EUTHYPHRON.
Je ne me rappelle personne qui soit ainsi fait ; mais quelle accusation, Socrate, ce Mélitus intente-t-il donc contre toi ?
SOCRATE.
Quelle accusation ? Une accusation qui ne marque pas un homme ordinaire ; car, à son âge, ce n'est pas peu que d'être instruit dans des matières si relevées. Il dit qu'il sait tout ce qu'on fait aujourd'hui pour corrompre la jeunesse, et qui sont ceux qui la corrompent. C'est apparemment quelque habile homme qui, connaissant mon ignorance, vient, devant la patrie, comme devant la mère commune, m'accuser de corrompre les hommes de son âge : et, il faut l'avouer, il me paraît le seul de nos hommes d'état qui entende les fondements d'une bonne politique ; car la raison ne dit-elle pas qu'il faut commencer par l'éducation des jeunes gens, et travailler à les rendre aussi vertueux qu'ils peuvent l'être, comme un bon jardinier donne ses premiers soins aux nouvelles plantes, et ensuite s'occupe des autres ? Mélitus tient sans doute la même conduite, et commence par nous retrancher, nous qui corrompons les générations dans leur fleur, comme il s'exprime, après quoi il étendra ses soins bienfaisants sur l'âge avancé, et rendra à sa patrie les plus grands services. On ne peut attendre moins d'un homme qui sait si bien commencer.
Dieu n'étant que le bien lui-même, l'ordre moral pris substantiellement, toutes les vérités morales s'y rapportent comme les rayons au centre, les modifications au sujet qui les fait être et qu'elles manifestent. Loin donc de se combattre, la morale et la religion se rattachent intimement l'une à l'autre et dans l'unité de leur principe réel et dans celle de l'esprit humain qui les conçoit, et ne peut pas ne pas les concevoir simultanément.
Il faut proposer la meilleure forme de gouvernement, puis une seconde, puis une troisième, et en laisser le choix à qui il appartient de décider.
Si le gouvernement que nous allons établir n'est point le meilleur de tous, il ne le cède qu'à un seul.
PLATON / LE BANQUET / LA P'TITE LIBRAIRIE