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Jacques Lacarrière (Traducteur)Egérie Mavraki (Traducteur)
EAN : 9782070325290
224 pages
Gallimard (14/03/1989)
4.34/5   38 notes
Résumé :
Ce recueil contient la somme poétique de George Séféris (Prix Nobel de Littérature 1963) depuis 1933 jusqu'à 1955 ainsi qu'un autre recueil "Trois poèmes secrets". On y trouve aussi une préface d'Yves Bonnefoy et une postface de Gaëtan Picon.
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
« Ami, nous venons trop tard » avait déjà écrit Hölderlin dans son fameux poème Pain et Vin. Cette présence tardive s’exprime dans la poésie de Seféris, car comment être un poète grec après tant de noms illustres qui ont brillé dans le ciel helléniste? Cette condition du poète est celle de toute une nation qui a connu jadis la gloire et la majesté.

Ici, nous avons jeté l’ancre pour réparer nos rames brisées,
(…)
La mer qui nous a meurtris, la mer profonde est insondable,
Déploie son calme sans limites.
(…)
Nous sommes repartis avec nos rames brisées
Et ailleurs :
La vie qu’on nous a donnée à vivre, nous l’avons vécue.

Seféris, surtout dans Mythologie, nous décrit cette disparition douloureuse des amis et des navires :
Nos amis sont partis
Peut être ne les avons-nous jamais vus
Ou encore :
Tout ce que j’ai aimé a disparu avec les maisons
Neuves l’autre été

Rien ne reste que le calme qui a envahi même la mer autrefois tumultueuse.
La Grèce antique devient « Mythistorima » (une mythologie historique). Le poète est « comme celui qui porte les grandes pierres », le fardeau tragique de décrire cette décadence.

Dans Cahiers d’études, il varie ses outils (haïku, poèmes en prose…). Poète universel, Seféris ne se prive pas d’employer des vers et des phrases venus de partout (même cette fameuse phrase de Proust qui ouvre son Du côté de chez Swann). Cette universalité apparait aussi dans sa capacité à rendre un simple quotidien digne d’une mythologie symbolique qui ne décrit pas seulement la condition de l’homme grec mais celle de l’Homme. Or, le poète ne cesse de situer ces poèmes dans des cadres spatiaux issus de la belle nature grecque (ses arbres et surtout ses mers).

« Pourquoi des poètes en temps de détresse ? » : Seféris cite Hölderlin. Les affres de la Guerre Mondiale pèsent sur l’âme du poète ainsi que son exil involontaire.

En somme, ce recueil qui comporte la majorité des poèmes de Seféris est un plaisir de lecture.
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Séféris est un orfèvre du verbe. Ici traduits par deux poètes français, tout aussi orfèvres : Lorent Gaspard et Yves Bonnefoy. La traduction donc nous rend toute la richesse lexicale de ces vers posés souvent en toute simplicité sur la page.
Le poète nous partage un riche vécu, fait de grands espoirs et de désillusions, tant politiques qu'humaines, ses voyages, ses missions diplomatiques ou son errance au travers d'une acuité toute particulière pour la nature, la moindre pierre, le souffle du vent, le balancement d'une branche, le va-et-vient des vagues, la bâtisse où il a vécu.
Le paysage, le décor contiennent l'idée, ils sont autant métaphores que présences bien réelles.
Lecture promenade dans cette vie bien chargée mais d'une grande élégance, ainsi définirais-je les poèmes de Séféris.
Un énorme coup de coeur !
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Mon premier coup au coeur vient de la lecture des notes biographiques qui accompagnent ce double recueil : Plus de trente mille personnes ont suivi le cercueil de Georges Séféris lors de son enterrement en 1971... cela en dit long sur l'homme, sur son peuple, et cela m'interpelle grandement une foule portée par l'élan d'un poète... a-t-on vu ça depuis la mort d'Hugo?
Réel coup de coeur également pour le premier recueil, "Poèmes", en particulier pour les poèmes rassemblés dans le chapitre Mythologie, pour ces vers universels qui disent l'histoire, la Grèce, l'exil, la nostalgie d'une civilisation qui disparait. Qui évoque avec simplicité et un oeil plein de lumière la beauté accueillante des îles la richesse de la pierre.
Dans les trois Journaux de bord écrits à différentes périodes de sa vie de diplomate en Europe, en Afrique et aux Proche-Orient, en dépit de vers parfois abscons pour moi, j'ai aimé sentir le poète - citoyen loin de sa terre, amoureux du monde ou languide, sombre ou vibrant, évoquer amour et racines mais surtout les soubresauts tumultueux de son époque.
Je suis par contre passée totalement à côté du second recueil, Trois poèmes secrets, auxquels je n'ai strictement rien compris.
Grand plaisir d'avoir découvert un nouvel auteur nobelisé, dont l'universalité du propos mérite bien cette prestigieuse récompense.
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Premier écrivain grec récompensé par le prix Nobel de littérature en 1963, Georges Séféris a vécu de très près l'histoire de son pays en particulier en tant que diplomate. Né à Smyrne, avant que les Grecs ne soient chassés de l'Asie mineure, il a expérimenté très tôt l'exil. Sa poésie est nourrie de toutes ces expériences, ainsi que de l'histoire et de littérature antique.

Le personnage d'Ulysse et ses voyages est une figure essentielle, pour ainsi dire toujours présente, même si ce n'est pas de manière explicite, même si c'est en arrière fond, fondue dans le décor. Mais un Ulysse qui n'aurait pas une Ithaque rassurante et familière où rentrer, où la vie d'avant pourrait repartir. Meurtris par les violences, par les guerres, par les morts, les vers de Séféris ont toujours une tonalité mélancolique, triste, quelque chose d'irrémédiable a eu lieu, et il n'est pas possible de revenir à un monde d'avant après les voyages, même si on en rêve, on y aspire, on l'imagine. Il reste cela au moins, la possibilité d'évoquer dans les vers les beautés et les lieux, les moments paisibles, comme si c'était le dernier endroit où ils pouvaient encore surgir. L'histoire ancienne et moins ancienne, le présent, se mêlent, coexistent, les êtres nés à des siècles d'intervalles se répondent, unis dans le même destin, dans la même humanité.

Poésie poignante, très écrite, mais en même temps très charnelle, qui provoque émotion et admiration, c'est sans aucun doute l'oeuvre d'un des plus grands poètes du XXe siècle.
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Cette deuxième tentative de lecture du poète grec Georges Séféris est plus fructueuse que la première même si mon enthousiasme n'est probablement pas à la hauteur de son talent récompensé par le prix Nobel de Littérature en 1963.
En effet, j'ai préféré ce recueil "Poèmes 1933-1955 - Trois poèmes secrets" à son unique roman "Six nuits sur l'Acropole" dont j'ai abandonné rapidement la lecture, ne comprenant rien.
Il faut dire que la poésie est plus abordable quand on l'aime même si tout n'est pas limpide.

Georges Séféris évoque surtout la douleur du déracinement. Il cherche à retrouver le vrai visage de la Grèce, pas celui qui est épuré par une conception occidentale. D'ailleurs, un premier chapitre intitulé Mythologie porte bien son nom puisque les poésies traduites du grec moderne par Jacques Lacarrière et Égérie Mavraki, évoquent l'exil, le voyage et les îles lointaines. On retrouve aussi Némésis la déesse grecque de la justice, Hélène et de nombreuses références à l'Odyssée.
Si la mer et les îles sont présentent, c'est le cas également de la nature et des paysages grecs avec ses Agapanthes souvent citées.

Le clin d'oeil à Henry Miller m'a amusée d'autant plus que j'ai lu récemment son récit de voyage "Premiers regards sur la Grèce" dédié à Georges Séféris. Ceci explique cela ainsi que leur hommage respectif au danseur Nijinski proche du poète grec et de l'écrivain américain.
Les poésies ont été écrites sur une vingtaine d'années, entre 1933 et 1955, la guerre est donc un sujet que Séféris aborde, sensible au devenir des êtres humains. C'est ce que je retiens principalement de ses poèmes.


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Citations et extraits (101) Voir plus Ajouter une citation
Ne me parle pas du rossignol, ni de l'alouette,
Ni du petit hoche-queue
Traçant des chiffres dans la lumière avec sa queue,
Je ne sais pas grand'chose des maisons :
Je sais qu'elles ont leur caractère, voila tout.
Neuves au début, comme les petits-enfants
Qui jouent dans les jardins avec les franges du
soleil,
Elles brodent des persiennes de couleur et des
portes
Etincelantes sur le jour.
Quand l'architecte a fini, elles s'altèrent,
Elles se rident, ou sourient, ou encore s'irritent
De ceux qui sont restés, de ceux qui sont partis
Et de ceux qui reviendraient s'ils le pouvaient,
Ou qui ont disparu, maintenant que le monde
Est devenu immense hôtellerie.

Je ne sais pas grand'chose des maisons ;
Je me rappelle leur joie et leur tristesse
Parfois quand je m'arrête ;
aussi
Parfois près de la mer, dans des chambres nues,
Sur un lit en fer, sans rien qui m'appartienne,
En regardant l'araignée du soir, je me dis
Que quelqu'un s'apprête à venir, qu'on le pare
D'habits blancs et noirs, de bijoux de toutes les
couleurs,
Et qu'autour de lui à voix basse
Parlent des femmes de grande dignité,
Cheveux gris et sombres dentelles
Qu'il s'apprête à venir me dire adieu,
Ou qu'une femme à la prunelle prompte, à la taille
de guêpe,
Revenant des ports du Midi,
Smyrne, Rhodes Syracuse, Alexandrie,
Revenant de cités closes comme de chaudes
persiennes
Aux parfums de fruits dorés et d'aromates,
Monte l'escalier sans remarquer
Ceux qui sont endormis sous les marches.

Tu sais, les maisons s'irritent facilement
Quand on les dépouille.
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RECIT


Cet homme marche en pleurant ;
Nul ne saurait dire pourquoi.
Certains pensent qu'il pleure sur des amours perdus
Pareils à ceux qui nous obsèdent tant,
L'été, près de la mer, avec les phonographes.

Les autres pensent à leurs tâches quotidiennes,
Papiers inachevés, enfants qui grandissent,
Femmes qui vieillissent avec difficulté.
Lui, possède deux yeux comme des coquelicots,
Comme des coquelicots cueillis au printemps,
Et deux petites sources au coin des yeux.

Il marche dans les rues, ne se couche jamais,
Enjambant de petits carrés sur le dos de la terre,
Machine à vivre une souffrance sans limite
Qui finit par ne plus avoir d'importance.

D'autres l'ont entendu parler
Seul, tandis qu'il passait,
De miroirs brisés depuis des années,
De visages brisés au cœur des miroirs,
Que nul jamais ne pourra restaurer.

D'autre l'ont entendu parler du sommeil,
De visions horribles aux portes du sommeil,
De visages insupportables de tendresse.

Nous nous sommes habitués à lui, il est correct, il est tranquille
Sauf qu'il marche en pleurant, sans cesse,
Comme ces saules au bord des fleuves qu'on aperçoit du train
Dans une aube brouillée, par un réveil maussade.

Nous nous sommes habitués à lui - il ne signifie rien,
Comme toute chose devenue habitude ;
Et si je vous en parle c'est que je ne vois rien
Qui ne soit devenu pour vous une habitude.
Mes respects.
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LES FEUX DE LA SAINT-JEAN

Notre destin, plomb fondu, ne saurait changer,
Il n'y a rien à faire,
On a versé le plomb dans l'eau sous les étoiles malgré les feux qui brûlent.

Si tu restes nue devant le miroir à minuit tu verras...
Tu verras au fond du miroir passer l'homme qui, dans ton destin,
Dominera ton corps,
Dans la solitude et le silence, l'homme
De la solitude et du silence
Malgré les feux qui brûlent

A l'heure où le jour finit sans que le nouveau commence,
A l'heure où le temps s'interrompt,
Celui qui dès lors, et depuis l'origine, dominait ton corps
Il faut que tu le trouves,
Que tu le cherches pour qu'au moins quelqu'un d'autre le trouve lorsque tu seras morte
Ce sont les enfants qui allument des feux et crient devant les flammes dans la nuit chaude
(Y eut-il jamais de feu qu'un enfant n'ait allumé, Erostrate !)
Et ils jettent du sel dans les flammes pour qu'elles crépitent
(Qu'il est étrange, le regard que soudain vous jettent les maisons, entonnoirs d'hommes, quand un reflet les parcourt)

Mais toi qui as connu le charme de la pierre sur le rocher battu des vagues
Le soir où le calme descendit,
Tu entendis, au fond de ta chair, la voix humaine de la solitude et du silence,
Quand s'éteignirent tous les feux,
Cette nuit de la Saint-Jean
Et que tu déchiffras la cendre sous les étoiles.
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Solstice d'été


Le papier blanc, miroir implacable
restitue seulement ce que tu étais.

Le papier blanc parle avec ta voix
ta propre voix
non pas celle qui te plaît ;
ta musique est la vie
celle que tu as gaspillée.
Tu peux la regagner si tu le veux
si tu te fixes cette chose indifférente
qui te jette en arrière
à ton point de départ.

Tu as voyagé, tu as vu
beaucoup de lunes, beaucoup de soleils.
Tu as touché morts et vivants
tu as ressenti la douleur de l'adolescent
et le gémissement de la femme,
l'amertume de la verte enfance -
tout ce que tu as ressenti s'écroule
si tu ne fais pas confiance à l'espace blanc.
Peut-être y trouveras-tu ce que tu croyais perdu,
l'éclosion de la jeunesse
le juste naufrage des ans.

Ta vie est ce que tu as donné
ce vide est ce que tu as donné
le papier blanc.
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Quand parleras-tu de nouveau ?
Nos paroles sont les enfants de plusieurs personnes.
On les sème et elles naissent comme des enfants
elles s'enracinent et se nourrissent de sang.
Comme les pins
gardent la forme du vent
même lorsque le vent est parti, n'est plus là
de même les paroles
conservent la forme de l'homme
même quand l'homme est parti, n'est plus là.
Peut-être les étoiles, qui ont piétiné
ta nudité une nuit, cherchent-elles à parler,
peut-être celles-là
Mais où seras-tu à l'instant que la lumière
apparaîtra ici dans ce théâtre ?
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Vidéo de Georges Séféris
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Parmi les poètes qui ont marqué l'histoire de la Grèce, Cavafy chante l'exil et la nostalgie du pays perdu, Ritsos est le poète militant par excellence qui élève sa voix contre la dictature et Séféris, prix Nobel de littérature en 1963, affirme son appartenance à "l'immense espace spirituel du Grand Hellénisme dans sa continuité ininterrompue".
Le temps d'un spectacle musical, la comédienne Anna Mouglalis lit des poèmes choisis. Comme un écho venu d'ailleurs, le plus grec des journalistes français, Nikos Aliagas, lira les mêmes poèmes en grec. Une lecture sublimée par les chansons de Stavros Siolas, une des stars montantes de la chanson grecque contemporaine. Accompagnement musical par Marios-Ivan Papoulias au violon, Georgios Pappas au luth et à la mandoline et Evangila Mavridou au piano.
Avec le soutien de la Fondation Hellénique pour la Culture, du Centre Culturel Hellénique et de la Fondation Michalski..
+ Lire la suite
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature hellénique. Littérature grecque>Littérature grecque moderne (56)
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