Comment donner mon avis sur ce livre d'
Angélique Villeneuve ? Trouver des mots si légers qu'ils viendraient se poser sur les siens comme la vibration d'une aile de papillon ? Il y a ce livre, que j'ai lu il y a plusieurs mois, déjà, et que je continue de garder enserré dans ma poitrine. Il y a ce qu'il exprime et il y a tout ce qu'il fait résonner en moi. Il y a une auteure et il y a une mère. Il y a la mort et il y a la vie. Comment modeler tout cela en des phrases qui exprimeraient l'ensemble, l'intime, le littéraire et le réel, l'écriture et ses effets ? le plus facile serait de ne pas en parler du tout et de garder pour moi seule les tremblements qu'il a fait naître. Mais ce ne serait guère lui rendre hommage. Et, surtout, ce serait empêcher que mes mots puissent, chez chacun ou même chez un seul, susciter le désir de pénétrer dans cette
Nuit de septembre et d'y trouver réconfort. Prétention de ma part, peut-être. Toutefois, il me semble essentiel d'avoir la possibilité de s'aventurer sur ce chemin de vie, que l'auteure, comme un nautonier qui infléchirait sa trajectoire, éclaire en sentinelle blessée.
La narratrice entre dans cette
nuit de septembre lorsque son fils, à 21 ans, choisit de se suicider. Longue nuit d'une mère qui, dès lors, commence une quête douloureuse mais vitale. Comment est-on mère d'un enfant mort ? Habituée, par son métier d'écrivain, à faire confiance aux mots pour exprimer, pour explorer pensées, émotions et sentiments, elle utilise les pouvoirs de la langue et de l'écriture pour défricher les chemins de "l'après" avec toute la puissance que donne l'amour. Les mots deviennent ainsi les jalons d'un cheminement intérieur qui permet de reconstruire un être, sans oublier, sans rien occulter, mais en acceptant de plonger au plus dense de la souffrance. Cette capacité à poser les choses, pour mieux les décortiquer, dépouille la douleur de ce qu'elle a d'inconcevable, la circonscrit, en quelque sorte, comme pour l'apprivoiser, sans jamais la faire disparaître.
Amplifié par l'emploi de la deuxième personne du singulier, ce léger pas de côté permet de fouiller la force du lien, le chagrin solaire des souvenirs, les abysses de l'absence irrémédiable, la béance au coeur de la vie et, finalement, d'inscrire ses "pas dans un présent possible". Faire le récit de ces jours enténébrés, c'est aussi laisser filtrer la luminosité intense des bouffées de vie auxquelles le chagrin s'intègre. C'est faire le choix paradoxal de supporter l'insupportable et de préserver cette part de nuit, de garder à vif cette blessure sans que jamais elle ne vienne masquer la beauté du monde. Ne plus souffrir ne serait-ce pas oublier ? Si l'on refuse cet oubli, alors il faut accepter la douleur. Mais l'accepter sans résignation, sans larmoiements, sans impudeur, comme partie intégrante de ce que l'on est. L'accepter dignement, consciemment, parce que, sans doute, c'est là que continue de respirer l'enfant disparu.
Je sais déjà qu'aux moments de chaos, les mots d'
Angélique Villeneuve seront là, toujours, et que cette luminosité qu'ils réfractent fera apparaître "les belles choses" et rendra les choses belles.