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EAN : 978B009CYW51W
Gallimard (30/11/-1)
3.2/5   5 notes
Résumé :
"? J'ai voulu le désordre apparent de carnet de notes. Ce fut pour moi une conquête, momentanée, que de rompre le mouvement continu de discours qui prévalait dans mes anciens essais, mouvement qui manquait sans cesse de se casser mais sans cesse se raccommodait.Là où surtout mon propos semble mal ordonné, c'est dans le va-et-vient toujours brusqué entre les considérations d'histoire littéraire et les considérations d'histoire générale. Mais ce va-et-vient, c'est le ... >Voir plus
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
— L’homme dans la grande ville ne sait plus ce qu’il y a derrière la faim et la soif ; il oublie les plantes, les animaux et les saisons. Pour lui les chiens, les chevaux, les chats, les oiseaux ne sont plus que des poupées. Il vit comme si on ne mourait pas, il pense comme s’il n’y avait pas de tremblements de terre, d’épidémies, de guerres, de massacres. Ou le peu qu’il sache encore de tout cela il le nie éperdument et prétend que cela n’est plus ou ne va plus être. Et, en effet, cela ne sera plus puisqu’il nie l’enfant.

— L’homme ne marche plus, ne court plus, ne saute plus. À peine remue-t-il ses organes et ses membres. Il mange et boit trop. Le seul mouvement qui lui reste est celui de l’érotisme.

— Il vit selon une routine très restreinte, il passe d’une chambre dans une autre chambre, d’une rue dans une autre rue. Les étendues immenses de la ville moderne anéantissent l’horizon, noient la pierre dans la pierre et l’homme dans l’homme. La pierre, cette chose vivante, devient une abstraction tout aussi bien que la chair humaine. L’homme ne voit plus en fait de pays que des lignes, raidies, des couleurs cuites, les visages de la foule qui sont des chiffres à peine grimaçants, d’innombrables zéros mal gonflés par un mince soufflé de vie.

— L’industrialisme accentue les méfaits de l’urbanisme. Du fait de la fabrication de tout par la machine, la ville prend un aspect toujours plus abstrait, plus raide ; prise dans le mouvement des innombrables machines qui président à ses travaux et à ses plaisirs, elle devient elle-même une immense machine. La vie va de plus en plus vers un automatisme instantané.

— Le rationalisme, effrayé de lui-même et de son éloignement de la vie, s’est efforcé de s’en ressaisir en se faisant matérialisme, puis machinisme, puis automatisme ; ainsi il est revenu sur lui-même et a retrouvé sa pure abstraction. Notre vie actuelle entre les machines à calculer et les printings, les journaux et les cinémas, le pari mutuel et les machines à sous, les musées et la vulgarisation de l’érudition est exactement enfin une page de Condillac.

— La machine nous fait voir le triomphe, mais aussi la déchéance de la raison. Privée de l’effluve mystique, la raison dès lors incapable, aussi bien de vaste embrassement que de pénétration subtile, inapte à saisir en même temps les vertus propres de l’universel et celles du particulier, de l’invisible et du visible, s’alourdit, s’enlise dans la seule matière. Elle en poursuit les immédiates lois sans plus saisir en elles la vibrante correspondance avec les lois d’un ordre supérieur.
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— Bloy, Claudel, Péguy et Bernanos ont reconstruit le temple sur cette source boueuse mais terriblement bouillonnante.

— Christianisme affreusement isolé et exilé des seuls chrétiens modernes que nous connaissions, quelques poètes, tout investi par la désespérante carence de l’Église.

— On peut les voir tels qu’ils sont avec toutes leurs faiblesses et pourtant on ne peut que bénir la grandeur de leur œuvre au-dessus de la consternante insuffisance de leur vie. Certes Bloy est tombé souvent dans la caricature de lui-même, certes Claudel a eu le tort de ne pas se taire après le Soulier de Satin et sa vie de fonctionnaire catholique au service de la maçonnerie et de la juiverie n’est pas édifiante, certes Jammes a versé souvent dans la médiocrité et la sottise, certes Bernanos est retombé dans l’anarchisme patriotique à la Bloy qu’il semblait à une époque devoir dépasser. Mais enfin ils sont les seuls chrétiens et les seuls derniers grands artistes.

— Péguy a-t-il été un saint ? Bloy est un saint, en dépit de ses hideuses difformités.

— On donnerait tout le bienfait mourant de la hiérarchie catholique, on donnerait la peau de tous les évêques, et des deux tiers des curés et des moines pour ces quelques pages essentielles du Désespéré, de l’Annonce faite à Marie, de la Tapisserie de Notre-Dame et du Journal d’un Curé de Campagne.

— Je ne sens rien d’aussi décisif et d’aussi pur chez Mauriac. Les lancinements discrets de Jouhandeau vont plus profond que tout ce pathétique trop bien apprêté.

— En contre-partie à ce courant chrétien, il y a eu la magistrale imprécation de Céline. Céline, c’est Bloy moins Dieu. C’est peu de chose et c’est beaucoup.

— Dans toute cette magnifique lignée qui, Dieu merci, n’est pas morte, il faut reconnaître que seul Claudel a reconstitué le registre total de la raison délivrée du rétrécissement rationaliste et jouissant de toutes ses extensions poétiques et mystiques. Claudel est le seul écrivain vraiment sain depuis le Moyen Âge, qui soit aussi vraiment grand. Étrange et miraculeux réveil des forces dans cette France exténuée.
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— On n’a pas attaché l’importance qu’il mérite comme profond phénomène social au gangster. Selon leur procédé de toujours, selon leur mode individualiste, les Anglo-Saxons réagissent aux difficultés sociales par une production intense d’aventuriers. S’il n’y a pas eu au XIXe siècle de révolution socialiste en Angleterre, comme l’attendaient ces nigauds de Marx et Engels, c’est que les possibles émeutiers ont préféré conquérir le monde que dresser des barricades dans Londres. La révolte irlandaise a été aussi retardée par cet énorme phénomène d’émigration. Toute la fureur de sang des Anglo-Saxons qui n’avait pas dégénéré depuis l’époque élizabéthaine s’est répandue dans la vie du Far-West. On retrouve au Far-West les mœurs débridées du XVIIIe anglais, avec ses highwaymen. Ces mœurs-là n’ont jamais cessé. Et le gangster n’est que la réédition du highwayman, du desesperado et du boucanier.

— Après le type du sportif américain, le type du gangster a joué un rôle énorme dans l’imagination mondiale, probablement plus grand que le type du bolchevik. En diffusant le type du gangster, le cinéma juif de Hollywood a contribué à créer le type d’homme qui accomplit la destruction du Juif, en tant que type d’homme ultra-citadin et intellectuel. C’est que le Juif de Hollywood venait de l’Europe orientale et en avait apporté un relent de violence. Chez le gangster on retrouve aussi l’homme de la maffia italienne mêlé des modèles nordiques.

L’européen, là où il était encore assez jeune pour l’action, a renouvelé en partie son imagination devant les films américains. Pendant ce temps-là, le Français buvait des apéritifs et pêchait à la ligne.
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— En voyant le monde de Zola après le monde de Balzac on voit le chemin parcouru en quelques lustres par le développement foudroyant de la syphilis urbaine. Tout ce qui chez Balzac se voyait sur une chair encore forte, comme un trait déjà marqué mais point trop accusé, se creuse et prend un caractère de fatal et de définitif. On s’aperçoit que dorénavant dans l’image de l’homme il y a plus d’ombre et de vide que de substance.

Reportez-vous à la peinture pour mieux vous représenter encore la marche des choses. La force de Delacroix se convulse par moments, celle de Corot est un peu trop humble. Comme la robustesse de Courbet paraît voulue en comparaison de la robustesse naturelle de Watteau ou de Houdon. Le trait de Daumier en se cassant fait ces figures assaillies de Manet, de Degas et enfin de Toulouse-Lautrec. Il y a aussi une autre ligne descendante de David à Puvis de Chavannes en passant par Ingres.

— Comparez les portraits de Baudelaire ou de Mallarmé à ceux de Rousseau ou de Diderot.

— Il n’y a de barbarie qu’au contact d’une décadence et dans cette décadence. Le Germain de Tacite n’est pas un barbare, c’est un primitif. Mais au contact du Romain déchu, il devient un barbare c’est-à-dire un homme soudain sorti de son horizon, désorienté, affolé, excessif, convulsé par la répugnance et l’attirance du pire. Reste que le Romain déchu est barbare avant le Germain pris dans la marge de l’Empire.

Le monde de décadence présenté par Zola est un monde barbare. Les hommes, de l’Assommoir et de la Bête humaine sont des barbares.
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Vidéo de Pierre Drieu La Rochelle
C'est une histoire française. Elle se passe à Paris pendant l'Occupation, puis dans le maquis du Vercors où les résistants se battent dans la neige, jusqu'au dernier. C'est une histoire qui oppose deux France. Celle des Cossé-Brissac, le côté maternel de l'auteure, dont la grand-mère May, aussi libre de son corps en privé qu'attentive aux conventions en public, reçoit le Tout-Paris de l'Occupation, de Paul Morand à Pierre Drieu La Rochelle, de Josée Laval à Coco Chanel. Une jeune fille grandit là, promise à un mariage de l'entre-soi, bientôt elle sera rebelle. Elle se nomme Marie-Pierre de Cossé-Brissac. L'autre France, c'est celle de la résistance par les idées et par les armes. Un grand médecin juif parisien envoie son fils en province. L'intellectuel rompu aux joutes de l'esprit rejoint le maquis. Il se nomme Simon Nora, rebaptisé « Kim » dans son réseau. À la fin de la guerre, le survivant du Vercors rencontre l'aristocrate en rupture avec sa famille. Les héritiers des deux France s'aiment comme s'ils n'en formaient qu'une. Mais auront-ils le droit à la liberté ?
Ce roman haletant est une fresque guerrière, un amour impossible, une brève libération.
Extrait disponible sur notre site https://www.editions-stock.fr/livres/la-bleue/une-breve-liberation-9782234094024
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