas ni ce que tu es ni même ce que tu désires mais tu ne peux t'arrêter Et tu progresses À moins que tu ne t'éloignes Sans fin tu erres te traînes rampes tournes en rond Et tu renonces Et tu repars Jusqu'à n'être plus qu'épuisement

Survient l'instant où tu dois faire halte Faire ton deuil du lieu et du nom Et à l'invitation de la voix définitivement tu renonces t'avoues vaincu Alors tu découvres que tu auras chance de trouver ce que tu cherches si précisément tu ne t'obstines pas à le chercher

Tu repars Des forces nouvelles te sont venues Ton oeil qui s'écarquille n'est plus dévoré par la soif Tu ne sais où tu vas mais tu connais ce que tu es

Tu avances d'un pas tranquille désormais convaincu que le lieu se porte à ta rencontre le lieu où mûrir l'hymne la strophe le nom Où jouir enfin de ce qui s'est jusque-là dérobé

Sans cesse remettre l'ouvrage sur le métier. le travail poétique de Juliet est marqué par cette prégnance du retour : rebrousser, repartir, reprendre, retoucher. Cette itération en re- est le symbole même la poésie et nous replace aux sources de celle-ci, puisque le mot « vers » veut dire en latin « sillon ». Mais que cherches moissonner le poète, après avoir semé ? le lieu qui transformerait la naissance en existence. Mais c'est en s'avouant vaincu qu'il apparaît, en se mettant à nu, en se connaissant enfin. Au re- du renoncement répond le re- de la réponse.
Lien : https://eterneltransitoire.w..
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Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
si j’étais moi
et tout ce que ce mot désigne
   ces échecs tensions cicatrices
   ruades lâches soumissions
   ces lourdeurs clameurs torpeurs
   ces mots inertes ces mains embourbées
   ce dégoût et bien évidemment
   je suis hors jeu car cette vie
   qui m’échappe et me fuit
   il est non moins vrai
   qu’elle m’écrase
   et je ne sais jamais ce que je veux
   désire aime déteste voudrais faire
   et sans doute n’y a-t-il rien à faire
   encore moins à vouloir
   mais désormais j’entends cesser
   de me maudire m’envoyer au diable
   car se vivre en tant qu’autre
   n’est rigoureusement pas vivable
la première chose qui me viendrait à l’esprit
si j’étais moi
ce serait d’être un autre
de me réfugier
me blottir dans la peau d’un autre

*
que tu sois proche
ou à distance

que tu sois clair
ou que tu sois brouillé

rassemblé
ou diffus

libre ou
entravé

que tu aies des mots
ou que tu n’en aies pas

que l’instant t’aiguise
ou qu’il t’émousse

que tu adhères
ou que tu regimbes

vives la ferveur
ou le dégoût

que tu te hâtes
ou que tu stagnes

pas un seul jour
tu n’oublies
ce vers quoi
conduit le chemin
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Un jour
ma barque s'est détachée
s'est éloignée du port
et sans que je m'en sois
rendu compte
poussé par le vent
j'ai dérivé
longuement dérivé

À me découvrir seul
loin de mes semblables
j'étais dévoré d'angoisse
Mon unique désir
était de revenir parmi eux
là où était ma place
D'autant que mon embarcation
prenait l'eau

Ou bien était-ce moi
qui déjà me fissurais
me délabrais
Je n'avais plus la force de ramer
de diriger ma barque

N'allais-je pas bientôt sombrer

...

Un jour
mon esquif s'est disloqué
et force m'a été
de lâcher prise
de consentir à disparaître

Alors des courants
m'ont poussé porté
puis déposé sur une plage

Une lumière d'aurore
inondait l'oasis
où j'allais maintenant
vivre

Apaisement
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Souvent/quand il avançait/à tâtons



souvent
quand il avançait
à tâtons dans sa nuit
il a douté s’est révolté
a voulu remonter
vers la vieille lumière

mais une force le tenait
qui lui enjoignait
de poursuivre
de s’aventurer
une fois de plus
une fois encore
au plus épais
de sa ténèbre

un jour
au comble de la détresse
vidé de toute force
acculé à reconnaître
que l’inaccessible se refusait
il admit qu’il lui fallait
renoncer


            ***


à sa vive surprise
sans qu’il eût
à progresser d’un seul pas
il franchit le seuil
déboucha dans la lumière
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toi qui t'abreuves
aux sources profondes
qui jouis de la réponse
sans avoir eu
à poser la question

qui te confonds
avec la terre
de mes collines

qui a connu
tant de saisons
d'heures torrides
de nits où
les pierres éclataient

ouvre -moi
le chemin

assiste-moi
au long
de la spirale

aide-moi
à naître
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Partout je t'ai cherchée
Et je te cherche encore
Tu es cette morte
qui n'a cessé
d'enténébrer ma vie
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Videos de Charles Juliet (31) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Charles Juliet
Avec Marc Alexandre Oho Bambe, Nassuf Djailani, Olivier Adam, Bruno Doucey, Laura Lutard, Katerina Apostolopoulou, Sofía Karámpali Farhat & Murielle Szac Accompagnés de Caroline Benz au piano
Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l'esprit. La première renvoie à l'image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l'on traverse parfois au risque de sa vie. L'autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l'existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l'autre, sans oublier ces seuils que l'on franchit jusqu'à son dernier souffle. La poésie n'est pas étrangère à tout cela. Qu'elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l'âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où cent douze poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières leurs papiers à la main.
112 poètes parmi lesquels :
Chawki Abdelamir, Olivier Adam, Maram al-Masri, Katerina Apostolopoulou, Margaret Atwood, Nawel Ben Kraïem, Tanella Boni, Katia Bouchoueva, Giorgio Caproni, Marianne Catzaras, Roja Chamankar, Mah Chong-gi, Laetitia Cuvelier, Louis-Philippe Dalembert, Najwan Darwish, Flora Aurima Devatine, Estelle Dumortier, Mireille Fargier-Caruso, Sabine Huynh, Imasango, Charles Juliet, Sofía Karámpali Farhat, Aurélia Lassaque, Bernard Lavilliers, Perrine le Querrec, Laura Lutard, Yvon le Men, Jidi Majia, Anna Malihon, Hala Mohammad, James Noël, Marc Alexandre Oho Bambe, Marie Pavlenko, Paola Pigani, Florentine Rey, Yannis Ritsos, Sapho, Jean-Pierre Siméon, Pierre Soletti, Fabienne Swiatly, Murielle Szac, Laura Tirandaz, André Velter, Anne Waldman, Eom Won-tae, Lubov Yakymtchouk, Ella Yevtouchenko…
« Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire tu pars, et l'histoire est sans pitié. »
Circé – Poèmes d'argile , par Margaret Atwood
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