« Parfois le courage, c'est partir… »
Encore une fois, la force de la couverture, magnifiquement construire par
Amandine Piu, m'a invitée à ouvrir les pages. Comment ce petit bout de dragonneau, cet enfant si fragile sous la valise qu'il porte, cerné par autant d'agressivité rouge sang, ne peut-il pas vous attendrir ? « Viens là, on va t'aider, n'aie pas peur, aie confiance », c'est ce qu'on a envie de lui souffler doucement à l'oreille.
Car l'histoire de Palmir, c'est l'histoire d'un voyage nécessaire : le parcours d'un enfant qui fuit son pays. Un sujet d'une triste actualité, et traité avec une grande sensibilité, à hauteur d'enfant. Un livre nécessaire.
Avec peu de mots, mais des mots forts de sens,
Gilles Baum trace le chemin de cet enfant déraciné qui doit affronter des obstacles lui paraissant infranchissables, seul, loin de tout support et de tout réconfort. Sa force, c'est son courage, il doit avancer au péril du danger, parce que là-bas, dans ce lointain horizon, il pourra à nouveau trouver sa place.
"Marcher, trotter, courir léger, plus vite que les nuages, sourire."
"Avancer."
C'est un album riche car il se lit à plusieurs niveaux, et lecture après lecture, toute la force du message apparait. Tout d'abord on pourrait y lire le voyage d'un petit dragon qui a décidé de voir le monde, le personnage est mignon, cocasse et bien débrouillard, il dégage une certaine tendresse et il fait face à certaines péripéties avec humour.
Mais son cheminement n'est pas une aventure si légère, ce n'est pas de la curiosité, c'est plus profond que cela. Devoir « franchir des ravins », « fendre des foules », « traverser la mer » « les yeux sur l'horizon » pour enfin « dormir sous une nouvelle lune », « à l'abri », c'est l'odyssée que doit accomplir ce jeune enfant, afin de rester vivant.
Et là, toute la force du trait d'
Amandine Piu, son univers à la fois poétique et tendre, ses couleurs pures, sa manière si particulière de retranscrire les expressions des plus fragiles confrontés à la difficulté est totalement bouleversante. L'émotion monte au fil des pages et le petit Palmir devient particulièrement attachant. On a envie de le prendre par la main, de le guider, en douceur, de le protéger. On s'inquiète pour lui, on lui souhaite de trouver un port d'attache au plus vite, le plus serein possible.
L'album se déroule page après page comme une grande frise chronologique, toujours dans un mouvement vers l'avant. Et le lecteur passe, en même temps que le personnage, par des émotions différentes : la peur de l'inconnu, la tristesse de la solitude mais également la fierté d'avoir trouvé une solution à une difficulté et de la joie, malgré tout, quand la traversée devient un jeu, car c'est un enfant avant tout. En tant que parent, on est totalement désarmé devant la force de ce petit bout de vie qui se dépasse au jour le jour, porté par son espoir.
Et puis un jour, Palmir pose sa valise, il semble avoir saisi la chance au coin de la rue : il va ouvrir la porte, celle qui va lui permettre d'aller encore plus loin : rencontrer d'autres enfants à l'école. Pour tous les enfants, la rentrée, c'est une nouvelle aventure, et pour Palmir, c'est exactement cela : un nouveau départ.
Et c'est dans le partage et la découverte de l'autre que le bonheur pourra naître. Cela prendra du temps, il faudra qu'il soit patient, mais il trouvera l'amitié et l'entraide : « quelque chose qui ne rentre dans aucune valise ».