Voilà un titre qui sonne comme un manifeste antisexiste ou le genre expliqué à mon enfant. D'autant plus que l'auteure et l'illustratrice sont norvégiennes et qu'on sait la Scandinavie à la pointe du combat pour une éducation égalitaire. On ouvre cet album avec circonspection, néanmoins, parce qu'on sait aussi, par expérience, que les bonnes intentions ne font pas forcément les bons albums : s'élever contre les représentations stéréotypées, les filles princesses-fées-paillettes-poneys, les garçons chevaliers-pirates-dinosaures-chantier, c'est salutaire, mais inverser les clichés tourne vite au procédé rebattu (on ne compte plus aujourd'hui les cow-girls et les princesses qui défient les dragons).
Ici, rien de convenu ni de moralisateur, pas d'explications laborieuses pour souligner que oui un garçon a le droit d'aimer les poupées, et oui une fille peut faire voler sa « Barbie balèze hypertop » du deuxième étage.
Résumons : Nils fête ses 5 ans. Son père lui promet qu'il pourra choisir le jouet qu'il veut. Arrivé dans le magasin, Nils demande – on s'en doute un peu – une Barbie. Son père essaie de le convaincre d'acheter plutôt un pistolet. Nils résiste. Sous la pression de son père, lui-même soumis à la pression sociale (les autres clients, la caissière), Nils cède. Mais il rentrera chez lui avec le pistolet ET la Barbie (parce qu'armé d'un pistolet, on obtient tout ce qu'on veut, c'est papa qui le lui a juré…).
Entretemps, père et fils auront traversé, chacun son tour, toutes les émotions, fierté, honte, joie, déception, confiance, colère, au fil de dialogues drôles et justes, servis par la traduction de
Jean-Baptiste Coursaud. La mise en pages est dynamique, avec des changements d'échelle constants – Nils, géant coincé dans une maison de poupées, comme Alice –, des bulles de BD, plein de détails à regarder.
Talent, humour et intelligence au service d'une cause juste, l'éducation non sexiste : un album à lire dans toutes les écoles maternelles et au-delà.