Il est si triste, Mosé, de se retrouver à l'hospice après la mort de sa femme. Et l'hospice, en France, en ces années 70-80, ce n'est pas gai gai... Pourtant il n'a que 68 ans, mais ses filles ont voulu l'y mettre parce qu'il a été soupçonné d'avoir étranglé leur mère, même s'il s'est avéré que non.
Il est si triste, Mosé, de n'avoir pas de place sur un banc au soleil, dans le jardin de l'hospice. Il est obligé de s'asseoir à l'ombre, à côté d'une vieille Espagnole qui ne dit pas un mot.
Il est si triste, Mosé, de quitter sa maison loin du village, son vieux chien, son chat, ses poules et ses dindons.
Il est si triste, on dirait un lézard qui pleure. Savez-vous que les lézards pleurent lorsqu'ils sont à l'ombre ?
Mais Mosé parle, parle, parle. Il raconte à la vieille Espagnole la vie avec sa femme, possessive à l'extrême, qui l'a toujours empêché de vivre son rêve : découvrir la mer. Il raconte son enfance en Italie, entre une mère folle et un père malade. Il raconte l'orphelinat. Il raconte son arrivée en France, et sa rencontre avec Mélanie. Il raconte ses filles, qu'il n'a jamais pu aimer vraiment à cause de sa femme. Il raconte enfin la mort de sa femme.
Mais Mosé aimait la vie et la nature, et il les aime encore. le ciel immense, les arbres qui chantent tous différemment sous le vent, les arbres qui offrent un abri d'ombre et de fraicheur, un repos bienvenu. La campagne, la vigne, les bêtes, le potager. La petite maison dans ce trou battu par les vents sur un sol plein de cailloux. le travail à n'en plus finir.
Ce roman d'
Inès Cagnati, fille d'émigrés italiens, est une ode à la nature, à la vie campagnarde, à ces gens rudes qui ne se ménagent pas. Sourdent de ces pages une tendresse infinie, une fraicheur vivifiante, une mélancolie prenante, et puis la poésie.
J'ai bu les mots avec bonheur, en ralentissant de plus en plus ma lecture parce que je n'avais pas envie de quitter cet homme qui dit sa vie, qui dit la vie à la campagne, tout simplement.