AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782864328001
136 pages
Verdier (13/05/2015)
3.87/5   23 notes
Résumé :
Les échanges qu'on va lire, et bien plus encore les événements qui les ont provoqués et ceux qui y sont évoqués, nous font violence, à l'un, historien, comme à l'autre, écrivain, peu enclins par nature à parler d'actualité. Il nous a pourtant été nécessaire de les coucher sur le papier, non pour commenter, énoncer ou juger, mais pour faire état de cet état d'esprit qui nous a envahis brusquement au fil de ces journées qui ont, non pas changé la donne, mais tranché l... >Voir plus
Que lire après Prendre dates : Paris, 6 janvier - 14 janvier 2015Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Questionnement sur le devenir du «nous», après les attaques terroristes de janvier 2015.

Dans le sillage de l'hébétude et de la stupéfaction qui nous ont saisis en janvier 2015, l'historien Patrick Boucheron et l'écrivain Mathieu Riboulet livrent ici les réflexions et questions suscitées par les attaques terroristes, les obligeant à réfléchir sur le sens et le devenir du collectif, «à peupler le monde non en le sillonnant à coup d'avion mais en le regardant en face».

«Maintenant, un peu de courage, prendre dates c'est aussi entrer dans l'obscurité de cette pièce sanglante et y mettre de l'ordre. Il faut prendre soin de ceux qui restent et enterrer les morts. On n'écrit pas autre chose. Des tombeaux.»

Le livre s'ouvre sur le constat que la France, avant les événements, allait déjà très mal, laminée économiquement et idéologiquement depuis les années quatre-vingt, entraînée dans la spirale d'une décomposition démocratique, dont la poursuite des travaux du barrage de Sivens après la mort de Remi Fraisse en octobre 2014, comme si de rien n'était, était l'un des symboles les plus récents, une spirale devenue sans issue après l'échec de tant de contestations, et ayant entamé, et même paralysé, l'action collective et militante de bon nombre d'intellectuels de gauche (propos en forte résonance avec le livre de Mathieu Riboulet paru quelques mois plus tard : «Entre les deux il n'y a rien»).

«Car nous avons peu à peu déserté la grande place ouverte où nos corps se rejoignent pour prendre la parole parce que, même si nous savons bien que nous n'avons que ça, le corps et le langage, pour former tous les «nous» dont nous faisons partie, ou simultanément, ou successivement, nous nous sommes lassés de voir qu'ils ne faisaient plus la vie, mais l'imitaient seulement, parce que les transformations, vertigineuses, du monde ne nous tendaient plus rien que des miroirs lustrés, des habits séduisants, des illusions sociales, des enclos protégés, et à l'autre bout du spectre, des aumônes, de la graisse et du sucre, de l'indignité en pagaïe, pour ne rien dire des théâtres lointains dévorés par la pègre, les trafics, la haine, la guerre, l'envie. Nous l'avons désertée, sans le vouloir vraiment mais sans le regretter davantage qu'en passant.»

Au-delà de l'effroi et de l'émotion collective suscités par les attentats, et par leur exposition dans les medias, dans une société où le collectif est à la fois «suractif et désactivé», pour reprendre l'expression de Nathalie Quintane dans «Les années 10», Patrick Boucheron et Mathieu Riboulet cherchent, avec humilité, tout en laissant entrevoir leurs doutes inscrits dans la durée et la complexité de l'Histoire, à surmonter le vertige pour énoncer une réaction, intime et politique, au plus près de ces événements qui ont jeté à terre un bon nombre des réflexes et des habitudes des intellectuels.

Paru en mai 2015 aux éditions Verdier, ce livre apparaît d'une grande justesse et une lecture nécessaire en cette fin d'année, ouvrant des pistes de réflexion pour ne pas se résoudre à la catastrophe, face à l'éclatement du collectif, aux impasses haineuses et meurtrières et face aux signaux, tous passés au rouges depuis quelques semaines, des menaces pesant sur la démocratie.

«Fragiles et tremblants, crevassés à force d'être immobiles comme le sont les vieillards alités, nos corps poreux se laissent gagner par le lexique guerrier. Et l'on se rend compte, incrédules et honteux, que tant d'heures passées devant le spectacle des horreurs du monde (mais aussi, oui, tu as raison, devant l'impeccable engrenage scénaristique des séries télévisées qui leur font écran) nous y a insidieusement préparés – sans doute pas pour y participer activement, encore qu'on ne sait jamais, mais au moins pour y acquiescer en employant les mots qu'il faut au bon moment.»

Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/12/19/note-de-lecture-prendre-dates-patrick-boucheron-mathieu-riboulet/

Pour acheter ce livre à la librairie Charybde, sur place ou par correspondance, c'est par là :
http://www.charybde.fr/
Commenter  J’apprécie          70
Questionnement sur le devenir du «nous», après les attaques terroristes de janvier 2015.

Dans le sillage de l'hébétude et de la stupéfaction qui nous ont saisis en janvier 2015, l'historien Patrick Boucheron et l'écrivain Mathieu Riboulet livrent ici les réflexions et questions suscitées par les attaques terroristes, les obligeant à réfléchir sur le sens et le devenir du collectif, «à peupler le monde non en le sillonnant à coup d'avion mais en le regardant en face».

«Maintenant, un peu de courage, prendre dates c'est aussi entrer dans l'obscurité de cette pièce sanglante et y mettre de l'ordre. Il faut prendre soin de ceux qui restent et enterrer les morts. On n'écrit pas autre chose. Des tombeaux.»

Le livre s'ouvre sur le constat que la France, avant les événements, allait déjà très mal, laminée économiquement et idéologiquement depuis les années quatre-vingt, entraînée dans la spirale d'une décomposition démocratique, dont la poursuite des travaux du barrage de Sivens après la mort de Remi Fraisse en octobre 2014, comme si de rien n'était, était l'un des symboles les plus récents, une spirale devenue sans issue après l'échec de tant de contestations, et ayant entamé, et même paralysé, l'action collective et militante de bon nombre d'intellectuels de gauche (propos en forte résonance avec le livre de Mathieu Riboulet paru quelques mois plus tard : «Entre les deux il n'y a rien»).

«Car nous avons peu à peu déserté la grande place ouverte où nos corps se rejoignent pour prendre la parole parce que, même si nous savons bien que nous n'avons que ça, le corps et le langage, pour former tous les «nous» dont nous faisons partie, ou simultanément, ou successivement, nous nous sommes lassés de voir qu'ils ne faisaient plus la vie, mais l'imitaient seulement, parce que les transformations, vertigineuses, du monde ne nous tendaient plus rien que des miroirs lustrés, des habits séduisants, des illusions sociales, des enclos protégés, et à l'autre bout du spectre, des aumônes, de la graisse et du sucre, de l'indignité en pagaïe, pour ne rien dire des théâtres lointains dévorés par la pègre, les trafics, la haine, la guerre, l'envie. Nous l'avons désertée, sans le vouloir vraiment mais sans le regretter davantage qu'en passant.»

Au-delà de l'effroi et de l'émotion collective suscités par les attentats, et par leur exposition dans les medias, dans une société où le collectif est à la fois «suractif et désactivé», pour reprendre l'expression de Nathalie Quintane dans «Les années 10», Patrick Boucheron et Mathieu Riboulet cherchent, avec humilité, tout en laissant entrevoir leurs doutes inscrits dans la durée et la complexité de l'Histoire, à surmonter le vertige pour énoncer une réaction, intime et politique, au plus près de ces événements qui ont jeté à terre un bon nombre des réflexes et des habitudes des intellectuels.

Paru en mai 2015 aux éditions Verdier, ce livre apparaît d'une grande justesse et une lecture nécessaire en cette fin d'année, ouvrant des pistes de réflexion pour ne pas se résoudre à la catastrophe, face à l'éclatement du collectif, aux impasses haineuses et meurtrières et face aux signaux, tous passés au rouges depuis quelques semaines, des menaces pesant sur la démocratie.

«Fragiles et tremblants, crevassés à force d'être immobiles comme le sont les vieillards alités, nos corps poreux se laissent gagner par le lexique guerrier. Et l'on se rend compte, incrédules et honteux, que tant d'heures passées devant le spectacle des horreurs du monde (mais aussi, oui, tu as raison, devant l'impeccable engrenage scénaristique des séries télévisées qui leur font écran) nous y a insidieusement préparés – sans doute pas pour y participer activement, encore qu'on ne sait jamais, mais au moins pour y acquiescer en employant les mots qu'il faut au bon moment.»

Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/12/19/note-de-lecture-prendre-dates-patrick-boucheron-mathieu-riboulet/

Pour acheter ce livre à la librairie Charybde, sur place ou par correspondance, c'est par là :
http://www.charybde.fr/
Commenter  J’apprécie          60
Un très bon essai sur les attentats de janvier 2015. Je ne suis pas d'accord à 100% avec tout ce qui est dit dans ce livre, mais j'ai tout de même retrouvé quelques réflexions que je m'étais faites à l'époque.
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
(...) certains jours je commence à trouver que ça pèse, je me dis qu'il se pourrait bien que ce soit ça, finalement, ce que les manuels d'histoire nommaient « la montée des périls » pour désigner, avec leur confortable recul, les années trente en Europe. Il y a beau temps que je me demandais ce que ça pouvait bien faire au corps, au cœur et à l'esprit de vivre une période où d'une année à l'autre tous les signaux passent au rouge: est-ce qu'on s'en aperçoit, est-ce qu'on en prend la mesure, est-ce qu'on y pense, est-ce qu'on en rêve, est-ce qu'on en est malade, est-ce qu'on se laisse prendre par surprise, est-ce qu'on se sent condamné à l'impuissance, est-ce qu'on décide d'agir, mais alors pour faire quoi, est-ce qu'on pense à partir, si on peut, et quand?
Commenter  J’apprécie          200
On ne choisit pas non plus ce moment. Un matin, il faut bien se rendre à l’ évidence : on est passé à autre chose, de l’autre côté du pli. C’est généralement là que commence la catastrophe, qui est continuation du pire.
Il ne vaudrait mieux pas. Il vaudrait mieux prendre date. Ou disons plutôt : prendre dates. Car il y en eut plusieurs, et il faut commencer par patiemment les circonscrire. On n’écrit pas pour autre chose : nommer et dater, cerner le temps, ralentir l’oubli. Tenter d’être juste, n’est-ce pas ce que requiert l’aujourd’hui ? Sans hâte, oui, mais il ne faut pas trop tarder non plus. Avec délicatesse, certainement,mais on exigera de nous un peu de véhémence. Il faudra bien trancher, décider qui il y a derrière ce nous et ceux qu’il laisse à distance. Faisons cela ensemble, si tu le veux bien – toi et moi, l’un après l’autre, lentement, pour réapprendre à poser une voix sur les choses. Commençons, on verra bien où cela nous mène.
Commenter  J’apprécie          10
Face à une attaque terroriste, la révolte est impossible. On subit inévitablement, dans un premier temps, le déploiement d’un discours en actes, et ces actes doivent s’accomplir pour révéler leur propre logique. Celle des tueurs des 7, 8 et 9 janvier 2015 n’a rien de spécifique : elle était sinon prévisible, du moins écrite d’avance par plus intelligents et plus cyniques qu’eux. Assassiner des intellectuels libéraux, des apostats et des Juifs – mais si possible hors des synagogues : tel est le programme, dit du troisième djihad, que nos trois valeureux candidats au martyre n’ont fait qu’appliquer à la lettre, docilement.
Commenter  J’apprécie          10
Il y a beau temps que je me demandais ce que ça pouvait bien faire au corps, au cœur et à l’esprit de vivre une période où d’une année à l’autre tous les signaux passent au rouge : est-ce qu’on s’en aperçoit, est-ce qu’on en prend la mesure, est-ce qu’on y pense, est-ce qu’on en rêve, est-ce qu’on en est malade, est-ce qu’on se laisse prendre par surprise, est-ce qu’on se sent condamné à l’impuissance, est-ce qu’on décide d’agir, mais alors pour faire quoi, est-ce qu’on pense à partir, si on peut, et quand ?
Commenter  J’apprécie          10
Des sons sans image, oui, mais aussi sans parole. Enfin pas tout à fait : car d’autres personnes, postées ailleurs, avec d’autres téléphones, filmaient d’autres points de vue. Le plus terrifiant, on s’en souvient, est celui sur la fuite des tueurs. Arrivés boulevard Richard-Lenoir, ils font feu sur des flics patrouillant à vélo. L’un d’eux, blessé, est à terre. On apprendra dans la journée qu’il s’appelait Ahmed Merabet. Un tueur avance vers lui, il ne court pas, non, disons qu’il presse le pas. Le policier le supplie du geste et de la parole, pour lui aussi ce sera l’homme aux jambes noires, mais le voici qui s’avance, toujours en trottinant, le longe, l’abat d’une balle en pleine tête, le dépasse, disparaît
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Patrick Boucheron (83) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Patrick Boucheron
La Bibliothèque universitaire de Paris 8 vous a proposé en avant-première la projection de l’épisode "L’Autochrome - La vie en couleur " issue de la série Faire l’Histoire d’Arte, suivie par une Rencontre-Débat avec Patrick Boucheron et Adrien Genoudet.
Retrouvez cette ressource et sa documentation sur Octaviana (la bibliothèque numérique de l'université Paris 8) : https://octaviana.fr/document/VUN0035_13 .
autres livres classés : charlie hebdoVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (51) Voir plus




{* *}