Sur le pont, j’ai vu l’Andalousie
Sur le pont, j’ai vu l’Andalousie de l’amour et du sixième sens.
Sur une fleur desséchée,
Il lui rendit son cœur
Et dit : L’amour requiert de moi ce que je n’aime pas.
Il requiert que je l’aime.
La lune s’endormit
Sur une bague qui se brise
Et les colombes d’envolèrent.
Sur le pont, j’ai vu l’Andalousie de l’amour et du sixième sens.
Sur une larme désespérée,
Elle lui rendit son cœur
Et dit : L’amour requiert de moi ce que je n’aime pas.
Il requiert que je l’aime.
La lune s’endormit
Sur une bague qui se brise
Les colombes d’envolèrent.
Et la nuit noire se posa sur le pont et les amants.
S’envolent les colombes.
Et se posent...
/Traduit de l’arabe par Elias Sanbar
1984
Mon aimé et moi
- Mon aimé et moi, deux voix sur les mêmes lèvres.
J’appartiens à mon aimé, et mon aimé appartient à son étoile fugitive
Et nous entrons dans le rêve, mais il ralentit le pas pour nous échapper.
Lorsque mon aimé s’endort, je me lève pour protéger son rêve de ce
qu’il pourrait voir
Et chasser les nuits passées avant notre rencontre.
Je choisis nos jours de mes mains
Et choisis pour moi la rose de notre table.
Dors, mon aimé,
Que les voix des mers s’élèvent jusqu’à mes genoux.
Dors, mon aimé,
Que je me pose en toi et délivre ton rêve d’une épine jalouse.
Dors,
Que les tresses de ma poésie soient suR toi, et la paix.
S’envolent les colombes.
Se posent les colombes.
...
/Traduit de l’arabe par Elias Sanbar
Ma hanche est une plaie ouverte
- Ma hanche est une plaie ouverte, car je t’aime
Et je cours de douleur dans les nuits agrandies par la
crainte de ce que j’appréhende.
Viens souvent et absente-toi brièvement.
Viens brièvement et absente -toi souvent.
Viens et viens et viens. Aah d’un pas immobile.
Je t’aime car je te désire. Je t’aime car je te désire.
Et je prends une poignée de ce rayon encerclé par les abeilles
et la rose furtive.
Je t’aime, malédiction des sentiments.
J’ai peur de toi pour mon cœur. J’ai peur que mon désir se réalise.
Je t’aime car je te désire.
Je t’aime, corps qui crée les souvenirs et les met à mort avant
qu’ils ne s’accomplissent.
Je t’aime car je te désire.
Je modèle mon âme à l’image des deux pieds, des deux édens.
J’écorche mes plaies avec les extrémités de ton silence...et la
tempête
Et je meurs pour que les mots trônent dans tes mains.
S’envolent les colombes.
Se posent les colombes.
…
/Traduit de l’arabe par Elias Sanbar
Où m’emportes-tu mon aimé
- Où m’emportes-tu mon aimé, loin de mes parents,
De mes arbres, de mon petit lit et de mon ennui,
De mes miroirs, de ma lune, du coffre de mes jours, de mes
nuits de veille,
De mes habits et de ma pudeur ?
Où m’emportes-tu mon aimé, où ?
Dans mon oreille, tu enflammes les steppes, tu me charges
de deux vagues,
Tu brises deux côtes, tu me bois, me brûles, et
M’abandonnes sur le chemin du vent vers toi.
Pitié... Pitié...
S’envolent les colombes.
Se posent les colombes.
…
/Traduit de l’arabe par Elias Sanbar
Mon amour, j’ai peur du silence de tes mains
- Mon amour, j’ai peur du silence de tes mains.
Écorche mon sang, que s’endorme la jument.
Mon amour, les femelles des oiseaux volent vers toi,
Prends-moi, souffle ou épouse.
Mon amour, je demeurerai là, que mûrissent dans tes
mains les pistaches de mes seins,
Que les gardes m’arrachent de tes pas.
Mon amour, je te pleurerai toi toi toi,
Car tu es le toit de mon ciel
Et mon corps est ta terre sur terre
Et ta demeure.
S’envolent les colombes.
Se posent les colombes.
…
/Traduit de l’arabe par Elias Sanbar
Le 07 octobre 2007, le poète palestinien Mahmoud Darwich (en arabe : محمود درويش) lisait son poème “Pour décrire les fleurs d'amandier” au Théâtre de l'Odéon (Odéon - Théâtre de l'Europe). Traduction de l'arabe vers le français : Elias Sanbar. Lecture de la traduction française : Didier Sandre. Peinture : Vincent Van Gogh, “Amandier en fleurs”, 1890. “Pour décrire les fleurs d'amandier” :
Pour décrire les fleurs d'amandier, l'encyclopédie
des fleurs et le dictionnaire
ne me sont d'aucune aide...
Les mots m'emporteront
vers les ficelles de la rhétorique
et la rhétorique blesse le sens
puis flatte sa blessure,
comme le mâle dictant à la femelle ses sentiments.
Comment les fleurs d'amandier
resplendiraient-elles
dans ma langue, moi l'écho ?
Transparentes comme un rire aquatique,
elles perlent de la pudeur de la rosée
sur les branches...
Légères, telle une phrase blanche mélodieuse...
Fragiles, telle une pensée fugace
ouverte sur nos doigts
et que nous consignons pour rien...
Denses, tel un vers
que les lettres ne peuvent transcrire.
Pour décrire les fleurs d'amandier,
j'ai besoin de visites
à l'inconscient qui me guident aux noms
d'un sentiment suspendu aux arbres.
Comment s'appellent-elles ?
Quel est le nom de cette chose
dans la poétique du rien ?
Pour ressentir la légèreté des mots,
j'ai besoin de traverser la pesanteur et les mots
lorsqu'ils deviennent ombre murmurante,
que je deviens eux et que, transparents blancs,
ils deviennent moi.
Ni patrie ni exil que les mots,
mais la passion du blanc
pour la description des fleurs d'amandier.
Ni neige ni coton. Qui sont-elles donc
dans leur dédain des choses et des noms ?
Si quelqu'un parvenait
à une brève description des fleurs d'amandier,
la brume se rétracterait des collines
et un peuple dirait à l'unisson :
Les voici,
les paroles de notre hymne national !
Source : France Culture
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