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EAN : 9782110812117
400 pages
Imprimerie nationale (12/03/1992)
4.62/5   8 notes
Résumé :
L'intégrale du grand poète d'alexandrie, annexant l'histoire et le mythe pour exprimer la quête d'idéal et les tourments de l'âme. Une des grandes oeuvres majeures du siècles.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
N°198 - Mai 1998

CONSTANTIN CAVAFY-Poèmes - Présentation critique par Marguerite YOURCENAR.
Traduction du grec par Marguerite YOURCENAR et Constantin DIMARAS.


Est-ce le hasard du calendrier qui nous a fait découvrir au Petit Palais la statue d'un Ptolémée en Pharaon, ces fondateurs grecs de la dynastie Lagide qui régna sur Alexandrie ou ma curiosité des choses de la littérature du Moyen-Orient? L'oeuvre de Constantin Cavafy (1863-1933), poète grec né à Alexandrie et présentée par Marguerite Yourcenar ne pouvait me laisser indifférent.
Cavafy lui aussi fut à la croisée de deux cultures exceptionnelles. Né à Alexandrie, il était d'origine grecque mais c'est dans cette ville qu'il passa la presque totalité de sa vie. Il n'en est pas moins considéré comme le plus grand poète grec contemporain. Cultivé et humaniste, il aurait pu être un aristocrate de l'écriture mais les vicissitudes de l'existence en décidèrent autrement qui firent de lui un courtier à la bourse puis un fonctionnaire au Ministère de l'Irrigation.
La gloire ne viendra que tardivement pour cet auteur qui avait choisi de distribuer ses poèmes sur des feuilles au seul usage de ses amis. Ces cent cinquante-quatre poèmes ne furent publiés qu'en 1935, soit deux ans après sa mort et selon un ordonnancement qu'il avait lui-même préparé. Ce sont eux qui sont traduits et publiés ici. Ils constituent son canon.
Il fallait bien toute la culture et le sens de la poésie de l'académicienne pour faire goûter au lecteur la beauté des poèmes de Cavafy. En bonne pédagogue, elle classe les textes selon trois critères: Les poèmes historiques, gnomiques et érotiques. Dans le commentaire qu'elle fait des poèmes historiques elle a soin, pour le lecteur peu versé dans l'histoire de replacer chaque texte dans son contexte notant au passage la liberté qu'a pu prendre l'auteur avec l'exactitude des faits, ce qui au vrai n'apporte qu'une précision technique.
Elle montre que Cavafy était un lettré, un humaniste qui a fait honneur à la culture grecque même si, sous sa plume elle se teintait un peu d'orientalisme. Elle rappelle à l'occasion le climat levantin qui baigne ses écrits. le problème du destin ne l'a pas laissé indifférent de même que dans les poèmes de caractères et ceux ayant trait à la politique il se montre sensible à la perfidie, au désordre, à l'inertie qui caractérisent l'histoire grecque qu'elle soit ancienne ou moderne.
Marguerite Youcenar distingue ensuite les textes gnomiques qu'elle caractérise comme des "poèmes de réflexion passionnée" où le destin et la liberté se fondent, où Alexandrie est souvent présentée comme un être humain qu'il a passionnément aimé.
Puis viennent les poèmes érotiques. L'auteur de cette présentation note d'emblée que Cavafy prend le parti de l'inspiration exclusivement pédérastique, ce qui pour le chrétien du XIX° siècle qu'il était a une dimension "actes interdits et désapprouvés" mais où la notion de péché est ignorée. Il y a, certes, l'emploi du "il" plus détaché mais il reste que ses poèmes sont toujours directs et personnels. Une remarque cependant, ces textes mettent toujours en scène des éphèbes jeunes dont il note souvent l'âge avec précision comme pour souligner la fuite du temps, de la jeunesse et des plaisirs que pour souligner peut-être qu'à travers le souvenir qu'il a gardé de ses émotions ces poèmes sont ceux de la maturité. L'auteur de cet essai insiste cependant sur le fait qu'à ses yeux ce ne sont là que des poèmes d'inspiration hédoniste ou érotique où Cavafy est souvent absent un peu comme si l'Alexandrin choisissait de colliger pour lui-même ces moments d'exception ainsi que le ferait l'amateur d'une collection précieuse. Ces poèmes sont autant d'occasion d'exercer une mémoire qui l'obsède. Il y a dans l'écriture de Cavafy une sorte de sagesse, de didactisme qui sont peut-être puisés dans la solitude du poète et de l'homme. L'apparente sérénité qui ressort de ses poèmes tient sans doute autant à la quasi-absence de révolte qu'à l'acceptation de la condition humaine qui est la sienne. L'académicienne a bien raison de noter que l'écriture de Cavafy est celle d'un vieillard avec cette dimension du silence et du secret. Il y a aussi chez lui une délectation de l'écriture qui, nous le savons est un plaisir et quel que soit le thème traité c'est à un exercice littéraire auquel il se livre avec passion pour nous faire approcher la notion de l'humain qui est la sienne. Car c'est bien d'une poésie humaine qu' il s'agit, toute en nuances, en non-dits mais aussi distillée dans un vocabulaire à la fois précis et emprunt d'émotions que la traduction de Marguerite Yourcenar a su admirablement rendre.
Je dois dire, à titre personnel que, le livre refermé il y certes les poèmes de Cavafy qui n'avaient pas d'emblée accroché mon attention mais aussi le texte de M. Yourcenar, son délicat scalpel, son sens aigu de la distinction et des nuances et sa constante passion de l'explication dans le respect de l'auteur et de ses émotions, son style à la fois simple et pur qui en fait un livre de référence sur le poète alexandrin. On retrouve ici ce qui a bien souvent été sa règle et qu'elle exprimait dans Mémoires d'Adrien "Un pied dans l'érudition...l'autre dans la magie sympathique qui consiste à se transporter en pensée à l'intérieur de quelqu'un".
Au moment ou l'oeuvre de Constantin Cavafy, au cinéma comme à la télévision semble susciter un regain d'intérêt, ce livre publié en 1958 et réédité en 1978 mériterait bien quelque publicité.

Notes personnelles de lecture - (c) Hervé GAUTIER
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
31. ITHAQUE (Traduction C. ZERVOS et Patricia PORTIER)


Quand tu partiras pour Ithaque,
Souhaite que la route soit longue,
Riche d'aventures et d'enseignements.
Ne crains pas les Lestrygons,
Les Cyclopes ou la colère de Poséidon.
Tu ne verras rien de tel sur ta route
Si ta raison reste haute, si ton âme et ton corps
Ne sont touchés que par des émotions choisies.
Tu ne rencontreras pas les Lestrygons,
Les cyclopes ou Poséidon déchaîné
Si tu ne les portes pas en toi,
Si ton âme ne les dresse pas devant toi.

Souhaite que la route soit longue,
Que nombreux soient les matins d'été
Où tu entreras — avec quel délice,
Avec quelle joie ! — dans des ports inconnus.
Attarde-toi dans les comptoirs phéniciens
Et fais de beaux achats :
Nacres et coraux, ambres et ébènes,
Parfums voluptueux de toutes sortes,
Toujours plus de parfums voluptueux.
Rends-toi dans de nombreuses villes d'Égypte,
Apprends encore et encore de leurs érudits.

Garde toujours Ithaque dans ton esprit,
C'est vers elle que tu vas.
Mais ne hâte pas ton voyage :
Mieux vaut qu'il dure beaucoup d'années,
Que tu sois vieux déjà en abordant ton île,
Riche de ce que tu auras gagné sur ta route,
Et sans espoir qu'Ithaque te donne des richesses.

Ithaque t'as donné ce beau voyage.
Sans elle, tu n'aurais pas pris la route.
Elle n'a plus rien à te donner.

Même si elle te paraît pauvre, Ithaque ne t'as pas trompé :
Maintenant que te voilà sage avec tant d'expérience,
Tu auras compris ce que les Ithaques veulent dire.
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POÈMES

93.   POUR QU'ELLES REVIENNENT


Une bougie suffit.     Sa faible lueur
Convient mieux,     sera plus chaleureuse
Quand viendront, quand viendront    les ombres de l'amour.

Une bougie suffit.     Que la chambre ce soir
N'ait pas trop de lumière.     Livré au rêve
Et aux évocations,     dans la faible lumière
Ainsi livré au rêve,     je ranimerai les visions
Pour que reviennent, pour que reviennent    les ombres de
 l'amour.
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6. CIERGES


Les jours à venir se tiennent devant nous,
Rangée de petits cierges allumés,
Dorés, chauds et vivaces.

Les jours passés restent derrière,
Triste ligne de cierges éteints.
Les plus proches fument encore,
Froids, fondus et courbés.

Je ne veux pas les voir, leur aspect m'attriste
Comme m'attriste le souvenir de leur forme première.
Je regarde devant moi les cierges allumés.

Je ne veux pas regarder en arrière, je ne veux pas frémir de
 voir
La hâte de la ligne noire à s’allonger.
La hâte des cierges éteints à se multiplier.
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189. ADDITION


Suis-je heureux ou malheureux, je n'y réfléchis pas.
La seule idée qui me remplissent de joie,
C'est que dans la grande addition — leur addition que je hais,
Leur addition à tant de chiffres — je ne compte pas, moi,
Comme unité. Dans la somme totale,
Je ne suis pas entré. Cette joie me suffit.
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178. PLUIE


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Deux arbres frêles
Dans un petit jardin.
L'eau donne une
illusion de campagne.
Elle se glisse dans les rameaux
Sans mystère ;
Elle mouille les racines
À la sève épuisée ;
Elle court dans le feuillage
Qui, retenu par ses liens,
Pend morne et triste
Au-dessous des fenêtres ;
Elle lave dans leurs pots
Les plantes chétives
Qu'une ménagère avisée
A rangées bien en ligne.
Pluie que les enfants
Regardent joyeusement
De leurs chambres bien chaudes,
Et tandis que l'eau coule,
Que la pluie tombe plus fort,
Ils frappent dans leurs mains et trépignent.
Pluie que les vieux écoutent
Avec une patience chagrine
Avec ennui et lassitude,
Car d'instinct ils détestent
La terre humide et les ombres.
Pluie, pluie qui tombe
Toujours plus fort.
Maintenant, je ne vois plus rien ;
Le carreau de la fenêtre
Est embué.
Des gouttes ici et là
Courent, ruissellent, s'allongent,
Montent et descendent ;
Elles voilent la vitre
D'un rideau opaque.
On distingue à peine
le flou de la rue,
Dans une poussière d'eau
La maison, les calèches.
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Videos de Constantin Cavafis (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Constantin Cavafis
« […] l'oeuvre de C. P. Cavafy [1863-1933] reste encore dans l'obscurité voulue par son auteur. […] si Cavafy continue à être lu et étudié, il n'en reste pas moins dans la pénombre, dans « la faible lueur » de l'unique bougie qui sera « plus chaleureuse / Quand viendront […] les ombres de l'amour ». La pénombre, la faible lueur, les chambres obscures, la lumière comme un supplice sont autant de symboles que de messages d'une poétique que son créateur conçoit et tient à conserver loin de la lumière cruelle du temps. […] […] de son vivant, Cavafy [ou Cavafis] n'avait jamais édité aucun recueil de ses poèmes ; il les imprimait sur des sortes de feuilles volantes, il les distribuait à sa guise. […] » (Socrate C. Zervos)
De ce que j'ai fait, de ce que j'ai dit, Que l'on ne cherche pas à savoir qui je fus. Un obstacle était là, qui transformait Mes actes et ma manière de vivre. Un obstacle qui se dressait et m'arrêtait Souvent quand j'allais parler. À mes actes les moins remarqués, À mes écrits les plus voilés, À eux seuls, on me comprendra. Mais peut-être ne vaudra-t-il pas la peine De dépenser tant d'efforts et tant de soin pour me comprendre. Plus tard, dans un monde meilleur, Un autre viendra, c'est certain, Fait comme moi, qui agira librement. (Choses cachées)
0:04 - Cierges 0:56 - Les fenêtres 1:30 - Voix 2:05 - Monotonie 2:41 - La ville 3:53 - Fais de ton mieux
Poèmes inédits : 4:27 - Les quatre murs de ma chambre 5:14 - Impossibles
Poèmes désavoués : 5:45 - Bâtisseurs
Poèmes en prose : 6:42 - Les navires 8:43 - Générique
Référence bibliographique : Constantin Cavafy, Oeuvres poétiques, traduction de Socrate C. Zervos et Patricia Portier, Imprimerie nationale Éditions, 1992
Image d'illustration : https://www.grecehebdo.gr/culture/romans-poesie/721-le-poème-de-la-semaine-constantin-cavafy-autant-que-possible
Bande sonore originale : Carlos Viola - Song for a Lost Mind
Site : https://thegamekitchen.bandcamp.com/track/song-for-a-lost-mind
#ConstantinCavafis #OeuvresPoétiques #PoésieÉgyptienne
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