Ce livre nous narre l'histoire d'une amitié entre quatre jeunes gens issus de milieux différents. Ils partagent la même passion pour l'alpinisme. On les voit à 20 ans, alors qu'ils grimpent au sommet des montagnes des Lofoten, en Norvège. Alors que les premières pages nous décrivent un univers des montagnes où sont évoqués la beauté de la nature ainsi que les joies et les dangers de l'alpinisme, la suite nous plonge dans les pensées de Paul, le personnage principal, alors que, quarantenaire, il s'apprête à retrouver ses amis du passé dans un décor de mer. Ses réflexions très approfondies sont très communicatives, comme par exemple, toutes ses pensées sur le temps. Dans ce livre, où on se demande si l'amitié traverse le temps, celui-ci est donc un sujet important. Parfois, le temps n'est jamais mort. Il a beau passer, mais il n'existe pas. J'ai trouvé la description des personnages très expressive. le portrait de Martin tout en sensibilité et en pudeur, celui de Lotte tout en ambiguités… Dans ce livre, on sent combien la majesté de la nature peut approfondir les pensées des hommes, et on fait un voyage aussi bien dans les idées que dans le temps ou les espaces naturels.
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4 amis néerlandais qui ont fait de l'alpinisme il y a 20 ans ensemble, se retrouvent au pays de Galles, chez deux d'entre eux (qui se sont mariés).
La construction du livre est particulière, car presque toute la narration se passe pendant le voyage qu'ils font tous pour se retrouver: Vincent et Paul partent de Bruxelles vers le pays de Galles en Eurostar, Martin et sa fille partent en bus de leur maison du pays de Galles, vers la gare ferroviaire où ils vont retrouver Paul et Vincent. La dernière protagoniste, Lotte, reste au foyer et est toujours évoquée indirectement. Ce voyage est l'occasion pour les trois hommes de ce quatuor de se remémorer un épisode particulier, qui aurait pu être tragique, de leur période de jeunesse où ils pratiquaient l'escalade. La même période est ainsi évoquée successivement par Paul, Martin puis Vincent, Lotte restant la figure tutélaire qui les hante tous les trois. Ces évocations sont cependant intimes pour chacun des trois, et pas discutées entre eux. L'auteur nous décrit donc des introspections successives, en les mêlant à des descriptions des paysages vus actuellement (la pays de Galles) et des paysages de la période d'alpinisme de jadis (aux iles Lofoten). C'est bien écrit, et on sent petit à petit ( au rythme du train qui se rapproche du but) une tension tragique qui se crée. Dans les dernières pages, l'action s'accélère d'un coup. le dénouement est très particulier. je ne peux pas le dévoiler bien sûr ici, mais j'en discuterais volontiers avec d'autres lecteurs dans la section "discussion" sur l'oeuvre.
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peu importait où on se trouvait, on sentait chaque endroit se mettre en mouvement dès qu'on le regardait vraiment, dès que l'attention s'y penchait comme sur une fourmilière, on sentait bourdonner et frémir le monde continuellement effleuré par... par le temps, oui, sinon par quoi d'autre ? Et qu'est-ce qui faisait bouger le temps ? A moins que tout (Paul lui-même, les étourneaux, les Anglais qui, avec une unanimité solennelle, saisissaient leurs parapluies noirs et leurs attachés-cases, maintenant qu'une rame entrait en gare) ne fût poussé en avant, tandis que le temps, lui, restait immobile ?
Paul était persuadé qu'ils avaient ceci en commun : un désir de se plonger dans la lumière et l'air pur, de mettre son corps sous haute tension et d'éprouver jusqu'à la moelle des os que l'on était vivant ; expérience qui n'était nulle part aussi intense que dans un décor de montagnes - peut-être parce qu'il rendait plus concrète la fragilité dérisoire de l'individu et vous faisait sentir, à chaque fois, que vous ne seriez jamais rien de plus qu'un spectateur importun.
Au cours de la vie, on mourait déjà si souvent ; chaque fois que quelque chose changeait dans notre personnalité, même si on ne s'en apercevait qu'après coup, on disait adieu à l'individu qu'on avait été, dont on gardait des souvenirs, mais qu'on ne serait jamais plus.
il se dit que voyager vous limitait aussi ; dès qu'on arrivait dans un nouveau pays (il se rappela son premier voyage en Italie, en Irlande) toutes les attentes étaient immédiatement réduites et rognées comme si, en vertu d'une loi implacable, l'imagination et la réalité devaient demeurer deux mondes complémentaires.
Mais, dit-il à Vincent, on vivait déjà aujourd'hui comme si on avait éternellement le temps pour n'importe quoi. Est-ce qu'on se pénétrait souvent de l'idée qu'on ne verrait encore ses parents qu'un nombre d'heures limité, avant qu'ils ne disparaissent ? Ou bien que les éclipses de soleil dont on serait encore témoin se comptaient sur les doigts d'une main - pour donner un exemple. Et si on en était conscient, que faisait-on alors ? Dix contre un à parier qu'on ne faisait rien du tout.