Dans ce recueil de poèmes,
Anne Guerber s'attache à décrire la nature qui l'entoure, avec un foisonnement de sensations tactiles, visuelles, auditives,...
Sa langue est luxuriante, emplie de mots relatifs à la faune et la flore, dans une versification libre qui paraît couler de source.
La réalité n'est pas ici qu'un décor, mais une énigme où tout est signe à déchiffrer. Il faut alors accorder les vibrations de la nature avec les pulsations de son coeur et de son âme. Pour décrire cette symbiose,
Anne Guerber est sans cesse à la recherche du mot juste, et elle y parvient.
On retrouve à plusieurs reprises le thème du temps qui passe et s'enfuit, la fugacité et le caractère éphémère des choses. Il y a également nécessité de se lancer au delà des apparences et d'aller chercher la beauté là où elle se trouve, car la beauté se mérite.
"Peut-être faudra-t-il partir
Emmener ce mille-feuilles blafard
Derrière la vitre emmener
Cette ligne d'interrogation
Contre le bord supérieur de la fenêtre..."
La poétesse fait preuve d'une grande sensibilité et se laisse aller à ses penchants mélancoliques. La poésie d'
Anne Guerber est à la fois nostalgique et quelque peu désespérée, avec ça et là une touche d'humour, comme dans le beau et court poème "Petite annonce du coeur" :
"Urgent
Coeur pendu à la gouttière
Cherche escabeau
Pour éviter la poussière
Et pouvoir se mettre au chaud"
Les poèmes sont généralement amples et ne sont pas avares en descriptions, ils sont impressionistes, brossés à touches légères et délicates comme des paysages de Monet.
On y trouve une quête existentielle, dans la tentation de fuir le monde et retrouver le temps béni de l'enfance, ainsi que des interrogations métaphysiques au fil des soubresauts de l'âme.
"Le plongeon que nul ne saurait
Retenir mais qui est tout
Entrer sans trouble dans la présence
Dans la respiration du ciel
Dans l'absence elle-même spectre
Sentimental d'un présent ancien
Devenir ce sable qui s'enfuit et
Rêver à la main abandonnée"
On entre au fil de la lecture dans l'âme et la pensée de la poétesse, on se laisser porter par son flux de conscience.
Tout est là, comme offert, mais peut-être que la vérité est ailleurs. La tentation de la fuite est toujours là. Pour paraphraser
Pessoa, on pourrait dire que la poésie est la preuve que la vie ne suffit pas.
"Oui peut-être faudra-t-il partir"
Signalons que la mise en page est très recherchée et que la forme
des poèmes s'adapte parfaitement au contenu.
Ce recueil est très beau et à découvrir absolument.