(ANTICYCLONES, HIVERS)
I
Vois tout qui ― violet et or et ressort ―
je dirais presque qu’il régurgite, régurgite,
il ne se retient pas, il est content, il est mûr
pour donner des figures, arracher des figures d’autres figures
en violet et ors Songe à l’éclosion des ors, allonge la main,
montre-toi, prends note, à cœur, en charge,
sois quelque violence pour avoir à cœur
Sois dans le prochain tête-à-tête avec le suranné du violet,
oui, de la violence dans cette gorge,
j’écoute en nageant toute cette violence,
si première et si incrée qu’elle en devient innocente,
mais non moins assassine ― dans l’or et le violet
Il y a le brouhaha, le toucher et la décrépitude,
violet de non, non, non le carillonnement du prédicateur
Violet est mon ravir interlire,
il fait charge, il fait masse, il va en masse, en or et violet,
toute pour toi cette transparente
manie de déstructuration mais tu hisses là-dessus la table,
le tu survécus
et la tache de sang Gewalt
m’élevait comme fumier violet,
me tordait, fumier, en elle, m’avait en elle perdu.
Traduit de l’italien et du dialecte haut-trévisan (Vénétie) et présenté par Philippe Di Meo.
[AMOURS IMPOSSIBLES]
Amours impossibles comme
sont effectivement impossibles les collines
Il n’est pas possible que tant d’amour
soit en elles ouvertement
donné
et dans le même temps dissimulé, et d’ailleurs
rendu inaccessible
Incessante série d’inaccessibilités
qui joue cependant comme tapis
captivant, évoluant sur la
plus grande brèche démence désuétude
Collines riches de mille dangers de mort
pour en toute quiétude
pour hasardeux secourir
parmi des ciélitudes
pour insuffisance d’attention à soi ―
de fortune en fortune
« il entravera » « il se défilera »
Traduit de l’italien et du dialecte haut-trévisan (Vénétie) et présenté par Philippe Di Meo.
Soif nocturne de mars,
campagnes desséchées tailladées à froid
comme est taillée la barbe,
taillée toute volonté de lévitation,
et tout est lévité et néanmoins compris dans le gel,
second rôle du gel,
la poussière est gel, si desséchées de soif, dans les phares,
que nous trouvons dans la taillade, n’aboie pas
la route, le virage – j’éternue –
ravagées, gibbeuses, croissantes, chargées de vide,
routes chargées et puis herbettes champêtres et palais vidé
et trop responsables d’inventions n’aboie pas
mais non nuit, mais cahoter dans la nuit,
routes où la plus petite chose accourut pour y mourir,
pour être un instant plus chaste, plus digne,
pour être un phare
ou un scintillement de rien-verre n’aboie pas
Avec Antonella Anedda, Michel Deguy, Jacques Demarcq, Benoît Casas, Andrea Inglese, Sophie Loizeau, Valerio Magrelli, Claude Mouchard, Guido Mazzoni & Martin Rueff
Andrea Zanzotto est né il y a cent ans et mort il y a dix. Ce double anniversaire, marqué par d'importantes publications posthumes, Erratici, disperse e altre poésie (1937-2011 – Francesco Carbognin éd., Mondadori, 2021), Traduzioni, trapianti, imitazioni (Giuseppe Sandri éd., Mondadori, 2021) est l'occasion de nombreuses célébrations en Italie comme en France. Dans le cadre d'un colloque de trois jours, « Zanzotto europeo, la sua poesia di movimento » (25-27 novembre 2021), organisé par Giorgia Bongiorno, Laura Toppan, Andrea Cortellessa et Martin Rueff, la Maison de la Poésie accueille cette soirée exceptionnelle. Des poètes de France et d'Italie évoqueront la figure d'Andrea Zanzotto, l'importance de son oeuvre, la fécondité de son héritage.
Le programme du colloque est consultable sur le site de l'Institut Culturel Italien
À lire – Andrea Zanzotto, Venise, peut-être, trad. de l'italien par Jacques Demarcq et Martin Rueff, éd. NOUS, 2021.
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