Un petit livre bien écrit, limpide qui se lit d'une traite.
Laure, Bertier et Aurélien, ce trio d'adultes à venir, nous remue et nous interroge sur notre part d'espoir, de promesse en l'avenir ou au contraire de regret et de nostalgie .
Une fois le livre refermé un se prend à regarder sa vie, son déroulement jusque là où nous en sommes et, à se demander quelle part de hasard il y a eu, quelle part de certitude de jeunesse s'est confirmée ou au contraire ensevelie dans des renoncements, l'oubli ?
Quelle part de nos décisons influe sur le mouvement de notre vie?
Le sens que l'on veut donner à sa vie et celui, qu'avec les année passées, nous lui trouvons- ou contraire ne lui trouvons pas.
Les reves avortés , les espoirs déçus, l'illumination flamboyante d'un instant de bonheur sur lequel repose une vie entière jusqu'à s'y perdre.
le point de tension où tout est possible et où tout pourtant est déjà joué.
La vie coule, se roule, s'enroule, se déroule , nous avec ....nous avec les intempéries et les rayonnements de notre coeur. Et nos fissures qui réapparaissent, parfois, comme un long miaulement inconsolable auquel on se doit de se faire une raison pour continuer à se rouler dans les jours qui restent.
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Le hasard des lectures m’a fait découvrir ce court roman après «Les rumeurs du Nil», le pavé de Sally Beauman. Mais quelquefois le hasard fait bien les choses, car les deux auteurs s’y prennent de la même manière pour mettre en scène leur récit. Il font alterner d’une part le regard de l’écrivain aujourd’hui sur l’épisode qui a le plus profondément marqué leur vie et la narration de cet épisode lui-même, au moment où les personnages le vivent. Une technique qui permet d’une part de conserver la fraîcheur du récit et ses zones d’ombre et d’autre part d’effectuer une analyse introspective et d’éclairer le chemin parcouru.
Nous sommes au début des années 90, au moment où Laure, la narratrice, rencontre Aurélien et Bertier, venus étudier comme elle à Paris. C’est une période à la fois insouciante et studieuse, légère et grave. L’avenir est devant eux, sans pour autant pouvoir deviner de quoi il sera fait. La liberté a un doux parfum, mais il s’évapore bien vite devant les contingences matérielles. L’amour est encore un jeu, mais il peut très vite tourner au casse-tête. Comme par exemple si le délicat équilibre du trio est rompu. C’est ce qui arrive sur l’île d’Oléron où la famille d’Aurélien possède une maison de vacances. Laure va se jeter dans les bras d’Aurélien alors que Bertier est amoureux d’elle.
Mais comme dans les tragédies grecques, Thanatos va donner rendez-vous à Eros : Aurélien va faire une mauvaise chute sur les rochers au bord de la plage et meurt quelques jours plus tard.
C’est l’écrivain Laure Narsan, près de quarante ans plus tard, qui va nous dire ce qu’il est advenu alors. Il serait bien entendu dommage de déflorer ici la fin du roman. Disons simplement qu’Anne-Sophie Brasme a parfaitement su rembobiner le fil de son histoire. Les tourments de l’âme sont servis par une écriture limpide, ce qui permet au lecteur de ne pas croire le personnage-écrivain quand il affirme que son œuvre est somme toute plutôt banale. L’auteur-écrivain nous prouvant le contraire, page après page.
Je revois ces deux jeunes hommes qui sont arrivés jusqu'à nous, illuminant tout à coup la soirée. A cet instant, je ne sais pas encore que le premier va éveiller en moi le goût de la vie, et que le second va faire de moi un écrivain. Mais c'est à cela, précisément, que tient la magie de ce moment : tout m'est encore possible. L'image que j'ai du bonheur, je la dois à cet instant. A ce goût de vin sur nos lèvres. A cette promesse de vie devant nous. Et quand je me débarasse de l'armure qui m'enserre et que je laisse mon coeur battre, voilà ce qui me reste : un chahut d'étudiants trinquant au début de l'été, et le rire d'Aurélien au milieu de leurs voix.
« Naïvement, je croyais qu’il suffisait de revenir ici pour retrouver Aurélien. Faire cinq cent kilomètres en voiture et me retrouver sur une plage d’Atlantique, pour le ramener à la vie. Cela paraissait si simple. Presque à portée de main. Brusquement, je reçois au visage cette réalité : je ne reviendrai jamais. Tous ces lieux sont restés les mêmes ; mais ce que j’y ai vécu l’été de mes vingt ans, je ne le ressusciterai pas. Le silence de la plage me rappelle qu’Aurélien est mort il y a longtemps et que je suis peut être la seule à me souvenir de lui. »
Quand Aurélien n'était pas là, on se voyait quelques fois seuls, tous les deux, chez Gibert où nous traînions dans les rayons de la rentrée littéraire, ou devant les étalages de bouquinistes. "Et celui-là, tu l'as lu ? " me disait-il, les yeux brillants ; puis il se lançait dans une explication aussi passionnante que décousue, et je l'écoutais sans perdre un mot.
Après cela, je n'en ai plus reparlé. Je me disais qu'après tout nous aurions fait de bien mauvais parents. Nous sommes trop égoïstes, trop exigeants ; nous détestons tout ce qui est imprévisible, tout ce que nous ne maîtrisons pas. Alors, mon désir d'enfant, je l'ai pris entre les mains, et je l'ai roulé en boule au fond de moi.
Respire - Interview de Joséphine Japy et Lou de Laâge