Ce très beau recueil de poèmes, publié en édition bilingue, je l'ai trouvé à Lisbonne même. Cinq poètes nous sont présentés dans l'ordre chronologique,ayant vécu là ,au sein de " l'anse radieuse". La préface très intéressante d'Anne-Marie Quint, professeur à la Sorbonne et les présentations des différents auteurs éclairent bien les oeuvres de chacun.
Bonus, et pas des moindres, les illustrations d'André Carrilho, portugais lui aussi. J'adore ce mélange de caricature et de fantaisie surréaliste dans les portraits qu'il trace de chaque poète.
Parmi ces poètes, un regret, une seule femme...Les deux plus connus sont Luis de Camões et Fernando Pessoa.J'aime ce dernier, un peu moins le précédent, trop classique pour moi ( mais il est vrai qu'il est du 16eme siècle). L'intérêt vient surtout de la découverte des trois autres.Cesario Verde,original et sensible, Florbela Espanca, aux vers sensuels et inspirés, courageuse de se faire un nom dans ce monde littéraire du début 20ème dominé par les hommes( Pessoa dira d'elle " Âme rêveuse, Âme soeur de mon âme
!") et Mario de Sà-Carneiro, mon préféré, dont j'ai apprécié vivement les vers, illustrant bien son instabilité, sa quête d'identité, son désenchantement( il se suicidera à 26 ans).
C'est à lui que je laisse les derniers mots:
" Je regarde autour de moi.Tous possèdent
Une affection, une étreinte, un sourire.
Mais pour moi seul se diluent les désirs,
Je ne possède même pas ce que j'enserre."....
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Comme souvent dans les recueils de poésie, certains textes sont juste magiques et magnifiques, d'autres ne m'ont pas accroché, mais c'est toujours avec beaucoup de plaisir que je lis de la poésie.
Ce recueil présente une brochette de poètes portugais avec sur la page de gauche la version portugaise et sur la page de droite la version française. Ma maitrise du portugais étant égale à zéro, j'ai néanmoins pu apprécier les rimes d'origines car parfois avec la traduction, on perd un peu de la beauté poétique du texte.
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Dispersion( extrait)
Je me suis perdu en moi,
Labyrinthe que j 'ėtais;
Et voici que désormais
Je sens le manque de moi.
Et j'ai traversé la vie
En astre fou qui rêvait.
Anxieux d'outrepasser,
J'ai même oublié ma vie...
Poème de Sá-Carneiro
Oui, je sais bien
Oui, je sais bien
Que jamais je ne serai quelqu'un.
Je sais aussi
Que jamais mon oeuvre ne sera finie.
Je sais, enfin,
Que jamais de moi je ne saurai rien.
Oui, mais à présent,
Tant que dure ce moment,
Ce clair de lune, ces ramures,
Cette paix qui nous entoure,
Laissez-moi me croire
Ce que jamais je ne pourrai être.
Poème de Ricardo Reis (Fernando Pessoa)
Un peu plus de soleil-et j'aurais été braise.
Un peu plus d'azur-j'aurais été au-delà.
Pour l'atteindre, me manqua un coup d'aile ...
Si au moins j'étais resté en-deçà...
Mario De Sà-Carneiro
Changent les temps, changent les volontés,
et change l'être et change la confiance ;
le monde entier est empreint d'inconstance,
gagnant toujours nouvelles qualités.
Sans cesse nous voyons des nouveautés,
différant en tout point de nos espoirs ;
du mal restent les plaies dans nos mémoires,
et du bien (s'il en exista) le regret.
Le temps couvre le sol d'un vert manteau,
que la neige glacée couvrait naguère,
et convertit mon doux chant en sanglot.
Et non content de changer chaque fois,
il nous étonne en changeant plus qu'hier,
car il ne change plus comme autrefois.
Camões - "Changent les temps, changent les volontés"
A une jeune fille ( extrait)
Ouvre les yeux, brave la vie ! Le sort
Doit s'accomplir ! Déploie tes horizons!
Par-dessus les bourbiers dresse des ponts
Avec tes jeunes mains, ton vrai trésor.
Sur ce chemin de la vie qui fascine
Passe les monts, et poursuis droit ta course!
Croque les fruits en riant! Bois aux sources!
Embrasse ceux que le sort te destine !
Florbela Espanca
Émission "Une Vie, une Œuvre", par Jacqueline Kelen, diffusée le 15 décembre 1988 sur France Culture. Invités : Vasco Graca Moura, Joao Marinho Dos Santos, Jorge Cardoso Branco et des étudiants.