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EAN : 9782752908124
Libretto (03/07/2012)
4.13/5   164 notes
Résumé :
Les lecteurs de langue française (malgré Fritz Lang qui en tira l'un de ses plus beaux films) ont ignoré pendant près d'un siècle ce roman insolite, publié en 1898 et salué d'enthousiasme par Thomas Hardy.
Ce récit de brume et de mystère - dont on livre ici la première traduction intégrale - est aujourd'hui considéré, aux côtés de "L'Ile au Trésor", comme le classique par excellence du roman d'aventures d'expression anglaise.
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Critiques, Analyses et Avis (27) Voir plus Ajouter une critique
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Il y a quelques écrivains qui ne sont connus pratiquement que pour un seul livre. Soit qu'ils n'en aient écrit qu'un, soit qu'il s'agisse du seul trait de génie d'une carrière sans autre relief. Avec Falkner c'est un peu des deux : il n'a pas écrit beaucoup, et sur ses trois livres un seul fut promis à une grande renommée : ‘Moonfleet'. Il sera même adapté par Fritz Lang, même si l'histoire du film n'a qu'un lointain rapport avec le livre.

Première particularité, rare pour un livre de la fin du XIXème, il peut être lu aussi bien par les enfants que par les adultes. Car le héros est un enfant, mais il grandit en compagnie d'adultes. Quand l'histoire commence, John Tranchard est orphelin et a treize ou quatorze ans. Dans le petit village anglais où il vit, tout le monde ou presque tire sa subsistance de la contrebande. Depuis sont auberge à l'apparence innocente, l'homme qui l'a recueilli, Elzevir Block dirige le trafic. C'est un homme d'honneur, droit et juste.

Le problème c'est que dans le « presque », il y a la jeune fille que John aime, Grace, intelligente et douce. Son père, le magistrat local, est l'homme le plus haï du pays : il a juré de venir à bout des trafics. Au cours d'une rencontre, il a de sa propre main tué le fils adolescent d'Elzevir Block, qui depuis attend l'heure de sa vengeance… Qui finit par arriver un jour. Mais, alors que lui et John sont poursuivis et traqués dans tout le compté, un hasard les mets sur la piste d'un ancien trésor maudit, une perle de grande valeur volé au roi Charles Ier…

Le style, vif et cru, rend bien les pensées d'un adolescent éveillé et habitué à se débrouiller par lui-même. L'écriture de Falkner est belle, puissante et évocatrice. Certaines scènes sont véritablement magnifiques, notamment l'enterrement du père de Grace. L'homme avec lequel elle a toujours vécu, son unique famille, est mort. Seule devant l'église avec le cercueil, elle réalise que les villageois qui l'entourent ne sont pas venus pour l'accompagner à sa dernière demeure, mais pour se moquer de celui qu'ils haïssaient…

Les aventures de John et de son père adoptif sont prenantes et riches en rebondissements. Mais le ton est réaliste, et même les passages les plus durs sonnent vrais. Pendant des années ils devront errer, loin des rivages de la belle Angleterre…

Je regrette que Falkner n'ait pas écrit plus… Mais je n'ai jamais osé lire ses deux autres livres, de peur d'être déçu après ‘Moonfleet' !
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SI D'AVENTURE EN AVENTURE...

MOONFLEET !!!

Voilà bien un nom qui claque comme un drapeau hissé en plein vent, comme un cri de guerre ou encore comme une vergue qui claque tandis que les marins hissent la grand voile !

Mais, Moonfleet, c'est quoi, précisément ? Ou bien qui, peut-être ? Ou encore, où est-ce ? Car ce nom autour duquel se rattache tout un roman est, assurément, le principal personnage de ce beau, très beau roman d'aventure. Et pour autant, Moonfleet est bien un lieu, non un être humain -mais comme il est cependant vivant, ce lieu, et hypnotique, comme il se demeure aussi tel une ancre posé en pleine terre, vers où tout semble devoir se tendre, agir, vivre, naître ou renaître. Aimer...

Moonfleet est donc un simple village, un village en souffrance, même, meurtri par une malédiction vieille d'un siècle, son nom même étant irrémédiablement lié à la famille noble, ainsi que nous l'explique dès la première page le narrateur :

"Quand j'étais petit, je croyais qu'on appelait ce lieu Moonfleet parce que, au plus beau de l'été comme pendant les gelées d'hiver, lorsque la nuit était tranquille, la lagune étincelait au clair de lune ; mais je devais apprendre par la suite que ce nom était en réalité une abréviation de «Mohune-Fleet », du nom de Mohune, qui avaient été jadis seigneurs de toutes ces terres."

Et notre narrateur de poursuivre immédiatement, afin que l'essentiel des présentations soient faites :

" Je m'appelle John Trenchard, et j'avais quinze ans lorsque débuta cette histoire."

Rapide, efficace, sans littérature ni digression inutiles ! C'est ainsi que le jeune John Trenchard,- même si c'est au crépuscule de son existence qu'il couche les souvenirs que nous découvrons, émerveillés comme un gosse devant la devanture des Galeries Lafayette en pleines fêtes de Noël -, nous entraîne dans des aventures toutes plus énergiques, rocambolesques, incroyables, enivrantes (etc) les unes que les autres ! Car tout y est de ce qui se doit de composer un récit d'aventure, plus ou moins maritime puisque la majeure partie de l'ouvrage se déroule à terre, dans les environs proches de ce minuscule village, peu à peu en train de péricliter.

Jugez-en un peu : Des contrebandiers trafiquant essentiellement de l'alcool et du bon, un bourgeois, juge de paix impitoyable et intransigeant, nouvellement installé dans l'ancien manoir, aussi riche et avare qu'il est le diable en personne. Cet homme, semblable à un monstre sous couvert du droit, est cependant le père d'une jeune fille adorable, généreuse et douce -dont notre jeune héros ne manque évidemment pas d'être amoureux -. D'ailleurs, ce jeune homme est, comme il se doit, orphelin, pauvre et élevé par une tante acariâtre, cagote et sans la moindre douceur. On y croise un sacristain aussi débrouillard que délicieusement pêcheur (mais toujours du côté de la cause juste à défaut de celle de l'implacable Justice), un fier tavernier, taiseux mais brave et bon, venant de perdre son fils unique sous les balles du richard déjà décrit. Il ne manque évidemment une histoire de malédiction - celle pesant sur la famille Mohune, depuis que son dernier représentant a trahi tout sens de l'honneur en retournant sa veste à plusieurs reprises -. En sus de cette malédiction, il ne pouvait manquer la présence d'un fantôme - celui de cet homme, mort un siècle auparavant, le Colonel John Mohune, au terrible surnom de Barbe Noire ! -, même si l'on se demande parfois si ce fantôme ne sert pas invariablement les intérêts des contrebandiers...

... Sans oublier, bien sur, l'incroyable trésor ! Lui-même maudit, puisque viscéralement lié à l'histoire du fameux Colonel Mohune, il sera une sorte de fil rouge tout au long de cette aventureuse histoire. C'est pour lui que notre jeune intrépide bâtira l'essentiel de son existence, c'est à cause de lui qu'il se retrouvera à maintes reprises dans des postures allant du plus fâcheux au franchement dramatique, qu'il sera à deux doigts d'y laisser sa santé et qu'il y laissera même certaines des plus belles années de sa jeune existence...

Tout ces éléments, constitutifs d'un grand roman d'aventure et de quête, se trouvent dans ces quelques deux-cent soixante-dix pages. Trop, penserez-vous ? Non pas ! Car c'est bien là le génie de cet auteur méconnu chez nous, ce John Meade Falkner à qui la destinée ne permis pas d'écrire plus de trois romans, les deux précédents étant dans une veine plus fantastique, le quatrième qu'il était sur le point d'achever s'étant perdu dans un train... Oui, c'est son génie que d'avoir pu à se point faire siennes les théories romanesques du grand Robert-Louis Stevenson et de son Île au trésor, car bien loin de sembler redondant ou par trop attendu, les pages défilent au rythme des aventures, on vibre pour ce jeune homme qui, plus que d'être un insupportable garnement, semble le jouet d'un destin aussi contraire qu'injuste. Et il serait par ailleurs bien inopportun de songer que la leçon qui nous est donnée là est celle, factice, du droit et de l'ordre - après tout, on sent bien que l'auteur se place délibérément du côté des contrebandiers contre la loi d'airain de la Justice du Roi et de ses représentants, et même s'il fait payer très cher leur liberté presque anarchisante à ces hommes de rien et de beaucoup à la fois - mais, sans y inscrire une morale absolument chrétienne, la bonté, la générosité et l'amour y sont mis en exergue, de même qu'est régulièrement rappelé, en prenant pour source le Y du blason des infortunés et maudits Mohune, que le choix peut toujours se faire entre la voie courte, faible et facile de l'existence - mais que ce choix se paie toujours tôt ou tard au centuple - et la voie plus longue, plus aride, difficultueuse qui mène à la véritable estime de soi et, partant, à l'amour des autres.

Une belle, très belle leçon de vie, contée magistralement et, pour cette fois, pour un public jeune ou moins jeune, un fabuleux récit d'aventure dans lequel on se plonge comme dans une sorte de félicité enfantine retrouvée. Un peu comme s'il nous était donné de redécouvrir, avec ce regard de nos sept ou huit ans et pour la première fois, ces bons vieux films d'aventure et de chasse au trésor dont le cinéma américain des années 50 fut si prodigue, ou, pour les plus jeunes, de se souvenir de la première de "Pirates des Caraïbes"... Ces instants sont rares, gardons-les précautionneusement, ceux-là sont nos vrais trésors.
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Moonfleet, parution en Angleterre en 1898
John Meade Falkner

Un auteur dont on a si peu parlé en France, allez savoir pourquoi ? Parce qu'il nous vient tout droit d'Angleterre, né dans l'époque victorienne.. en tout cas à mes yeux il vaut bien une messe.

Il est parfois des écrivains dont je vois plus le roman de leur vie que le roman de leur oeuvre, c'est le cas de John Meade Falkner, non pas que l'oeuvre ne m'ait pas emballé, c'est au contraire le cas et je le place dans mon panthéon littéraire, mais j'avoue que sa vie a vraiment un côté dépassement de soi de manière vertigineuse et fascinante. Vraiment cet auteur, de son état marchand de canons sur fond de guerre de 14 mérite mille fois une biographie. Je ne vais pas lancer un appel désespéré, je crains qu'il faille encore attendre que les valeurs médiocres se renversent pour laisser place à l'écume du temps qui passe. Pour l'heure c'est plutôt d'Angleterre que nous arrivent les biographies de grands auteurs étrangers dans notre parangon vertueux à la française.

Je ne dirai pas comme Michel le Bris, le stevensonnien qui vient de nous quitter et qui nous lègue comme directeur de collection chez Phébus la remontée de ce chef d'oeuvre Moonfleet, que son auteur était romancier à ses heures perdues, j'ai même le sentiment du contraire justement. Après ses affaires rondement florissantes quand il sillonnait l'Angleterre et au delà en train par exemple, joignant sans doute l'utile à l'agréable, l'homme ne songeait qu'à se plonger dans ses passions qui furent, outre sa dévotion, pour l'essentiel de sa vie la lecture et l'écriture, la poésie. C'est un babeliote dont le nom me reviendra qui disait que le voyage en train n'a pas son pareil comme facteur d'inspiration. Et bien Falkner n'a pas manqué cela, n'a pas raté la marche d'un train pour nous produire ce fabuleux Moonfleet.

Lisons plutôt à cet instant, avant de reprendre la route de l'homme, deux, trois extraits de sa prose d'une qualité de premier ordre et d'une exceptionnelle beauté :
"Elle (tante Jane) ne faisait jamais de longs discours quand elle était en colère, mais elle avait une manière de ne rien dire qui était bien pire encore"
"(..) La rue était silencieuse comme une tombe, mais je n'en restai pas moins dans l'ombre des maisons. J'ai remarqué que lorsque la lune brille, un grand silence s'abat toujours sur la nature, comme si celle-ci s'absorbait dans la contemplation de sa propre beauté .."
"(..) Je contournai les ifs. La tombe se détachait toute blanche sur le fond d'arbres, et au pied de la dalle le trou faisait comme un morceau de velours noir étalé sur le sol. En un éclair, je songeai que Barbe Noire était peut-être là, qui me guettait du fond du trou. Fallait-il continuer, revenir sur mes pas ? J'entendais l'eau frissonner sur la grève - ce n'était pas le bruit des vagues, car de la baie lisse comme un miroir ne parvenait qu'un clapotis sur les galets. Je cherchai une excuse pour retarder ma descente. Finalement, je convins avec moi-même que je compterais vingt fois le bruit de la mer et qu'à la vingtième fois je m'engouffrerais dans le trou .."

Notre ami Jean Meade Falkner avait de qui tenir à travers la lignée des grands auteurs victoriens si admirables, ses aînés que sont Eliot, Makepeace Thackeray et Trollope. C'est Thomas Hardy qui en dira le plus grand bien, cette approbation du grand romancie vaut un brevet littéraire. Son père était pasteur anglican dans le Wiltshire. Lui va suivre une ascension sociale phénoménale et damera le pion à ses aînés qui n'avaient pas réussi à un tel niveau. Après des études à Hertford Collège et à Oxford d'où il sort avec un diplôme d'historien, il est directeur dans la prestigieuse société d'armement Armstrong Whitworth. A la mort du boss, il en prend la direction .. Bibliophile distingué, il recevra des mains du pape une médaille d'or pour ses recherches à la bibliothèque du Vatican et sera fait en 1921 bibliothécaire honoraire du doyen et du chapitre de la cathédrale de Durham (proche de Newcastle). Par ailleurs il sera un grand collectionneur de missels et auteur de guides réputés sur différents comtés de l'Angleterre profonde. Sa femme, la fille cadette du général John Miller Adye, épousée en 1899, lui survivra huit ans.

Outre Thomas Hardy qui lui témoigna sa confiance en engageant avec lui une correspondance suivie, d'autres grands noms de la littérature le saluèrent en des termes fort élogieux, comme Walpone, Forster, Golding, Betjeman ..

Notons encore dans la vie foisonnante de Falkner qu'au tournant du siècle il travaillait à la rédaction d'un nouveau roman d'aventures : il en perd le manuscrit dans un train. Curieuse ironie du sort. Ah, là, là ! que ce doit être dur de vivre pareille chose, l'anxiété que cela provoque : comme une partie de soi-même qui s'en va, le dégoût absolu ! C'est là qu'on mesure le gouffre ou le décalage entre l'intérêt majeur de l'artiste pour une chose et le désintérêt placide du préposé ou du voyageur qui passe après pour la même chose ! Il cessa alors d'écrire, bouleversé par cette malchance. Puis le sort va encore s'acharner sur lui lorsqu'il perdra ses papiers et sa correspondance dans un incendie. Il consacrera les dernières années de sa vie à des travaux d'histoire et mourra à Durham en 1932 dans un quasi oubli.

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John Trenchard un jeune orphelin de 15 ans vit dans le petit village de Moonfleet, dans le Dorset du 18ème siècle, en compagnie de sa tante sévère, peu encline à l'affection.

L'endroit est renommé pour les nombreux naufrages lors des fortes tempêtes qui ravagent la côté. le jeune garçon est fasciné par la légende de Barbe-Noire dont le vrai nom était Mohune, appartenant aux fondateurs de Moonfleet. le pirate y aurait caché un trésor que John aimerait retrouver…

Un vieux pêcheur ayant perdu son fils se prend d'affection pour le garçon et l'introduit dans la bande des contrebandiers du village. Trenchard et Elzevir Block deviennent une famille l'un pour l'autre et cette affection entraînera de terribles répercussions…

Bien que destiné à la jeunesse, ce roman, dans lequel flotte un parfum de mystère, n'est pas sans rappeler les éléments classiques du 19° siècle. Une époque où les écrivains accordaient un grande importance aux orphelins, ceux-ci semblant prédisposés à être des héros littéraires (Oliver Twist, David Copperfield, Jim Hawkins dans l'Ile au Trésor,… )

J.M. Falkner nous propose dans ce roman, à la fois de l'aventure, mais aussi des sentiments et exploits virils, tels que l'amitié, l'amour filial, l'honneur, le courage, le sens du sacrifice.
Un roman d'aventure à la fois entraînant, inquiétant et dépaysant.

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Ayant précédemment tiré une salve d'honneur pour l'île au trésor, je me devais de recharger mes canons pour saluer un autre monument de la littérature "pirate", injustement méconnu celui-ci. Moonfleet mérite en effet sa place au panthéon des livres d'Aventure. Là aussi, le personnage sur lequel est axé l'histoire, est un jeune garçon, vivant sur la côte sauvage du Dorset. Ici aussi, à l'instar de l'île au trésor, il est question d'une quête, celle du fabuleux diamant de Barbe-Noire (capitaine Teach), dont l'aura hante le cimetière de Moonfleet. Brume anglaise et flots déchaînés, contrebandiers, trahisons, galère et odeurs de poudre, John Meade Falkner nous offre un très beau roman d'aventure pirate, ce genre si propice à enflammer notre imagination, à nous replonger dans les éveils de notre prime jeunesse, une époque au cours de laquelle on aspire à "larguer les amarres". Il est à noter que ce livre inspira Fritz Lang, qui réalisa les Contrebandiers de Moonfleet (1955). J'achèverai cette courte apologie -non pas de la piraterie -mais de ceux qui ont su planter le drapeau pirate dans notre imaginaire collectif, par un joli mot d'esprit d'Emil Cioran (artiste,écrivain, philosophe):
"Les Anglais sont un peuple de pirates qui, après avoir pillé le monde, ont commencé à s'ennuyer."

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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Barbe-Noire était un Mohune, mort depuis plus d'un siècle. On l'avait enterré dans la crypte, sous l'église, avec les autres membres de sa famille, mais il ne parvenait pas à y trouver le repos. Selon les uns, parce qu'il était inlassablement en quête d'un trésor perdu ; selon les autres, à cause de tout le mal qu'il avait fait durant sa vie. Si cette dernière explication était la bonne, il avait dû être particulièrement épouvantable, car d'autres Mohune, décédés avant ou après lui, avaient été suffisamment malfaisants pour soutenir avantageusement la comparaison avec n'importe qui, que ce fût dans leur caveau ou ailleurs. On racontait que, pendant les sombres nuits d'hiver, on apercevait parfois Barbe-Noire dans le cimetière, fouillant le sol à la lueur d'une antique lanterne, à la recherche d'un trésor. Et ceux qui prétendaient tout savoir le décrivaient comme un colosse au visage cuivré, avec une grande barbe noire et des yeux tellement cruels que quiconque croisait son regard, ne fût-ce qu'un instant, mourait dans le courant de l'année. Que ce fût vrai ou non, la plupart des habitants de Moonfleet auraient cent fois préféré faire un détour quatre lieues plutôt que d'approcher du cimetière une fois la nuit tombée. Et ce matin d'été où l'on trouva Simplet Jones, un pauvre garçon à l'esprit un peu faible, mort dans l'herbe, personne ne douta une seconde qu'il avait rencontré Barbe-Noire durant la nuit.
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Barbe-Noire était un Mohune, mort depuis plus d'un siècle. On l'avait enterré dans la crypte, sous l'église, avec les autres membres de sa famille, mais il ne parvenait pas à y trouver le repos. Selon les uns, parce qu'il était inlassablement en quête d'un trésor perdu ; selon les autres, à cause de tout le mal qu'il avait fait durant sa vie. Si cette dernière explication était la bonne, il avait dû être particulièrement épouvantable, car d'autres Mohune, décédés avant ou après lui, avaient été suffisamment malfaisants pour soutenir avantageusement la comparaison avec n'importe qui, que ce fût dans leur caveau ou ailleurs. On racontait que, pendant les sombres nuits d'hiver, on apercevait parfois Barbe-Noire dans le cimetière, fouillant le sol à la lueur d'une antique lanterne, à la recherche d'un trésor. Et ceux qui prétendaient tout savoir le décrivaient comme un colosse au visage cuivré, avec une grande barbe noire et des yeux tellement cruels que quiconque croisait son regard, ne fût-ce qu'un instant, mourait dans le courant de l'année. Que ce fût vrai ou non, la plupart des habitants de Moonfleet auraient cent fois préféré faire un détour quatre lieues plutôt que d'approcher du cimetière une fois la nuit tombée. Et ce matin d'été où l'on trouva Simplet Jones, un pauvre garçon à l'esprit un peu faible, mort dans l'herbe, personne ne douta une seconde qu'il avait rencontré Barbe-Noire durant la nuit.
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Nul ne descendait plus ces marches à présent, car non seulement des gaz très toxiques avaient envahi le fond des puits, mais on racontait aussi que des démons et autres esprits malins se cachaient dans les étroits passages. Quelqu'un de compétent en la matière m'a dit que lorsque saint Aldhelm vint pour la première fois à Purbeck, il banni les anciens dieux païens au plus profond des galeries. Le pire de toute la troupe était, paraît-il, un certain démon nommé Mandrive, qui veillait sur les plus beaux marbres noirs. C'est pourquoi ce marbre ne pouvait être utilisé que dans les églises ou pour les tombeaux, car le Mandrive avait le pouvoir d'étrangler quiconque aurait taillé ce marbre dans un autre dessein.
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C'est alors qu'à ma grande surprise Elzevir prit la parole :

- C'est un brave garçon, dit-il, et je voudrais qu'il soit mon fils. Il a l'âge de David et il fera plus tard un bon marin.

C'était des mots tout simples, mais qui me réchauffèrent le cœur ; car Elzevir semblait penser ce qu'il disait, et je commençais à l'aimer en dépit de sa sévérité. Et puis j'étais désolé du chagrin qu'il avait pour son fils. Je fus si ému par ses paroles que pendant un moment j'eus envie de sauter sur mes pieds et de lui révéler que j'étais couché là et que je l'aimais bien, mais je me ravisai et me tins coi.
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- Mon garçon, dit-il, j'ai vu des hommes risquer leur vie pour bien des raisons : pour l'or, ou l'amour, ou la haine - mais jamais je n'en ai vu jouer avec la mort pour le simple plaisir d'aller retrouver un arbre, un ruisseau ou des pierres. Et quand les hommes racontent qu'ils aiment un endroit ou une ville, tu peux être sûr que ce n'est pas l'endroit qu'ils aiment, mais quelqu'un qui y vit. Ou bien ils ont aimé quelqu'un autrefois, dont ils veulent retrouver le souvenir.
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Vidéo de John Meade Falkner
La Bande Annonce du film de Fritz Lang, inspiré du livre et intitulé "Les Contrebandiers de Moonfleet", sorti en 1955.
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