L’éducation reçue de son père avait été énergique et virile, comme s’il avait pressenti qu’un jour elle serait seule ! Félicité se sentait un peu honteuse de cette panique qui l’avait précipitée chez Léoni, elle l’attribua à la fatigue, à l’énervement. Maintenant qu’elle s’était bien reposée, elle voyait plus clair, le courage, la force lui revenaient.
Elle se déshabilla pour pouvoir se laver de la tête aux pieds. C’était une habitude chez elle, la douche froide en revenant chaque matin de sa promenade à cheval. Elle ne pouvait s’en passer, autant par hygiène que par goût.
Il était autoritaire et aimait à le montrer sans se douter que ses fils ne faisaient, en somme, que ce qui leur plaisait ! Sa fille, Ariane, était un peu sa victime, elle s’en défendait farouchement. Il aurait aimé en faire sa secrétaire. Possédant une culture étendue, il écrivait la vie d’un maréchal de Sainville, père de l’infortunée Amicie. Les ambitions d’Ariane étaient certainement bien différentes, et sa grand-mère était peut-être la seule à les connaître, en supposant que la secrète Ariane se soit jamais confiée à elle.
Félicité n’avait aucune vocation pour l’enseignement, pas davantage pour s’occuper de jeunes enfants ; la gérance d’une ferme ou même d’un domaine aurait convenu à ses goûts, à ses aptitudes, à son activité. Elle avait été pour son père une précieuse collaboratrice.
Elle détestait d’instinct ce genre d’homme aux cheveux huilés, trop parfumés, rencontré pour la première fois de sa vie, dans la cohue de l’exode, comme s’il en profitait, se trouvant dans son élément, en eau trouble.
La vie y était calme et paisible. Tous paraissaient aimer leurs maîtres, jusqu’au jour où de sombres nuages avaient jeté leur ombre menaçante sur ce havre de paix, et c’en avait été fini de sa tranquillité !