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EAN : 9782367344188
372 pages
Au Vent des Iles (06/01/2022)
4.18/5   36 notes
Résumé :
Le portrait d'une Polynésie contemporaine déchirée par la misère et les différences qui séparent les hommes. A travers l'histoire d'une famille, celle d'Auguste, de Ma et de leurs enfants, dont Pina, petite fille délaissée, T. Peu lève le voile sur les violences morales, affectives, sexuelles et sociales auxquelles tous doivent survivre.
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Un roman comme un arbre. Au fil des pages nous y découvrons les branches comme autant de personnages qui, au delà de leurs liens familiaux, décrivent la vie du peuple tahitien, dans Tenaho, un quartier défavorisé à l'est de Papeete. Celle de Pina s'y illustre comme aucune autre. Encore jeune et frêle, elle n'en est pas moins solide que celles qui lui ont donné naissance. Sous le vent elle oscille pour attirer notre regard et nous montrer son histoire.

Captivante, la plume de Titaua Peu, s'en éloigne un peu, elle nous entraîne, part effleurer les racines avant de revenir vers le tronc. Une écorce sous laquelle s'epaississent les affres du colonialisme, la domination, le racisme, la brutalité, l'injustice. Derrière le sable fin du paradis exotique que l'on aime se figurer, la réalité est écoeurante. Qui possède quoi ? Qui possède qui ? La rage s'infiltre, gronde, monte, peine à se contenir. Martyr ou bourreau ? Quel autre avenir ?

Puis vient la violence, un coup de hâche dans le bois vivace. Né de l'humiliation, couvé par le machisme latent, reçu par les victimes favorites de la virilité humiliée : les femmes et les homosexuels. Évacuer une domination par une autre n'a jamais fonctionné. Et la sève de l'arbre s'écoule, comme le sang des victimes, même les plus innocentes.

La plume virevolte, par delà les mers, le long des branches elle trouve parfois des bourgeons, ils donneront des fleurs un peu timides ou éclatantes. Peut-être porteront-elles leur fruits. Des fruits nourriciers qui viendront alimenter les espoirs d'indépendance et de liberté. Ou des fruits trop lourds à porter pour des branches qui n'ont pas eu le temps de grandir.

Ce roman sombre, âpre, social et politique, expose des problèmes actuels qui ne se posent d'ailleurs pas qu'en Polynésie. Une lecture forte en émotion que je ne suis pas prête d'oublier.

Chroniqué dans le cadre d'une masse critique, je remercie chaleureusement la maison d'édition Au vent des îles et Babelio.
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Avec Pina, l'entrée se fait de plain-pied dans Tenaho, quartier pauvre de la banlieue de Papeete, bien loin des images idylliques de Tahiti. Pina, c'est l'une des petites dernières, de moins de dix ans, d'une famille nombreuse, qui doit déjà gérer beaucoup pour son jeune âge, qui doit aussi faire face à la violence, du père, alcoolique notoire, de la mère, qui regrette plus que tout son existence et son mariage avec un homme qui est devenu l'ombre de lui-même. Jusqu'au jour où le père a un grave accident... La vie, enfin, va-t-elle prend un autre tournant ?

La vie de Pina et de sa famille nous est racontée par un va-et-vient entre présent et passé, va-et-vient qui permet de cerner au mieux chaque membre, va-et-vient qui permet de mettre encore davantage en évidence les insoutenables conditions de vie de nombre de tahitiens, entre vols, prostitution, drogues, et les insoutenables disparités entre les gros bonnets, une infime partie de la population, finalement, et les autres, les laissés-pour-compte comme Pina et les siens, qui vivotent jusqu'au mieux, très rare, ou au pire, tragiquement plus commun.

Noirceur et désespoir sont centraux dans ce roman qui ne nous laisse que bien peu le temps de souffler, qui plus est en raison de la présence d'un bref texte, parfois entre deux chapitres, toujours le même texte, d'une veine assez paradoxalement - voire cyniquement - poétique, texte qui s'étoffe au fil des pages, texte qui nous décrit tragiquement l'indescriptible avant qu'il n'arrive et vient enfoncer le clou de la violence de toute l'histoire.

Un roman éprouvant, qui ne peut laisser indifférent, mais terriblement nécessaire par son engagement à montrer la réalité tahitienne. Je m'en souviendrai longtemps.
Lien : https://www.aubonheurdesmots..
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Un roman rare, essentiel, implacable, qui nous prend complètement à rebours, qui nous sonne, nous assomme, et nous remet ensuite la tête en place, qui déconstruit un mythe, un mirage, celui du paradis polynésien, territoire français des antipodes.
Car que sait-on vraiment, nous, lointains métropolitains, de ce que nous avons fait de ces îles en les colonisant ? En imposant notre culture et notre religion, nos essais atomiques, nos fantasmes pour les jeunes vahinés, notre voracité. Dans un quartier anodin de Papeete, Ma, ses filles et ses garçons, son mari, chacun à sa façon, avec ses errances et ses espérances, vont nous en raconter la véritable histoire, le désastre. le tableau est sans concessions.
Avec beaucoup de subtilité, Titaua Peu nous présente tous les fléaux, que je vous laisse découvrir, qui gangrènent la société et les natifs tahitiens. Certaines scènes sont crues, tandis qu'à d'autres moments il y a des non-dits que notre imagination se charge de combler. On vit avec les personnages la rage du désespoir et le sursaut de dignité.
Titaua Peu, avec son écriture puissante, urgente, tragique, est une très grande autrice.
Un immense merci à Babelio et aux éditions au vent des îles pour ce grand roman, à découvrir absolument.
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Il y a des romans qui, littéralement, mettent une claque dont on a du mal à se relever. Pina, nouveau manifeste de Titaua Peu, est de ceux-là. Sa plume exacerbée crisse à nouveau dans une encre des plus noires, incarnée par une protagoniste hors norme, tourmentée par la fatalité du destin, targuée des pires séquelles de la vie. Plongée en eaux troubles avec ce manifeste noir de rage au contenu pourtant universel, bien qu'à la rédemption pour le moins… incertaine.

Véritable « femme engagée, femme enragée », Titaua Peu a été piquée par le besoin d'écrire dès l'adolescence. Elle découvre tant de combats relatés dans les livres. Combats qui, pour être ceux de son peuple, deviennent siens. Elle y trouve l'inspiration et la force de mener à bien ses propres batailles une fois de retour au fenua. Chose promise, chose due : Titaua Peu ne pourra que prendre la plume pour agir et dénoncer les maux dont souffrent en silence trop d'oubliés pour tenter de les diagnostiquer par les mots. Un exercice tout aussi hasardeux que douloureux et pourtant, libérateur.

Alors que Mutismes dressait un « état des lieux des non-dits, Pina prolonge le no man's land où se côtoient le désert humain et la mort, troublée uniquement par le cours d'une rivière ». Une écriture poignante où tout le monde en prend pour son grade, malgré le désir d'humanité qui transpire entre les lignes.

C'est à Pirae dans le quartier de Tenaho que le récit prend forme. Un quartier discret, presqu'oublié, réceptacle de quatre générations d'une tranche de la population quasiment absente des écrans de contrôle. Sauf lorsque la rivière s'emporte et emporte tout sur son passage. Comme ce fût le cas plus tôt cette année lors des crues sauvages qui ravagèrent ce quartier. Un ravage de plus…

Pina, c'est avant tout l'histoire d'une myriade de femmes, « de la pute à la sainte », précise l'auteur. Normal dans une société polynésienne a priori matriarcale, où les femmes ont toujours assumé une place prépondérante dans la société, certes, mais où l'homme reste le maître à bord. Dans Pina, il y a bien quelques hommes, réduits aux rôles ingrats (le macho violent, l'époux maltraitant, l'amant hors d'atteinte) et relayés au second plan. Néanmoins, Titaua Peu met des mots pour la première fois sur deux interdits majeurs : la masturbation infantile et l'homosexualité. Un tour de force volontairement déterminé.

Pina, une Cosette polynésienne ? « Non, définitivement non ! » lance Titaua Peu, visiblement amusée par la comparaison. « Car Pina, elle se révolte, elle n'accepte pas sa condition ! C'est autant le porte-voix qu'un souffre-douleur d'une génération passée sous silence. » Inspirée par les protagonistes féminins de Toni Morrison, bercée par les paroles envoutantes et les mélodies mélancoliques de Billie Holiday, c'est ainsi qu'est née Pina. À cela s'ajoute l'expérience vécue par l'auteur dans le quartier familial de Tenaho. le tout saupoudré d'un fait divers inédit sur fond d'extrême cruauté et de misère sociale : voici les ingrédients d'un récit résolument obscur, aussi violent et dérangeant que ne l'est la réalité, souvent occultée, toujours relativisée.
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Tenaho est un quartier pauvre, à l'est de Papeete. Pina a moins de dix ans. Elle essaye, tant bien que mal de vivre dans un environnement familial effrayant : un père (Auguste), violent et alcoolique, une mère (Ma), mal aimante, un frère (Pauro) tendre mais fragile, une petite soeur (Moïra) encore bébé, un grand frère (Auguste junior), paresseux et délinquant, une soeur aînée (Hannah) revenue d'un long séjour en France métropolitaine et très engagée politiquement. Tout se met à déraper autour d'elle dans une escalade de violence au moment-même où les événements politiques de la Polynésie précipitent le pays dans un étrange entre-deux, ni indépendance, ni autonomie….
La fratrie chaotique se découvre un demi-frère (Pauro) -élevé à Paris, policier, qui devient un peu une sorte d'ange gardien….et de révélateur de tous les dysfonctionnements du pays et de la famille.
Le roman présente des points forts : des personnages attachants, des descriptions de la société tahitienne réalistes et hautes en couleur, une rapidité d'écriture, parfois de très beaux moments et des fulgurances poétiques émergeant de la violence du contexte. Malheureusement, il présente aussi des points faibles : un foisonnement un peu brouillon, un manque de rigueur, un emploi très anarchique des temps verbaux (et même un drôle d'oubli des subjonctifs) qui donne parfois une impression de texte « mal écrit ». Certains passages de réflexions philosophiques ou politiques sont superficiels, naïfs et mettent mal à l'aise, enlevant de la puissance au roman qui pourrait en montrer « plus » sans être obligé de théoriser… Dommage….On passe tout près d'un grand livre et d'un grand auteur.

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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Ce matin-là, avant de mourir, il a eu des yeux très étranges, un sourire moqueur, diabolique, il lui a sorti qu’un jour elle comprendrait que cette religion importée ne les élèverait pas. Ni eux, ni leurs descendants. Cette religion était la religion de l’exclusion. Ne croire qu’en un seul Dieu, c’était annuler toute possibilité aux hommes de s’élever au rang de divinité, et donc d’approcher la perfection. Ainsi, avec la religion chrétienne, l’homme sera condamné à n’être qu’un homme. Une créature toujours imparfaite, toujours demandeuse, toujours peureuse.
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Notre maître est un Chinois. On dit à l'école qu'il est sévère et impartial. Il n'a aucune préférence. Mais enfin, c'est quand même bizarre. Le tout premier jour des classes, il nous a lui-même installés. Alors, la salle de classe, elle ressemble à ça : devant il y a les élèves qui ont les cheveux blonds. Au milieu, on trouve des cheveux noirs, mais ce sont ceux des petits Chinois. Puis, au fond, d'ailleurs ça m'arrange, il y a nous, les "petits" d'ici. On est tous du même quartier. On n'est ni Chinois, ni un peu clairs. Au contraire, on est tous très marron foncé. La classe, elle fait un peu métissé pour être gentil, bariolée, stratifiée, pour dire les choses un peu méchamment.
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Ils ont raison. Et je souris, je ris. Tahiti, lieu de toutes les incompréhensions. Île des différences qui séparent.
Faut croire que le soleil oblige certains à perdre tout sens de la correction.Quand on voit ce qu’on voit, on ne peut s’empêcher de penser à une chose. Une chose qui sonne comme une réclame, un slogan bien trouvé : « Tahiti, laboratoire de cons en quête d’exotisme. »
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Je sais pas si j’ai déjà dit que tante Poe avait des tonnes de gosses. Sûrement, parce que c’est la première chose à laquelle on pense, quand on la voit. Large, obèse, mais agile, des seins aussi vertigineux que les montagnes de chez moi, qu’on n’escaladait jamais. Tout ça, c’était le corps de tatie. Un corps fait, taillé pour porter le plus d’enfants possible, pour consoler les chiards, leurs petites et leurs grosses douleurs. Un corps qu’apparemment son mari aimait, aimera toujours, jusqu’au moment où le soleil et la terre seront vidés de leurs souvenirs.
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Toutes les histoires commencent par des histoires de famille. Dans chaque famille, il y a des personnes qui ont le même sang. C'est sûr. Mais il arrive que dans les familles, il y ait des destins qui se séparent, des gens qui ne se ressemblent pas du tout. Et ça amène des tas de rendez-vous manqués, des incompréhensions aussi. Ça arrive. C'est la vie.
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Videos de Titaua Peu (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Titaua Peu
À l'occasion de leur venue à la librairie Dialogues pour une rencontre autour de leur livre, "Escale en Polynésie" publié aux éditions Au vent des îles, Titouan et Zoé Lamazou nous ont confié plusieurs conseils de lecture !
La femme de Parihaka de Witi Ihimaera : hhttps://www.librairiedialogues.fr/livre/6737338-la-femme-de-parihaka-witi-ihimaera-au-vent-des-iles le baiser de la mangue d'Albert Wendt : https://www.librairiedialogues.fr/livre/702160-le-baiser-de-la-mangue-albert-wendt-au-vent-des-iles Diadorim de Doão Guimarães Rosa : https://www.librairiedialogues.fr/livre/999016-diadorim-joao-guimaraes-rosa-editions-10-18 Pina de Titaua Peu : https://www.librairiedialogues.fr/livre/20130193-pina-titaua-peu-au-vent-des-iles Au temps des requins et des sauveurs de Kawai Strong Washburn : https://www.librairiedialogues.fr/livre/18956184-au-temps-des-requins-et-des-sauveurs-roman-kawai-strong-washburn-gallimard Manières d'être vivant de Baptiste Morizot : https://www.librairiedialogues.fr/livre/16090590-mondes-sauvages-actes-sud-manieres-d-etre-vi--baptiste-morizot-actes-sud Calanques, Les entrevues de l'Aiglet de Karin Huet : https://www.librairiedialogues.fr/livre/16651719-calanques-les-entrevues-de-l-aigle-karin-huet-parc-national-des-calanques-glenat-livres
Belles découvertes !
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