Me voilà à tourner et retourner mon stylo bic devant ma page de cahier, bien embêtée pour aborder cette critique. Je vais donc débuter par le commencement : comment en suis-je venue à lire ce livre ?
Je venais de poster mes dernières contributions sur babelio quand j'ai vu en titre "le grand défi collectif : et si on lisait toute la rentrée littéraire?".
J'ai suivi le lien et parcouru les oeuvres qui n'avaient ni critique, ni contribution annoncée. Mes yeux se sont arrêtés sur la couverture, l'image m'interpellais. J'ai lu le titre,
pour faire l'amour, et puis j'ai vu la maison d'édition Calmann-levy. le mélange m'a intriguée. de fil en aiguille je me suis retrouvée sur un site marchand à lire la 4è de couverture : Un livre parlant d'amour, Amour avec un grand A, d'obsession, de perte de contrôle, de jalousie. Hop la, j'ai commandé l'ouvrage et annoncé ma contribution au défi collectif.
J'ai donc choisi ce livre en pensant à une oeuvre traitant du sentiment amoureux passionnel.. Puis j'ai vu que le livre était classé en catégorie érotique. Première interrogation. Me suis-je trompée?
Puis seconde interrogation : un livre érotique publié aux éditions Calmann-Levy ? C'était étonnant.
J'ai donc commencé ma lecture pleine d'interrogations.
Alors oui, "
pour faire l'amour" peut être classé comme livre érotique en cela qu'il traite d'un sujet érotique. Mais ce n'est PAS un ouvrage écrit pour émoustiller, ce n'est pas un livre fait pour fantasmer ; bref, ce n'est pas un livre érotique au sens où on l'entend.
Il s'agit d'une oeuvre littéraire ("un récit hautement littéraire" comme l'écrit The Times), traitant d'un sujet érotique.
Plus précisément, il s'agit de candaulisme.
De candaulisme ! Rien que cela !
Le candaulisme n'est pas connu de tous, et d'aucuns le considèrent comme une forme de déviance sexuelle, une perversité, une sorte de voyeurisme.
(petit rappel : la personne candauliste éprouve une intense stimulation érotique par le fait de voir, entendre ou savoir son:sa partenaire de vie éprouver du plaisir dans les bras d'un tiers).
Réussir à se glisser dans la peau du "pervers" (il s'agit du terme usité par le narrateur lui-même, et non pas de ma propre interprétation), sans tomber dans l'érotisme pornographique, il fallait sacrément oser, et y arriver !
Ici, le pari est largement réussi : l'auteur nous entraîne dans un univers Baudelairien, "Spleenéen", nous côtoyons les classiques de la littérature anglaise, des peintres, la musique de Schubert, nous voyageons à travers l'Art , ... avec un regard nouveau.
Le narrateur nous entraîne dans son sillage, à la découverte de lui même : Un être résolument romantique, un homme de lettres amoureux des belles choses, un intellectuel torturé, un masochiste moral croyant oeuvrer pour le bien de son couple. (je cite : "je craignais que le caractère conventionnel, confortable et trop parfait de notre vie commune, pleine de promesses mais sans rien de risqué, nous engloutisse si nous n'y prenions garde. Une épouse peut s'habituer à ce que son époux ne la déshabille pas pour un autre homme".)
D'abord surprise j'ai mis du temps à comprendre ce que j'avais entre les mains, sur quoi mes yeux s'étaient posés, dans quelle sorte d'intimité j'avais pénétré.
Puis j'ai été conquise, touchée, émue par la véracité et la sincérité corrosive qui émanaient de Félix, par sa course folle, par ses désirs, sa souffrance... Ne pousse t-il pas sa propre histoire sur un chemin qu'il connait si bien : celui des tragédies romantiques classiques qui sont sa référence littéraire ? Comme il l'annonce lui même : "Que peut donc faire un époux quand la beauté de sa femme est telle qu'il manque de moyens de l'honorer ?"
Légèreté, perversité, transgression, belles lettres, Amour, Art, tragédie, complexité.. je terminerais par cette citation :
"Demandez pourquoi il n'aurait pu se satisfaire de jouir seul de l'ensemble de sa beauté et vous toucherez à la nature non seulement de l'amour romantique, dans l'une de ses formes extrêmes, mais également de l'art."