Parfaitement conscient que le monde change, il se décrivait en 2008 à Télérama comme « une vieille actrice du muet, à l’ère où le film parlant émergeait, attachée à une culture du passé ». Mais si la frénésie du web et les nouvelles technologies l’indiffèrent, son image est toujours importante. Au fil des années, Nick Cave s’est créé une mythologie personnelle. Mais quand Nick se souvient du jeune homme de douze ans qu’il était, qui se jetait dans le vide à l’arrivée du train à Wangaratta, il admire son audace, mais se pose aussi la question de sa permanence. Est-ce bien le même homme qui regarde son existence dans le rétroviseur, ou le regard d’un « autre », totalement changé par la vie ?
« La célébrité est le masque qui mange le visage », a écrit John Updike dans son autobiographie. Dans ses interviews, Nick Cave est allé jusqu’à suggérer que le narrateur de The Sick Bag Song ne soit pas lui, mais simplement quelqu’un comme lui, son double en quelque sorte. Ces questions autour de la représentation de sa propre vie le taraudent encore. Mais, après les mises en abîme de 20 000 jours sur terre et de The Sick Bag Song, Nick s’est dévoilé comme jamais dans One More Time With Feeling. Il y montre ouvertement ses fêlures et ses faiblesses. Il y avoue aussi que le temps « élastique » lui est revenu en pleine face. Cet homme en recomposition peut désormais mettre fin à sa fictionalisation, en gardant toujours à l’esprit ces quelques mots couchés sur le papier entre deux avions : « Tout ce qui est arrivé et arrivera encore. Tout ce qui existe a toujours existé et continuera d’exister. Ne pas avoir honte de son besoin de créer, il est la plus belle partie de votre cœur. Le mythe est l’histoire vraie. »
Nick Cave est inclassable. Combien d’artistes peuvent se targuer de figurer aussi bien dans un guide recensant les musiciens de l’easy listening et celui des artistes proches du mouvement no wave ; d’être reconnu par ses pairs grâce à l’ARIA Hall of Fame qui l’intronisa en 2007 ; de recevoir aussi un doctorat honorifique de l’État de Victoria en Australie ; et d’obtenir le titre honorifique de docteur ès lettres des universités des Arts de Dundee et de Brighton. Nick n’a cessé de créer tout au long de sa carrière, devenant inclassable en restant intranquille.
Nick Cave décrivait son film autobiographique 20 000 jours sur terre comme « un immense mensonge qui contient beaucoup de vérité ». Ce présent ouvrage retrace la singularité du parcours de l’artiste, mais essaie aussi d’évaluer son importance et son impact à l’aune des productions de ses contemporains. Ce livre tente aussi de saisir l’homme derrière cet « immense mensonge », qui le dérobe à toute définition de genre, et qui n’est peut-être rien d’autre que son œuvre artistique.
Rupture violente, masochisme morbide, pulsion sexuelle animale...l'amour chez Nick Cave n'est pas un long fleuve tranquille.
Christophe Deniau - Nick Cave : l'intranquille