La Feuille Volante n° 1303
Panorama de la Bande dessinée érotique clandestine – Bernard Joubert – Éditions La Musardine
Tout d'abord je remercie Babelio et les éditions La Musardine de m'avoir fait parvenir cet ouvrage qui figurait parmi un choix plus éclectique .
La bande dessinée est désignée comme le « neuvième art » et son origine remonterait au XIX° siècle aux États-Unis. Au siècle suivant, elle devient populaire, prend le nom de « Comics » et met en scène des super-héros. Constituée d'une succession de vignettes sur un support papier, elle est considérée comme un sous-genre de la littérature, un art mineur par rapport à la peinture mais, destinée initialement aux enfants, elle acquiert sa légitimité, accède à la notoriété et peut être considérée comme un mode d'expression artistique reconnu. Il en va différemment des BD érotiques qui, dès le début, censure et bonnes moeurs obligent, circulent à destination des adultes sous le manteau, tout comme les estampes, gravures grivoises et écrits libertins des siècles précédents auxquels se sont essayés, souvent avec talent, les meilleurs auteurs qui, au nom de la morale bourgeoise hypocrite, se retrouvaient parfois dans les prétoires. Elles sont toujours dédiées à la représentation de corps féminin dénudé, ce qui peut être regardé comme une reconnaissance de sa beauté et l'attirance qu'il suscite chez les hommes. Il en va différemment de la version graveleuse de la BD(devenue « dirty comic ») et cet ouvrage qui, si son titre se réfère à l'érotisme, montre beaucoup de pornographie et, de ce fait, sera donc cantonnée dans la clandestinité. En France elle apparut après la Libération, dans le paquetage des GI fraîchement débarqués qui n'ont pas apporté avec eux que le chewing-gum et le Coca-cola, puis, l'émancipation des moeurs s'affirmant, elle fut diffusée, mais toujours dans une clandestinité obligée par la morale chrétienne, le puritanisme bourgeois, les poursuites policières et les sanctions judiciaires. Bernard Joubert étudie ce phénomène à travers des publications diverses éditées et diffusées en français. Elles présentent souvent un graphisme approximatif, souvent monochrome, plutôt pauvre, parfois grossier dans le coup de crayon, presque uniquement concentré sur les parties génitales représentées d'une manière surdimensionnée et même caricaturée, au détriment du reste du corps et sur les poses parfois acrobatiques dignes du kamasutra ayant pour seul but la recherche de la jouissance et n'excluant pas une certaine perversité parfois même scatologique. Les jeux sexuels qu'elles représentent font la part belle au vice, voire à la luxure qui trouvent ici un libre épanouissement. le texte, quant à lui reste très accessoire, présenté ou non sous forme de bulles, il est à l'avenant des images et offre parfois des jeux de mots triviaux; les scénarios sont assez simples voire simplistes, les développements lubriques et rarement imaginatifs et les épilogues attendus, ce qui témoigne rarement de l'originalité, laisse beaucoup de place au plagiat mais répond à la demande du lecteur devenu voyeur. le moins que l'on puisse dire est que le but recherché est atteint.
Ce genre nourrit et se nourrit des pulsions sexuelles les plus intimes, parfois les plus refoulées et des fantasmes les plus enfouis des êtres humains des deux sexes. Mettant en scène des hommes et des femmes, il cantonne souvent ces dernières dans des rôles actifs et consentants mais bien souvent dans celui de victimes passives, parfois exagérément naïves, ce qui n'est sans doute pas sans induire à terme les manifestations féministes en faveur du droit des femmes à disposer de leur corps. Si ces BD montrent des pratiques saphiques elles ne prennent en compte que marginalement et plus récemment le mouvements gay. Il y a même parfois des scènes de zoophilie !
Cette étude est bien documentée et largement illustrée par des publications sous le crayon d'auteurs français, mais examine aussi les revues spécialisées étrangères qui oeuvrent aussi dans le même registre illicite, de libération des moeurs mais aussi de leur volonté affichée de choquer. C'était souvent des combats militants contre les personnalités qui incarnaient la bigoterie ou les ligues de vertu, mais aussi des critiques satiriques sans doute un peu faciles et gratuites qui visaient à ridiculiser le personnel politique, une manière de se moquer des dirigeants. Mais interviennent ici des notions juridiques de « droit à l'image » et d'atteinte à la vie privée qui nourrissent les procès et les avocats, mais c'est là un autre sujet.
J'ai été à la fois surpris et intéressé par cet ouvrage qui a l'avantage de me sortir de mes lectures habituelles tournées vers la fiction littéraire.
© Hervé Gautier – Décembre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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OUVRAGE REÇU DANS LE CADRE D'UNE MASSE CRITIQUE
J'avais demandé cet ouvrage dans le cadre de la dernière masse critique car le sujet de la censure m'intéresse et que je trouvais le sujet de ce livre original et disons le audacieux. le contenu scientifique de l'ouvrage est très intéressant mais je déplore un manque d'équilibre avec la partie reproduction des BD érotiques clandestines. Je m'explique : après une introduction sur le contenu de l'ouvrage, le livre fonctionne par chapitres qui eux même contiennent une introduction à l'oeuvre étudiée et des reproductions de celle-ci. Il m'a semblé - personnellement - qu'il y avait plus (trop?) de reproduction comparé aux commentaires et aux explications de l'auteur. Ajoutez à cela que les chapitres sont très mal délimités (j'aurai préféré des sauts de pages, des titres bref, plus de clarté) ce qui fait qu'on se retrouve noyé dans des pages et des pages de reproduction de BD érotiques (ou pornographique selon le curseur)... Comme je m'intéressais plutôt au côté scientifique de l'ouvrage j'ai donc été quelque peu déçue! Néanmoins l'ouvrage reste intéressant et je le recommande au lecteur curieux d'en savoir plus sur la censure des BD érotiques ou tout simplement d'en découvrir des reproductions!
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L’historien de la censure Bernard Joubert a eu la bonne idée d’en rassembler et commenter une quinzaine - souvent plus amusants qu’émoustillants - qui fleurent un passé disparu, où le salace était encore jugé subversif.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Ainsi, même si l'on aurait pu espérer davantage d'exhaustivité, je dois bien dire que ce livre reste encore maintenant un excellent outil de défrichage, parfait pour prendre le pouls d'un genre encore assez injustement méconnu. Pour amateur du genre, curieux d'en savoir un peu plus !
Lire la critique sur le site : Sceneario
Les œuvres clandestines vendues sous le manteau au temps où la censure était encore plus violente qu’aujourd’hui (oui, c’est possible !) demeurent méconnues. Il fallait un spécialiste érudit comme Bernard Joubert pour oser ouvrir ce dossier à la fois discret, scabreux et brûlant.
Lire la critique sur le site : BDZoom
D'ailleurs, y aura-t-il de l'érotisme dans ce livre? Non, pour ceux qui opposent ainsi érotisme er pornographie; oui, si on considère, à notre manière, que la pornographie est un sous-ensemble de l'érotisme.
Conférence de l'éditeur Thierry Magnier et de l'historien Bernard Joubert sur l'actualité de la loi de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse.À l'occasion de l'exposition Ne les laissez pas lire ! Polémiques et livres pour enfants, la BnF invite des historiens, des auteurs et des éditeurs à évoquer les conséquences de loi de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. Conférence enregistrée le 26 novembre 2019 à la BnF I François-Mitterrand.Pour en savoir plus : l'exposition Ne les laissez pas lire ! (https://www.bnf.fr/fr/agenda/ne-les-laissez-pas-lire