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EAN : 9782330108809
400 pages
Actes Sud (05/09/2018)
3.69/5   16 notes
Résumé :
Aspirant écrivain sans le sou, Kif Kehlmann a six semaines pour rédiger les mémoires de Siegfried Heidl, le plus célèbre escroc de l'histoire australienne. Mais voilà, ce dernier, paranoïaque et manipulateur, ne semble pas disposé à livrer la moindre information. Tandis que les jours passent et que le projet reste au point mort, Kif voit s'éloigner la promesse de la rémunération et sent progressivement la haine le gagner. Cherchant à percer le mystère de l'homme qui... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
«  Écrire un livre en tant que nègre :
——Le nègre littéraire se situe entre le courtisan et le balayeur .
Mais on peut également le voir comme un esclave. ———»

«  La télévision australienne était l'art d'échanger l'argent en lumière, et la lumière en argent .. »
Voici Deux extraits significatifs de cet ouvrage .
C'est l'histoire ambiguë et douloureuse , intéressante , d'un apprenti écrivain né en Tasmanie, ( comme l'auteur ): Kif Kelmann.
Il a toujours désiré devenir écrivain .

Il ne se sent plus capable de subvenir aux besoins de sa famille, Suzy , sa femme enceinte de huit mois , attend des jumeaux.
Un soir il reçoit un coup de téléphone de son ami d'enfance Ray, aux relations troubles, assurant depuis quelques mois la protection rapprochée du plus célèbre escroc d' Australie, en passe d'être jugé : Siegfried Heidl , pour avoir fauché plus de sept cents millions de dollars aux banques.
Il cherche quelqu'un pour rédiger ses mémoires ....

Comme Kif est dans l'impasse , il quitte la Tasmanie et rejoint Heidl dans les bureaux de son éditeur à Melbourne , où il disposera de six semaines pour produire un manuscrit.

Cet ouvrage relate avec précision , sur le vif, les tourments psychologiques , l'angoisse , le désarroi d'un écrivain, peu sûr de son talent, confronté à la rouerie de l'escroc Siegfried Heidl, manipulateur, fraudeur, méprisant, flagorneur , dérangeant , tout à ses divagations chimériques,
, incapable d'émotion, mais vivant de postures , contredisant ses propres mensonges par de nouveaux mensonges , puis contredisant ses propres contradictions.....comme s'il ne pouvait vivre que dans ce tumulte de démentis envers lui- même : une duplicité instinctive ....

Le Chili était un de ses refrains incantatoires ainsi que la guerre secrète au Laos: ces Laotiens morts et tombés dans l'oubli auxquels il faisait parfois allusion et de tous les autres : les morts d'Indonésie, d'Haiti , du Nicaragua et d'ailleurs ...

Des propos déstabilisants pour l'apprenti écrivain ...devant un tel amas de mensonges, débités d'une voix douce, des volte- face et des questions malveillantes qui finiront par terrifier et éprouver son biographe ....

Peut - on rester fidèle à sa vocation artistique pour le compte d'un criminel ?

Quelqu'un qui a placé son existence , par delà le bien et le mal , sous le signe de la corruption et du mensonge en toute chose ?

Cet ouvrage décrit la solitude et les angoisses existentielles d'un individu face à une biographie inexistante , un individu qui se dérobe , absolument pas fiable ...qui ne désire s'épancher ni sur sa naissance , ni sur son enfance.... ni sur sa vie....

Duper le monde, mentir et se mentir à soi même ?
Tenter d' inviter son biographe à dire adieu à ses valeurs, une emprise insidieuse ..
Mais ce n'est pas si simple ....N'en disons pas plus ...

L'apprenti écrivain découvre par ailleurs le monde impitoyable , pernicieux, utilitaire , chiffré, tyrannique, « une prison de velours pour le héros » , de l'édition et de la télévision australienne, conventions plaquées, autosatisfaction affichée dans la réalisation de chaque scénario et paradoxalement fabrication de camelote couverte d'éloges et de récompenses .

Ce milieu est minutieusement décrit ....

Un ouvrage original, qui permettra au héros d'écrire  «  Son Histoire » , de voir clair en lui- même et de distinguer enfin la réalité profonde du monde ...
Une libération inexorable ...

«  C'est toujours au fond de soi- même , qu'on découvre toutes les vérités. »
Pas facile à lire et à décrypter ..

Je ne connais pas l'auteur, on me l'a proposé à la médiathèque ..
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Un auteur qui m'enchante.
Un pays, la Tasmanie (1), que je rêve de découvrir parce qu'il est au bout du monde, parce que c'est une île sauvage avec une histoire complexe … le temps ne me permettra certainement pas d'accomplir ce voeu … alors paisiblement installée dans mon fauteuil, je déguste.
Un livre qui part d'une expérience vécue par l'auteur (2), pendant laquelle il a été confronté à la difficulté d'écrire la biographie d'un personnage pas vraiment recommandable, mais connu et qui voulait monnayer l'histoire de sa vie.
Il est donc question du métier de nègre, de la vision que l'on peut avoir de ce qui peut se nommer « la vérité », des rapports sociaux en général et de leurs influences sur notre existence.
Une écriture qui me ravit, qui met en avant des descriptions fantastiques de paysages que l'on découvre sans les voir, des rencontres avec des personnages complexes que nous prenons plaisir à décrypter.
Une étoile supplémentaire pour la narration d'un accouchement, scène forte décrite dans un réalisme rare et d'une grande sensibilité. L'auteur s'est expliqué sur ce sujet (3).
Petit détail croustillant à propos du titre « première personne » toujours d'après l'auteur :
« Le point de départ a été un article où Zuckerberg (le fondateur de Facebook) a dit que la vie privée n'était plus admissible comme norme sociale – que l'époque où l'on avait deux identités, l'une à la maison et l'autre au bureau, était révolue – et que dorénavant on aurait ce qu'il appelait l'« l'intégrité » d'une identité en ligne.
La volonté de supprimer la vie privée, volonté des régimes totalitaires, concrétisée dans le smartphone rangé dans votre poche arrière, est aussi celle de l'escroc avec qui j'ai travaillé jeune homme. Il cherchait à contrôler des gens en découvrant tout ce qu'il pouvait sur leur vie privée. Et le solipsisme et le narcissisme avec lesquels il manipulait ces histoires rejoignent le côté obscur de la vie contemporaine, facilité par un nouveau solipsisme, où chacun est une « première personne » sur ses comptes Instagram ou Facebook. Aujourd'hui, surtout en Amérique, on croit que le roman est redondant, que la seule littérature valable est celle des mémoires, qui sont enracinés dans l'expérience réelle et vérifiables par tout le monde. Donc, pour défendre le roman, j'ai écrit un roman sous la forme de faux mémoires d'un escroc. »


PS
On peut retrouver l'entretien avec Richard Flanagan
par Steven Sampson sur le site en-attendant-nadeau.fr


(1)
La Tasmanie vue par Richard Flanagan :
« Il y a deux faits saillants concernant la Tasmanie : elle est loin de l'Australie, et son histoire est totalement différente. Elle a toujours été la plus pauvre et la plus arriérée des États australiens. Une guerre d'extermination a été menée contre les autochtones qui n'a laissé qu'une centaine de survivants. Et, pour le premier quart de son histoire, elle était un État totalitaire avec des esclaves, des conscrits : après l'interdiction de la traite, les navires qui avaient emmené les Africains en Amérique ont commencé à transporter des Irlandais en Tasmanie. Dans l'imagination australienne, elle occupe une place semblable à celle du Mississippi pour les Américains. »

(2)
Le fond historique de mon roman d'après richard Flanagan :
« en 1990 ou 1991, quand j'essayais d'écrire un roman, j'ai reçu au milieu de la nuit un coup de fil de John Friedrich, le plus important escroc industriel australien. Il était sur le point d'être emprisonné et m'a offert dix mille dollars si j'écrivais ses mémoires en six semaines. Puis, à mi-chemin, il s'est tiré une balle : il me restait alors trois semaines pour terminer le livre tout seul. Il avait volé à peu près un milliard de dollars australiens en valeur actuelle. Il revendiquait des connections avec la CIA. Lorsqu'il s'est suicidé, j'ai dû écrire la biographie d'un homme qui ne m'avait révélé aucun élément réel de sa vie. Je l'ai fait et j'ai eu mon argent, ce qui m'a permis d'arrêter de travailler et de me concentrer sur mon premier roman.
Friedrich dirigeait un organisme appelé le National Safety Council, à ses débuts une petite structure caritative devenue en quelques années une force paramilitaire de six cents personnes ayant accès aux installations militaires, dont celle de Pine Gap, centre d'espionnage américain au milieu du désert australien où il y avait une station radar connectée au réseau de défense américain. Friedrich y a eu accès et son personnel s'occupait de la sécurité. »

(3)
« J'ai toujours eu envie de décrire une naissance : la littérature est pleine de scènes de mort, mais pas d'accouchements. Tolstoï en décrit un dans Anna Karénine, mais on n'y assiste pas. Et Knausgard le fait très bien dans son deuxième livre. Je n'en connais pas d'autres. C'est étrange ! »
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Après Désirer et surtout La route étroite vers le Nord lointain, pure merveille littéraire, les espérances étaient grandes pour le nouveau livre du plus célèbre auteur tasmanien, Richard Flanagan. La découverte du sujet de Première personne est déjà une relative surprise : l'histoire d'un apprenti écrivain, au début des années 90, incapable de terminer son premier roman et à qui on propose de servir de nègre pour les mémoires du plus grand escroc australien. Dans le même temps, notre homme est sur le point de devenir père de jumeaux alors qu'il a du mal à joindre les deux bouts. Renseignements pris, il semble que le sujet soit en partie inspiré par un travail similaire réalisé par Flanagan à la même époque alors qu'il n'avait encore que peu publié. Tout le livre ou presque décrit les affres d'un auteur débutant, peu sûr de son talent, confronté à un individu méfiant, fuyant et peu désireux de s'épancher et de raconter sa vie, ce qui est embêtant quand c'est le thème même du livre que vous êtes censé écrire. Ces tourments psychologiques de l'écrivain en devenir, qui découvre par ailleurs le monde impitoyable de l'édition et qui, en outre, sent son couple se déliter, sont contés de manière tellement détaillée que la lecture devient vite fastidieuse malgré la fluidité du style de Flanagan. Cela vaut quand même le coup de s'accrocher car un coup de théâtre relance quelque peu l'intérêt du roman, mais aux 2/3 du récit, tout de même. Rien de comparable donc aux précédents ouvrages de l'auteur tasmanien qui ici n'est pas loin de perdre le lecteur devant les angoisses et la solitude existentielle d'un biographe fantôme qui n'a rien à se mettre sous la plume.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Un écrivain raté s'engage pour de l'argent à écrire la biographie d'un menteur, un filou qui finira par se suicider et qui déteindra sur lui. Cet écrivain perdra sa famille, son emploi et refera sa vie, deviendra plus riche mais pas plus heureux. C'est une réflexion sur le destin , sur le bonheur, la vie et la mort. Qu'est-ce que la moralité ? C'est un livre dense sur le doute, le métier d'écrivain, la vérité et le temps qui passe.
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Le désir d'écrire un roman et de gagner de l'argent en le faisant est l'obsession de tant d'individus. Cette quête est aussi celle de Kif Kehlmann dont la vie s'appuie sur des rituels bien ancrés qui lui ont toujours permis d'avancer et de se construire une petite vie. le lecteur saisit toutes ces informations simples en même temps que l'opportunité offerte à Kif d'écrire les mémoires d'un célèbre escroc. Alors, une plongée intégrale dans les affres de l'écriture et les contraintes de la publication est offerte au lecteur. Quoiqu'il en soit il faut avancer en tant que lecteur et en tant qu'écrivain. Et cette avancée à marche forcée est assez redoutable et plutôt addictive. Au plus près des sentiments de ce personnage, avec ce moment tout particulier de la naissance des jumeaux tellement bien rendu, la lectrice que je suis s'est laissée porter. Rester dans la tête de cet écrivain en formation qui doit lutter contre la colère qui l'emporte face à ce personnage d'escroc louvoyant et gélatineux est une terrible épreuve, très bien rendue également. Ce livre est pour moi une première escale en Tasmanie - qui apparaît bien dépendante de sa grande soeur l'Australie -. Une belle lecture qui indispose tout en étant criante de vérité. Ce qui fait notre réalité actuelle est terriblement bien pris en charge avec, à certaines moments, un humour bienvenu.
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critiques presse (1)
Actualitte
18 septembre 2018
Peut-on rester fidèle à sa vocation artistique, sans se désavouer en travaillant pour le compte d'un criminel ? Mentir, se mentir ou simplement duper le monde ? A découvrir.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
«  Je ne peux presque jamais donner avec certitude la couleur des yeux de quelqu’un.
Je n’ai jamais oublié celle des yeux de Heidl:
Elle évoquait le Calme Insondable de l’Eau Noire des Rivières de la Mort, certains jours , ses pupilles anormalement dilatées, ressemblaient à celles d’un chien fou....
Dans ces moments - là Heidl avait l’air de cerner sa proie comme un loup .... »
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Mourir de vieillesse, poursuivit-il, c'est une mort rare, singulière, extraordinaire. La dernière forme de mort extrême. Ele incite les gens à consacrer leur existence à ne pas mourir, ce qui n'est jamais qu'une façon de ne pas vivre. Si on sait que la mort va venir, prochainement, qu'on va mourir bientôt, on vit mieux le présent. Ce n'est pas ce qu'on veut, tous ?
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Parler de “quartier de merde”, c’est encore faire trop d’honneur à un endroit pareil, déclara Ray. Tout était si neuf, et pourtant quelque chose donnait déjà l’impression d’une fin. Voilà ce que je ressentais. J’aurais voulu ressentir tant d’autres choses – de l’enthousiasme, un afflux d’idées et d’émotions dont je pourrais me servir pour Parler de “quartier de merde”, c’est encore faire trop d’honneur à un endroit pareil, déclara Ray. Tout était si neuf, et pourtant quelque chose donnait déjà l’impression d’une fin. Voilà ce que je ressentais. J’aurais voulu ressentir tant d’autres choses – de l’enthousiasme, un afflux d’idées et d’émotions dont je pourrais me servir pourimaginer l’enfance fictive de Heidl.
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Ils ne veulent pas de psychopathes – pas pour ce type de mission, en tout cas –, ils ne veulent pas de gens sans émotions. Ils veulent que vous soyez ému, et que vous compreniez qu’il faut surmonter ça. Je renonçai aux questions que j’avais préparées – et à mon espoir d’obtenir le moindre détail pouvant donner à l’anecdote une once d’authenticité.
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Il avait de nouveau une voix hésitante, comme s’il se demandait ce qu’il était censé savoir et ce qu’il savait réellement. Il semblait toujours prêt à parler par énigmes, mais dès que vous cherchiez à en savoir davantage, il tentait de se défiler. La première de ses ruses était de vous associer à la construction de l’énigme, essayant de vous impliquer par ses approbations et ses encouragements. De vous faire inventer ses propres mensonges. Et au début, je tombais chaque fois dans le panneau. À la fin, peut-être plus assez. Peutêtre même que j’étais devenu le panneau.
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Vidéo de Richard Flanagan
Rencontre avec Richard Flanagan à la librairie La Galerne du Havre pour la parution de "Première personne". 11 septembre 2018.
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