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EAN : 9782290347225
407 pages
J'ai lu (17/02/2006)
3.95/5   38 notes
Résumé :
Photographe, historien du rock et de la contre-culture américaine, Alain Dister a été, entre 1966 et 1969, un témoin privilégié de "l'aventure hippie". En témoignent ces "carnets américains", rédigés à chaud, dans le feu d'une dérive luxuriante et d'une grande dérade amoureuse qui le mena de New York à San Francisco et Los Angeles. La réinvention du corps, du corps social et &#... >Voir plus
Que lire après Oh, hippie days ! : Carnets américains (1966-1969)Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Critique d'art pour la revue "L'Oeil" et producteur pour France-Culture, Alain Dister acquit, très jeune, une passion pour le dessin et la photographie. En 1966, il célèbre son quart de siècle en s'envolant par charter pour New-York. Les Etats-Unis, évidemment, comptent parmi ses rêves et, comme il se sent mal à l'aise dans une France dont la vague "yé-yé" est sans commune mesure avec la "Beatlemania", il s'impose des économies drastiques - et un travail de pion dans un lycée - pour s'offrir le rêve en question. (A l'époque, six-cent-quarante francs, payables en trois mensualités.)

De l'Est à l'Ouest, de New-York à ce San Francisco mythique qui, aujourd'hui, n'existe plus, les Etats-Unis vont dérouler pour lui le long tapis rouge, élimé, troué, couvert de taches, tout imprégné de marijuana et de drogues hallucinogènes, qui s'étale entre 1966 et 1969, les trois années sacrées qui virent naître, prospérer puis s'immoler le mouvement hippie, héritier direct de la Beat generation. "Comment ?" diront certains. "Mais le mouvement hippie, il a continué durant les années soixante-dix !" Oui, et non.

En 1971, Jim Morrison succombe à une surdose d'héroïne probablement mal coupée et prend ainsi son billet pour rejoindre le club des musiciens et interprètes qui symbolisèrent l'apogée et, pour l'un d'entre eux au moins, Brian Jones, l'émergence, de cette contre-culture. Ceux qui lui survivront ou bien finiront complètement fous (Keith Moon, disparu en 1978), ou bien rentreront dans le rang en imposant au rock, musique emblématique de cette époque, les compromissions nécessaires. Viendront alors la pop, le glam, etc ... Et même quand l'anti-conformisme virulent se veut au rendez-vous, avec le hard-rock ou la musique punk, cela n'a plus rien à voir avec les hippies et leur mouvement.

La caractéristique, naïve mais merveilleuse, du mouvement hippie, ce fut la certitude que le monde et ses habitants étaient bons ou que, s'ils ne l'étaient pas tout à fait, ils allaient le devenir. C'était sûr, c'était certain : fumée d'encens, retour à la nature, abolition des tabous sexuels, consommation quotidienne d'herbe et de ces drogues que les peuples anciens tenaient pour "sacrées" parce qu'elles permettaient d'approcher les dieux, tout cela allait venir bout des "mauvaises vibrations" qui faisaient - et font toujours - de notre chère planète une boule de bouse d'un rare volume. Après celle du Viêtnam - et mort à Lyndon B. Johnson ! - il n'y aurait plus de guerre, plus jamais. Tous, Blancs, Noirs, Jaunes, Rouges, Marsiens égarés sur la Terre, on tomberait dans les bras les uns des autres, on ferait un sit-in gigantesque, on se donnerait enfin la main tout autour du monde, comme le préconisait déjà Prévert, et on planerait pour l'Eternité, non plus tout à fait humains mais presque séraphins. Des séraphins porteurs de bonté, d'amour, de générosité.

Avec fierté, tendresse, nostalgie et évidemment tristesse, Alain Dister nous raconte ces trois années uniques, qu'il eut la chance de vivre de l'intérieur du mouvement, entre galères inouïes et moments de plénitude absolue. Toutes et tous, ses amis de ce temps-là comme ses plus petites relations, ceux dont il a perdu la trace, ceux qui suivirent un temps la caravane mais qui, brusquement effrayés, tournèrent bride, ceux qui trouvèrent la Mort dans la drogue, le sexe et la déchéance, il nous les présente tous, en un défilé aux couleurs psychédéliques qui s'avance joyeusement parmi les odeurs d'encens et d'herbe et les flots d'une musique détonante et créative dont on a perdu la recette en actionnant trop souvent le tiroir-caisse, funambules aimables ou lunaires comme spectres désespérés en quête du flash de l'héroïne.

Une chronique douce-amère, qui, contrairement à beaucoup d'ouvrages sur le même sujet, ne fait pas dans le "people" et qui séduira avant tout ceux qui naquirent trop tôt ou trop tard pour plonger à temps dans cette vague immense d'énergie et de créativité qui, pour le meilleur comme pour le pire, déferla sur toute la seconde moitié des années soixante. ;o)
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J'ai beaucoup apprécié ce récit d'Alain Dister, journaliste décédé en 2008. Il y raconte sa période américaine, sa période hippie comme son nom l'indique. Ce qui est passionnant, c'est que le livre épouse, par sa liberté de ton, sa fraicheur, le moment qu'il entend décrire. Il est donc question de la Californie, des rencontres, du sexe, de la musique pop. Cela m'a paru vraiment puissant, il y a un art de la description, toute une foule d'observations passionnantes.
On a l'impression de se retrouver dans une vaste pièce enfumée, remplie de gens passionnants ou étonnants au son par exemple des Grateful Dead, groupe dont il est question dans le livre.
Outre cet aspect autobiographie, le livre est également un magnifique document d'histoire, tout en confinant à la lisière du récit de voyage. Voyage tout à la fois dans le temps et dans l'espace.
Pour vivre un peu dans la maison bleue....
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« La voilà bien mon audacieuse adepte des nouveaux codes de moralité beat : « Toute expérience est bonne à vivre, dans le respect mutuel, au plan physique comme au plan mental, sans tabous ni retenue. N'est libre que celui qui a fait le tour de toutes ces expériences. » Je m'abandonne à cette philosophie – assez éloignée des rigueurs normatives de ma banlieue parisienne. de toute façon, j'ai décidé qu'il ne m'arriverait rien de foncièrement déplaisant. En échange de quoi j'accepterai les cadeaux de la Providence sans les remettre en question. » (p. 20)

Alain Dister y était, il a tout vu, photographié, vécu au rythme des grandes heures de la contre-culture hippie, au sein de son QG : le quartier de Haight Ashbury à San Francisco, et il nous le raconte, partage son expérience éveillée. Ce jeune français qui rêve de liberté et de briser les conventions traditionnelles s'embarque pour le trip de sa vie en juillet 1966 en clamant : « Je ne pars pas en vacances. Je pars pour vivre une aventure, sur la route », tel le hobbit décidant sur un coup de tête de se lancer enfin à la découverte du monde. Et le monde, si on est avide de changement et d'effervescence, à la fin des années 60, c'est vers l'ouest qu'il se tourne : vers l'ouest de la France et vers l'ouest des États-Unis : la Californie. Ainsi commence trois ans de voyage (quelques passages par le New York à l'heure du Village) : la route donc mais toujours, chaque fois, comme un appel qui le ramène vers le haut quartier de San Francisco.

Haight Ashbury, désormais lieu touristique, terre sainte des nostalgiques de la mouvance hippie, ces quelques rues rassemblées autour du croisement entre Haight Street et Ashbury Street, sur sa colline brumeuse et fraîche, fût le lieu emblématique du mouvement avec tout une infrastructure communautaire, au départ attractive et enthousiasmante mais finalement pas assez bien pensée, pas assez pragmatique. Il leur fallait ça, semble nous dire Dister, il leur fallait cette utopie, comme toute utopie est nécessaire pour faire bouger les consciences, tout en sachant très bien qu'elle n'est qu'une utopie, un tremplin. On y croise les groupes Big Brother and the Holding Company (le groupe de Janis Joplin), les Grateful Dead, les Jefferson Airplane, et d'autres encore, qui tous vivent dans ce quartier et enchaînent les concerts gratuits, sortes de longues dérives musicales auréolées de light-shows et de drogues psychédéliques (LSD et marijuana donc mais aussi héroïne). La drogue, ce sera justement le plus gros problème de ce mouvement de la contre-culture qui s'y brûle rapidement les ailes.

C'est donc avec enthousiasme, mais lucidité déjà, qu'Alain débarque à SF et s'installe dans le quartier, créchant chez telle ou telle régulière, partageant une maison avec des dizaines de hippies camés et dans laquelle tournent en boucle les disques psyché. Il est aussi parfois accueilli par quelques couples du Haight qui forment chez eux une communauté ouverte et bienveillante.

Mais dès le départ, et c'est ce qui apporte toute la puissance de ce témoignage, Alain est lucide et clairvoyant. Il relève les apports et les escarres du mouvement avec la même lucidité. Dès son arrivée à SF en 1966, il voit bien les potentielles dérives, les extrémismes, nécessaires, qui vont rapidement entraîner le mouvement à sa perte : les drogues surtout.

« Comment t'as pu avoir un jour, un seul, envie de devenir junkie ? C'était quoi, ton plan ? Coup de blues ? Vieille mytho ? Tu connaissais le tarif, pourtant. La douleur permanente. le singe cramponné aux épaules. Les tripes nouées, le ventre dur, t'arrive plus à chier. le manque. T'en veux à la terre entière, tu vois les flics partout, tu vendrais ton sang pour un peu de poudre. La recherche d'argent pour le prochain fix. le flash est si court… La douleur à nouveau. Et plus de fric. Dieu, qu'est-ce que tu vas bien pouvoir faire pour trouver quelques dollars pour un nouveau fix ? Cinq ou six fois par jour, t'as jamais le fric pour ça, alors tu deales ou tu te vends, ton corps flétri, ton cul meurtri, dans le ghetto black pour quelques dollars, juste une dose de plus… T'as fourgué ce que tu possédais, jusqu'à la dernière couverture sur ton matelas. Tu vois comment il est maintenant ? Brûlé par les clopes tombées de ton bras mort, grêlé de taches de sang, souvenirs de seringues oubliées… le matelas, il n'y a plus que ça dans cette pièce vide, sur ce plancher de misère où cavalent des cancrelats… J'ai l'air d'en rajouter, comme ça, pour la forme, pour essayer de mettre en mots le côté sordide de l'affaire. Ton malheur, ta misère abjecte. Mais tu sais combien c'était pire… » (p. 278-279).

Oh hippie days se parsème également de nombreux portraits, comme si Dister voulait rappeler aussi que le mouvement hippie, c'était avant tout des gens. Ces portraits forment des envolées lyriques, des fulgurances de psychologie et d'observation. Dister a vécu ces années avec distance, toujours, tout en étant au coeur de la mouvance et en profitant bien lui aussi des « plats » qui circulaient, mais sans s'engouffrer dans les failles qui ont perdues de nombreux jeunes de cette époque et parmi ses amis aussi auxquels il rend hommage à travers ces portraits universels.

« Je t'ai revue, six mois plus tard, dans la communauté de Jon et Maria, sur Waller Street, à San Francisco. Tu avais bien changé. Finies les fringues d'éxecutive lady et les bijoux classe. Tu portais une de ces robes longues et sans forme qu'affectionnaient les hippie chicks. On ne voyait plus les tiennes, de formes. Ton élégance envolée, la tête dans les nuages, tu avouais prendre un peu trop de LSD. Tu étais spaced out – éclatée. Stig, qui était aussi défoncé que toi, semblait affairé à la même quête, et connaissait les mêmes errances, les mêmes échecs amoureux. Vous avez eu une brève histoire. Les réveils ont été durs, parfois, comme les descentes. Et puis tu as disparu, engloutie dans le grand rêve du Haight Ashbury. La dernière fois que je t'ai aperçue, au coin de Calyton, au pied de la Free Clinic – c'était déjà le printemps 68 -, tu hochais la tête en marmonnant « trop de confusion, trop de confusion » (p. 126-127).

Dister a écrit pour le magazine Rock & Folk, et il est aujourd'hui considéré comme le spécialiste français du rock sixties sur lequel il a écrit de nombreux livres ainsi que sur la Beat Generation.
Lien : https://justine-coffin.me/20..
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Alain Dister nous offre une plongée au coeur du flower power : sexe , drogue et rock'n roll comme si vous y étiez . Son témoignage est précieux car il s'est réellement immergé dans le milieu hippie , il nous le livre sous forme de journal intime romancé . Ici pas de souvenirs lointains , tout est écrit " à chaud " . Je l'ai lu avec avidité car s'il est facile de trouver des essais sur le sujet, il est plus rare de trouver des romans.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
[...] ... Jeudi 18 août 1966 :

Un couple de motards astique ses machines anglaises, une BSA Goldstar et une Triumph Bonneville, toutes deux bizarrerment équipées de pneus à crampons, comme des trails, sans doute pour explorer les chemins caillouteux qui remontent le long des canyons, entre Half Moon Bay et le Golfe de Monterey et plus loin vers le sud, tout au long de la Route One. Elle a le type indien, merveilleux effet d'un métissage pas si lointain. Et lui doit descendre de quelque Irlandais, avec son regard vert et son sourire de loup. Ils ont la beauté de Richard et Mimi Fariña [Mimi n'était autre que la soeur de Joan Baez], héros d'entre deux mondes, plus tellement beats et pas encore hippies, des voyageurs ancrés dans le mythe de la route, prêts à partir pour aller nulle part, juste sentir le vent, la vitesse, la mort toute proche dans un rush d'amphétamines.

Un grand barbu me propose une balade à Berkeley, de l'autre côté du Bay Bridge. "Are you happy ?" demande-t-il dans un grand sourire, en me malaxant l'épaule. "Uh ? Are you really happy ? Es-tu vraiment heureux ?", quelque part entre drague homo et politesse hippie défoncée. En roulant, je fais quelques photos de la traversée du Bay Bridge, de ses haubans et de cette route trop claire que l'herbe rend encore plus blanche. A Oakland, nous nous arrêtons dans une maison fréquentée par des Hell's Angels, qui ont tôt fait de réaliser que je ne suis pas le genre de gars avec lequel ils vont pouvoir passer un moment rigolo. En fait, je n'ai rien de hip, sinon une curiosité naïve qui surprend toujours. En revenant sur San Francisco, je réalise encore quelques photos surexposées de ce fascinant pont suspendu.

Valérie aussi aime bien me promener à travers la ville. Elle a tenu à me faire découvrir la librairie City Lights Books, de Lawrence Ferlinghetti, sur Columbus Avenue. Elle a ramené de France une 2 CV Citroën camionnette grise, ahanante, moche, mais totalement originale dans le contexte. En fait, la voiture la plus inadaptée aux toboggans de San Francisco. Elle grimpe en gémissant et en première les rues escarpées de North Beach, refuse d'en emprunter certaines, risque à tous moments de dévaler une pente sans freins et en marche arrière. Mais elle roule. Elle peut transporter les pots de peinture, les toiles, tout le matériel qui sert au travail de Valérie dans les studios de l'Art Institut, sur Chesnut Street. Valérie, frêle, arc-boutée au volant de sa 2 CV, est une des figures tutélaires de cet endroit paisible, à l'écart du tumulte du monde, indifférent aux bouleversements en cours dans le Haight Ashbury. ... [...]
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[...] ... Mi-juin 1969 :

La communauté de Vallejo Street est squattée par des gens qui trouvent le quartier moins malsain que le Haight Ashbury. Pas un ne travaille et les défonces vont bon train. Une seule question taraude les esprits : où trouver la meilleure dope ? et quand est-ce qu'on s'envoie en l'air ? et avec quoi ? Les conversations ne tournent plus qu'autour de cela. Moi, la dope, j'en ai ras le bol. Trop d'hallus, de paranos, de niaiseries soi-disant planantes. Trop de jours perdus, de gestes absurdes comme d'aller balancer mon matos photo au premier venu ... Alors, quand une fille m'a offert, avec un petit air de commisération, une capsule de MDA (anagramme de MAD ?), je l'ai balancée dans la première poubelle. Pour cette fille, c'était forcément un remède, une voie obligée. Elle avait même appelé ça un sacrement ... Sacrement, mon cul !

T'as des angoisses, bang, une capsule et terminé ... Pas besoin de réfléchir, de discuter, de confronter les points de vue, ni de mettre en oeuvre quoi que ce soit. Ils sont tous pareils, ces jeunes vétérans des années Ashbury, avec leur dialectique de la drug culture, cette nouvelle tyrannie, taulards d'une relation au produit, manipulés jusqu'à leur autodestruction terminale par ceux qui ont intérêt à les voir disparaître - eux, leurs communautés, leurs mouvements pacifistes, leurs élans libertaires, leur folie généreuse, leur dangereux amour, leur refus du monde de la consommation ...

Quand je rentre du boulot, épuisé, les mains maculées de peinture qu'il va falloir gratter, les vêtements et les cheveux imprégnés d'effluves de térébenthine le dos cassé, les yeux rougis, j'ai du mal à supporter ces assemblées de gens écroulés, en train de tirer sur leurs pétards, leur lenteur, l'odeur même de cette herbe qui n'est même pas de bonne qualité ... Shit, oui, elle porte bien son nom certains jours ... [...]
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Paul Kantner, guitariste du Jefferson Airplane : "Ce ne fut peut-être pas l'été d'amour, mais l'âge d'or de la baise, sûrement !"
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"if you can't be free, at least you can be cheap"
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