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Normand Baillargeon (Préfacier, etc.)Oristelle Bonis (Traducteur)
EAN : 9782355220012
141 pages
Zones (11/10/2007)
3.74/5   234 notes
Résumé :
"Le manuel classique de l'industrie des relations publiques" selon Noam Chomsky. Véritable petit guide pratique écrit en 1928 par le neveu américain de Sigmund Freud, ce livre expose cyniquement et sans détour les grands principes de la manipulation mentale de masse ou de ce que Bernays appelait la "fabrique du consentement".

Comment imposer une nouvelle marque de lessive ? Comment faire élire un président ? Dans la logique des "démocraties de marché... >Voir plus
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Propaganda est une petite bombe idéologique.
L'auteur Bernays y décrit sans états d'âme apparents comment manipuler l'opinion en démocratie.
C'est pour ça que le livre est préfacé en forme de mise de garde sur son contenu explosif.
En effet, si le livre a été écrit en 1928, il reste d'une actualité brûlante.
Expliquant comment on peut contrôler les masses dans tous les domaines, pour les faire aller vers ce que veulent les dirigeants politiques, les industriels, les financiers ou tout simplement des intérêts privés ou particuliers en quête de notoriété.
L'auteur décrit finalement notre société : la démocratie libérale capitaliste, qui pour rester intrinsèquement ce qu'elle est, doit laisser le pouvoir à une élite éduquée, experte et progressiste, seule garante selon ses dires du bon fonctionnement du système politico-économique.
La grosse masse de la population étant exclue d'office des instances de pouvoir et uniquement bonne à suivre les injonctions marketing des possédants.
Par ce truchement insidieux, on comprend qu'une petite minorité s'alterne aux manettes du pays, en relations étroites avec les autres privilégiés des secteurs économiques et financiers.
Le livre nous montre aussi que même de petites structures, peuvent utiliser ce biais fallacieux de la propagande pour s'enrichir et se faire connaître.
Seul bémol positif, l'auteur démontre que cet outil dangereux peut également servir des bonnes causes dans divers domaines, que ce soit l'éducation, le social, la cause des femmes, etc..., en permettant un mieux-être et une reconnaissance.
Néanmoins, l'auteur quelques années plus tard, admettra que son livre n'est pas à mettre dans toutes les mains, surtout quand il apprendra que Goebbels et les nazis s'en serviront pour leur propagande infâme.
Un dur retour à l'envoyeur ou l'arroseur, arrosé.
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Il y a des thèmes dont on parle peu, à tort. La propagande est de ceux-là. Qu'est-ce que la propagande ? Pour Bernays, la propagande regroupe un ensemble de techniques visant à manipuler l'opinion publique pour « servir des intérêts particuliers ». Les intérêts particuliers dont il parle sont ceux d'un « gouvernement invisible » , une élite minoritaire qui influence les comportements du peuple pour satisfaire ses intérêts personnels et qui dirige véritablement le pays. Cette thématique a été plusieurs fois abordée dans ce blog, et en voici ici l'un des textes fondateurs. Qui sont les « faiseurs d'opinion » ?

Bernays justifie cette concentration des pouvoirs par le coût élevé que la promotion d'une idée ou d'un produit auprès de millions de personnes coûte cher... On peut surtout penser que la classe dirigeante sait s'unir pour préserver richesses et pouvoir dans le même camp.

Le « conseiller en relations publiques » (dont le terme semble avoir été inventé par Bernays), coordinateur de la propagande, se fait l'avocat d'une cause, qu'elle soit d'ordre privé ou public. Son rôle « consiste à amener le commanditaire (aussi bien une assemblée élue chargée de formuler des lois qu'un industriel fabriquant un produit commercial) à comprendre ce que souhaite l'opinion, et, dans l'autre sens, à expliciter pour l'opinion les objectifs du commanditaire. » le propagandiste oeuvre dans tous les domaines :

Certes, la propagande est omniprésente, et il cite quelques exemples, mais Bernays la qualifie également de nécessaire : pourquoi ? Concernant la propagande étatique, c'est parce que le peuple est obligé de déléguer les fonctions d'administration de la société à une minorité. Celle-ci fait donc appel aux services de propagandistes pour avoir l'adhésion de l'opinion publique dans les projets publics : la construction d'un hôpital, d'un aéroport, etc. Il insiste d'ailleurs sur le fait que les hommes politiques, pendant et après la campagne électorale, ne savent pas se faire aimer et écouter de leurs électeurs...

Mais il justifie moins la propagande venant des entreprises (ce que l'on appellerait aujourd'hui du lobbying), sauf implicitement par l'accroissement des ventes (et donc de la clientèle). « Dans le secteur industriel, l'idéal du conseiller en relations publiques sera d'éliminer la perte de temps et les frictions dues soit à ce que l'entreprise fait ou fabrique des choses dont le public ne veut pas, soit à ce que le public ne voit pas l'intérêt de ce qu'on lui propose. »

Mais en bon prince, Bernays vient nous expliquer que le conseiller en relations publiques respecte une éthique : rien que ça ! Il énonce même une sorte de code moral dans lequel le propagandiste ne servira pas un client que le propagandiste juge « malhonnête », et qu'il ne travaillera pas pour deux clients « dont les intérêts viendraient se heurter ». Même, « la sincérité doit être pour lui une règle d'or. »

Comment peut-on discerner le projet voué à une communauté, au commerce équitable, à la démocratie, du projet mené dans le seul but de faire prospérer une entreprise ? Dans quelle mesure faire prospérer une entreprise serait-il préjudiciable pour la population ? Dans quelle mesure faire vendre tel produit de consommation courante serait-il immoral ? Où se situe le délit si les propagandistes obtiennent l'assentiment discret d'une population ? Quelles sont les limites du code moral ? Justement, il n'y en a pas. le code moral, c'est la parole des conseillers en relations publiques contre celle des autres. Quelques règles déontologiques ont été dressées par le lobbying des lobbying, mais c'est davantage une façade de plus, à en juger par les méthodes recensées dans L'Industrie du mensonge de Stauber et Rampton qu'une loi contraignante.

[...] Bernays, fier d'être le neveu de Freud, se base sur la psychologie des foules pour influencer l'opinion. C'est par exemple en influençant les instances en lesquelles les peuples donnent leur confiance (les médecins pour le tabagisme des femmes) ou en créant des associations et des instances en apparence neutres qu'il atteint sa cible.

Curieusement, ce sont les éditions La Découverte, avec la collection (pardon, le « label ») Zones, qui se sont emparées de ce texte à la fois subversif et fondamental. Ces mêmes éditions ont gardé le fonds Maspero dont elles sont issues, mais dans un coin, dans une collection (oups, un label) séparée du catalogue La Découverte qui, lui, est bien moins subversif que celui de son prédécesseur. Les maquettes intérieures et extérieures de la collection (du label, décidément), pensées dans une volonté de faire correspondre la mise en page et l'esthétique à l'avant-gardisme des textes édités, sont d'ailleurs particulièrement moches ; le résultat est déplorable mais les textes sont intéressants ! Il existe un vide sidérant dans l'édition française des sciences humaines et politiques : comment ce texte, datant de 1928, n'a-t-il pas été publié avant 2007 ? Cette situation tient-elle de l'omerta, du présupposé désintérêt des lecteurs ou d'une corporation d'éditeurs frileux ? Les trois à la fois ? Même si l'édition indépendante s'attache à combler ce vide, notamment par le biais des traductions, des textes majeurs sont passés à la trappe en France.

Propaganda d'Edward bernays est saisissant de limpidité, même si quelques propos sont empreints de la langue de bois – en particulier lorsqu'il s'agit de légitimer l'existence de la propagande par un code déontologique. Toutefois, la structure du livre, divisée en courts chapitre, n'est pas très claire, et donne un ensemble décousu, mais à la limite qu'importe : on a bien compris les propos de Bernays.

À ceux qui refusent l'existence d'une élite organisée en vue de la conservation de leurs intérêts personnels, à ceux qui veulent croire que la théorie du complot est plus qu'une théorie, ce livre est fait pour eux ! Car quoi qu'on en dise, les mots ici jaillissent en toute transparence, même si Bernays se drappe parfois d'intentions louables et honnêtes ; les mots ici s'expriment au nom du gouvernement invisible qui n'a rien d'irréel.

Une question néanmoins subsiste : pourquoi Edward Bernays a-t-il publié ce livre ? Pourquoi diffuser cette “réalité”, au risque de faire soulever une rébellion ? Est-ce croire qu'il n'arrivera pas dans les mains “de la masse” qu'il qualifie volontiers d'un champ lexical péjoratif (« masse » ; « ménagères » ; « troupeau » ) ? Est-ce croire que, quand bien même il arrive dans nos mains, nous n'en ferions rien ?

[...] « En règle générale, cependant, toute propagande a ses partisans et ses détracteurs, aussi acharnés les uns que les autres à convaincre la majorité. »

Propagande, lobbying, think tank... Au fond, les organisations, quelle qu'en soit leur forme, luttent pour des intérêts qui leurs sont propres. La question est : à quelles instances accordons-nous une légitimité ? La réponse n'est pas unique, elle se décline différemment pour chacun d'entre nous. Comme le soulignent Stauber et Rampton, il n'y a pas de bon ou mauvais lobbying. Qu'en est-il alors ? Peut-être pourrions-nous commencer par discerner l'oeuvre des groupes de pression (quels arguments sont avancés ? par qui ? dans quels buts ?) ; et ensuite choisir quelles opérations de propagande on rejette, selon ses convictions propres (par le boycott ou la non-action/consommation), et celles auxquelles on adhère (en s'en faisant le porte-parole).

Lisez l'intégralité de la critique (avec citations) sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/propaganda-edward-bernays-a93067235
Lien : http://www.bibliolingus.fr/p..
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Relecture,

On commence la lecture par une introduction de 20 pages par Normand Baillargeon, écrite en 2007. Grosso modo, il positionne historiquement le contexte du livre et raconte partie de la vie de Bernays, en ce qui concerne le sujet du livre.

Sur le contenu... il faut, tout d'abord, tenir compte du fait qu'il a été écrit en 1928. Il n'y a rien d'étonnant, de nos jours, dans ce qui est dit dans le livre. Par ailleurs, même le sous titre "Comment manipuler l'opinion en démocratie" ne me semble pas adéquat. Actuellement, la manipulation par la propagande se fait de façon bien plus insidieuse. C'est le progrès. Bernays a posé les bases.

Pour bien comprendre ce livre, il faut se considérer dans le contexte de 1928 : la fin de la première grande guerre, les moyens de communication étaient surtout la radio, la presse écrite, le cinéma de l'époque, les images (photo) étaient surtout en noir et blanc, ... Et même la radio et le cinéma n'étaient pas accessibles à tout le monde. La photo de la couverture du livre me semble plus récente, ...

Ce livre marque un tournant dans la communication, puisque c'est à partir de cette époque, et pas juste ce livre de Edward Bernays, que l'on va essayer d'optimiser la communication entre les deux parties concernées par la publicité : le producteur et le consommateur. Il n'est pas dit, mais on comprend bien que le contenu et la forme de la publicité sont conçu non plus par ce que l'auteur veut transmettre mais par ce qui fera l'effet le plus fort sur la cible. Il est fort probable que du fait que Bernays était neveu de Freud ce dernier lui a fortement inspiré dans la mise en place de ce mécanisme.

Bernays répète souvent des mots tels : éthique, fidélité, réalité, vérité, honnêteté, ... Il est bien possible qu'à l'époque de l'écriture du livre c'était bien le cas mais, on sait, de nos jours, que certaines des interventions de Edward Bernays peuvent nous choquer d'un point de vue éthique.

Edward Bernays s'est inspiré aussi du livre "Psychologie des Foules" de Gustave le Bon, écrit en 1895 et dont le sujet est justement la manipulation de masses. Sigmund Freud a, lui aussi, écrit un livre sur le même sujet, avant la sortie du livre de Bernays : Psychologie des foules et analyse du moi. Il était au courant du contenu du livre de Gustave le Bon.

On sait aussi que Joseph Goebbels, ministre de la propagande du III Reich, a lu des livres de Edward Bernays.

Même si beaucoup de points sont d'actualité, ce livre a vieilli. La lecture reste valable au moins pour connaître l'origine des techniques de marketing actuelles.
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Un peu étonnée de certains avis qui jugent cet ouvrage daté ou basique. Pour moi, il reste plein d'enseignement. Au point que ce sera ma plus longue critique à ce jour!

Bien sûr, nous connaissons tous l'utilisation de la propagande dans la publicité. Si on analysait nos décisions d'achat, il y aurait sans doute moins de SUV dans nos villes. On sait bien que le choix d'une voiture n'est pas basé sur la raison, mais sur la psychologie, le rêve (ah, ces superbes carrosseries rutilantes dévorant des pistes immenses et des routes de montagne désertes...), ou encore, le désir d'épater le voisin.

Mais avons-nous toujours le réflexe de nous demander si les informations - qui nous submergent en permanence - sont choisies pour leur intérêt, ou pour nous influencer? de quand date la dernière pensée qui nous soit propre, qui ne soit pas la répétition (in)consciente d'une idée de quelqu'un d'autre?

C'est surtout le plan politique que ce livre est fort utile. D'abord parce qu'il pousse à s'interroger sur les fondements même du fonctionnement de notre société, sur l'impossibilité d'arriver à un consensus sur quasiment tous les sujets, et, au final, sur le fait que ce soit une toute petite caste auto-désignée qui oriente les décisions dans le sens qui lui convient le mieux. Tout simplement, parce qu'elle a les moyens financiers de faire de la propagande, c'est-à-dire au sens originel du terme, de propager des idées et des croyances. Qui la servent.

Bernays nous éclaire aussi sur le rôle de ce que l'on appelle les Relations Publiques. Qui ne sont pas seulement, comme on pourrait le penser, des communicants destinés à diffuser la parole de ceux qu'ils représentent. Non, pour lui, leur rôle va bien au-delà: la communication doit se faire dans les deux sens. Il est fondamental de "prendre la température", de faire remonter les idées et les désirs de la base. (Au passage, c'est ce qu'avait bien compris et appliqué l'équipe de campagne d'Obama, avec succès). Car le rôle de la masse est devenu incontournable: autrefois, les dirigeants faisaient ce qu'ils voulaient; de nos jours, ils ne peuvent plus aller contre une opinion défavorable. D'où le rôle fondamental de la propagande: préparer l'opinion à des idées.

Bien que Bernays ait écrit tout cela il y a près d'un siècle, ce qu'il nous dit sur l'incompréhension des politiques vis-à-vis des moyens de communication me semble toujours aussi vrai aujourd'hui: il n'est que de voir les piteuses tentatives de certains sur les réseaux sociaux...

Le rôle d'un homme d'Etat, nous dit Bernays en citant George-Bernard Shaw, est de formuler scientifiquement la volonté d'un peuple. Et Bernays de plaider pour des campagnes basées sur des programmes clairs et précis, des résultats concrets à atteindre. de quand date le dernier chez nous, des 101 propositions du candidat Miterrand? A quoi servent, fustige-t'il, ces shows à paillettes, ces discours grandiloquents, éclatants et bavards?

Bien sûr, certaines idées de Bernays nous seront étranges, repoussantes même. Il a parfois mis son talent au service de causes fort discutables. Et d'autres louables aussi, comme le dévoile Normand Baillargeon dans son excellente préface. le sujet n'est pas là: il est dans l'exposition simple des méthodes à utiliser pour promouvoir une idée. Rien que le petit chapitre consacré à la propagande au service de l'éducation mériterait une analyse à part. Celui sur l'art vaut aussi le détour: pour lui, les musées devraient décider de ce qui est beau. On peut en sourire, mais au vu du fonctionnement du marché de l'art, de la manière dont certains artistes deviennent des produits à la mode, le sourire devient rictus...

Au passage, et pour revenir sur le terrain de l'entreprise, Bernays explique un élément rarement mis en avant: si le public n'est pas monolithique dans ces opinions, les intérêts des marchands sont également en compétition. Tous se disputent le contenu du porte-monnaie du consommateur. Non seulement Panzani est en concurrence avec Barilla, mais il l'est aussi avec les producteurs de légumes. Ce point rarement évoqué (je l'ai entendu une seule fois dans la bouche d'un ancien patron du Medef) rend particulièrement complexe la mise au point d'un programme commun patronal. On peut s'en réjouir, mais aussi le déplorer, dans la mesure où ce qui reste de commun devient souvent simpliste, caricatural, ou pire, inefficace (exemple: le crédit d'impôt compétitivité).

Bref, un livre qui aide grandement à développer la pensée critique. A nous de nous demander lorsque nous recevons une info, d'où elle vient, et quels intérêts elle sert.
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Voici une lecture décoiffante par celui qui se revendique être le père de la propagande. Entendez la manière de persuader quelqu'un d'adopter un comportement précis comme s'il lui était propre.

Son plus haut fait d'arme a consisté à persuader la femme américaine, nous sommes dans les années 1920, que fumer n'était pas vulgaire. A double titre, neveu de Sigmund Freud, il a utilisé les enseignements de la psychanalyse à ses fins. Lors d'un meeting, plusieurs jolies femmes ont fumé en rue devant les photographes et la presse. Une mode était lancée.

Bien sûr, le discours est daté. On y parle de propagande par la presse et par la radio, la télévision reste naissante. La place de la femme ferait hurler tous les défenseurs de "Me too" ou autres mouvements du genre, puisqu'au mieux Edward Bernays reconnaît à le femme le droit de compléter son mari (et il est bienvenu qu'elle suive des cours de cuisine…). Un exemple utilisé est édifiant : un grand financier se sépare de son bras droit car il divorce. Ce dernier se défend, mais cela regarde ma vie privée. Vous apprécierez la réponse : "Si tu n'es pas capable de remettre ta femme à sa place, les gens ne vont sûrement pas croire que tu sauras placer leur argent " ! Si si, je vous le dis.

Et les nègres sont des négros, le traducteur assurant qu'il s'agit de manière très dépréciative de désigner les gens de couleur (sic), comme si on ne s'en serait pas douté.

Mais, il n'en reste pas moins que j'ai trouvé cette lecture salutaire. Je ne connaissais pas du tout ce bonhomme et de lire comment déjà en 1920, on entendait uniquement manipuler les foules pour orienter délibérément les opinions et la démocratie dans un certain sens, cela fait froid dans le dos de penser qu'aujourd'hui, un siècle plus tard, toutes ces techniques ont été encore davantage affinées. Aujourd'hui, c'est ouvertement que les influenceurs manipulent et gagnent de l'argent, ce faisant, puisqu'ils font vendre, et qui s'en émeut ? Au contraire, qui n'en suit pas au moins un sur les multiples réseaux sociaux ?
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Après la publication de Propaganda, Bernays réalisera un grand nombre d'autres campagnes, dont plusieurs restent légendaires – telles que l'organisation en 1929, pour General Electric, d'un anniversaire prenant prétexte de l'invention de la lampe à incandescence par Thomas Edison (1847-1931), événement que certains tiennent toujours pour un des plus spectaculaires exemples de propagande accomplis en temps de paix.
Mais on peut soutenir que le succès le plus retentissant de Bernays sera d'avoir amené les femmes américaines à fumer. Cet épisode, si éclairant sur sa manière de penser et de travailler, mérite d'être raconté en détail.
Nous sommes toujours en 1929 et, cette année-là, George Washington Hill (1884-1946), président de l'American Tobacco Co., décide de s'attaquer au tabou qui interdit à une femme de fumer en public, un tabou qui, théoriquement, faisait perdre à sa compagnie la moitié de ses profits. Hill embauche Bernays, qui, de son côté, consulte aussitôt le psychanalyste Abraham Arden Brill (1874-1948), une des premières personnes à exercer cette profession aux États-Unis. Brill explique à Bernays que la cigarette est un symbole phallique représentant le pouvoir sexuel du mâle : s'il était possible de lier la cigarette à une forme de contestation de ce pouvoir, assure Brill, alors les femmes, en possession de leurs propres pénis, fumeraient.
La ville de New York tient chaque année, à Pâques, une célèbre et très courue parade. Lors de celle de 1929, un groupe de jeunes femmes avait caché des cigarettes sous leurs vêtements et, à un signal donné, elles les sortirent et les allumèrent devant des journalistes et des photographes qui avaient été prévenus que des suffragettes allaient faire un coup d'éclat. Dans les jours qui suivirent, l'événement était dans tous les journaux et sur toutes les lèvres. Les jeunes femmes expliquèrent que ce qu'elles allumaient ainsi, c'était des « flambeaux de la liberté » (torches of freedom). On devine sans mal qui avait donné le signal de cet allumage collectif de cigarettes et qui avait inventé ce slogan ; comme on devine aussi qu'il s'était agi à chaque fois de la même personne et que c'est encore elle qui avait alerté les médias.
Le symbolisme ainsi créé rendait hautement probable que toute personne adhérant à la cause des suffragettes serait également, dans la controverse qui ne manquerait pas de s'ensuivre sur la question des droits des femmes de fumer en public, du côté de ceux et de celles qui le défendaient – cette position étant justement celle que les cigarettiers souhaitaient voir se répandre. Fumer étant devenu socialement acceptable pour les femmes, les ventes de cigarettes à cette nouvelle clientèle allaient exploser.
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La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays.
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Qui sont les hommes qui, sans que nous en ayons conscience, nous soufflent nos idées, nous disent qui admirer, et mépriser, ou ce qu’il faut penser de la propriété des services publics, des tarifs douaniers, du prix du caoutchouc, du plan Dawes, de l’immigration ? Qui nous indique comment aménager nos maisons et comment les meubler, quels menus doivent composer notre ordinaire et quel modèle de chemise il est de bon ton de porter ? Ou encore les sports que nous devrions pratiquer et les spectacles que nous devrions voir, les oeuvres de bienfaisance méritant d’être aidées, les tableaux dignes d’admiration, les argotismes à glisser dans la conversation, les blagues censées nous faire rire ?
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La propagande est de plus en plus utilisée en raison de son efficacité reconnue pour obtenir l’adhésion du grand public. Cela indique à l’évidence qu’à partir du moment où quelqu’un, n’importe qui, a suffisamment d’influence, il peut entraîner à sa suite toute une partie de la population, du moins pour un temps et dans un but précis. Autrefois, ceux qui gouvernaient étaient des guides, des meneurs. Ils orientaient le cours de l’histoire en faisant simplement ce qu’ils avaient envie de faire. Les successeurs actuels de ces dirigeants (ceux qui exercent le pouvoir en vertu de leur position ou de leurs aptitudes) ne peuvent plus faire ce qu’ils veulent sans l’assentiment des masses, et ils ont trouvé dans la propagande un outil de plus en plus fiable pour obtenir cet accord. La propagande a par conséquent un bel avenir devant elle.
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Il est crucial de rappeler combien ce qui est proposé ici contredit l'idéal démocratique moderne, celui que les Lumières nous ont légué, de rappeler à quel point Bernays, comme l'industrie qu'il a façonnée, doit faire preuve d'une étonnante aptitude à la duplicité mentale pour simultanément proclamer son souci de la vérité et de la libre discussion et accepter que la vérité sera énoncée par un client au début d'une campagne, laquelle devra mettre tout en oeuvre - y compris, s'il le faut absolument, la vérité elle-même - pour susciter une adhésion à une thèse ou des comportement chez des gens dont on a postulé par avance qu'ils sont incapables de comprendre réellement ce qui est en jeu et auxquels on ne sent donc en droit de servir ce que Platon appelait de "pieux mensonges".

Normand Baillargeon, Préface
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