Il est absolument faux de prétendre que les fins de la violence policière seraient toujours identiques, ou même liées, à celles du reste du droit. Le "droit" de la police indique bien plutôt en définitive le point où l’État, par impuissance ou en raison des corrélations immanentes à tout ordre juridique, ne peut plus garantir à travers l'ordre juridique les fins empiriques qu'il veut atteindre à tout prix. C'est pourquoi la police intervient "pour motif de sécurité" dans de nombreux cas où la situation juridique n'est pas claire - quand elle n'escorte pas le citoyen en réglant sa vie par ordonnance, comme une agression brutale sans le moindre égard pour les fins légales, ou ne les place tout bonnement sous surveillance.
Si la police peut paraître partout semblable jusque dans les détails, il ne faut pas finalement se méprendre : son esprit est moins dévastateur dans la monarchie absolue, où elle représente la violence d’un souverain qui réunit en lui l’omnipotence législative et exécutive, que dans les démocraties, où son existence, soutenue par aucune relation de ce type, témoigne de la plus grande dégénérescence possible de la violence.
En effet, dans l'exercice de la violence sur la vie et la mort, le droit se renforce lui-même bien plus que par n'importe quelle autre application de la loi. Mais c'est aussi là, précisément, qu'une sensibilité fine perçoit clairement qu'il y a quelque chose de pourri dans le droit, parce qu'elle se sait infiniment loin des rapports de proportion où le destin, à les appliquer, aurait manifesté sa majesté.
L'Etat redoute cependant cette violence [du grand criminel], tout simplement parce qu'elle est fondatrice de droit, de même qu'il doit la reconnaître comme fondatrice de droit là où les puissances étrangères le contraignent à leur concéder le droit de lancer la guerre et les classes celui de faire grève.
Si le droit naturel ne peut juger chaque droit existant qu'en critiquant ses fins, le droit positif ne peut juger d'un droit en devenir qu'en critiquant ses moyens. Si la justice est le critère des fins, la légitimité est celui des moyens.
Par Delphine Minoui, grand reporter, lauréate du Prix Albert Londres 2006
Tout public, à partir de 10 ans
« Lumières pour enfants », c'était le titre donné par Walter Benjamin aux émissions de radio destinées à la jeunesse qu'il assura avant la montée du nazisme. Ce titre, Gilberte Tsaï l'a repris pour les Petites conférences qu'elle programme depuis 2001 dans différents établissements culturels.
Elles reposent sur le pari que ni les grandes questions, ni les espaces du savoir, ne sont étrangères au monde des enfants et qu'au contraire elles font partie de leur souci, formant un monde d'interrogations restant trop souvent sans réponses.
La règle du jeu en est la suivante : un spécialiste d'une matière ou d'un domaine accepte de s'adresser à un public composé d'enfants mais aussi d'adultes, et de répondre à leurs questions. À chaque fois, il n'est question que d'éclairer, d'éveiller : en prenant les sujets au sérieux et en les traitant de façon vivante, hors des sentiers battus.
Programme de la Petite conférence #2 – « Raconter la guerre, dessiner la paix, 25 ans de reportages au Moyen-Orient » par Delphine Minoui :
Rien ne prédestinait l'enfant timide, née à Paris d'une mère française et d'un père iranien, à devenir reporter de guerre. Quand elle s'envole pour Téhéran, en 1997, c'est avec l'envie d'y raconter le quotidien des jeunes de son âge, épris d'ouverture. Mais l'après 11-septembre 2001 chamboule tout. Elle se retrouve en Afghanistan, puis en Irak, pour suivre l'invasion américaine et ses conséquences sur la région. Depuis, les soubresauts s'enchaînent : révolutions du printemps arabe, attentats de Daech, crise des réfugiés syriens, putsch raté en Turquie, retour des Taliban à Kaboul. Mais Delphine ne perd jamais espoir. Sensible à l'humain au milieu du chaos, elle navigue entre ses articles et ses livres pour faire parler la paix, encore et toujours, en racontant le combat des héros anonymes croisés sur son chemin.
Entre anecdotes et confidences, la conférence donnera à voir les coulisses du reportage, où le journaliste n'est ni un super héros ni un agent du « fake news » au service d'un grand complot, mais un témoin d'exception, porteur de lumière, même au coeur de l'obscurité.
Le terrain est la colonne vertébrale de son écriture. Correspondante au Moyen-Orient pour France Inter et France Info dès 1999 puis pour Le Figaro depuis 2002, Delphine Minoui a consacré la moitié de sa vie à cette partie du monde synonyme de révolutions, coups d'État et conflits.
À lire – « Les petites conférences » sont devenues une collection aux éditions Bayard.
Delphine Minoui, L'alphabet du silence, l'Iconoclaste, 2023
Les Passeurs de livres de Daraya, Seuil, 2017
Je vous écris de Téhéran, Seuil, 2015
Conception et programmation : Gilberte Tsaï – Production : l'Équipée.
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