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EAN : 9791097273026
360 pages
Poisson volant (15/05/2017)
4.3/5   5 notes
Résumé :


Dans la jungle de ses souvenirs africains, Manuela Gonzaga tente de sauver une extraordinaire histoire d'amour pour l'Afrique et le Mozambique des affres de la maladie d'Alzheimer qui menacent la mémoire de sa mère.

Avec la joie et la spontanéité de l'adolescente qu'elle était en arrivant là-bas, elle nous fait découvrir ce monde perdu, merveilleux et violent, qu'était l'Empire colonial portugais.
Que lire après Mozambique : Pour que ma mère se souvienneVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Je débute cette chronique par le texte qui est en exergue, exprimant au plus près l'existence de ce livre particulier , tour à tour « fresque familiale » et Histoire d'un pays sous contrôle colonial, le Mozambique:

« A ma mère, qui nous a donné l'Afrique
(...) c'est pour cela que ce livre commence par un voyage. Comment nous sommes partis au Mozambique, et surtout, comment cette femme, cette dame, cette mère de quatre enfants a relevé ce nouveau défi: allant à l'encontre de toutes les traditions, c'est elle, et non pas notre père, qui nous a ouvert le chemin de l'outremer. « (p. 6)

Un ouvrage autobiographique, dont la première traduction française fut publiée par ce même éditeur, en 2014… Maison d'édition, dont je fais la connaissance pour la première fois avec ce texte…

Je remercie abondamment Babelio ainsi que les éditions du Poisson Volant pour la découverte de cette autobiographie très riche de cette auteure portugaise.. ; autobiographie au sens large, car ce récit que j'aurais imaginé plus intimiste est une entreprise d'écriture, à l'origine, faite pour ranimer le goût de vivre et l'esprit réactif de sa maman, s'enlisant dans les affres de la maladie d'Alzheimer.

Prenant conscience qu'évoquer ces années en Afrique et au Mozambique (ancienne colonie portugaise ] éclairait le visage maternel , avait le pouvoir de la faire réagir, Manuela Gonzaga décide de se lancer dans ce projet narratif, englobant les années les plus mouvementées et sûrement les plus riches humainement et intellectuellement pour cette mère brillante et déterminée, qui prit son destin en main ainsi que celui de ses enfants . On sent, au fil du récit, combien elle était appréciée, aimée comme enseignante…Un hommage très fort d'une fille à sa mère,à la fois rempli d'admiration et d'affection pour cette mère hors du commun…

Et une vie de colons… avec tout ce que cela sous-entend :

« Mais encore une fois, que savions-nous, nous, nous, les Portugais de la métropole, de cette Afrique qui était alors portugaise ? Rien. Ou si peu. Juste une suite de stéréotypes illustrés par de belles images mal agencées les unes avec les autres, et d'où s'élevait le parfum de l'immensité et de la liberté des grands espaces sauvages." (p.20)

La maman, partit dans les années 1960-1961, en Afrique , seule, avec ses jeunes enfants, avec l'envie de changer de vie..en pensant sans doute que cela pourrait réparer une vie de couple décevante.. Son mari la rejoindra un an plus tard. Des détails nous montrent combien cela ne devait pas être « chose facile » d'être une femme seule, avec ses enfants , dans ce continent inconnu qu'était l'Afrique :

« Pendant ce temps, aussi talentueuse qu'elle ait été (...), la nouvelle professeure de musique n'était toujours qu'une inconnue arrivée de la métropole. Et sa situation personnelle n'arrangeait rien. Bien qu'elle ait été mariée et entretienne une correspondance assidue avec notre père (ce dont les employés de la Poste pouvaient attester en toute bonne foi), c'était une femme "seule". Une femme qui était partie à l'aventure en Afrique...sans son mari ! Et comme elle était jolie, intelligente et, grâce à sa profession, indépendante du point de vue financier, elle a eu vite fait de réveiller les bonnes et les mauvaises langues. En somme, c'était quelqu'un dont on parlait beaucoup, pour le meilleur comme pour le pire. (p. 77)

Enseignants, tous les deux…Le père, professeur de mathématique et de chimie, elle, professeur de musique, ils ne parviendront pas, en dépit de multiples essais, à vivre ensemble. Après plusieurs réconciliations, tentatives, ils divorceront. Petite guerre conjugale paraissant secondaire, au vu des conflits graves éclatant aux 4 coins du Mozambique…pendant des années, pour leur indépendance…

Le texte possède plusieurs niveaux de narration : celle , intime, relatant, décrivant l'histoire de cette famille, avec comme noyau central cette forte personnalité maternelle, la vie insouciante de l'auteure, toute jeune adolescente et sa fratrie… découvrant un pays magnifique, profitant des plages, des fêtes très fréquentes… dans les familles de colons…Ces adolescents de milieux privilégiés savourent les joies et distractions de leur âge… toutefois, des déménagements, des changements de ville…. Et puis les soldats de la Métropole, du Portugal… et les rebellions des « colonisés »…La guerre s'approche… Là, la voix très bien rendue de l'adolescente insouciante laisse la place à l'adulte qui s'est documentée ultérieurement, en profondeur, sur l'histoire de cette colonie portugaise , la guerre des « colonisés » pour obtenir leur indépendance. …

Territoire constitué d'une population multiraciale induisant tous les dysfonctionnements qui en découlent : racisme, différences et inégalités subies par les « colonisés » selon leur appartenance à telle ou telle communauté…

« Mais surtout, c'était au coeur de la population noire, qui se sentait la plus discriminée, que les mouvements de libération trouvaient le plus d'écho.

Pourquoi ? le paysage était profondément irrégulier. Il y avait les "Blancs au premier degré", les naturels de la métropole, les "Européens", comme le disait leurs papiers d'identité; les "Blancs au deuxième degré", dont les papiers disaient "naturel du Mozambique", ou autre place coloniale. Et puis les "assimilés": les communautés d'Indiens, très petites, et de Chinois, encore plus résiduelles. Et enfin les Noirs, la majorité écrasante de la population, 98 % qui n'étaient pas citoyens portugais, et qui n'avaient droit qu'à la -Caderneta Indigena- . Il existait des lois différentes pour tous ces groupes. Et des manières différentes d'appliquer la justice et de comprendre les lois du travail. (p. 111)”

Ce livre, en dépit de l'histoire très violente de ces colonies portugaises, reste lumineux par les nombreux personnages traversant ce récit primitivement à caractère familial…On admire cette mère de famille travaillant, assurant son indépendance, l'éducation de ses enfants, s'adaptant à un pays si différent de sa terre natale, le Portugal !!…

De cette autobiographie , surnage les lumières, les couleurs de ce beau pays du Mozambique… L'auteure, adolescente mettra du temps pour prendre vraiment conscience de toutes les iniquités et discriminations raciales… L'insouciance et l'inconscience de la jeunesse, sûrement !…

Manuela Gonzaga vivra à Porto jusqu'à ses 12 ans, puis partira avec sa mère et sa fratrie au Mozambique, puis en Angola [autre colonie du Portugal, à l'époque]. Elle reviendra au pays en 1974…exprimant dans divers entretiens son sentiment intérieurs d'être une étrangère dans son propre pays…ayant vécu son adolescence et sa jeunesse dans les colonies d' Afrique, qui représenta un long apprentissage très singulier…

Cette vie en Afrique la marquera pour toujours ; cette existence en Outremer que leur mère leur aura offert, ainsi qu'un fort sentiment de liberté et de volonté d'indépendance… Car notre narratrice [« auteure ») exprime haut et fort, en devenant une jeune femme, qu'elle ne souhaite surtout pas se marier, être « casée »… tenir une maison, faire la cuisine… ces occupations féminines séculaires, tenant pour elle , du cauchemar…

Nous accompagnons l'histoire de cette famille, ainsi que celle du Mozambique, dans des périodes des plus violentes, sans omettre l'évolution et le chemin de cette adolescente…devenant une jeune femme , indépendante, travaillant…devenant « mère « à son tour….débutant cette nouvelle vie d'adulte, avec le père de son enfant, en partant s'installer en Angola !....
Lecture foisonnante, et des plus instructives, sur les mentalités de l'époque, et sur cet empire colonial portugais, complexe… avec les injustices éhontées liées à tout territoire annexé, colonisé, comme l'extrait suivant le décrit clairement…sans parler des femmes indigènes enceintes de soldats portugais rentant , eux, au Portugal, sans elles, après « la guerre »…! Comme vous l'aurez compris… il y a les envers "sombres" de la médaille, de la jolie carte postale de ce Mozambique aux plages de rêves et aux fêtes innombrables données par les colons !!!

« de cette manière, les barrières entre "nous" et "eux" étaient claires et palpables, et nous n'y pensions même pas parce que c'était presque naturel. Les Noirs, près de huit millions de personnes, soit la majorité écrasante de la population, quoique recensés et soumis aux impôts, n'étaient pas enregistrés comme Portugais, contrairement aux petites centaines de milliers de Blancs que nous étions, ou des quelques milliers de mulâtres, d'Indiens, et de Chinois, en nombre résiduel, et de l'infime pourcentage d'assimilés.

En fait, ils vivaient dans un monde à part, même si nos deux mondes entraient constamment en collision, tout le temps, même à la messe, quand j'allais encore à l'église. A la maison , par exemple, les domestiques se tenaient toujours à distance, et pas simplement parce que leurs chambres étaient en dehors de la maison. Comme je suis arrivée adolescente en Afrique, j'ai grandi sans me faire d'amis africains noirs, qui n'allaient jamais beaucoup plus loin que l'école obligatoire (...)
En fait, presque jusqu'à la fin des années 1960, l'enseignement secondaire était simplement interdit à tous les Noirs qui n'étaient pas descendants d'assimilés. « (p. 173)

Un livre précieux et très vivant pour comprendre l'Histoire du Portugal...


[***Un glossaire, in-fine, des termes non traduits aurait été bien apprécié !…]

*******Pour en savoir plus sur cette maison d'édition, spécialisée dans la traduction d'oeuvres portugaises et brésiliennes
https://www.lepoissonvolant.net/qui-sommes-nous--


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Manuela GONZAGA. Mozambique….. pour que ma mère se souvienne.

Déjà, ce titre évoque de la nostalgie, des réminiscences du passé et la fuite des souvenirs. En lisant le quatrième de couverture, nous apprenons que la mère de Manuela est atteinte par la maladie d'Alzheimer….. c'est la principale raison qui oblige donc la fille a narrer, à sa mère une partie de sa vie qui est enfouie sous les décombres des vestiges du passé qui remontent parfois à la surface. Avec Maria Leonor, et ses quatre enfants dont Manuela, nous embarquons sur L'Império, destination le Mozambique. Oui, nous quittons notre pays natal, le Portugal et nous nous dirigeons vers cette colonie sous domination portugaise, à l'époque. Nous sommes en 1963 et le Mozambique ne gagnera son autonomie qu'en 1974. En effet, le FRELIMO mène la guerre d'indépendance dans ce pays et elle durera 10 ans.

le ménage de Maria bat de l'aile et c'est donc elle qui a décidé de s'expatrier ; elle est professeur de musique et de chant et son époux est professeur de mathématiques et de sciences, physique, chimie et même d'éducation physique et sportive. Nous quittons donc Porto et le père nous rejoindra plus tard… Nous devons contourner le continent Afrique. Oui, j'ai vérifié l'implantation du pays qui nous attend sur un Atlas. le Mozambique est baigné par l'Océan Indien. Je vais pour cela m'identifier à notre auteure et glisser mes pas dans les siens, vivre son adolescence, suivre ses études de très près et découvrir un pays magique. J'ai quitté le coeur un peu gros, Porto, Lisbonne puis j'ai longé les côtes de l'Afrique. L'embarquement se fait à Lisbonne, le 21 août 1963. C'est un long périple par la voie maritime. Mais rassurez-vous, il y a des escales et la vie à bord, pour les gens aisés est fort agréable. Il y a des fêtes, de nombreux divertissements, des bals, etc.… Lors des escales, j'ai visité les villes d'accueil. J'ai vécu de riches heures à bord de ce navire. J'ai fait de nombreuses connaissances. j'ai même appris à danser ! Comment seront-nous accueillis dans ce pays sous domination portugaise ? Mais la guerre nous rattrapera et nous connaîtrons les escarmouches, les embuscades qui ravageront ce pays en lutte pour obtenir son indépendance. le sous-sol est riche en minerais rares, et il attire les convoitises de tous.

Avec toute la famille, je me suis bien adaptée au pays, tant au climat qu'à la vie locale Je me suis installée, à la Villa Cabrel. J'ai pu suivre mes études, parfois désastreuses, parfois plus qu'honorables. Nous avons souvent déménager et notre père ne nous a rejoint qu'un an plus tard. Les relations entre mes parents ne sont pas au beau fixe. La séparation paraît inéluctable…. Elle se fera au gré du temps, les scènes de ménage se multipliant. Nous fréquentons divers établissements scolaires ; parfois je vis même en internat. J'accomplis mes études afin d'obtenir des diplômes me permettant de gagner ma vie, en exerçant une belle profession. Mon rêve se réalisera, je serai journaliste, historienne et j'écrirai, vous avez les preuves entre vos mains.

Ce roman autobiographique nous présente une belle page de l'histoire de ce pays, peu connue des néophytes, comme moi. C'est une véritable étude ethnographique qu'a réalisée Manuela Gonzaca. La description des paysages, des villes, des habitations, de la faune et de la flore sont excellentes et témoignent de l'amour éprouvé part cette jeune fille envers ce pays. Les références bibliographiques sont très nombreuses, riches en renseignements historiques. Je remercie Babelio de m'avoir transmis cet ouvrage. Si au gré de vos pérégrinations vous trouvez ce livre, n'hésitez pas : vous ferez un beau voyage, plein de rebondissements et d'anecdotes savoureuses, et vous découvrirez un pays merveilleux. Dommage que la stabilité politique ne soit pas assez sûre afin d'y projeter une escapade. de beaux paysages, de belles plages nous attendent mais faisons preuve de sagesse et contentons nous de cette lecture. J'ai visité Lisbonne il y a trois ans, je vais chercher l'ouvrage de Manuela : « Jardins secrets de Lisbonne » afin de me replonger dans cette ville. Bonne journée à tous.

Merci à Babelio de m'avoir permis de découvrir cette auteure.
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😊 A la découverte de 😊
Mozambique, pour que ma mère se souvienne de Manuela Gonzaga
Le poisson volant éditeur

Très heureuse d'avoir pu découvrir ce livre dans le cadre de l'opération masse critique de Babelio.

Dès le début j'ai été séduite par cette couverture qui nous transporte aux confins de l'Afrique, par ces couleurs pastels et cette vieille photo empreinte de nostalgie.
C'est aussi l'occasion pour moi d'en apprendre plus sur le Portugal et sa société. Ce pays a beau être proche physiquement de la France, je connais peu son histoire et son passé. J'ai eu l'occasion de découvrir Porto et Lisbonne, deux très jolis souvenirs.

Dans ce livre, l'auteure et journaliste Manuela Gonzaga va se plonger dans son enfance et adolescence pour faire revivre les souvenirs de sa mère qui s'effacent petit à petit au profit de la maladie.
Une plongée dans les souvenirs qui finira pas être publiée, pour le plus grand bonheur de sa mère et de ses propres enfants qui ignoraient tout de l'enfance exotique de leur mère.

Dès les premières lignes, on est séduit par la plume de l'auteure. Une écriture passionnante, précise, qui nous livre à la fois les événements mais aussi les émotions, les couleurs, les odeurs... On revit avec elle cette échappée africaine.
On va dès le début du livre quitter le strict et austère Portugal dirigé d'une main de fer par Salazar. Direction l'empire colonial de ce pays et plus particulièrement le Mozambique. Ce territoire, ancienne terre d'exil pour les criminels et les exilés politiques, est devenue par la suite une colonie qui n'accèdera à son indépendance qu'en 1975.

Cette jeune fille va passer de la sévère et dure métropole à la fière, tonitruante, tumultueuse, colorée, exotique et audacieuse Afrique.
Pourtant, dans ces années soixante, l'empire colonial est déjà fragile et le pays va connaître de nombreux conflits opposants l'armée portugaise à la rébellion locale.
Manuela va nous faire vivre au travers d'anecdotes personnelles la vie, les rencontres, les bouleversements qu'ont vécu ces portugais vivant à des milliers de kilomètres de leur pays d'origine.

Comme dans tous les empires coloniaux, le Portugal s'est largement servi dans les richesses du Mozambique, envoyant en métropole tout ce qui pouvait rapporter sans contreparties.
Une situation intenable et injuste quand on nous rappelle que jusque dans les années soixante-dix, seuls 1% des noirs étaient dits assimilés, c'est à dire qu'ils avaient accès à la nationalité qui donnait droit entre autre à la scolarisation des enfants.
Un sentiment d'injustice d'ailleurs partagé par des colons, notamment les jeunes et les étudiants.

Ce livre est aussi un magnifique hommage aux femmes libres et autonomes à une époque où elles étaient écrasées par le poids de l'église et l'autorité des hommes.
D'abords sa mère qui va partir accompagnée de ses quatre enfants pour le Mozambique où elle a obtenu une mutation. Un vrai défi, une volonté de fer et une envie de liberté magnifique.
Elle prendra aussi la décision plus tard de se séparer de son mari malgré la pression sociale et les considérations « bien pensantes ».
Elle aura sûrement transmis cet amour de la liberté à sa fille qui refuse de céder aux pressions qui voudraient la marier. Elle préfère étudier, travailler pour s'assumer et vivre sa passion sans se soucier des convenances.

Bref, une lecture passionnante qui mêle le vécu aux précisions historiques (j'avoue que parfois j'ai même trouvé qu'il y avait un peu trop de notes en bas de page, mais après tout je ne suis pas obligée de tout regarder).
Une vraie découverte pour moi, plus habituée aux livres traitant de l'empire colonial français ou britannique.

Pour retrouver ce livre, c'est par ici https://www.amazon.fr/Mozambique-pour-que-m%C3%A8re-souvienne/dp/B071CM4BPC
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On pourrait croire que c'est une biographie, un récit un peu naïf de l'auteure pour sa mère, qui perd la mémoire, mais il n'en est rien. Si c'est une biographie, ce n'est pas celle d'une vieille dame ou de l'auteure, mais plutôt d'un groupe, les Portugais du Mozambique, ou carrément d'une époque. Même les villes n'ont plus le même nom. Quant à la naïveté présumée du texte, elle s'essouffle dès les premières pages.
D'abord, il y a la plume savoureuse de Manuela Gonzaga. Elle pourrait raconter n'importe quoi, on le lirait quand même; et surtout, son incroyable habileté stylistique, qui nous fait entendre, entre ses lignes d'adulte, la voix de la petite fille à peine adolescente qui est partie vivre au Mozambique.
On parle rarement du Mozambique, en France, et pourtant, là, on s'y croirait. On voyage avec elle, on danse au bal avec les soldats, on crève de chaud à six heures du matin, et on s'émerveille devant une faune et une flore extraordinaire. On souhaite une fin différente, c'est sûr (pas de spoiler, promis), mais s'il n'y avait pas eu cette fin, il n'y aurait pas eu ce livre.
Début d'un beau voyage.
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
De cette manière, les barrières entre "nous" et "eux" étaient claires et palpables, et nous n'y pensions même pas parce que c'était presque naturel. Les Noirs, près de huit millions de personnes, soit la majorité écrasante de la population, quoique recensés et soumis aux impôts, n'étaient pas enregistrés comme Portugais, contrairement aux petites centaines de milliers de Blancs que nous étions, ou des quelques milliers de mulâtres, d'Indiens, et de Chinois, en nombre résiduel, et de l'infime pourcentage d'assimilés.

en fait, ils vivaient dans un monde à part, même si nos deux mondes entraient constamment en collision, tout le temps, même à la messe, quand j'allais encore à l'église. A la maison , par exemple, les domestiques se tenaient toujours à distance, et pas simplement parce que leurs chambres étaient en dehors de la maison. Comme je suis arrivée adolescente en Afrique, j'ai grandi sans me faire d'amis africains noirs, qui n'allaient jamais beaucoup plus loin que l'école obligatoire (...)
En fait, presque jusqu'à la fin des années 1960, l'enseignement secondaire était simplement interdit à tous les Noirs qui n'étaient pas descendants d'assimilés. (p. 173)
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Les nids des guerilleros

Oui, nous savions que la "Guerre coloniale" était une réalité. Même plus :nous respirions son souffle insomniaque. Déjà très proche en 1967, 1968, et 1969, elle était encore très loin de nos vies, de nos préoccupations , et de nos cauchemars. En fait, la guerre avait encore une autre dimension bien plus excitante et drôle, faite de blagues de caserne, de petites intrigues, et de scandales commentés dans l'indolence tropicale de jours qui se ressemblaient tant. Une dense aura d'érotisme planait sur tout cet apparat belliqueux, alimentant les attentes naturelles du florissant marché matrimonial des colonies ultramarines portugaises. En haut du tableau, les officiers étaient naturellement les plus convoités, suivis par les fourriers, et les sergents, qui trouvaient facilement des demoiselles au coeur disponible. Cependant, la majorité d'entre eux ne pensaient qu'à rentrer au pays, où ils avaient tous une amoureuse ou une fiancée , à qui ils continuaient malgré tout, par courrier ou aérogramme, de jurer un amour éternel. (p. 205)
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Dans tout l'outremer, il y avait du coca-cola, boisson interdite dans la métropole, et des plages magnifiques qui n'avaient pas leur pareil dans le reste du monde. Et puis, la vie était complètement "différente", parce qu'il y avait toujours des fêtes et que l'on partait régulièrement pour des voyages de centaines de kilomètres, décrits négligemment comme des "promenades". quand on l'entendait parler du quotidien à Quelimane (et partout au Mozambique), on se faisait cette idée que finalement la principale occupation des gens de l'outremer était le voyage, les festins chez les uns et les autres, et les longues brassées dans les eaux turquoises ou des fleuves de cristal; comme si les grandes vacances, qui duraient trois mois dans la métropole, duraient là-bas toute l'année, pour les grands grands et pour les petits.
"quelle vie merveilleuse"pensais-je, moi qui rêvais tout éveillée. (p. 22)
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Mais surtout, c'était au coeur de la population noire, qui se sentait la plus discriminée, que les mouvements de libération trouvaient le plus d'écho.

Pourquoi ? Le paysage était profondément irrégulier. Il y avait les "Blancs au premier degré", les naturels de la métropole, les "Européens", comme le disait leurs papiers d'identité; les "Blancs au deuxième degré", dont les papiers disaient "naturel du Mozambique", ou autre place coloniale. Et puis les "assimilés": les communautés d'Indiens, très petites, et de Chinois, encore plus résiduelles. Et enfin les Noirs, la majorité écrasante de la population, 98 % qui n'étaient pas citoyens portugais, et qui n'avaient droit qu'à la -Caderneta Indigena- . Il existait des lois différentes pour tous ces groupes. Et des manières différentes d'appliquer la justice et de comprendre les lois du travail. (p. 111)
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- Ce sont des coutumes de peuples très primitifs.

Cette phrase, comme tant d'autres similaires, démotivait immédiatement tout approfondissement du sujet, de la même manière qu'au Portugal, je me souviens d'avoir entendu parler des coutumes et des traditions populaires des habitants "attardés" des campagnes, ce qui je pense, était le cas partout dans le monde où la suprématie dite occidentale régnait et où la ville réclamait sur les campagnes une supériorité intellectuelle, culturelle, et civique absolue.
(p. 172)
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Vidéo de Manuela Gonzaga
Tânia Ribas de Oliveira conversa com Manuela Gonzaga a propósito do novo livro 'Moçambique - para a Mãe se lembrar como foi'.
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