Les mains négligemment posées sur mon épais volant gainé de similicuir, je regarde la route sans même la voir et me contente d'avaler les kilomètres. J'ai l'impression de ne pas avancer d'un millimètre tant la toundra reste semblable à elle-même depuis des heures et des heures. Je ne vois que des arbustes nains qui, de part et d'autre de la route, bordent l'horizon. C'est tout.
Monotonie. Ennui à la limite de l'assoupissement. Pas d'autoradio, pas de lecteur de cassettes, pas de téléphone portable bien sûr, nous sommes en 1973 et l'on a que ses propres pensées pour se distraire.
Il n'y a pas foule, non plus, sur les routes lapones. Depuis ce matin je n'ai croisé en tout et pour tout que deux véhicules, dont un avec le pare-brise en miettes. Certains sont équipés d'un grillage de protection pour éviter ce genre de désagrément. Mais pas moi. J'ai seulement dans mon coffre un pare-brise gonflable au cas où. J'espère ne pas avoir à m'en servir. Les phares brisés sont aussi très fréquents dans la région, ce sont les routes bien caillouteuses qui veulent ça. Ma hantise, c'est la panne, l'accident, bref l'impondérable qui briserait net mon élan et m'obligerait à tout abandonner sur place. Bien sûr j'ai souscrit une assurance de rapatriement mais je suis tellement loin de tout que je ne sais même pas comment je pourrais la contacter.
Ce récit n'est pas œuvre de fiction mais relate fidèlement les anecdotes et les péripéties du voyage en Scandinavie, et plus particulièrement en Laponie, que j'effectuai seul en 1973.
Je n'ai rien inventé, rien modifié, rien dissimulé, hormis quelques épisodes sans intérêt qui n'auraient eu pour conséquence que d'ennuyer inutilement le lecteur.
Contrairement à ce que l'on indique en général en début des romans ou des films, j'affirme que "toute ressemblance avec des lieux et des personnages existants ou ayant existé est tout à fait volontaire et non fortuite".
Écrivant à plus de 40 ans de distance, je n'ai pu rassembler efficacement mes souvenirs que grâce au journal que je tenais à l'époque et qui m'a été, je l'avoue, d'un grand secours. Tout risque d'erreur ou d'omission est donc écarté. Ma seule contrainte a été de tout mettre en œuvre pour rendre ce récit intéressant et surtout jamais ennuyeux. J'espère y être parvenu.
Bonne route !