Rappelez vous ces livres que lisaient vos (mes) enfants, ces livres dont ils étaient les héros : « Si vous choisissez la voie de droite, allez page 16. Et si vous choisissez la voie de gauche, allez page 102. »
Reprenant ce processus ludique, dans «
Pensez vous vraiment ce que vous croyez penser »,
Marianne Chaillan professeur de philosophie , qui avait écrit un merveilleux livre :
La playlist des philosophes, nous convie à cette expérience : clarifier nos pensées, nous débarrasser de nos préjugés, être en accord avec nous mêmes. Super, Non ? Pour cela, elle a recours à des exemples concrets.
Prostituer sa soeur ou se prostituer soi même par choix, sont-ce des actions moralement équivalentes ? Si l'on dit non, on est minimaliste: il est immoral de prostituer sa soeur surtout sans son consentement, mais l'on peut faire ce qui nous plait de notre corps et ce n'est pas immoral. Si l'on dit oui, les deux actions sont immorales, on est du coté de
Kant : il existe un impératif catégorique qui empêche de nous dévaluer, même par plaisir.
Que dit
Kant ?
Dans la
Critique de la raison pratique,
Kant admire deux choses : le ciel étoilé au dessus de nous, et la loi morale en nous. Nous sommes petits à l'intérieur de l'univers, émerveillés par la beauté absolue d'un ciel étoilé, et grands quand nous suivons la moralité que tous les hommes possèdent en s'indépendant de l'animalité. Tous les hommes savent qu'il ne faut pas tuer, même si parmi eux il y a des tueurs. Tuer ne peut être considéré comme un but, ni comme un souhait ou comme une revendication morale.
Qu'est ce qu'être moral ?
D'abord, écartons la fausse morale, ou impératif hypothétique : Faire un acte qui paraît bon, dans un but intéressé, ou pour se faire valoir, se faire remercier, etc, etc.(exemple que je me permets d'évoquer : les cafés « suspendus », anonymes et généreux seraient considérés comme moraux par
Kant)
le vrai acte moral, pour
Kant, c'est ce qui peut s'universaliser, devenir une loi universelle, qui peut s'appliquer universellement, et qui n'instrumentalise pas autrui.
Se basant sur le livre de Thomas de Quincey, « les derniers jours de la vie d'
Emmanuel Kant » élogieux récit de la vie réglée du philosophe, elle conclut : « un drôle de personnage indubitablement » . Or ce qui est indubitable, c'est son parti pris contre la morale kantienne.
Pour cela, malheureusement,
Marianne Chaillan prend de mauvais exemples : manger une saine salade ou un panini bien gras ? Faire passer son plaisir avant sa santé ?
Vous avez compris, selon elle,
Kant bannirait le panini. Devant le choix réviser son bac ou prendre un bon gouter, ou, pour Mozart par exemple, devenir un génie… ou regarder Gulli,
Kant choisirait moralement le bac et la musique.
Sauf que personne ne passe sa vie à regarder Gulli, ni à prendre un gouter, aussi ces « ou bien… ou bien » de MC ne sont pas très éclairantes pour se choisir une famille philosophique.
Ses questions sont elles mêmes partisanes, ( pardon, Marianne), car emportée par son amour pour
Ruwen Ogien( par ailleurs lui aussi un grand penseur) et donc son rejet de
Kant, elle pose dès le début un faux problème. : déduire en prenant des exemples déjà utilisés dans la «
playlist des philosophes », et tout droit sortis de
Ruwen Ogien, que la morale est plus complexe qu'il n'y paraît.
De là, elle en conclut que nous devrions, si nous sommes kantiens, pour être congruents avec nous même, nous prononcer contre la masturbation, parce que ce serait choisir le plaisir contre le devoir ( sauf que personne, pas même
Kant ne passe sa vie à se masturber et en arrête de travailler) le suicide, la PMA, la GPA, l'euthanasie, l'avortement….. mais rien ne dit que
Kant, s'il avait été mis devant ces nouveaux cas moraux, toutes conditions égales par ailleurs, aurait été aussi rétrograde.
D'ailleurs, par un retournement inespéré, elle cite dans sa dernière page les «
Leçons d'éthique » , où
Kant précise que « chacun peut faire ce qu'il veut avec son corps, cela n'étant l'affaire de personne ».
Kant porterait seulement un jugement moral contre la prostitution par exemple, la PMA, l'euthanasie, le suicide, etc, mais ne serait pas d'accord avec leur interdiction juridique.